Régis Debray, dans Marianne, cite une pensée du général de Gaulle, révélatrice de la vision intellectuelle et politique de ce dernier, et qui éclaire le déclin d’aujourd’hui.
Cette phrase – « J’ai tenté de dresser la France contre la fin d’un monde » – n’est pas immédiatement facile à comprendre, mais, à la réflexion, elle signifie beaucoup, tant sur le plan personnel que pour le rôle et l’image de notre pays.
Comme si, avec une prescience inouïe, Charles de Gaulle avait deviné qu’après lui, et après sa conception nationale et internationale, un autre monde allait survenir, qui, plutôt que de s’opposer au déclin, l’accompagnerait. En constituant l’exigence de grandeur en impossibilité radicale ; les accommodements et les compromis, non plus comme des faiblesses mais comme une sagesse pragmatique ; l’allure et l’intégrité personnelles, à tous les instants, comme une naïveté.
Il est déplorable que la France, sous quelque président que ce soit – à l’exception sans doute de Georges Pompidou -, n’ait jamais cherché, depuis de Gaulle, ne serait-ce qu’à ralentir la dégradation, à freiner le délitement, et que le constat pessimiste de Valéry Giscard d’Estaing selon lequel notre pays n’était plus une grande puissance ait donné bonne conscience à tous ceux qui ne rêvaient que d’une France donneuse de leçons par le verbe, mais largement impuissante dans l’action.

J’aime passionnément cette intuition gaullienne selon laquelle la France devrait être, structurellement, une Résistance face au cours d’un monde qui, si on le laissait aller, tendrait à la disparition des valeurs, des principes et du modèle d’universalité définissant notre nation sur un mode idéal.
Ce qui a changé, c’est le passage d’une volonté exaltante de compter dans le concert mondial, d’exister avec intensité, à une forme d’empirisme où, tant bien que mal, nous cherchons seulement à préserver la France d’atteintes si redoutables qu’elles pourraient la faire disparaître.
Le hiatus devient de plus en plus saisissant, tant sur le plan interne que sur la scène internationale, entre nos coups de menton – « nous ne céderons pas, nous serons impitoyables, nous serons les plus forts » – et nos limites, dans une réalité qui devrait nous rendre modestes au lieu de nous inciter à un narcissisme politique à proportion de notre faiblesse concrète.
Comme aucun président de la République ne pourra disposer de cette formidable et double légitimité d’un de Gaulle – son destin historique, son recours constant au peuple -, il devra d’autant plus se faire estimer et respecter par ses concitoyens en tenant des promesses plausibles, par un comportement personnel irréprochable et par une politique qui, si elle est discutée selon la règle démocratique, ne dressera pas nécessairement une France contre l’autre.
Au lieu de citer sans cesse de Gaulle comme un talisman de crédibilité, il vaudrait mieux suivre un exemple qui, aujourd’hui encore, demeure largement plébiscité.
Non parce qu’il n’est plus là, mais parce qu’il manque effectivement à la France.
Selon un sondage, 41 % des Français souhaitent l’arrivée d’un homme autoritaire — éventuellement d’une femme, mais ce n’est pas précisé — « qui n’a pas à se préoccuper des élections » pour mettre fin au déclin de la France.
Autrement dit, ils souhaitent un dictateur à la tête du pays.
Il est vrai que les prétendants ne manquent pas, à commencer par J.-L. Mélenchon, dont l’une des formules célèbres est : « Quand on ne peut pas convaincre, il faut contraindre. »
Sinon, du côté de la droite radicale, on peut regarder du côté de Philippe de Villiers, dont les propos, dans son émission du vendredi soir sur CNews, ne laissent planer aucune équivoque sur son programme.
Alors, pour 2027, on a le choix entre l’extrême gauche et l’extrême droite.
Le problème avec les dictatures, c’est qu’il est très difficile de faire marche arrière une fois qu’elles sont en place.
Heureusement, il reste quand même 59 % des sondés qui préfèrent un régime démocratique, même s’il est imparfait… Mais pour combien de temps ?
La France regarde son déclin, elle s’en émeut parfois, et pourtant, face à cet implacable constat, elle reste apathique, indolente, préférant faire le choix du présent contre l’avenir, se donnant l’illusion de préserver ainsi ses acquis actuels, qu’elle ne fait au contraire que fragiliser et mettre en péril.
La France, comme l’autruche, préfère ne pas regarder le réel en face, se raconter des histoires ou croire naïvement celles que certains lui racontent, refuser l’effort présent qui rendra inéluctablement celui de demain encore plus douloureux, se complaire dans le statu quo là où les autres agissent et avancent.
Cet engrenage du déclin n’est nullement une fatalité. Faut-il encore que les citoyens témoignent de lucidité et que, du paysage politique, émergent quelques personnalités leur offrant un discours, une volonté et une énergie les conviant à se remettre en cause, à rompre avec les facilités, portant une conviction aussi simple que forte, incitant ces mêmes citoyens à se réveiller, à regarder le monde et la France tels qu’ils sont et à agir en conséquence pour enrayer notre déclin et ouvrir des horizons, générer des espérances.
Kadyrov a bien essayé de se mettre dans les patins de de Gaulle, puisqu’il voulait créer une sorte de police parallèle, type SAC, avec l’ineffable Benalla.
La seule chose réellement incontestable chez le Herr Général, c’est l’absence d’enrichissement personnel. Pour le reste, cher hôte, je n’en suis en rien un admirateur.
Ses plus proches thuriféraires ont œuvré en coulisse de façon ignominieuse pour le faire revenir, maréchal Juin et consorts, en faisant échouer, par exemple, toutes les tentatives d’accords décoloniaux, parfois dans des conditions sanglantes et infâmes : Madagascar…
De Gaulle, ce sont aussi les débiles qui, le jour de son départ, ont cru bon de se croire autorisés à faire le tour du bled en tirant des coups de fusil en toute impunité.
Politiquement, ce n’était pas la personne si respectable que vous prétendez. Les basses œuvres ont été trop nombreuses pour être oubliées.
@ Ellen le 17 décembre 2025
« Où sont Laurent Nuñez et Gérald Darmanin pour demander d’urgence de modifier cette fichue loi empêchant un OQTF de quitter le territoire français en cas de mariage (blanc) destiné à obtenir des papiers ? Ces clandestins interdits de territoire français ont trouvé la parade : un mariage (fictif) et un doigt d’honneur à la France, une fois de plus. »
Si ces messieurs déployaient autant d’énergie pour traiter cette question des OQTF intouchables qu’ils en mettent pour pourchasser et faire taire les braves gens (qu’ils qualifient « d’extrême droite ») qui n’ont pour seul tort que celui de dénoncer les nombreux crimes immondes commis par les précédents, il y aurait moins de problèmes d’insécurité en France.
La France n’en est plus à la domination ni à vouloir l’obtenir, disait le Général, à raison, dessinant le futur européen de nations qui, après avoir vécu l’échec impérial destructeur de toutes civilisations, ont désormais la conscience historique nécessaire pour accomplir leur destin de proue de l’humanité : la destruction ou la réconciliation.
Le reste est aveuglement.
@ Robert Marchenoir le 17 décembre
« On joue sur les mots. »
Vous le premier… Mais vous jouez aussi avec l’Histoire. Votre antigaullisme viscéral est égal à votre anticommunisme tripal. Vous en êtes au point de prétendre que Staline et de Gaulle, c’est bonnet rouge et blanc bonnet… et que, seul parmi les Français, vous Résistez (avec un R majuscule) à ce tandem infernal.
Un exemple de vos délires : de Gaulle voulait le rétablissement et le maintien de l’empire colonial français, écrivez-vous. Relisez le discours qu’il a prononcé à Brazzaville le 30 janvier 1944, en particulier sa conclusion.
S’adressant aux gouverneurs des territoires français d’Afrique, il déclare :
« Vous étudierez ici quelles conditions morales, sociales, politiques, économiques et autres vous paraissent pouvoir être progressivement appliquées dans chacun de nos territoires, afin que, par leur développement même et le progrès de leur population, ils s’intègrent dans la communauté française avec leur personnalité, leurs intérêts, leurs aspirations, leur avenir. »
En 1958, de retour au pouvoir, de Gaulle propose aux Africains le principe de la libre détermination : l’indépendance immédiate (mais sans aide de la France) ou le choix de la Communauté, entité inscrite dans la Constitution de la Ve République, et composée d’États indépendants solidement amarrés à la République.
https://mjp.univ-perp.fr/textes/degaulle30011944.htm
Vous pouvez bien sûr continuer à tordre l’Histoire, mais vous perdrez votre temps.
P.-S. : Petit cadeau à vous faire pour Noël : le livre de Gérard Bardy, ancien rédacteur en chef à l’AFP, paru en 2016 aux éditions Télémaque : De Gaulle avait raison – le visionnaire. Il regorge de citations du Général… qui devraient alimenter votre courroux.
@ Marc Ghinsberg le 17 décembre 2025
« Le destin de la France, si elle veut que sa voix porte encore, est d’achever avec ses partenaires la construction européenne. À défaut, elle risque la vassalisation et se condamnerait à n’être que spectatrice de l’histoire. »
Oui, mais quelle Europe ? L’Europe à 6 ? à 12 ? à 28 ? et bientôt 29 avec l’Ukraine ?
Une Europe de bric (briques) et de broc ? Avez-vous déjà monté un mur ? Savez-vous que ce sont d’abord les fondations et leur assise qui déterminent la future cohésion du mur ? Puis les éléments qui le constituent, puis encore le lien (le liant) qui les unit…
Or rien de tout cela n’est homogène. Les fissures sont inévitables. Et elles seront d’autant plus larges que l’on permet à des éléments extérieurs d’y pénétrer en nombre par l’intermédiaire du cheval de Troie.
Un « paysan », comme l’écrit l’autre… mais qui sait aussi bâtir.
La « grandeur de la France » est une notion dangereuse. Elle peut s’accorder avec un manque de liberté des Français, que ce soit sous la monarchie de droit divin, la Terreur, Napoléon… Elle peut n’être qu’un mantra masquant la défaite face aux nazis et l’ingratitude envers les Alliés : les grands sont grands de naissance, comme les nobles se flattaient de l’être, en dépit de leur grandeur par héritage. Ils se croyaient grands malgré leurs petitesses, leur décadence ; il faut d’autant plus y croire et proclamer ce que rien n’atteste et que tout contredit, au contraire. Mais je ne voudrais pas qu’on en profite pour rabaisser les nobles, auxquels le reste du peuple a pris la passion de faire passer ses racines pour ses fruits ! En vérité, les nobles subissent une discrimination à l’embauche bien irrationnelle, et partant déplorable.
Bref, soyons libres et soyons quelque chose, au lieu de nous cacher dans l’ombre de nos ombres.
Je me suis posé une question à laquelle je n’ai pas trouvé de réponse : qu’aurait fait, ou n’aurait pas fait, le général de Gaulle s’il était encore parmi nous, dans ce monde multipolaire, face à Poutine, à Trump, aux technocrates de Bruxelles et aux moutons français égarés, totalisant douze partis, dont le dernier en date, « La France humaniste », créé le 17 décembre 2025 par Dominique de Villepin, avenue Foch, Paris XVIᵉ, proche de son hôtel particulier ultra-luxueux (non, ce n’est pas à La Courneuve ni à Saint-Denis), se présentant à la présidentielle de 2027 et proche idéologiquement de LFI islamo-gauchiste…
Comme dirait une certaine contestatrice : il faut arrêter de se foutre de nous !
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Le déclin continue !
Le maire de Chessy (Seine-et-Marne), refusant de marier un OQTF le 13 décembre, a été contraint par la justice de publier les bans sous quarante-huit heures et d’officialiser le mariage dans les plus brefs délais. Tenant tête à la justice, le maire et tous ses conseillers ont préféré démissionner. La préfecture refuse leur démission — que faire ?
Où sont Laurent Nuñez et Gérald Darmanin pour demander d’urgence de modifier cette fichue loi empêchant un OQTF de quitter le territoire français en cas de mariage (blanc) destiné à obtenir des papiers ?
Ces clandestins interdits de territoire français ont trouvé la parade : un mariage (fictif) et un doigt d’honneur à la France, une fois de plus.
Vous n’allez pas assez loin. Vous dites :
« Au lieu de citer sans cesse de Gaulle comme un talisman de crédibilité, il vaudrait mieux suivre un exemple qui, aujourd’hui encore, demeure largement plébiscité. »
On peut approuver cette phrase, mais si elle est séduisante à première vue, elle s’auto-détruit en fait. C’est justement parce que citer sans cesse de Gaulle tel un talisman ne mène à rien, qu’il faut cesser complètement de se référer à de Gaulle et au gaullisme.
Que signifie suivre l’exemple de De Gaulle ? En pratique, cela veut dire faire ce qu’il aurait fait si nous vivions à son époque et que nous étions en 1940. Mais nous sommes en 2025, et comme vous le dites, le monde a changé.
Suivre l’exemple de de Gaulle aujourd’hui, cela veut dire faire ce qu’il aurait fait s’il était parmi nous. Mais cette supposition est absurde. Il n’est pas parmi nous. Il est d’une autre époque. La seule raison de l’admirer est qu’il a contribué à résoudre certains problèmes de cette époque (pas tous). Se demander ce que ferait de Gaulle aujourd’hui est aussi dénué de sens que se demander ce qu’aurait fait Jules César aujourd’hui. Il n’aurait rien fait puisqu’il est mort, et que s’il était vivant, il ne serait pas Jules César.
« J’aime passionnément cette intuition gaullienne selon laquelle la France devrait être, structurellement, une Résistance face au cours d’un monde qui, si on le laissait aller, tendrait à la disparition des valeurs, des principes et du modèle d’universalité définissant notre nation sur un mode idéal. »
Sûrement pas. L’érection en idéal d’une mentalité de résistance est justement ce qui plombe la France, et la plonge dans un immobilisme qui présente tous les vices du conservatisme sans en avoir les vertus. Le premier Français venu se vit en Résistant sous prétexte qu’il refuse de laisser abattre ses vaches malades ainsi que la loi l’y oblige – tout en contribuant à aggraver l’épidémie de dermatose nodulaire en déplaçant ses bêtes en violation de la loi.
Lorsqu’on est envahi par l’Allemagne nazie, l’action consiste à la combattre et donc à résister. Une fois la paix revenue, l’action consiste à agir, et non pas à résister à ceux qui prônent l’action. On joue sur les mots.
Être gaulliste, aujourd’hui, c’est être wokiste. C’est se vivre en éternelle victime d’une oppression à laquelle il conviendrait de Résister. C’est hurler qu’on vous « tue » à chaque fois qu’un responsable politique envisage de déplacer un taille-crayons de la gauche à la droite du bureau d’un fonctionnaire. Tout le monde résiste à tout, en France, qu’il soit « paysan », chômeur, notaire, immigré, médecin ou spéculateur en Bourse jouissant d’une confortable aisance financière.
Le gaullisme a popularisé cette conviction selon laquelle la vertu civique consisterait à dire non à tout, tel un gamin mal élevé se roulant par terre. En fait, la vertu civique consiste à prendre l’initiative en faisant des trucs – et je n’entends pas, par là, déverser du fumier devant les préfectures ou intriguer pour empêcher toute baisse de la dépense publique lorsqu’on est haut fonctionnaire.
Être gaulliste aujourd’hui, c’est se persuader que tous ses maux proviennent de quelqu’un d’autre, qu’on n’est jamais responsable de rien. Les Black Lives Matter sont gaullistes. Les « Palestiniens » sont gaullistes. Les militants de la transsexualité sont gaullistes. Les 67 millions d’habitants d’un pays qui n’a jamais eu un budget à l’équilibre depuis un demi-siècle sont gaullistes : ça fait cinquante ans qu’ils résistent à l’idée de ne pas piller l’argent gratuit des autres pour se le mettre dans la poche, avant de chouiner derechef qu’ils sont de pauvres victimes lorsqu’ils doivent affronter les conséquences de ce qu’ils ont réclamé.
J’ajouterais que défendre « un modèle d’universalité définissant notre nation sur un mode idéal », c’est garantir l’échec. Je ne sais trop ce que vous entendez par universalité, mais se fixer un « idéal » pour objectif, c’est s’assurer l’inaction. Si l’action peut améliorer le sort des Français, c’est dans le cadre de la réalité et donc du compromis, et non d’un idéal.
« Le hiatus devient de plus en plus saisissant, tant sur le plan interne que sur la scène internationale, entre nos coups de menton – « nous ne céderons pas, nous serons impitoyables, nous serons les plus forts » – et nos limites, dans une réalité qui devrait nous rendre modestes au lieu de nous inciter à un narcissisme politique à proportion de notre faiblesse concrète. »
Exactement. Mais pourquoi n’allez-vous pas au bout de ce constat, qui imposerait de récuser définitivement le gaullisme ? Ce hiatus et ces coups de menton, c’est exactement l’attitude de De Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale. S’ils étaient tout juste acceptables à cette époque, si l’on pouvait, à la rigueur, leur reconnaître une certaine vertu militaire et patriotique dans le contexte d’une invasion succédant à une défaite ignominieuse, ils ont aussi grandement contribué à dresser les Alliés contre nous, à favoriser le communisme international aux dépens du libéralisme, et, une fois la paix revenue, à enraciner ce vice français que vous dénoncez vous-même : se payer de mots.
Une fois de plus : comparez l’attitude du général de Gaulle et celle de Volodymyr Zelensky pendant l’invasion de leurs pays respectifs. C’est de Gaulle qui a « accepté une course en taxi » de la part de ses alliés (en avion, en fait), et c’est Zelensky qui l’a refusée.
C’est de Gaulle qui a passé son temps à cracher sur ses alliés dont il avait grand besoin, et qui, seuls, ont sauvé son pays de la servitude (la Résistance n’apportant qu’une action supplétive) ; et c’est Zelensky qui, contrairement à ce que prétend Donald Trump, a passé son temps à les remercier, et à faire des concessions à leurs demandes même les moins raisonnables. Tout en restant dans son pays et en dirigeant la résistance armée contre l’envahisseur, menée par l’ensemble du peuple ukrainien et non seulement par une poignée de miliciens clandestins que de Gaulle a tenté de « récupérer », comme on dirait aujourd’hui, bien en sécurité à distance dans ses abris de Londres et d’Alger.
« Comme si, avec une prescience inouïe, Charles de Gaulle avait deviné qu’après lui, et après sa conception nationale et internationale, un autre monde allait survenir, qui, plutôt que de s’opposer au déclin, l’accompagnerait. En constituant l’exigence de grandeur en impossibilité radicale […]. »
« Il est déplorable que la France […] n’ait jamais cherché, depuis de Gaulle, ne serait-ce qu’à ralentir la dégradation […] et que le constat pessimiste de Valéry Giscard d’Estaing selon lequel notre pays n’était plus une grande puissance ait donné bonne conscience à tous ceux qui ne rêvaient que d’une France donneuse de leçons par le verbe, mais largement impuissante dans l’action. »
Vous semblez faire vôtre l’exigence de grandeur de De Gaulle, son obsession à faire de la France une grande puissance. Eh bien c’est justement ce qui nous met dans la m…
Tout d’abord, il convient de se référer aux faits historiques précis. La « grandeur de la France », longtemps avant de devenir un slogan paresseux dans la bouche d’innombrables personnes vivant dans un pays en paix, a effectivement été une revendication diplomatique incessante du général de Gaulle entre 1940 et 1945. Il a déployé des efforts inouïs pour que cette fameuse « grandeur » soit reconnue par écrit, dans d’innombrables accords, traités, mémorandums signés avec tel ou tel. Et le rétablissement de la « grandeur » de la France à l’issue de la victoire espérée, objectif majeur du général, avait un sens très précis : le rétablissement et le maintien de l’empire colonial français.
On sait le sort que l’histoire a réservé à cet objectif. La « grandeur » de la France est derrière nous. Elle ne reviendra pas, pas plus qu’on ne recollera les têtes des décapités de la Révolution, ni qu’on ne reviendra à une monarchie de droit divin.
En revanche, il est urgent que la France fasse le ménage au sein de sa petitesse, de son hexagone riquiqui et de sa fonction publique obèse, avant, en effet, comme vous le déplorez, de « donner des leçons par le verbe » tout en étalant son « impuissance dans l’action ». On ne peut prétendre à la puissance sur la scène internationale lorsqu’on tombe en lambeaux à domicile.
« Comme aucun président de la République ne pourra disposer de cette formidable et double légitimité d’un de Gaulle […]. »
En effet. Raison de plus de tourner la page de Gaulle en refermant le livre d’un coup sec. La geste gaullienne appartient au passé. Si on peut l’admirer, c’est uniquement à travers le regard de l’historien. S’enferrer dans la complaisance gaulliste aujourd’hui, c’est se donner un prétexte pour l’inaction.
@ Achille 17 décembre 2025
Cher Monsieur, il est fort courant de s’exclamer : « c’était mieux avant » ! Sous Georges Pompidou, les Français avaient déjà cédé au chant des sirènes européennes et goûté au mode de vie venu d’outre-Atlantique. Qui plus est, les Trente Glorieuses prenaient fin et les lendemains allaient vite déchanter, comme les événements le démontrent depuis plus de cinquante ans.
Suite à la « Semaine des barricades » à Alger (fin janvier 1960), le général de Gaulle, en direct de l’Élysée et en uniforme, s’adressait à la nation, le 29 janvier 1960, dans une allocution télévisée, en prononçant un discours contenant cette « petite phrase » :
« Enfin, je m’adresse à la France. Eh bien ! mon cher et vieux pays, nous voici donc ensemble, encore une fois, face à une lourde épreuve. »
Le général de Gaulle s’adressait-il ainsi… aux Français ?
Non, il s’adressait à la France, avec laquelle il entretenait une relation que l’on peut qualifier de mystique ; il s’adressait à une entité qu’il considérait comme éternelle, et dont il voulait prolonger l’éternité.
L’homme n’était pas à un paradoxe près pour accomplir ce qu’il considérait comme sa mission sur terre : maintenir la France comme nation.
Cinquante ans après, un autre homme, Emmanuel Macron, voulait faire de la France une « start-up nation », avec toute la vulgarité techno-mercantile que cela suppose.
Obsédé par la modernité, cet individu ignorait qu’une modernité sans passé n’est qu’une mode. Il ne savait pas davantage que, par essence même, la mode s’efface et disparaît aussi vite qu’elle est apparue.
On mesure la distance qui sépare un géant ayant fait une partie de l’Histoire, persuadé que la France a une âme à protéger, à défendre, à faire vivre, d’avec un individu faiseur d’histoires et de combinaisons minables pour durer l’espace d’un hiver, avec la seule volonté de dissoudre cette France dans une technostructure sans âme.
Entre l’éternité de la France, par une continuité renouvelée, voulue par l’un, et l’effacement de cette France dans le fantasme d’un ensemble sans frontières, voulu par l’autre, il ne saurait y avoir le moindre lien.
Espérons que le monde sans âme, sans foi, et dont la seule loi est le néfaste État de droit new look que l’on nous promet, ne détruise pas l’âme de la France et celle de son peuple par son remplacement sans-frontiériste.
« J’ai tenté de dresser la France contre la fin d’un monde » : il s’agit d’un passage des Chênes qu’on abat, page 230 de l’édition de la NRF, où Malraux raconte sa dernière conversation avec de Gaulle, le 11 décembre 1969.
« La France a été l’âme de la chrétienté ; disons, aujourd’hui, de la civilisation européenne. J’ai tout fait pour la ressusciter. Le mois de Mai, les histoires de politiciens, ne parlons pas pour ne rien dire. J’ai tenté de dresser la France contre la fin d’un monde. Ai-je échoué ? D’autres verront plus tard. Sans doute assistons-nous à la fin de l’Europe. Pourquoi la démocratie parlementaire (la distribution des bureaux de tabac !) qui agonise partout créerait-elle l’Europe ? Bonne chance à cette fédération sans fédérateur ! Mais enfin, faut-il qu’ils soient bêtes ! Pourquoi la vocation de la France serait-elle celle de ses voisins ? Et pourquoi un type de démocratie dont nous avons failli mourir, et qui n’est même pas capable d’assurer le développement de la Belgique, serait-il sacré, quand il s’agit de surmonter les obstacles énormes que rencontre la création de l’Europe ? Je n’ai jamais cru bon de confier le destin d’un pays à ce qui s’évanouit quand le pays est menacé. Et je devrais juger bon de lui confier l’Europe !… »
Malraux étant ce qu’il est, et de surcroît en pleine séance d’épiphanie gaullienne, il faut prendre son long verbatim avec des pincettes. L’écrivain est arrivé à la Boisserie pour le déjeuner, qui avait toujours lieu à 12 h 30 précises — à l’Élysée, les retardataires n’étaient pas reçus ! — avant de repartir pour Bar-sur-Aube à quinze heures. Si l’on enlève les politesses sur le bœuf miroton de Tante Yvonne et les interventions de Geoffroy de Courcel, qui était lui aussi invité, il ne devait guère rester que la matière d’un mince opuscule…
Il y a plusieurs décennies, un grand quotidien publiait chaque année une copie d’un candidat au bac qui avait obtenu 20/20.
Le bac n’a plus le prestige qu’il avait autrefois. Depuis, je me disais : « J’aimerais bien pouvoir lire une copie qui a obtenu la meilleure note à l’agrégation de philosophie. »
Mon vœu demeurait inexaucé.
Par bonheur, je viens de lire ce jour, sur mon ordinateur, une copie qui avait obtenu, je ne sais quand, à l’agrégation de philosophie, la note 20/20. Elle est accompagnée des commentaires d’un professeur d’université qui loue ou qui critique parfois le candidat. Ni le nom du candidat ni le nom du commentateur ne sont indiqués.
Sur le même sujet, si j’avais concouru, j’aurais, je le reconnais, obtenu la note 01/20. La note 0/20 est, on le sait, attribuée aux copies blanches.
Avis aux amateurs : si vous voulez lire cette copie, vous la trouverez en la cherchant.
@ Marc Ghinsberg
Cette Révolution, et toute la puissance qui y était contenue, débuta avec Le Chant du départ. Elle se termine en marche funèbre.
Il est saisissant d’horreur que tous ces rationalistes, avec leur faible raison, et tout ce que la France compte de talents et d’intelligence, soient à ce point séduits par cette mélopée de la mort qui les mène, tel le joueur de flûte de Hamelin entraînant les enfants, tout droit à la fosse, avec pour seule promesse compensatoire celle d’un enterrement de première classe.
Comme Ulysse et ses compagnons dans leur périple entre Charybde et Scylla, pour échapper au chant de mort des sirènes, il faut se boucher les oreilles avec de la cire. Ils voulurent se libérer du joug léger, se révoltèrent, et s’en allèrent suivre et adorer le porteur de Lumières qui les avait tentés et qui les téléguidait, en automates, vers leur perte et l’enfer.
« …la disparition des valeurs, des principes et du modèle d’universalité définissant notre nation sur un mode idéal. » (PB)
Parlons-en, de ces prétendues valeurs, de ces prétendus principes et de ce « modèle d’universalité » prétentieux, qui ne font que nous conduire à la catastrophe après avoir démontré, dans le passé, leur inanité dans les larmes et dans le sang !
Comment résoudre un problème si l’on en reprend encore et encore les mêmes causes ?
Paris et ses merveilles, l’argent qui coule à flot, la dépense tous azimuts, et ce sont toujours les mêmes qui paient. Oui, il faudra beaucoup de courage politique pour arrêter cette hémorragie ; elle est presque partout. Toujours dépenser, dépenser toujours plus, et à la fin, quand on veut acheter des cartouches, on se rend compte qu’il n’y a plus un sou vaillant.
Hidalgo est un exemple parmi d’autres : elle s’en va ; c’est une grande bourgeoise de l’argent des autres. Il a fallu lui taper sur les doigts pour lui faire comprendre que la caisse n’était pas un salon de luxe. Nous sommes fous, et après on se rend compte que les hôpitaux sont en lambeaux et que l’école est sans chauffage.
https://x.com/paul_hatte/status/2000932633891537386?s=58&t=VD2Ene-M1AwwcyLHd1ncEg
« Il est déplorable que la France, sous quelque président que ce soit – à l’exception sans doute de Georges Pompidou -, n’ait jamais cherché, depuis de Gaulle, ne serait-ce qu’à ralentir la dégradation, à freiner le délitement, et que le constat pessimiste de Valéry Giscard d’Estaing selon lequel notre pays n’était plus une grande puissance ait donné bonne conscience à tous ceux qui ne rêvaient que d’une France donneuse de leçons par le verbe, mais largement impuissante dans l’action. » (PB)
Il me semble pourtant que c’est ce que fait Macron sur le plan militaire à présent. Certes, cela n’a rien d’original : toute l’Europe tend à se réarmer. Mais ce qui compte n’est pas de jouer les prophètes, c’est de renforcer sa force et ses alliances.
Je dirais que les gouvernants comme les gouvernés doivent arrêter de se prendre pour des prophètes : il faut se renforcer pour exister. Ainsi, si la bombe est nécessaire, comme l’illustre la pauvre et héroïque Ukraine, elle n’est pas suffisante.
Outre le fait de cesser de jouer les prophètes pour tout et pour rien sur le plan international, il serait bon que les Français évitent ce ton entre eux. Le premier réflexe ne devrait pas être de sacrifier les « riches » ou les « assistés », mais de rendre l’État plus efficace. C’est seulement dans un second temps, si cela est nécessaire, qu’il faut aviser pour le reste. Et l’absence de ressentiment croisé serait un plus. Mais comment cela serait-il possible quand le réflexe est toujours de s’en prendre à quelqu’un plutôt que de tendre vers l’efficacité ?
Comment les adorateurs de l’État peuvent-ils critiquer les entreprises qui renvoient des gens si l’État en sacrifie aussi, sans montrer l’exemple dans la recherche de moyens alternatifs d’agir ? Il faut savoir : soit sacrifier les gens est la première chose à faire, dans l’entreprise comme dans l’État, soit ce ne l’est pas. Si ce n’est pas le cas, il faut essayer d’être efficace ; et si l’État met des barrières — que l’on peut comprendre — aux licenciements pour sécuriser la vie des plus faibles, il doit faire de même face aux « riches » et aux « assistés », qui sont tous faibles face à lui.
Exemplarité.
Je ne le dis pas seulement par morale : l’exemplarité et la confiance peuvent inciter à l’effort. Je le dis aussi parce que la double pensée empêche de réellement penser et donc de trouver des solutions innovantes. Le climat social du pays s’y oppose : le manque d’investissement des Français dans les technologies d’avenir est révélateur ; tout ce que nous savons faire, c’est mettre des barrières. Je ne dis pas que toutes soient forcément inutiles, mais la France n’est ni une prophétesse — par exemple de la liberté, quand elle a perdu plusieurs fois la sienne : quelle crédibilité ! — ni capable de discerner les démons de l’avenir, car pour cela il faudrait aussi en voir les merveilles.
Quelle meilleure reconversion, pour qui n’avance pas, que de jouer les sentinelles ?
« Comme si, avec une prescience inouïe, Charles de Gaulle avait deviné qu’après lui, et après sa conception nationale et internationale, un autre monde allait survenir, qui, plutôt que de s’opposer au déclin, l’accompagnerait. » (PB)
Eh oui, de Gaulle, on y revient. Pourtant, les Français l’avaient éconduit en 1969, en votant non au référendum portant sur le projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat.
Je me souviens encore des slogans de Mai 68 qui scandaient « 10 ans, ça suffit ».
La gauche n’en voulait plus, mais à droite le Général a été trahi par ses proches. Il en est un qui est même devenu président de la République.
Alors, quand je vois qu’aujourd’hui le RN (ex-FN) se réclame du gaullisme, alors que le fondateur du FN n’a cessé de le combattre, je me dis que nos politiciens ont vraiment la mémoire courte.
Je ne serais même pas étonné que, dans dix ans, des adversaires d’Emmanuel Macron viennent à se revendiquer défenseurs de la macronie.
En politique, certains osent tout. Et ce sont généralement les mêmes.
La phrase « J’ai tenté de dresser la France contre la fin d’un monde », souvent attribuée au général de Gaulle mais dont on ne trouve aucune trace dans ses écrits ni dans ses discours, traduit un constat amer. Elle aurait néanmoins pu être prononcée par l’ancien président de la République, renvoyé par le peuple à Colombey-les-Deux-Églises.
À la fin de sa vie, le Général était profondément désabusé. S’il avait cherché à dresser la France contre la fin d’un monde, il n’y était pas parvenu. La France avait perdu son statut de grande puissance impériale. Elle s’était épuisée, aux côtés de l’Angleterre et de l’Allemagne, dans la Première Guerre mondiale, souvent considérée comme une forme de suicide collectif de l’Europe.
Désormais, les États-Unis dominaient le monde. L’Union soviétique faisait encore illusion, tandis que la Chine commençait à peine à émerger. Valéry Giscard d’Estaing, lui, avait lucidement perçu l’évolution du monde. Il savait que la démographie et l’économie étaient les facteurs déterminants de la puissance, et que la France, seule, n’était plus qu’une puissance moyenne. Il avait compris, plus tôt et plus clairement que beaucoup, qu’elle ne pourrait peser dans la marche du monde qu’en s’unissant à d’autres nations européennes partageant avec elle une géographie, une histoire, des racines et des valeurs communes, pour former un ensemble capable de rivaliser avec les États-continents.
La marche vers l’Union européenne est lente et difficile. Paradoxalement, elle est aujourd’hui la condition même de la souveraineté. Sur le plan économique, la concurrence exige un marché intérieur à l’échelle d’un continent ; sur le plan stratégique, l’indépendance suppose un arsenal militaire qui n’est plus à la portée d’une nation moyenne.
Le destin de la France, si elle veut que sa voix porte encore, est d’achever avec ses partenaires la construction européenne. À défaut, elle risque la vassalisation et se condamnerait à n’être que spectatrice de l’histoire.