Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Mais on a la réponse, monsieur le Président …

Cette société qu’ils s’acharnent à effacer, à coups d’attaques au couteau, d’explosions et de massacres, n’est-elle pas déjà en crise, en déclin et en doute ? Nous avons à mener une double bataille, si la lucidité et le courage nous sont donnés ainsi qu’à l’ensemble de nos responsables politiques. Celle, évidemment, contre le terrorisme islamiste, et des progrès incontestables ont été accomplis sur ce plan. Mais aussi celle qui devra nous mobiliser pour que la France demeure, dans tous les domaines, le symbole vivant de ce que le Mal cherche à anéantir.

Jean-Jacques Goldman : un havre de paix…

Dans un climat où, dans tant de secteurs, le registre est devenu celui de la haine – au détriment de la courtoisie, qui devrait au moins, dans la forme, civiliser les contestations et les contradictions, même les plus vives – la sérénité et la rectitude que distille le message de Jean-Jacques Goldman font du bien. Elles constituent, en effet, un véritable havre de paix et ne font qu’amplifier mon admiration pour une personnalité qui, tout au long de sa carrière comme dans sa vie d’après, n’a jamais proféré la moindre stupidité ni cédé à la moindre facilité démagogique.

Heureux pour lui, fier de la Justice…

Ce qui changera au mois de mars – ce sera une seconde séquence -, c’est que le fond sera abordé avec rigueur et objectivité, sans que la tenue des débats soit parasitée par la situation personnelle de NS. En effet, la pitié qu’a suscitée, chez beaucoup, son incarcération, a empêché que l’on s’attache à la substance du jugement, bien plus favorable à NS qu’on ne l’a dit. Les débats, puis l’arrêt attendu en 2026, seront totalement délestés de ce risque.

Je sais, je suis naïf…

Parce que le monde, c’était  » la jeune femme enceinte et son sauveur », cette sauvegarde miraculeuse, ce souffle de vie préservé. Ces instants sont devenus, pour moi, l’espace de quelques secondes, l’existence tout entière. Et naïvement, je me suis mis à espérer que tous, en France, partagent mon sentiment : que l’important apparaisse futile, les antagonismes dérisoires, la haine indécente, les hyperboles et les inconditionnalités ridicules. Parce qu’il y avait eu cet épisode tragique, magique – comme, aujourd’hui, une opportunité de concorde, une chance d’unité, une espérance inouïe.

Le RN peut perdre en 2027…

Le Rassemblement national est annoncé, de manière certaine, comme présent au second tour de la future élection présidentielle. Il me semble cependant qu’on aurait tort de considérer que sa victoire est acquise, malgré la baisse actuelle, dans les sondages, des rivaux plausibles de Marine Le Pen ou de Jordan Bardella. Il est sans doute difficile de se risquer à des pronostics alors qu’il reste environ dix-huit mois avant la joute finale, mais si les choses demeuraient en l’état – avec ce mélange de désordre politique et social, d’accroissement de l’insécurité et de terrorisme ponctuel d’un côté et, de l’autre, de désaffection de la chose publique et de lassitude démocratique -, on pourrait tenter d’identifier ce qui serait susceptible de décevoir à nouveau le RN, quel que soit son candidat.

Emmanuel Carrère hors Goncourt…

« Kolkhoze » était passionnant tout au long avec des pages déchirantes à la fin et des portraits, des personnalités magnifiés par l’art de l’auteur capable de tirer d’une apparente simplicité une profondeur et une émotion sans pareilles. J’ai apprécié « La Maison vide » mais j’ai dû résister à quelques défauts, des redites, des ressassements, une profusion pour la profusion, mais quelle puissance cependant, quelle exploration du et dans le temps avec ces trois générations, ces deux guerres et ces femmes aux tempéraments si divers, antagonistes ou complices, quelle immense coulée de mémoire et de retour vers le présent du fond des âges !

Et le peuple du RN, on en fait quoi ?

Derrière cette indifférence, il y a du mépris : non seulement pour ces sinistrés de la politique, pour ces abandonnés en nombre d’une démocratie qu’ils récusent comme n’étant plus faite par et pour eux, mais aussi pour ce qu’ils pensent, désirent et refusent – et d’abord, pour leur exigence de sûreté et de tranquillité, à la fois personnelles et publiques. On en fait quoi de ce peuple du RN ? Je crains que le progressisme, allant au bout de son indifférence et porté par les vents de l’Histoire admissible, ne réponde : « Rien », et qu’il s’en moque !

La vérité est dehors…

Dans son dernier livre, passionnant et empreint de nostalgie, Franz-Olivier Giesbert dresse un magnifique portrait de Giacometti, saisissant de vérité et d’admiration. L’artiste y formule quelques injonctions – comme, par exemple, celle de ne ressembler à personne, de suivre son seul chemin – et livre des pensées, notamment celle-ci, qui me semble d’une justesse absolue : « L’idéologie vous enferme, la vérité est toujours dehors ».

Pasolini : un mort si proche…

Pasolini est un mort proche, si familier, à la fois tellement à part, mais si terriblement, si tragiquement, si lucidement humain, qu’il demeure, malgré le passage du temps, en nous, tel un mystère que nous n’essayons pas de déchiffrer à notre mesure. Parce que ce mystère, c’est moi, c’est nous – avec lui.

Gérald Darmanin face à des élèves…

Que la diversification du corps s’amplifie et s’enrichisse, soit, mais rien ne serait pire que l’abolition de la distance, de la tenue, de cette légitimité et de cette autorité, qui, dans les temps de crise que nous vivons, est le moyen le plus radical pour perdre l’estime des citoyens et le respect des politiques. Profondément, la magistrature peut avoir des origines multiples mais pour rien au monde le magistrat ne doit être comme tout le monde, sinon il perd tout crédit pour juger. Cet écart nécessaire, c’est sa force et son honneur.

Marine Tondelier, hélas…

Dans le monde des gens sérieux (apparemment, rien que des hommes, sauf si Ségolène Royal s’en mêle), combien d’ambitions vont se manifester, aussi ridicules que la sienne, aussi dangereuses pour la victoire finale que celle de Marine Tondelier ? À droite comme à gauche, on les sent frémir, ces conquérants de la dernière ligne droite, ces importants de fin de course qui, après tout, se murmurent : « Pourquoi pas moi ? »

Encore un effort pour tout détruire …

La destruction qui nous guette n’est pas de celle qui, organisée et créatrice, serait le terreau d’une renaissance — parce que même nos meilleurs politiques ne nous rassurent pas sur leur lucidité et leur courage. Mais, insinuante, progressive, quasiment irrésistible ici, irréversible là, décourageante à force de résistance aux efforts qui cherchent à la réduire, elle représente un poison qui, en 2027, nous tuera si personne ne sort du lot pour nous sauver.