Il est clair que j’aurais été un très mauvais diplomate, car j’aurais privilégié la vérité aux arrangements permanents avec celle-ci. Par exemple, je n’aurais pas supporté la condescendance avec laquelle le président Poutine, par la voix de son porte-parole, a annoncé qu’ »il serait prêt au dialogue avec Emmanuel Macron ».
Comme s’il nous faisait une grâce, alors même qu’il est le coupable, et que cette évidence, sur le plan de l’équité et de la justice, faisait pourtant de moins en moins recette.
« Nous aviserons, dans les prochains jours, de la meilleure manière de procéder », a répondu l’Élysée.
À partir de cette sage réaction, comment contester que cette nouvelle rencontre, par visioconférence ou physiquement, sans doute sous la tutelle sourcilleuse et partiale du président Trump, puisse néanmoins être utile, à condition qu’Emmanuel Macron non seulement ne se leurre plus sur la personnalité du dictateur russe – ce qui est le cas depuis longtemps – mais soit prêt à assumer une contradiction sans fard, voire brutale.
En effet, s’il s’agit seulement de valider la conception surprenante et cynique – totalement assumée – de la diplomatie à la mode Poutine, tout dialogue sera voué à l’échec, et ne fera même qu’exprimer une faiblesse supplémentaire, donc un mépris aggravé de la part du Kremlin.
À quoi bon se lancer dans une telle entreprise si l’on n’est pas persuadé de pouvoir résister à cette perversion d’un président russe pour qui négocier revient à lui donner raison sur TOUT ?
Ce dernier, depuis l’invasion de l’Ukraine, n’a pas bougé d’un iota : toujours aussi intransigeant sur la question territoriale…

Il n’a pu que se sentir conforté par l’amollissement de certaines résistances européennes et, évidemment, par les voltes obscènes d’un Trump concédant beaucoup à Poutine, faute d’avoir été capable de le maîtriser et de le faire rentrer dans le rang.
Mission que s’assigne le président et qui ne sera pas, quoique nécessaire, facile à accomplir puisqu’il « veut reparler à Poutine pour faire entendre la voix de l’Europe (Le Figaro).
L’unique levier réel avec Poutine consiste à être capable de tenir le rapport de force et d’opposer à sa détermination – amplifiée par une mauvaise foi qui, jusqu’à présent, n’a jamais été véritablement battue en brèche – une résolution implacable, fondée sur le bon droit et la justice.
Cette stratégie implique aussi que notre président sorte de ses sentiers battus et accepte d’abandonner la séduction et la complaisance qui, trop souvent et en bien des circonstances, ont été ses seules armes pour convaincre ou vaincre l’adversaire. On lui donnait raison en espérant qu’il nous en saurait gré : c’est naturellement l’inverse qui se produisait. On ne peut imaginer que, face à Poutine, Emmanuel Macron ne s’efforce pas de métamorphoser sa nature et de la rendre inflexible devant un antagonisme puissant, décidé à imposer ses conditions.
Il est d’autant plus nécessaire d’aspirer à un président encore meilleur sur le plan international – je ne suis pas de ceux qui le jettent aux chiens pour tout – que la Russie, loin de s’assagir sur le plan géopolitique, multiplie les menaces, insidieuses comme ostensibles, en s’appuyant sur l’infinité des moyens dont elle dispose. L’instrumentalisation de la Biélorussie. Les scénarios possibles, des pays baltes à la Finlande, d’attaques de l’Europe par la Russie (Le Parisien, 29 décembre). La certitude, enfin, du président russe, que la géopolitique mondiale est en train de lui donner raison et que ses ambitions impérialistes finissent par être prises au sérieux, donc au tragique.
Pour la fin de son second mandat, le président Macron pourrait – et devrait – s’assigner ce but. Non plus nous prévenir contre le danger du Rassemblement national, que sa mansuétude régalienne n’a cessé de faire monter – il sera au second tour -, mais se camper, autant qu’il le peut, en résistant face à un ordre mondial où la violence et la guerre ne seraient plus des problèmes, mais des solutions.
À condition que la France, déjà affaiblie, ait encore son mot à dire.