La novlangue est devenue la nôtre…

Dans une page très éclairante du Journal du Dimanche du 7 décembre 2025, François Bousquet et Pascal Meynadier ont décrypté les mots de 1984, le chef-d’œuvre de George Orwell.

L’antiphrase, « l’art souverain de dire l’inverse de ce qui est ». Le ministère de la Vérité, grâce auquel la vérité devient « une appellation contrôlée ». « On ne falsifie pas, on rectifie… on ne surveille pas, on labellise. »

La doublepensée, qui offre l’avantage de « croire deux choses incompatibles ». L’ennemi, car « le totalitarisme, pour fonctionner, doit disposer d’un visage à brûler »… Une sorte de « front républicain » et de « cordon sanitaire » avant l’heure, la franchise en plus ?

Les deux minutes de la haine, « un défouloir supervisé où la haine devient service public et sévices publics ». L’Assemblée nationale ?

Big Brother, « le culte de la personnalité fonctionne encore mieux quand la personnalité n’existe pas… »

Le télécran : « l’objet domestique de la tyrannie ».

La Police de la Pensée, elle traque le « crimepensée », « seule infraction qu’on peut commettre en dormant ou sans s’en rendre compte ».

La salle 101, « la destruction méthodique de chacun grâce à la connaissance de la peur ultime de chacun… ».

Chacun de ces mots, chacun de ces pièges, de ces étouffements, chacune de ces tyrannies masquées et de ces tortures mériterait une analyse approfondie, tant ils résonnent tous, fortement, avec notre monde et notre actualité.

Mais j’ai gardé précieusement le mot capital qui me paraît anticiper tragiquement l’état de notre société, le niveau de notre réflexion collective, la pauvreté de notre langage et la faiblesse de notre pensée. Ce mot, c’est « la novlangue ». « Son objectif est simple : réduire le vocabulaire pour réduire la pensée. » Abaisser l’exigence de la pensée et de la vie de l’esprit pour n’avoir plus besoin de la moindre richesse de la langue. Façonner l’idée et le mot de telle manière que l’une et l’autre n’aient plus d’autre ressource que de devenir outrance, insulte, caricature et, pire, mensonge.

La novlangue est présente : elle n’est plus une menace, mais une réalité. Écoutons Sébastien Delogu crachant sur la police et vantant Assa Traoré, « sa petite sœur ». Écoutons les mille vulgarités odieuses ou grossières qui se justifient parce qu’elles sont proférées par des gens sans expression ni fond.

Regardons, à rebours, comment un Jean-Luc Mélenchon a été si délicatement traité devant la commission, parce qu’il l’impressionnait par une culture et un verbe pourtant totalement déconnectés du moindre souci de vérité, mais jamais mis à mal.

La novlangue est présente : on nomme mal et le monde se défait. Les derniers résistants parlent une belle langue et ont une pensée juste dans le désert.

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