Quelle justice possible après le maelström Sarkozy ?

Nicolas Sarkozy a été incarcéré à la prison de la Santé le 21 octobre, à l’isolement pour sa sauvegarde, dans un quartier spécial. Ses avocats ont interjeté appel de cette privation de liberté et la chambre des appels correctionnels devra statuer dans un délai maximal de deux mois.

J’espère que l’ancien président de la République sera libéré le plus vite possible car je n’ai pas éprouvé la moindre « joie mauvaise » devant cet enfermement. Au contraire, cette exécution provisoire inutile a complètement détourné l’attention de ce que la décision elle-même avait de pertinent et de solidement argumenté. Après que ce jugement a été frappé d’appel par le Parquet national financier et la défense, c’est uniquement la polémique sur l’emprisonnement qui a occupé le débat public, éclipsant toute discussion de fond.

Mon impression initiale, face à ceux qui contestent une décision en disant qu’elle n’aurait pas été aussi sévère envers des délinquants ordinaires, demeure : je crois qu’ils se trompent profondément. Ce n’est pas en comparant les puissants aux délinquants ordinaires, aux voyous qu’il faut juger ce type de condamnation.
Au contraire, il est normal que les personnes qui ont du pouvoir ou des privilèges soient punies plus sévèrement lorsqu’elles sont coupables, car elles ont moins d’excuses sociales et moins de circonstances atténuantes à faire valoir que les autres.

C’est en raison de cette conviction que je crains le pire, demain, sur le plan judiciaire, avec ce que j’ai nommé « le maelström Sarkozy ». Je suis à peu près persuadé que dans les prochains mois, les prévenus ou les accusés se serviront de ce bouleversement et de cette stupéfiante disparité dans l’équité pour en faire, grâce à leurs avocats, au moins une part de leur argumentation.

En effet, on constate que tout ce qui se déroule depuis le jugement du 25 septembre dépasse l’entendement, la critique judiciaire légitime et la mesure démocratique. Même une fois admis le caractère heureusement exceptionnel de la grave mise en cause d’un ancien président de la République, qui n’en était pas à son coup d’essai…

En effet, l’expression paroxystique de cette incroyable inégalité judiciaire, politique et médiatique, au bénéfice exclusif de Nicolas Sarkozy, va probablement s’enkyster dans la tête des citoyens comme un malaise démocratique insurmontable et, pour les transgresseurs à venir, être exploitée telle une indécente opportunité.

Je n’ai pas fait le compte de tout ce qui a été dit et écrit sur la condamnation de NS par ses soutiens, sur un mode totalement décalé et périphérique, sans le moindre lien avec le problème de justice essentiel. Pour ma part, et nous sommes nombreux à éprouver ce sentiment, je n’ai jamais douté du courage de NS à Neuilly-sur-Seine, de son amour de la France, du fait qu’en certaines circonstances il a été un grand président, de l’affection de ses enfants pour lui, de l’amour et de l’admiration de son épouse à son égard, de sa personnalité hors du commun, pour le meilleur comme pour le pire. Mais ce ne sont pas les données prioritaires qui vont mobiliser demain la cour d’appel. Est-il coupable ou non des quatre infractions que le Parquet national financier lui a reprochées et dont trois sur quatre ont été écartées par les premiers juges ?

Le pire auquel je fais allusion n’est pas mince, car il se rapporte à un passé judiciaire conséquent.

On peut considérer que la différence absolue de traitement ayant favorisé NS, sur divers points, est normale ou au contraire choquante sur le plan judiciaire comme dans le registre républicain. Faut-il admirer la constance dans l’amitié de Gérald Darmanin, qui lui rendra visite, et dont on peut admettre qu’en sa qualité de garde des Sceaux il soit attentif aux exigences de sécurité pour ce haut personnage détenu ?

En revanche, je ne parviens pas à comprendre la bienveillance du président le recevant durant une heure et prenant la précaution de nous affirmer, comme si on allait le croire, que le fond du dossier n’avait pas été abordé… À quel titre donner une telle prime d’honorabilité à quelqu’un qui, coupable ou non coupable, aurait dû inspirer plutôt une forme de distance en cette période ? Ou faut-il admettre cette perversion française qui ne peut se défaire du respect pour les importants même s’ils ont failli ?

La manifestation de solidarité à l’initiative des enfants, le 21 octobre, a été inspirée par le coeur et qui pourrait la discuter ? Aux côtés des nombreux policiers et journalistes , une centaine de vrais fidèles…

Nous n’avons pas eu à proprement parler une justice de classe mais nous avons retrouvé une justice politique comme on croyait l’avoir perdue : traiter les politiques soupçonnés ou condamnés comme si la justice ne comptait pas mais que l’inégalité était tout.

La morale médiatique a été inexistante qui jamais n’a cherché à restaurer, dans ces outrances et ces apologies, un équilibre, une équité démocratique.

Après ce maelström, demain on entendra, j’en suis sûr, d’étranges plaidoiries provocatrices devant toutes les juridictions.

Article précédent

Entretien avec Marc Menant

Article suivant

Encore un effort pour tout détruire ...

Voir les Commentaires (66)
  1. Cher Philippe Bilger,

    J’ai suivi avec attention vos interventions sur CNews et j’ai lu les commentaires laissés par vos lecteurs. Sur le procès, beaucoup de choses ont été dites. Je pense que l’analyse de Nicolas Baverez dans Le Figaro est excellente. Elle a d’ailleurs été reprise par le frère de l’ancien président qui, avec justesse, a affirmé que Nicolas Sarkozy avait été condamné sur une hypothèse au carré.
    Un point cependant n’a été relevé par personne, me semble-t-il. C’est le caractère liberticide de l’incrimination d’association de malfaiteurs selon l’interprétation que les juges ont faite de cette loi. Datant du code napoléonien, elle a été supprimée en 1983 sous le gouvernement Mauroy, le garde des Sceaux étant Robert Badinter. Elle a été rétablie en 1986 sous le gouvernement Chirac après une série d’attentats islamistes. Dans l’esprit du législateur, il s’agissait de prévenir un crime qui allait, de façon quasi certaine, se produire. Les forces de l’ordre pouvaient ainsi anticiper et limiter les risques pour la population.

    Le cas de Nicolas Sarkozy est très différent. Les juges ont condamné des personnes qui, selon eux, avaient envisagé de commettre une action illégale mais qui, au final, y avaient renoncé. Avec cette interprétation il est évident qu’il est possible de condamner à peu près n’importe qui ayant des responsabilités. C’est réellement un pouvoir dictatorial que se sont ainsi arrogé les juges.
    C’est d’ailleurs la deuxième fois que Nicolas Sarkozy est condamné pour un délit qu’il aurait envisagé de faire mais qu’il n’a pas commis : le pacte de corruption de l’affaire Bismuth. Il m’apparaît clairement que nous ne sommes plus en démocratie mais dans un pays où les juges nous démontrent qu’ils ont le pouvoir d’embastiller qui ils souhaitent. Ces procès doivent aussi être lus comme un avertissement à la classe politique.

  2. Patrice Charoulet

    Quand nous avons eu le choix entre Mme Royal et M. Sarkozy, au second tour, j’ai choisi M. Sarkozy. Sa présidence m’a beaucoup plu.
    Le procès dans lequel il vient d’être condamné a été préparé pendant dix ans par une centaine de magistrats. Le tribunal était collégial. Le jugement, fort long et que j’ai lu avec soin, met au jour des centaines de faits inconnus de la plupart des Français. Tous les gens qui s’indignent et qui critiquent, une fois de plus, la magistrature, me désolent.
    Hélas, hélas, hélas, il n’y a pas que les avocats de M. Sarkozy qui ont fait appel. Le parquet a fait appel aussi. Pourquoi ? Parce qu’il trouve le jugement trop… clément ! On le souligne peu, mais le second jugement sera peut-être plus sévère que le premier.
    Quand j’admirais Sarkozy, j’ignorais tout. La tente du dictateur de Tripoli installée à Paris m’avait intrigué. J’ai toujours manqué d’imagination. Le premier jugement de ce procès me permet d’y voir un peu plus clair.

    1. Jean sans terre

      Considérez, Monsieur, qu’une flétrissure au moins autant accablante écherra au président actuel à la fin de son mandat. Imaginez qu’il entreprendra tout ce qui est en son pouvoir pour se l’épargner, quelles qu’en soient les conséquences et sans aucun souci de responsabilité.

      Jugez que si à brève échéance, entre deux maux il convient de choisir le moindre, à plus longue échéance, à force de ne se résoudre qu’à de mauvaises solutions, irrémédiablement partout le mal se répand. C’est une ruse habile du diable que de contraindre chacun malgré soi à consentir en toute circonstance à participer au mal.

      Lorsque l’on vous oblige à choisir entre deux maux, demeurez circonspect et tentez de trouver une troisième voie qui ne fasse aucune concession à la méchanceté.

  3. Et si tout ce tintamarre médiatique n’était qu’une stratégie du petit Nicolas pour se faire réélire président de la République ? Il avait pourtant assuré qu’il avait pris sa retraite, après tant de bons et loyaux services. Les Français ont souvent la vue basse et la mémoire courte lorsqu’ils sont invités à voter.

  4. @ Achille
    « Je pense que les choses n’en resteront pas là et que le retour de manivelle sera violent envers les juges qui ont pris cette décision.
    Peut-être pas tout de suite, car le dossier est encore chaud. Mais l’Histoire sait attendre… »

    Je suis d’accord.
    Tenez bon, Nicolas Sarkozy.

  5. Je ne suis pas juriste aussi n’ai-je pas bien compris pourquoi le tribunal a décidé d’incarcérer Nicolas Sarkozy sur de simples présomptions d’association de malfaiteurs, sans aucune preuve physique au dossier.
    On lui a retiré sa Légion d’honneur, ce qui constitue déjà une terrible humiliation.
    Le jeter en prison comme un simple délinquant, alors qu’il ne présente aucun danger pour la société et que les conditions de son incarcération l’exposent à un réel danger, ainsi qu’on a pu le constater, est parfaitement inepte.
    Il suffisait qu’il conserve son bracelet électronique et qu’il soit assigné à résidence.
    Je pense que les choses n’en resteront pas là et que le retour de manivelle sera violent envers les juges qui ont pris cette décision.
    Peut-être pas tout de suite, car le dossier est encore chaud. Mais l’Histoire sait attendre…

    1. Je ne suis pas juriste non plus, mais si j’écoute certains magistrats, c’est tout à fait légal : la fuite possible ou le trouble à l’ordre public ne sont pas opposables à son incarcération.
      Mais, en matière de jugement, les surprises, dans certains dossiers, ne manquent jamais de surprendre.
      Dans tous les cas, tout est attaquable — avec des résultats parfois aléatoires.
      Cela fait couler beaucoup d’encre, occupe le paysage médiatique un temps… et la suite au prochain numéro.

  6. Après ce pataquès fait autour de M. Sarkozy à propos de ses malversations, il est surprenant que personne, oui, personne, n’ait posé la question principale concernant la guerre étrange qu’il a menée par caprice et sans motif sérieux contre la Libye, un pays souverain qui ne menaçait alors en rien les intérêts supérieurs de la France, d’autant plus que l’affaire de l’attentat contre le DC-10 d’UTA était oubliée et effacée par la visite en grande pompe à Paris du président Kadhafi.

    Cherchait-il un prétexte quelconque pour jouer au « chef de guerre », comme de leur côté MM. Hollande et Macron le feront aussi avec futilité pour se rendre intéressants sans pour autant avoir rien compris aux pays également souverains dont ils ont causé ou favorisé l’agression, à savoir pêle-mêle la Libye, la Serbie, la Syrie, la Russie et tutti quanti, qui ont pour point commun justement de n’avoir pas agressé notre pays.

    Alors, à quoi rimaient tous ces comportements déplacés de la part d’un pays qui se prétend grand et s’autorise à donner des leçons à la Terre entière et qui devrait normalement concourir à l’émergence de la paix dans le monde ?
    Qui sont les vrais responsables, de premier plan ou subalternes, à l’origine de toutes ces décisions aux relents de bellicisme mal placé aussi lamentables qu’aberrantes ?

    Se pourrait-il que la République puisse rendre idiot à ce point ?
    Bien entendu, nous nous garderons de répondre par l’affirmative à cette vaste question légitime, qui exigerait à elle seule de longs développements.

  7. Celle-là, je ne voulais pas la laisser passer :
    « Guillaume Kasbarian : “Les retraités sont capables de consentir des efforts.” »
    https://www.dailymotion.com/video/x9skhpw

    Eh bien non ! Commencez par passer l’aspirateur devant votre porte. Quand je lis la fiche n° 7 sur la situation matérielle du député, je reste sur les fesses :

    https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/synthese/deputes-groupes-parlementaires/la-situation-materielle-du-depute

    Ils se battent tous comme des chiens pour y être. C’est beau, l’idéologie, mais la gamelle est importante ! Et si l’on regardait de plus près ce que l’on peut rationner sans leur faire une cicatrice, ce ne serait pas mal non plus.

    Et qu’ils ne viennent pas me dire qu’ils sont mal traités et que l’herbe est plus verte ailleurs : ils nous ont plombé le pays de 3 500 milliards d’euros de dette ! Alors qu’ils nous lâchent un peu. S’ils étaient à la hauteur, ils n’auraient pas besoin de sortir ce type d’argument de misère.

    Le retraité, lui, a payé ce qu’il fallait. Ce sont tous ces politiciens qui ont dépensé plus qu’il ne fallait — souvent par clientélisme, par soif d’être réélus et de vivre une vie de mandats bien au chaud.

    Savez-vous ce qu’ils vous disent, les retraités ?…

    Louis de Raguenel : « On ne sait pas pourquoi Nicolas Sarkozy est en prison »

    Encore un ! Il lui suffit pourtant de lire le jugement : Nicolas a le droit de faire appel, et la prison est explicitée dans les 380 pages du verdict.
    Et lui, on se demande pourquoi il avance une telle ânerie ! Il me semble que nous sommes dans un pays où le droit fait loi.
    Il devrait même être satisfait qu’il soit en prison : ailleurs, il aurait pu sauter d’un balcon ou être expédié aux galères.
    Oui, nous sommes dans un pays où la justice est indépendante et non sujette au sens du vent. Il doit penser que les manches à air donnent le sens de la démocratie et de la liberté.

    1. @ Giuseppe
      « Il me semble que nous sommes dans un pays où le droit fait loi. »

      Aïe ! No comment.

      « Oui, nous sommes dans un pays où la justice est indépendante »

      Re-aïe, re-no comment.

      Allons, soyons bon prince, c’est bientôt Noël et ses contes de fées au coin du feu, vous y croyez vraiment à ces fables ?

      Dommage tout était clair net et précis, hélas un petit dérapage a tout gâché ; suite à une chute depuis votre palombière ?

    2. « Le retraité, lui, a payé ce qu’il fallait. Ce sont tous ces politiciens qui ont dépensé plus qu’il ne fallait — souvent par clientélisme, par soif d’être réélus et de vivre une vie de mandats bien au chaud. »

      N’oubliez surtout pas non plus que tous ces politiciens qui jouent les carpettes (y compris devant un certain pays étranger) se sont aplatis aussi devant le chantage à caractère terroriste exercé par les corporatistes syndicaux depuis des dizaines d’années, jusqu’à ce que nous nous trouvions face au mur de la dette publique.

      Mais les jeunes gens actuels qui dénigrent sans savoir de quoi ils parlent les « boomers » n’ont pas l’air de se rendre compte qu’ils se comportent exactement comme leurs aînés quand ils exigent comme eux des « zavantages zaquis » irréalistes.

  8. Il est normal que Sarko soit protégé par deux policiers, tout comme les juges « rouges » qui ont réussi à abattre la bête : certains prisonniers voudraient bien, à leur tour, tenter l’exploit de lui faire la peau.
    Le personnel pénitentiaire est gangrené par quelques matons corrompus, complices de certains prisonniers : livraisons illicites de drogues, smartphones, etc.
    Des matons sont menacés et font l’objet de chantages de la part des criminels — « on sait où tu habites, on connaît ta famille » — tandis que d’autres matons, volontaires, participent aux trafics narco. La prison est devenue une déchèterie des pires saloperies et des pourritures irrécupérables de la société.
    La protestation du personnel pénitentiaire est facile à comprendre : leurs petits trafics illicites, tombant sous le coup de la loi, risquent d’être dévoilés au grand jour.

    Bref, tout ce cinéma aura réussi à grandir Sarko : il reviendra toujours plus fort et populaire et pourra alors remercier les juges rouges qui, à leur tour, seront jetés comme du linge sale dans les poubelles de l’histoire.

  9. Interpellé ce matin, en écoutant Europe 1, par les propos pour le moins imbéciles de Pascal Praud, invoquant encore l’histoire de la collaboration et l’allégeance obligatoire demandée aux juges envers le régime de Vichy, je voulais vous apporter mon soutien.
    Ces propos sont ridicules de la part de quelqu’un qui n’a jamais eu à sauver sa peau.

    M. Praud se montre particulièrement zélé à défendre les médiocres Nicolas Sarkozy et Rachida Dati. Il faut dire qu’il a énormément de considération pour Bernard Tapie — c’est dire son mauvais goût.
    Il ne vous laisse jamais exprimer correctement vos arguments et interprète systématiquement de travers vos points de vue, les seuls éclairés concernant cette affaire sur CNews, devenue la chaîne de soutien officielle à Nicolas Sarkozy.

    Je remercie vivement cette chaîne d’information d’avoir permis à certaines idées de s’exprimer à nouveau, mais je reste très réservé sur certains de ses journalistes-animateurs, notamment Praud et Morandini, qui ne savent pas mener un débat.
    Mais Pascal Praud pense très certainement que le succès est seul juge.

  10. La coupe est pleine ! Sarko par-ci… Sarko par-là… Sarko innocent… Sarko menacé… Sarko victime… Sarko lit… Sarko dort… On a même entendu : « Sarko président en 2032 »… Le « roman Sarko », c’est « l’histoire d’un mec » – comme disait C., dont je ne cite jamais le nom tant je considère qu’en les moquant sans vergogne, il est l’un des pires responsables du désamour des Français pour leurs élus –, c’est donc « l’histoire d’un mec » qui, ayant voulu écraser des « petits pois », s’est aperçu, ces dernières années, qu’ils étaient plus coriaces que prévu, au point que, depuis deux jours, par un jugement sans concession de 380 pages, ils ont réussi à lui faire avaler les méchantes lentilles que la prison sert à ses détenus.

    Oui, qu’on le veuille ou non, N. S., matricule encore secret, est un détenu. Un détenu tout à fait ordinaire puisque ses juges ont bien pris garde de rester dans leur ligne de nage, en condamnant le prévenu lambda qui, simple candidat à la présidence, s’est permis quelques écarts avec la loi, et non – au risque certain de l’incompétence – le ministre de l’Intérieur qu’il était à l’époque des faits gravissimes pour lesquels il était poursuivi devant eux.
    Un détenu tout à fait ordinaire, condamné au titre de l’article 450-1 du Code pénal, qui réprime l’association de malfaiteurs. Un détenu, comme des centaines, voire des milliers d’autres, qui, eux aussi, ont été jugés coupables du même délit. Comme à eux, la justice lui doit le respect de la dignité humaine et une totale sécurité dans son lieu d’enfermement.

    Un détenu tout à fait ordinaire qui, par ailleurs, a maille à partir avec la justice dans d’autres affaires – jugées, en cours ou en instance de procès –, mais qui possède aussi le statut particulier d’avoir été président de la République. Ce qui, dans la vie de tous les jours, lui vaut des égards multiples, une protection policière à vie, des menaces avérées et l’attention constante des médias. D’autant plus que N. S., de toute évidence, bien que sans aucun mandat, poursuit sa carrière politique en qualité de « parrain »… pardon, de conseiller.

    Le cas de N. S. est unique, inédit et extrêmement délicat, le détenu étant honni par les uns, adulé par les autres. Les quelques semaines qui se sont écoulées entre le jugement et l’incarcération n’ont rien arrangé, les deux camps se radicalisant chaque jour un peu plus. En se montrant courtois, voire bienveillant, en lui décernant un mandat de dépôt différé, le tribunal correctionnel de Paris lui a offert – sans le vouloir – un temps de parole qu’il a mis à profit, non pas pour tenter de démontrer qu’il était victime d’une erreur judiciaire, mais pour entreprendre de disqualifier la cour, plus précisément ses juges professionnels, qui, aujourd’hui, sont probablement sous protection policière. Dès sa sortie de la salle d’audience, il a sonné la charge…

    Revenons à l’actualité. Détenu ordinaire, mais ex-président… Comment régler au mieux ce casse-tête ? Il n’y a pas de solution parfaite. Mais, à mon humble avis, en défiant l’autorité judiciaire, le pouvoir exécutif a agrandi le dangereux fossé qui sépare désormais ces deux institutions.
    Qu’un député ou sénateur ami se rende à la Santé pour rendre visite à N. S., soit. Il n’y a pas à s’en offusquer. Ces visites de prison font partie des missions des parlementaires. Mais il n’en est pas de même quand, quelques heures avant son incarcération, le président de la République reçoit un condamné pour lui dire son respect et son soutien. Il est vrai qu’avec Macron, dès qu’un acte « disruptif » est à sa portée, il le commet…

    Que, sous prétexte d’assurer sa protection 24 h/24, deux officiers de sécurité relevant directement de la DGPN veillent sur le détenu N. S. est un affront à la Pénitentiaire, voire un signe de méfiance inadmissible. Et pourquoi pas le RAID et le GIGN réunis, pendant qu’on y est ? De plus, dès la première nuit – ponctuée d’injures et de menaces de mort à l’adresse du nouveau venu, postées sur les réseaux sociaux –, la manœuvre a démontré son inefficacité. Elle a même tourné au fiasco pour le garde des Sceaux quand, du bout des lèvres, interrogé sur CNews, celui-ci a dû avouer que la prison de la Santé n’avait pas encore fait l’objet d’une recherche systématique des smartphones détenus par les prisonniers…

    Reste justement le cas Darmanin et sa visite annoncée urbi et orbi à son « ami »… Là, on dépasse l’entendement ! Qu’il s’enquière quotidiennement de la situation de N. S. n’aurait rien d’illégitime, à condition toutefois que cela se fasse dans le même silence médiatique que pour les autres dossiers de détenus qu’il suit. Mais qu’il aille à la Santé jouer les contremaîtres demandant à son client s’il est satisfait de ses prestations relève des us et coutumes des républiques bananières !
    À moins que… à moins que Darmanin, qui a promis à Lecornu de taire publiquement ses ambitions présidentielles, ait vu là le moyen de poursuivre en catimini son plan de conquête de l’Élysée. Quoi de mieux, pour récupérer les électeurs LR nostalgiques des années Sarko, que d’aller le visiter et, naturellement, le faire savoir ?

    C’est à coup sûr un même stratagème qu’il faut voir dans l’annonce qu’il a faite, hier soir sur CNews, de son projet de loi « Sécurité ». Un projet que les électeurs du RN applaudiront des deux mains, tant il est musclé. Il est tout de même curieux qu’un ministre – fût-il renommé et puissant – déballe tout seul, et sur un seul média, de surcroît controversé par une partie de l’opinion publique, un texte qui, au mieux, sera présenté en décembre au Conseil des ministres… et qui, en réalité, n’a qu’une chance infime d’être à l’ordre du jour du Parlement début 2026. Quant à son adoption… mieux vaut ne pas rêver.

    Et l’ambitieux, pour mieux camoufler sa désobéissance au Premier ministre, d’achever son propos en déclarant, la main sur le cœur, que plus jamais il ne sera membre d’un parti… C’est aussi très exactement ce que, dans son esprit, la Constitution de la Ve République préconise : un président au-dessus des partis… Allez, Gérald, sors du bois, tu es repéré !

    1. Vous trouverez toujours des cinglés qui voudront s’en prendre aux magistrats, et spécialement aux juges, quand le verdict rendu à l’issue du procès ne leur convient pas. Bien sûr que les juges menacés sont protégés, heureusement d’ailleurs, et non seulement dès la sortie du tribunal mais jusqu’à leur domicile et bien au-delà. Eva Joly, ancienne magistrate instructrice, en sait quelque chose, tout comme les juges célèbres, aujourd’hui à la retraite, témoignent des mêmes mésaventures et menaces qu’ils ont connues durant leur activité.

      Quant à Pascal Praud il faut qu’il se calme un peu.

    2. Il y a plus sévère que Nicolas : en parlant de ses juges politisés de la Cour suprême des États-Unis, c’est Donald Trump. Et il y va fort :
      « Il ressemble à un ange, mais au fond, c’est un diable »,
      « Je vais les éduquer, ces petits juges »,
      « Communistes, des fous ou des corrompus »,
      « Des monstres ! Ces juges veulent que notre pays aille en enfer »,
      « On vit sous une tyrannie judiciaire »…

      Depuis son deuxième mandat, il a réussi à limoger ceux qui lui résistaient (les démocrates anti-Trump) et à nommer les siens (les républicains pro-Trump). Au final, en juillet 2025, il a remporté la bataille contre les juges qu’il avait si gentiment qualifiés de nuls lui voulant du mal dans ses quatre affaires judiciaires.

      Donald sait comment ça marche, et surtout ce qui se dit à l’intérieur des murs. Sa sœur défunte était juge fédérale : dans la famille, il n’y a pas de secrets qui tiennent.

      Alors, comparé aux petits pois, cela ne mérite pas qu’on en fasse tout un fromage depuis quatorze ans.

  11. Michel Deluré

    Ce maelström est surtout une excellente opportunité, comme s’il était nécessaire d’en rajouter dans cette séquence déjà si fortement perturbée que traverse le pays depuis plus d’un an, de renforcer ce sentiment de désintéressement, de rejet, que peuvent éprouver les citoyens à l’égard à la fois de la politique et de la justice.

    De cet épisode, ce sont en fait les institutions présidentielle et judiciaire qui en sortent toutes deux affaiblies, ce dont l’une comme l’autre n’avait nul besoin. Les deux se sont montrées dans l’incapacité de rester à la hauteur des devoirs que leur imposait leur charge et aucune des deux n’en sortira indemne.

    Nous ne sommes cependant pas encore au bout de ce triste feuilleton et, après la mémorable mise en scène de l’incarcération, attendons-nous dans les prochains épisodes à de nouveaux rebondissements.

    1. « La mémorable mise en scène de l’incarcération »… Eh bien non ! L’incarcération proprement dite n’a fait l’objet d’aucune mise en scène et n’a même pas été filmée. Hormis sur quelques sites malfaisants, qui ont posté des photos, non datées, de Sarko visitant une prison – un enfant de trois ans détecterait la supercherie -, on ne trouve sur les réseaux sociaux qu’une courte vidéo montrant un véhicule aux vitres très teintées franchissant l’entrée principale de la prison de la Santé et quelques dizaines de CRS se déplaçant sans arrêt pour perturber le travail des cameramen.
      Ce qui est mémorable, c’est la mise en scène du « rassemblement », villa Montmorency, annoncé et orchestré par les fils de Nicolas Sarkozy pour faire de son départ vers « la taule » un événement susceptible de créer une empathie envers leur père. Tous les acteurs ont été à la hauteur de leur rôle respectif…
      On attend maintenant le prochain épisode : le retour au bercail… Reste une inconnue : la date du tournage.

  12. Pour commencer, Nicolas n’est plus président.
    C’est insulter la fonction pénitentiaire et ses serviteurs que d’adjoindre deux porte-flingues. Que l’on assure sa sécurité en un lieu désigné pour cela, comme Balkany, Botton, Tapie et d’autres, oui, pourquoi pas. Mais au-delà, ce n’est pas du tout normal.

    Il est un repris de justice, certes spécial, mais pas plus que ceux qui l’ont précédé. Pour le plus célèbre — Balkany, dans les plus récents —, cela s’est déroulé normalement. Je comprends l’humiliation des services pénitentiaires : ils se sentent décrédibilisés alors que, contre vents et marées, ils assument dans des conditions extrêmes leurs missions multiples.

    Sarkozy est le seul à bénéficier de la présence permanente de ses propres officiers de sécurité.
    Les autres personnalités (Balkany, Tapie, Botton) ont connu des conditions certes surveillées, mais sans dispositif extérieur à l’administration pénitentiaire.

    Ce qui choque certains syndicats de surveillants, c’est que cela envoie le message que les gardiens ne seraient pas dignes de confiance, alors qu’ils assurent la sécurité de milliers de détenus dangereux au quotidien.
    On tombe dans une justice d’exception, et c’est intolérable : Sarkozy n’est plus rien ; en France on en revient toujours à ces balivernes et il faut sans cesse justifier des mesures extraordinaires pour un condamné ordinaire — un repris de justice sanctionné normalement. La fonction pénitentiaire ne mérite pas cette défiance, alors qu’ils étaient encensés quand on a eu besoin de leur engagement comme jamais en période de Covid.

    Sarkozy n’est plus rien ; certains médias, pour exister, nous feraient avaler qu’il compte encore — tu parles ! Pécresse et son score anorexique, et LR jamais autant à la ramasse, à la rue. Et dire que le Dodu s’en tire encore, c’est incroyable. Mongénéral n’a pas eu le temps de réviser tout cela : il était au bout du rouleau. C’est dommage ; le Sénat est de trop — pas besoin de ces simagrées d’allers-retours avec l’Assemblée… Il faut voir ces repus, comme si 577 députés ne pouvaient pas assumer les missions essentielles du pays.

    Qui va avoir le courage de changer cette monarchie républicaine en un système qui réussit plutôt bien chez nos voisins allemands ?
    Le Sénat, dans ses formes, est une anomalie : il est à dégager. Il faut créer ce que souhaitait le Général Motor, pour l’efficience telle que la relevait Carlos Tavares, qui sait de quoi il parlait.

    Affaire des emplois fictifs : François Fillon débouté par la Cour européenne des droits de l’homme.
    Un pilleur de troncs de plus : il a les moyens de faire durer le plaisir, alors il utilise tous les chemins possibles ; ils voudraient tant passer pour des honnêtes hommes respectables… Aucune honte ne les étouffe : bien sûr il sera soutenu, bien sûr il est innocent, bien sûr il est honnête. Il a un pedigree bien étoffé, ce type qui prétendait au poste suprême — un voleur ordinaire qui se paye une respectabilité en allant jusqu’à la CEDH. Cela pose un homme d’aller devant cette juridiction, mais il faut du pognon : le voleur de bicyclette n’ira pas, lui, s’acheter une espèce de respectabilité, à force de recours et d’« innocence » criée sur tous les tons… Et si les médias faisaient enfin leur boulot et crachaient un peu à la figure de ce justiciable, qui serait bien parti travailler du côté de chez le Cinglé ? C’est à vomir.

    1. « Les autres personnalités (Balkany, Tapie, Botton) ont connu des conditions certes surveillées, mais sans dispositif extérieur à l’administration pénitentiaire. »

      Je ne vois pas en quoi le service pénitentiaire serait humilié par le fait d’avoir une aide complémentaire pour le soulager dans des tâches très difficiles, où il semble être insuffisant pour sécuriser toute cette surpopulation carcérale. Il devrait plutôt être content d’avoir de l’aide.

      Les personnes que vous décrivez ont été condamnées pour des raisons financières — détournements et vols — sans avoir été menacées de mort par les détenus, tandis que Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, est inculpé pour des raisons hautement politiques et d’une gravité exceptionnelle, selon les juges. Supposons que certains détenus déterminés passent à l’acte criminel : la France et les juges seraient alors mis sur le banc des accusés pour n’avoir pas pris les dispositions nécessaires afin d’assurer pleinement toutes les mesures de sécurité.

      Il y a trop d’exemples où l’État n’a pas su ni voulu prévoir le pire, et le pire est arrivé, comme avec le fourgon de police attaqué alors qu’il transportait un narcotrafiquant de sa cellule au tribunal judiciaire, provoquant une fusillade au péage qui a laissé plusieurs policiers tués et d’autres blessés.

      1. Votre raisonnement confond deux choses : la sécurité pénitentiaire et le statut d’un détenu. Le service pénitentiaire n’a pas vocation à être « soulagé » par des gardes du corps privés ou par des policiers affectés à un détenu particulier. Sa mission est précisément d’assurer la sécurité de tous, sans distinction de rang social ni de passé politique. Dire qu’il devrait être « content d’avoir de l’aide » revient à admettre implicitement qu’il est incompétent — ce qui est insultant pour des agents qui gèrent chaque jour des profils autrement plus dangereux que Nicolas Sarkozy.

        Ensuite, invoquer la « gravité exceptionnelle » des faits reprochés à un ancien président pour justifier un traitement sécuritaire d’exception est un contresens. La gravité des charges ne doit pas conduire à plus de privilèges, mais à plus de rigueur judiciaire. Sinon, on bascule dans une justice à deux vitesses : l’une pour les puissants, l’autre pour les anonymes.

        Enfin, l’argument du « pire qui pourrait arriver » est un sophisme classique : on ne gouverne pas par la peur de scénarios hypothétiques. Si l’on suivait cette logique, chaque détenu devrait bénéficier d’un dispositif spécial, car chacun peut être la cible d’un règlement de comptes. La sécurité doit être collective, institutionnelle et impartiale, non taillée sur mesure pour un seul homme.

        Je ne vais pas tenter de vous convaincre, mais Nicolas Sarkozy est un délinquant comme un autre, à ceci près qu’il est un ancien président — ce qui ne lui confère en aucune façon le droit d’être davantage protégé. Tout cela relève du cirque médiatique. Bien sûr, cela lui fera sans doute un peu de « compagnie » pour le sport et d’autres activités ; il se sentira moins seul et supportera peut-être avec plus de souplesse une détention qui ne doit pas être une sinécure. Dura lex, sed lex, comme disent les cuistres. Il n’a pas besoin de tout ce cinéma : je reste persuadé qu’il aurait été suffisamment protégé par des professionnels qui en ont vu d’autres.

        Je vois qu’il a des groupies — c’est ainsi : contre vents et marées, il existera toujours des personnes pour soutenir leur champion. Je n’ai rien contre lui, mais je fais confiance au jugement : c’est ainsi que la démocratie est encore en état de marche. Sinon, comme chez le Cinglé, ce serait la loi du plus fort et de l’argent. Je m’y refuserai toujours.

        « La confiance n’a plus de prix lorsqu’on la partage avec des hommes corrompus. » (Saint-Just)

        1. C’est plutôt à l’Uclat* que vous devriez adresser vos doléances !
          Allez, un peu de courage ! Chiche !

          *L’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), chargée d’évaluer les risques pesant sur certaines personnalités, a estimé que la sécurité de Nicolas Sarkozy exigeait que deux gardes du corps continuent de le protéger au sein même de la détention.

        2. Axelle D vous a donné une réponse très juste. Le terrorisme est toujours actif, et les islamistes radicalisés n’attendent qu’une faille pour s’y engouffrer.
          Non, Nicolas Sarkozy, mondialement connu et ancien chef de l’État français, n’est pas un prisonnier comme les autres. Je parle ici des criminels emprisonnés qui ont tué, violé des innocents et qui restent toujours dangereux.
          Soyez aimable de ne pas tout mélanger. C’est simple à comprendre, non ?

  13. Cher Philippe Bilger,

    Des portables en prison ? Voilà des années que dure ce scandale incompréhensible pour les Français. Quand va-t-on enfin en tirer les conséquences qui s’imposent : toute visite, même celle des avocats, doit se faire à travers une vitre et un téléphone. Donc aucun contact physique possible entre les prisonniers et le monde extérieur. Si objet interdit il y a tout de même, ce sera donc obligatoirement par le biais du personnel pénitentiaire.

    Et qu’on doive protéger un prisonnier pourtant soumis à l’isolement en dit long sur l’insécurité qui règne en prison. Il est grand temps de donner un sérieux tour de vis dans cette chienlit.

  14. « Ou faut-il admettre cette perversion française qui ne peut se défaire du respect pour les importants même s’ils ont failli ? »

    Et j’aurais envie d’ajouter, se défaire d’un certain goût pour les personnalités flirtant avec les interdits : « Qu’ils viennent me chercher » avait dit EM pour défendre son protégé Benalla.

  15. La querelle du « maelström » oppose deux camps dotés de solides arguments. Sans même effleurer le fond du dossier, examinons la procédure.

    D’un côté, la justice, qui a prononcé une décision. Elle est dans son rôle : elle assume sa fonction constitutionnelle. Elle a pris les choses très au sérieux : dix ans d’enquête, de recherches menées par les juristes les plus compétents, et un arrêt rendu.

    En face, le président Sarkozy, qui n’a commis aucun des trois délits à l’origine des poursuites et s’étonne qu’on sorte du chapeau l’association de malfaiteurs, appuyée sur l’intime conviction des magistrats. Il a fait appel et est donc présumé innocent.

    Hic jacet lepus. En dépit de cette innocence, qui devait suspendre toute mesure d’exécution, le président couche en prison, ce qui est ineffaçable. Deux forces irréfragables s’opposent. Qui est responsable ?

    À mon sens, aucun des deux camps n’est responsable, sinon le corps social tout entier : cette collision aurait dû être prévue, le législateur étant lui aussi à incriminer. Cela ne pouvait pas marcher. Il faut, pour l’avenir, éviter ce type de blocage. Gouverner, c’est prévoir.

    1. Oui, mais alors lorsque d’autres condamnés à des peines de même durée — cinq ans, ce n’est pas rien — demanderont que le même traitement leur soit accordé, que pourront faire les juges pour protéger la société ?

      1. Débat à n’en plus finir : quel risque pour la société ? infinitésimal. Mais ce n’est pas le problème. Le problème est l’existence dans notre droit d’une possibilité de conflit entre deux principes inattaquables. Un nœud qui subsiste aujourd’hui sans émouvoir personne.

  16. « Ou faut-il admettre cette perversion française qui ne peut se défaire du respect pour les importants même s’ils ont failli ? » (PB)

    Vous ne pourrez jamais retirer l’affection que certains portent à Nicolas Sarkozy — fût-ce un président de la République ou un garde des Sceaux. La fidélité se mesure aussi dans la constance et la fidélité. On n’abandonne pas un blessé, quoi qu’il ait failli. En politique, il y a des fidèles mais aussi des lâches et des traîtres. Chacun voit midi à sa porte.

  17. Cher Philippe Bilger,

    Des détenus en garde à vue : c’est Ubu Roi à la Santé.

    Sarkozy a bien fait d’emporter Le Comte de Monte-Cristo. Son évasion suite aux menaces de mort dont il est l’objet en sera grandement facilitée.

    Maelström assuré pour la justice.

    1. « Des détenus de prison gardés à vue »

      C’est vrai qu’elle est étrange cette formule, pour des détenus qui ont menacé de mort le nouveau colocataire, Nicolas Sarkozy. C’est avant qu’il aurait fallu les garder à vue, et de près, avant qu’ils ne disposent de leurs smartphones. Encore des loupés ?

      1. @ Solon le 23 octobre 2025

        Merci de votre réponse à ma question. Ma culture juridique insuffisante ne me permet pas de comprendre d’emblée quels sont les deux principes auxquels vous faites allusion.

        S’agissant du risque social que vous qualifiez d’« infinitésimal », il faudrait tout de même que le législateur veille à encadrer l’exécution provisoire, si jamais elle devait être à nouveau débattue au Parlement.

        Cependant, les citoyens en viennent à se demander s’il est encore possible de faire de la politique sans corrompre, trahir, écraser les gens et les principes. Quelle chance les politiques honnêtes, soucieux du bien public, ont-ils de survivre dans ces marécages d’ambitions et d’avidité ? Comment pourrons-nous, nous, citoyens lambda, continuer d’accepter d’obéir à des règles censées maintenir la paix sociale si elles ne s’appliquent pas également à tout le monde ?

        J’ai perdu deux procès, et pourtant je défendrai toujours la justice de mon pays, même si j’ai pu avoir des reproches à lui adresser, car je suis trop conscient de l’importance de ce pilier pour notre démocratie. Que les puissants fassent de même et ne viennent pas pleurer lorsqu’ils prennent des risques en trichant avec les règles.

        J’ai retenu que les services secrets français étaient opposés au rapprochement de nos « loustics » avec le régime libyen. Pourquoi ces gens-là ont-ils ignoré leurs avertissements ? Et maintenant, il faudrait pleurer sur leur triste sort ? Il faut assumer ses actes. Certains accordent à l’ancien président le mérite d’être courageux. Chiche !

    2. Je doute que le modus operandi de l’évasion de Monte-Cristo puisse inspirer NS pour se faire la belle…
      Le plus cocasse dans cette affaire de protection policière, c’est que les deux malheureux flics en charge de cette tâche ingrate vont devoir, eux aussi, dormir en prison !

      1. « …..c’est que les deux malheureux flics en charge de cette tâche ingrate vont devoir, eux aussi, dormir en prison ! »

        Ils auront une chambre identique à celle de leur protégé. C’est plus sympa qu’un hôtel Formule 1.
        Il paraît que plusieurs candidats policiers se sont spontanément proposés pour être hébergés à côté de la cellule de Nicolas Sarkozy.

        Là, au moins, ils seront épargnés : plus besoin d’affronter les loubards et les casseurs dans les rues pendant les manifestations, ni de recevoir des jets d’objets dangereux.

        Je crois que ces deux policiers auront droit à une prime spéciale. Être en compagnie de leur ancien chef du ministère de l’Intérieur, le premier flic de France, c’est pour eux un honneur. Ils pourront jouer aux cartes et se faire un Scrabble pour passer le temps.

  18. « Quelle justice possible…? »

    Mais toute forme de justice est envisageable dorénavant. Et ce n’est qu’un début.

  19. Ça ne me choque nullement que deux policiers armés soient détachés à la Santé pour assurer la sécurité de Nicolas Sarkozy 24 h sur 24, se relayant chacun leur tour.
    On ne peut pas jurer que tous les bâtiments administratifs sont sûrs à 100 %.

    Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, fort de son expérience à la Préfecture de police, se souvient du drame criminel survenu le 3 octobre 2019 dans l’enceinte même de la Préfecture, lorsqu’un de ses agents administratifs, radicalisé islamiste et ayant eu en plus un accès total à l’informatique ultraconfidentielle, a tué quatre de ses collègues policiers et une femme avec un couteau de cuisine, à l’heure du déjeuner. À cette époque, le préfet était Didier Lallement.

    Dans ce monde de fous, on n’est jamais trop prudent.

    PS : C’est inadmissible, insupportable.
    J’apprends dans la presse que certains détenus continuent de posséder des smartphones à la prison de la Santé et s’en servent pour diffuser des vidéos contenant des menaces de mort contre Nicolas Sarkozy, le jour de son entrée, le 21 octobre, alors que Sarkozy n’a pas le droit d’en avoir sur lui.
    C’est quoi, cette pagaille ? Pourquoi ces détenus ne sont-ils pas fouillés avant de regagner leurs cellules, après les parloirs et après leurs promenades ?

    1. Robert Marchenoir

      Mohamed Sifaoui explique :

      « Certains, par méconnaissance ou par naïveté, s’interrogent quant à la présence de deux officiers de sécurité de Nicolas Sarkozy à ses côtés en prison. La chose qui n’est pas dite et qui mérite débat c’est qu’il n’est pas possible de faire confiance à tous les agents de l’administration pénitentiaire.  »

      « Il est évident que beaucoup d’agents sont honnêtes, professionnels et républicains mais il existe des profils qui fraternisent tantôt avec des islamistes tantôt avec des délinquants. Avant de lancer des cris d’orfraie il faut s’interroger par exemple sur les complicités qui permettent à des détenus parfois dangereux de disposer de smartphones, de drogue et j’en passe alors qu’ils sont condamnés à de lourdes peines. […] »

      « Si l’ancien président de la République est accompagné de ses gardes du corps en prison c’est parce qu’une évaluation a été faite par les services spécialisés et qu’elle a conclu qu’il avait besoin de cette protection. […] »

      1. Je suis entièrement d’accord avec vous. Merci pour cet éclaircissement.
        Ceux qui gardent un bandeau sur les yeux et crient au scandale contre le renforcement de la sécurité devraient se demander s’ils sont prêts à prendre leur place dans une prison qui abrite les plus dangereux individus de la société. »

        1. hameau dans les nuages

          Alors qu’il suffirait de l’équiper d’un Kärcher ?
          Non, sérieusement ! Dans la rue, même en plein jour, vu la délinquance qui explose, ce sont toutes les personnes fragiles ou en situation de handicap qu’il faudrait faire accompagner de deux policiers, alors ?

          Je vous rappelle que le simple port d’une bombe lacrymogène, sans motif légitime (sachant que cela ne devient légitime qu’après avoir été agressé), par n’importe quel quidam, peut être l’objet d’une condamnation à un an de prison.

          Monsieur Sarkozy découvre la vraie vie, celle du quotidien des quartiers « difficiles », due à une immigration qu’il a facilitée, comme tant d’autres. Je ne vais pas pleurer.

        2. Michelle D-LEROY

          On s’approche progressivement de ce qui se passe régulièrement en Amérique latine.

      2. Hameau dans les nuages, vous racontez n’importe quoi, comme souvent :

        À l’inverse de ce que vous affirmez de façon péremptoire, Sarkozy a toujours prôné une immigration choisie et non subie. Pour mémoire :
        – « donner la priorité aux travailleurs dans les « métiers en tension ». Mais aussi à ceux parmi les plus qualifiés, c’est-à-dire les chercheurs et les universitaires. »
        – « choix assumé en 2005 par le tout nouveau ministre de l’Intérieur : « Nous allons choisir ceux qui ont vocation à s’installer en France plutôt que de le subir. » »

        Par ailleurs, connaissez-vous l’identité et l’origine des trois détenus qui ont proféré des menaces de mort à l’égard de l’ancien président ? Et en outre pu filmer depuis leur cellule avec un smartphone (fourni par qui ?) et avec quelle complicité, compte tenu de la configuration des lieux (visiteur, avocat, surveillant ?) ?

  20. Ce que les gens ne comprennent pas, c’est pourquoi on a emprisonné Nicolas Sarkozy avant le deuxième procès en appel. Les juges avaient-ils peur qu’il se fasse la malle, comme Carlos Ghosn ? C’est là que réside tout le problème.

    Un monsieur, style BCBG, très courtois, tiré à quatre épingles et fervent soutien de l’ex-président Sarkozy, a déclaré au micro, le 21 octobre : « On devrait passer l’éponge et annuler sa condamnation. »
    Je doute qu’en appel cela puisse se faire.

    Ça ne me choque nullement que deux policiers armés soient détachés à la Santé pour assurer la sécurité de Nicolas Sarkozy 24 h sur 24, se relayant chacun leur tour.
    On ne peut pas jurer que tous les bâtiments administratifs sont sûrs à 100 %.

    Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, fort de son expérience à la Préfecture de police, se souvient du drame criminel survenu le 3 octobre 2019 dans l’enceinte même de la Préfecture, lorsqu’un de ses agents administratifs, radicalisé islamiste et ayant eu en plus un accès total à l’informatique ultraconfidentielle, a tué quatre de ses collègues policiers et une femme avec un couteau de cuisine, à l’heure du déjeuner. À cette époque, le préfet était Didier Lallement.

    Dans ce monde de fous, on n’est jamais trop prudent.

  21. Michelle D-LEROY

    Tout d’abord, l’opinion des Français vis-à-vis des juges est très dégradée, elle les suspecte de laxisme et d’inégalité de traitements lorsque régulièrement des grands voyous, des black blocs casseurs, sont remis en liberté à peine passés devant un juge.
    Ou encore, en voyant de dangereux individus jugés un peu vite ou un peu facilement psychiquement dérangés et donc non jugés. De quoi favoriser les doutes sur ces juges rouge du Syndicat de la magistrature.

    En ce qui concerne l’affaire Sarkozy, les Français sont, chaque jour, médusés par la déliquescence de leur pays, chaque jour un fait divers grave, une humiliation de notre pays aux yeux du monde, une nouvelle affaire vient démontrer l’impuissance et la faillite de l’État. Le vol des joyaux historiques en plein jour au Louvre en fait partie. La prison pour un ancien chef d’État sans certitude absolue de sa faute, aussi.

    Tandis qu’en 2017 on nous a décrié François Fillon qui avait eu l’indécence d’accepter deux costumes payés par un faux ami, aujourd’hui le Conseil d’État classe purement et simplement les factures de grands couturiers de la ville de Paris. Sans respect pour les contribuables.

    C’est donc dans un contexte de suspicion vis-à-vis de la justice, de colère et d’agacement en voyant nos élus dépenser sans compter et sans vergogne l’argent des contribuables pour des causes souvent sujettes à caution et en voyant le Président actuel tombé de son piédestal, et pour cause, que l’incarcération de Nicolas Sarkozy a eu lieu.
    Pas étonnant que les Français s’intéressent à leur ancien Président qui, lui au moins, donnait l’impression d’aimer la France, de comprendre les problèmes, etc. Ils considèrent aussi que cette affaire a été montée en épingle par un journal trotskiste agissant comme un tribunal soviétique, tous ceux qui sont coupables d’idées opposées aux leurs sont coupables d’emblée, sans jugement.
    Tout le bénéfice de cette défiance va à NS.

  22. « Tout ce qui a été dit et écrit sur la condamnation de NS … »

    Commencer plutôt par s’interroger sur les tonnes de diffamations, d’accusations sans preuve, de bile et de haine recuite qui n’ont cessé d’être déversées à pleins jets sur Nicolas Sarkozy, tant par les médias que par les réseaux sociaux — y compris sur ce blog, où il serait (au passage) très instructif d’éplucher les archives depuis 2007, si l’on y avait encore accès.
    Sachant que la condamnation de Sarkozy, alimentée par les pires ragots, ne date pas d’hier et a commencé dès son avènement à la présidence, le seul tort de ce dernier étant de n’avoir jamais cédé, renoncé ni fait profil bas devant les Fouquier-Tinville de tout poil qui voulaient à tout prix voir sa tête au bout d’une pique !

    Et aujourd’hui que les « petits pois » et leur cohorte de vengeurs et de revanchards aigris tiennent enfin leur vengeance (mais à quel prix pour notre pays, dont ils se fichent comme d’une guigne !), ils en viennent en outre à s’indigner que les plus proches de cet homme lui gardent fidélité et lui témoignent affection et réconfort. Pas loin de trouver, parmi sa famille si digne, de nouveaux boucs émissaires !

    Or, pour se convaincre que le petit peuple n’est pas dupe de la duplicité d’une certaine justice, il suffisait d’observer le visage fermé — et, pour certains, interloqué ou sidéré — des CRS et autres policiers devant la villa Montmorency. Voir ainsi leur ancien patron traité comme un criminel, c’était dur à avaler pour eux !
    Des hommes qui, chaque jour, sont confrontés à d’authentiques voyous, lesquels, à peine arrêtés après moult efforts (sans compter les risques), sont relâchés par ces mêmes juges, bien à l’abri des coups et se prétendant débordés, mais qui, en réalité, préfèrent passer des dizaines de milliers d’heures, peinards, sur le seul cas Sarkozy pour cause de lèse-petit pois — ce qui leur permet de se faire mousser aux frais du contribuable ! Vous pensez : se faire un ancien président de la République, quel pied ! Et basta ! Circulez, y’a rien à voir !

  23. Je rejoins les commentaires de Tipaza et de caroff. Je n’ai guère apprécié l’action de monsieur Sarkozy, ni comme ministre de l’Intérieur, ni comme président de la République. Sa manière d’agir et de s’exprimer ne seyait pas, à mon sens, à ce que l’on doit attendre d’un président de la République française représentant l’ensemble des Français et non ses seuls électeurs.

    Pour ce qui concerne son jugement, je me suis fait les mêmes réflexions que les deux commentateurs précités, ainsi que Nicolas Baverez et d’autres.
    Certes, le tribunal a bien pris la précaution d’écrire qu’il ne prenait en considération que les seuls faits extérieurs au mandat présidentiel de l’accusé. Compte tenu des motivations développées, il semble précisément que les magistrats ont intégré à leurs analyses des éléments de la politique libyenne de monsieur Sarkozy, sans bien entendu pouvoir en faire état.

    Par ailleurs, la fixation à cinq ans de la durée de la peine était un préalable au choix de l’exécution provisoire, afin que le passage par la prison soit impératif avant que le condamné en première instance puisse interjeter appel. De fait, l’exécution provisoire infligée à madame Le Pen, avec une peine inférieure, n’a pas entraîné un passage ignominieux par la « case Santé ».
    En outre, le point commun entre ces deux condamnés reste qu’ils n’ont jamais accepté de reconnaître leur culpabilité dans les accusations formulées contre eux, ce qui, manifestement, a emporté le choix de la dureté de la peine retenue par le tribunal.

    D’évidence encore, l’attitude de monsieur Sarkozy, habitué au battage médiatique, ne pouvait que comporter la publicité que ses proches ont donnée à son départ pour la prison — ce dont les magistrats auraient dû avoir conscience.
    À cela s’ajoute la volonté du garde des Sceaux de rendre visite au « prestigieux » prisonnier. En effet, au-delà des liens personnels qu’il a entretenus avec monsieur Sarkozy, cette visite semblait devoir s’imposer, sans qu’il en soit fait état publiquement dans les médias. D’autant plus que les détenus de ce quartier de la prison de la Santé avaient, d’entrée, menacé le prisonnier entrant.
    Cette décision de monsieur Darmanin a entraîné une réaction publique du procureur général près la Cour de cassation, monsieur Rémy Heitz. La question se pose ainsi de savoir s’il lui appartenait d’adresser des remontrances à son ministre de tutelle… Car comment nommer autrement les craintes qu’il a manifestées ?

    Au bilan, l’image de la fonction de président de la République, comme celle de la magistrature, sort bien écornée de cette séquence. Et, compte tenu de la situation actuelle du pouvoir exécutif comme législatif, c’est bien l’autorité de l’État qui continue de se dégrader à la vitesse de la lumière !

  24. Xavier NEBOUT

    De même que l’honnêteté ne se partage pas, le caractère totalement injustifié de l’exécution provisoire discrédite les magistrats qui l’ont prononcée, et par conséquent l’ensemble de leur décision.
    En outre, il faut être plus que seulement gauchiste hargneux — complètement frapadingue — pour ne pas considérer que, la réputation du pays étant en cause, il valait mieux prendre le risque de la clémence que celui de l’excès inverse.

    Quant à la magistrature en général : les rouges qui cassent l’investissement locatif en traînant les pieds pour expulser les squatteurs et les locataires qui ne paient pas leur loyer, ceux des chambres sociales qui découragent l’emploi en condamnant abusivement les employeurs, ceux qui ridiculisent la police en relâchant les voyous, etc., etc. — les Français moyens en ont ras le bol.
    Les initiés ajoutent que la promotion comme seule manière de sanctionner les mauvais juges, l’esprit de corps, l’omniprésence souterraine des franc-maçonneries… ils en ont encore plus ras le bol.

    À cela, il faut ajouter, au civil, le cinéma consistant pour l’État à ne jamais dédommager les victimes de décisions réformées ou cassées, et à ne jamais non plus condamner les avocats à rendre leurs honoraires.
    Et le tout, en robe de prêtre !

    Alors, cette justice, moi, comme bien d’autres, vous savez ce que je lui dis ?

  25. Cher Philippe Bilger,

    Pour commencer, un détail qui me révulse : vous évoquez, tel un élu de gauche bien-pensante, l’excuse sociale qui devrait être mise en exergue pour expliquer un délit. Non, non et non, il n’y a aucune excuse sociale à mettre en avant ! Comme beaucoup, j’ai été élevé dans une grande pauvreté, mais il ne me serait jamais venu à l’esprit de commettre le moindre délit. Chaque adulte est pleinement responsable de ses actes, et il n’y a aucune excuse sociale à invoquer, surtout dans un pays où l’on ne meurt pas de faim.

    Sur le jugement proprement dit, ce n’est pas au président de l’Institut de la Parole que je dirai que la forme en dit plus long que le fond.

    Nous avons d’abord eu droit à un supplice chinois d’un sadisme absolu, où les juges ont fait mine, sur les trois chefs d’inculpation majeurs, de faire montre d’une bienveillance quasi coupable à l’endroit du prévenu, en rejetant systématiquement toutes les accusations non accompagnées de preuves irréfutables. S’étant ainsi acheté une conduite irréprochable, ils ont pu s’en donner à cœur joie sur la fin et abandonner toute rigueur pour jongler à loisir avec les suppositions et les conditionnels.

    Deux éléments sur la forme auraient dû vous faire bondir au plafond :

    Le document de départ étant considéré comme faux, toute la procédure aurait dû être frappée de nullité. Cela n’a pas été le cas, et cela n’a pas semblé vous émouvoir.

    Se baser sur les dénégations farouches de Guéant et Hortefeux concernant la connaissance, par Sarkozy, de leur voyage en Libye, pour en conclure que le même Sarkozy ne pouvait donc pas ignorer la raison de leur voyage dépasse l’entendement. Nous sommes ici chez Kafka. Pas sûr que les juges staliniens des fameux procès de Moscou aient osé envisager un argument aussi abracadabrantesque pour confondre un opposant politique !
    Là encore, une affirmation qui devrait frapper de nullité tout le jugement.
    Et là encore, un scandale qui vous laisse de marbre.

    J’ajoute un avant-dernier point qui m’a mis mal à l’aise et dont je vous ai parlé sur le blog : vous avez, le jour même de l’incarcération, affirmé que la plupart des présents à la manifestation de soutien du matin étaient des policiers et des journalistes. Même si cela est avéré, voilà une maladresse (petitesse ?) qui en dit long sur votre rapport irrationnel à N. Sarkozy.

    Enfin, vous terminiez une note précédente en réclamant au plus vite un appel. Si le jugement est, comme vous l’affirmez, parfaitement fondé, en quoi l’appel va-t-il changer quoi que ce soit ? On a ici du mal à vous suivre dans les méandres de votre pensée.

    D’ailleurs, ne soyons pas naïfs. Tout comme pour Marine Le Pen, les juges d’appel vont non seulement confirmer, mais encore aggraver le jugement premier. Ils n’ont pas seulement le choix : en rejugeant un homme envoyé en prison, on voit mal les juges d’appel déjuger leurs petits camarades et fragiliser encore davantage l’institution judiciaire. Solidarité avant tout.

    D’ailleurs, les Français, décervelés par une presse quotidienne de gauche, n’y trouveront rien à redire…

    Derrière toute cette histoire, il y a l’essentiel : ces juges se sont investis d’une mission quasi sacrificielle : faire le bien de l’humanité en empêchant les forces « réactionnaires », rétrogrades et conservatrices de prendre le pouvoir. Ils se veulent les fers de lance du nouvel ordre moral. En condamnant lourdement Sarkozy, ils envoient un message clair à l’ensemble de la classe politique : vous avez été assez idiots pour nous donner le pouvoir, alors le pouvoir, désormais, c’est nous.
    Et pour la droite, ce sera NO PASARAN ! Tout le reste n’est que de l’enfumage.

    En cela, ils ne font que suivre leurs petits camarades progressistes du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État.

  26. Olivier Seutet

    Je pense que l’article de Nicolas Baverez dans Le Figaro analyse remarquablement les anomalies dans la décision du tribunal prononcée à l’encontre de Nicolas Sarkozy. En particulier, est clairement pointé le non-respect de la séparation des pouvoirs entre ce qui relève de la justice et ce qui relève de l’exécutif.
    Je constate que Rémy Heitz, procureur général à la Cour de cassation, rajoute une pelletée à cet enterrement de la séparation des pouvoirs : il ose s’indigner d’une visite du garde des Sceaux à un incarcéré. C’est de la même nature que les indignations de la présidente du tribunal parce qu’un ministre de l’Intérieur va rencontrer un terroriste ou un trafiquant d’armes. Va-t-il, lui aussi, trouver qu’il s’agit d’un délit d’association de malfaiteurs !?

    Que ne se révolte-t-il pas contre les dérapages de tous ces procès transformés en scènes de théâtre : d’une cour d’assises où un fils de onze ans témoigne contre son père, et une mère contre son fils qu’elle avait abandonné !
    Que ne tire-t-il pas les leçons de la décision de la cour d’appel de Paris, en début d’année, ayant relaxé Nicolas Bazire, ancien collaborateur de Balladur, soupçonné d’avoir organisé un système de rétrocommissions dans l’affaire Karachi, vieille de trente ans !
    Que n’a-t-il pas en tête le respect du principe hiérarchique et le minimum de courtoisie qu’il doit au représentant de celui qui le nomme et lui donne des consignes générales !
    Il préfère jouer la partition populiste de ceux qui crachent sur les puissants maltraités : la manifestation d’une liberté qu’il ne devrait pratiquer que depuis le parquet, et non derrière les micros des médias.

  27. « Est-ce qu’on est vraiment en train de parler des livres que va lire Nicolas Sarkozy en prison ? Alors qu’il a été condamné pour association de malfaiteurs, pour avoir négocié un pacte corruptif avec un terroriste qui a du sang sur les mains français sur les mains ? » (Fabrice Arfi)

    Eh bien, c’est de cela qu’on parle dans les médias : ses bouquins, sa sécurité, la rougeole du petit dernier… Tout sauf ce qu’un pays démocratique devrait mettre en valeur. Je ne vais pas développer : la liste est tellement longue pour défendre notre démocratie et nos valeurs qu’une bibliothèque n’y suffirait pas.

    Au passage, le pays devrait aussi remercier son collègue Laurent Mauduit, qui a fait rendre au pays les 403 millions d’euros dont Bernard Tapie comptait bénéficier par un arbitrage véreux ; c’était, si je me souviens bien, sous Nicolas Sarkozy.

    Nos médias sont de véritables gazelles : au moindre claquement de mains, c’est la fuite tous azimuts. Heureusement, quelques rares journalistes ont le courage, envers et contre tout, d’aller au bout.

  28. 09h37… Cet instant du jour est désormais maudit – ou historique. C’est pile à cette minute, dimanche 20 octobre, que l’alarme a sonné au ministère de l’Intérieur, signalant le fric-frac de l’Histoire de France commis par quatre « déménageurs », venus d’où nul ne sait (pour l’instant)… C’est aussi pile à cette minute, le mardi 21 octobre, que « les portes du pénitencier » se sont ouvertes pour accueillir (avec respect) un délinquant (présumé innocent) qui, lui, selon ses juges, avait monté une équipée pour dévaliser le Trésor libyen afin de financer son projet le plus cher (dans les deux sens du terme) : s’emparer de l’Elysée.

    Deux secousses telluriques d’une puissance rare, qui ont provoqué des répliques médiatiques tout aussi forcenées… la seconde étant accompagnée de surcroît d’un raz-de-marée de joies et d’injures mélangées sur les réseaux sociaux. Pour l’heure, oublions ceux-ci, qui ont coutume de se comporter en caisse de résonnance des pires commentateurs de l’actualité.

    Les médias… Le Louvre ? Ils ne savent rien de l’enquête, mais en font des tonnes. Une chaîne info est même allée jusqu’à inviter sur son plateau un ex-monte-en-l’air, cinéaste de son état aujourd’hui, qui, grand sourire, s’est vanté tranquillement de ses « exploits » passés, dont l’un, selon ses dires, ressemblait au casse de dimanche.

    Dans ma jeunesse, on m’avait appris que la déontologie journalistique interdisait d’offrir de la visibilité aux malfrats. Mais c’était voici bien longtemps… Aujourd’hui, ils paradent à la télé. Sans le moindre froncement de sourcils du présentateur, l’individu en question a même pu se permettre de dire que, s’il connaissait l’identité de ses imitateurs, il ne les balancerait pas, « code d’honneur » du voyou oblige…

    Sarko ? Là, on a atteint le sommet ! Dithyrambiques, éplorées, adorateurs dans un camp, les commentaires sont calomnieux, satiriques, venimeux dans l’autre. En fait, dans les deux camps, ils sont tout simplement lamentables. CNews – Praud en particulier – et Libé sont à mettre dans le même sac. Celui où l’on doit enfermer l’a priori, la mauvaise foi, la volonté de nuire, bref tout ce qui tente de tromper le public, de le rallier à sa cause sans démontrer la pertinence de celle-ci.

    Inutile de lire les 380 pages du jugement. Inspiré par le PNF, il ne peut être que biaisé. Inutile d’écouter un ancien magistrat. Il ne peut, par corporatisme, que défendre ses confrères. Un second procès ? Inutile. Il aboutira aux mêmes conclusions. Par ses dénégations, Sarko a signé son forfait. Son incarcération ? Normal ! C’est un délinquant !

    Tel est le niveau de l’argumentaire, dans un camp comme dans l’autre.

    Et fi de la présomption d’innocence, des douze ans d’enquête, des quatre semaines d’audiences, de la mesure et du sens critique !
    Seule, la question de l’exécution provisoire semble permettre de faire un petit peu bouger les lignes et de rassembler un tantinet les camps adverses, voire ennemis. Il est vrai que, d’un côté comme de l’autre, quelques chefs à plumes en font les frais ou risquent d’être concernés… Du coup, que 86 % des jugements au pénal comportent cette punition complémentaire n’est pas une information à prendre en compte, ni par les pro-Sarko, ni par les anti-Sarko.

    Lamentable, vous dis-je. Lamentable. Dans ce combat fratricide, mais surtout pitoyable, trop de médias ne valent pas mieux que les réseaux sociaux. Ils n’informent plus, ils commentent, ils occultent un fait, insistent sur un autre, ls forcent le trait, en atténuent un autre…

    Bref, comme le disait Patrick Le Lay, ancien patron de TF1, à propos de la publicité, ce qu’ils vendent, ce n’est plus de l’actualité. C’est du temps de cerveau de leur public au camp qu’ils défendent.

    Le lecteur, le téléspectateur, l’auditeur ne sont pas des moutons que l’on met en troupeau. Beaucoup ne sont pas prêts à tout avaler sans réfléchir. À force d’être gavés, ils iront voir ailleurs, ou se désintéresseront de la res publica, au risque d’affaiblir la démocratie. Au risque qu’un « chef », pas nécessairement un autre de Gaulle, s’empare de la souveraineté du peuple et décide que la liberté d’expression se résume à la lecture de sa « Pravda ».

    Au risque enfin qu’il mette la justice à sa botte, lui ôtant toute autorité, toute indépendance. Tout pouvoir d’enquêter et de dire « sa » vérité.

  29. Quel tapage autour de ces quelques jours en prison !
    Non, le détenu Sarkozy n’est pas un détenu comme les autres : combien parmi eux retrouveront-ils dès leur sortie les 700 000 euros annuels payés par nos impôts pour contribuer au financement de ses prochaines activités d’ancien président de la République, dont certaines rapportent bien plus que je ne sais combien d’années de demi-SMIC, par exemple d’une mère assumant seule l’éducation de ses enfants, mère surveillée continuellement par les services sociaux du fait de l’aide qu’elle reçoit pour son loyer en HLM, vu la cherté des loyers qui nourrissent nos rentiers…

    C’est dingue de voir comment on perd la mesure des choses lorsque les dieux vivants sont mis en cause par la Justice qui représente l’entièreté de la société, du haut jusqu’au bas de l’échelle.
    Ayons tout de même une pensée pour les 170 victimes de l’acte terroriste du copain libyen de ce petit monde. J’aimerais connaître le montant des sommes versées pour indemniser leurs proches, un fait concret que les médias dans leur grande majorité ont omis de mentionner, dans leur soupe d’émotions servie à tous les repas.

    Mais quelle honte peut-on ressentir d’avoir été gouvernés par ces ambitieux insatiables ! C’est cela qui distingue la France des pays européens non latins : le fonctionnement sans véritables garde-fous contre la cupidité des chefs.

  30. En effet, la justice est à l’image de ce pays, plus rien ne tient debout. Comment cette institution a-t-elle pu passer du « le doute doit profiter à l’accusé » à ce nouveau principe du « on n’arrive pas à prouver que vous êtes coupable mais nous avons décidé que vous n’êtes pas innocent. » Et je pense également qu’il faudrait mettre fin à l’usage de « l’intime conviction » et en revenir à des choses plus basiques, en partant du principe que un plus un font deux. Mais il nous faut garder une petite réserve d’indignation, les jugements de l’affaire Nahel et de la petite Lola ne sont pas encore tombés.

  31. Il est des dates de l’Histoire de France que l’on n’oublie pas :
    – 732 : La bataille de Poitiers. Victoire de Charles Martel sur les Sarrasins.
    – 1515 : La bataille de Marignan. Victoire de François 1er sur la Suisse qui à l’époque n’était pas encore neutre.
    – 14 juillet 1789 : Prise de la Bastille par les Révolutionnaires. Date devenue notre fête nationale.
    – 11 novembre 1918 : armistice de la Grande Guerre qui devait être la der des ders. On a vu qu’il n’en était rien.

    Et puis désormais les Français se souviendront du 21 octobre 2025.
    Date historique où un président de la République – Nicolas Sarkozy – s’est rendu à la prison de la Santé escorté par une dizaine de motards, avec une foule qui l’acclamait sur le passage de son véhicule et les médias du monde entier présents pour commenter l’événement et interviewer des personnalités politiques venues soutenir le président déchu.

    Tout laisse à penser que cette condamnation très controversée, loin de ternir la popularité de Nicolas Sarkozy, a, au contraire, relancé sa popularité.
    Et dans la situation désastreuse dans laquelle se trouve LR actuellement, NS peut apparaître comme le véritable leader que ce parti cherche désespérément parmi les chefs à plumes du moment que ce soit Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau, Xavier Bertrand, David Lisnard ou Éric Ciotti. (*)
    En attendant que Louis Sarkozy qui fait son entrée en politique en postulant pour la mairie de Menton, prenne la relève de son père.
    Bon sang ne saurait mentir et le fiston est bien parti pour faire parler de lui en politique… Carpe diem !

    (*) J’ai omis volontairement Valérie Pécresse.

    1. Avez-vous remarqué la phonétique du nom de la ville où Louis S. cherche à s’implanter pour entamer une carrière politique ? Bon, d’accord, c’est mesquin et méchant.
      Quant à la plus belle date de l’histoire de France, elle diffère d’un citoyen à l’autre…
      À noter aussi que la date du 21 octobre est celle de la bataille de Trafalgar… Napoléon et Sarko battus le même jour ? Cela ne peut qu’être le signe du destin commun des deux hommes…

  32. Il est très décevant que la question de l’incarcération de NS, redevenu présumé innocent grâce à l’appel, ait survolté les médias au détriment du fond de la décision de justice. Vous avez qualifié celle-ci de remarquable. En quoi l’est-elle ?
    Vous écrivez « Est-il coupable ou non des quatre infractions que le Parquet national financier lui a reprochées et dont trois sur quatre ont été écartées par les premiers juges ? » L’appel ne portera-t-il pas seulement sur le chef d’association de malfaiteurs ?

  33. Au point où est arrivé notre beau pays, faut-il s’indigner ou s’étonner de l’incarcération de l’ancien Président ?
    Oui, et je pense que cette décision laissera une tache indélébile sur la réputation de la magistrature, une tache qui va rendre encore plus difficile de respecter ses membres.

    Comme Tipaza, je n’accorde cependant aucun crédit à la funeste politique de Sarkozy pendant son mandat. Il a réussi en effet à être un fossoyeur de la droite à tel point que je ne comprends pas qu’il ait encore quelques supporters dans ce camp politique !

    Mais il convient de disjoindre le fait judiciaire du fait politique et pour rester sur le terrain de l’arrêt dont j’ai lu les 380 pages, soit l’intime conviction des juges n’emporte pas l’adhésion du lecteur, soit elle parvient à développer un argumentaire tellement grave pour NS que ce n’est pas cinq ans qu’il mérite mais plutôt trente ans car pactiser avec le criminel libyen (Senoussi) qui a fomenté l’attentat contre le vol UTA qui tua des dizaines de Français (entre autres) mérite une punition autrement sévère que celle qui lui a été infligée.

    Attendons la suite qui promet d’être palpitante !

  34. Marc Ghinsberg

    Cher Philippe,

    Le débat auquel vous avez participé dans L’Heure des pros 2, le 20 octobre, était d’un niveau consternant. Pascal Praud, fidèle à lui-même, s’est montré à la fois péremptoire et fuyant, naviguant sans cesse entre la question de l’exécution provisoire et le fond du jugement.

    Seul Henri Guaino a su élever la discussion, en critiquant l’ingérence des juges dans la raison d’État, qu’il réserve au Prince, c’est-à-dire à l’exécutif. Machiavel contre Kant ! Malheureusement, le format de l’émission et la médiocrité des autres intervenants ont empêché d’explorer ce dilemme. J’aimerais vous voir débattre en tête-à-tête avec votre ami Henri Guaino sur une autre chaîne, pour un échange sur ce sujet.

    1. hameau dans les nuages

      Pascal Praud, ancien journaliste sportif, est un suceur de roues. Sauf que là il suce celles des paons de la République. Warum ? Pourquoi ? Why ?

    2. Même si, sur le fond, je rejoins Pascal Praud, je déplore moi aussi la façon méprisante et malpolie avec laquelle il traite ceux qui ne partagent pas son point de vue. Il est notamment quasi impossible d’argumenter sereinement sans être interrompu et renvoyé à ses « erreurs ».
      Faut-il s’étonner, alors, que les contradicteurs hésitent à venir ?
      Préfère-t-il tourner en rond avec des personnes à peu près d’accord sur tout (comme c’est le cas à 21 h) ?

  35. Que les médias accordent une attention considérable à l’incarcération de Nicolas Sarkozy, cela relève de l’évidence. Monsieur Sarkozy n’est pas un justiciable ordinaire. Cette couverture médiatique, loin d’être excessive, correspond à la stature de l’homme concerné.
    Que l’affaire se soit transformée en spectacle quasi théâtral demeure toutefois regrettable. Certains tentent de présenter cette condamnation comme injustifiée, une charge imméritée. Cette posture nous heurte profondément. Car cette charge, il l’a amplement méritée – non seulement à travers les 380 pages accablantes du jugement, mais également au regard de ses nombreuses autres mises en examen.

    Lorsqu’on est lourdement condamné pour ses actes et son passé, on peut toujours clamer son innocence. « Ça ne mange pas de pain », comme on dit. C’est certes un peu dérisoire au vu des circonstances et de l’accumulation des charges. Mais là où la situation devient véritablement gênante, voire scandaleuse, c’est lorsqu’un ancien président de la République crie à l’injustice et proclame son innocence – ce qui revient, formulé plus clairement, à mettre en cause la culpabilité même de la justice de son propre pays.
    Il aurait pu, à la rigueur, se plaindre de la sévérité du jugement sans remettre en question la justice elle-même. Il aurait alors paru seulement un peu moins ridicule, d’autant que c’est précisément grâce à ses propres déclarations et demandes répétées que la justice s’est montrée plus intransigeante. Mais impliquer la France – et donc tous les Français – dans sa misérable défense d’une prétendue innocence… Même Marine Le Pen n’aurait pas osé. D’ailleurs, elle ne l’a pas fait.

    Est-il responsable du cirque médiatique auquel nous avons assisté ? Non, bien sûr. Aurait-il pu refuser ce spectacle et entrer en prison comme tout condamné qui le mérite ? Oui, assurément. Mais il a choisi de laisser faire, acceptant même que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, garde-chiourme de circonstance, vienne vérifier personnellement son incarcération. Ce qui suppose, assez paradoxalement, que l’administration pénitentiaire ne ferait pas correctement son travail en temps normal, et qu’on ne la contrôlerait que lorsqu’il s’agit de Monsieur Sarkozy.

    Détail amusant : on en fait beaucoup pour ce qui s’apparente à un stage de citoyenneté – quelques semaines d’incarcération tout au plus sous les projecteurs médiatiques, et non les cinq ans prononcés. Ce bref séjour carcéral fera certainement du bien à Monsieur Sarkozy, et un bien immense à notre démocratie. Au point que quasiment aucun homme politique ne s’est risqué à dénoncer une prétendue injustice. Au point même que Donald Trump, pourtant si prompt à commenter, n’a émis aucune déclaration, sentant le boulet passer dangereusement près de sa deuxième oreille.

    Il n’y a certes pas à se réjouir qu’un homme soit emprisonné – personne ne le demande. Mais on pourrait au moins se satisfaire que la justice ait suivi son cours dans un État démocratique. En l’occurrence, je trouve regrettable qu’un ancien avocat général déplore que Monsieur Sarkozy ne purge pas l’intégralité de sa peine.
    Qu’on le veuille ou non, les peines dans notre pays sont conçues pour être appliquées, non pour être contournées.

  36. Nicolas Baverez a fait un excellent papier dans Le Figaro, analysant soigneusement et citant les extraits du jugement en les commentant.

    J’en reproduis quelques lignes, qui me paraissent traduire exactement le sentiment de beaucoup, y compris celui des anti-Sarkozy farouches dont je fais partie.
    À l’évidence, l’abus de pouvoir du juge ne se limite pas à l’emprisonnement immédiat, il est bien plus profond, il traduit la volonté politique de « tuer » politiquement, socialement et au regard de l’Histoire un président dont les positions politiques dérangent une certaine caste qui joue avec cynisme de son pouvoir.

    Extrait du jugement :
    Sur la politique extérieure de la France et pacte de corruption

    Page 340 : « Il résulte de ce qui précède que tant la relance de la coopération diplomatique avec la Libye que la visite de Mouammar Kadhafi en France ne paraissent pas après 2007 d’une nature et d’une intensité différente de ce qui s’est pratiqué dans d’autres pays, ou sous le quinquennat de Jacques Chirac. Elles semblent s’inscrire dans un contexte international favorable à ce pays et dans la continuité de ce qui avait été déjà entrepris. Le simple engagement de s’inscrire dans cette continuité est néanmoins susceptible de constituer un élément du pacte corruptif. »

    Le tribunal, en violation du principe de séparation des pouvoirs et en contradiction avec sa propre décision reconnaissant l’immunité attachée à la fonction de président de la République, juge de la politique étrangère de la France. Contre toute logique, il considère que la continuité de la politique étrangère de la France entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy et son alignement sur celle du reste de la communauté internationale sont des éléments à charge en faveur de l’existence d’un projet de pacte de corruption.

    Sur la preuve du délit d’association de malfaiteurs :

    Page 358 : « Le soin particulier que Claude Guéant et Brice Hortefeux ont mis à présenter Nicolas Sarkozy comme étant étranger à ce processus corrobore au contraire le fait qu’il en était parfaitement informé. »

    Le fait de nier une accusation vaut preuve de la culpabilité. Le raisonnement s’inscrit dans la lignée d’Andreï Vychinski, procureur général de l’Union soviétique durant les procès de Moscou de 1938, qui qualifiait le juge d’« ingénieur des esprits » et affirmait que « la justice n’est pas faite pour protéger l’individu contre l’État, mais pour protéger l’État contre l’individu ».

    Voilà l’essentiel de ce remarquable article.
    Pour ceux qui veulent en savoir plus, mais il est réservé aux abonnés :

    https://www.lefigaro.fr/vox/politique/a-vous-de-juger-la-decision-de-justice-condamnant-nicolas-sarkozy-analysee-par-nicolas-baverez-20251020

Laisser un Commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *