Avocat, de qui, de quoi, comment ?

Malgré les apparences de ma vie judiciaire, j’ai toujours éprouvé, au fond de moi, la passion de défendre. Comme avocat général à la cour d’assises de Paris, cette fonction m’est d’ailleurs apparue comme une plénitude permettant à la fois la défense et l’accusation. Car pour le ministère public, il n’y a pas d’autre alternative, s’il veut être honnête, que ce cumul. L’avocat, sur ce point, est moins bien loti : qu’il soit aux côtés de l’accusé ou de la partie civile, il est condamné à une vision univoque de l’affaire puisqu’il ne peut se permettre de s’engager si peu que ce soit dans la voie de la compréhension de l’adversaire et de son argumentation.

C’est ce qui m’a détourné, pour l’essentiel, du barreau : ne pas pouvoir créer soi-même sa conviction, mais dépendre de celle que l’on vous propose de soutenir. Ce n’est pas honteux, j’ai la plus grande admiration pour les authentiques grands avocats – rien à voir avec ce terme de ténor médiatiquement galvaudé ! – mais il n’empêche que cette sincérité relative constitue une brèche et introduit un bémol dans mon enthousiasme.

Aussi, comme magistrat hier et citoyen aujourd’hui, je n’ai jamais dissocié l’apologie d’une personnalité ou d’une cause de l’exigence de vérité – la mienne – et de la volonté de faire le tour des problématiques d’un sujet. Arracher une parcelle à ce souci de plénitude, aussi étrange que cela paraisse, c’est me faire mal.

(Noëlle Herrenschmidt. 1997. Crayon à papier et aquarelle, 32x41cm)

Je me souviens que ma mère me voyait avocat : elle disait que je défendais systématiquement ceux qui étaient attaqués, que le registre soit familial ou politique. Je ne crois pas avoir changé, il m’est toujours insupportable d’entendre dénigrer globalement une personnalité à partir d’un grief singulier, d’une accusation unique.

J’ai ainsi souvent souligné que François Hollande était non seulement sympathique et drôle, en dehors de son activité professionnelle, mais aussi très intelligent, avec la réserve qui n’est pas offensante de le juger parfois trop habile comme député, au détriment d’une parole claire et tranchante contre ceux qu’il juge dangereux pour la République. Mais il situe ces dangers surtout du côté de l’extrême droite, beaucoup moins du côté d’autres courants qu’il ménage, notamment LFI.

Je ne peux me défaire de l’impression qu’avocat, par souci exclusif d’introduire de la nuance dans le monolithique et de la contradiction dans l’univoque, je ne suis pas très éloigné aujourd’hui de celui que j’étais hier.

Aucune rupture mais la continuité d’une existence dont le destin a élargi la palette.

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Voir les Commentaires (16)
  1. J’imagine que chacun peut se voir comme le défenseur d’une ou de plusieurs choses, notre hôte, de la société* et de ce qu’il y a de bien dans les transgresseurs, l’avocat des intérêts de ses clients, transgresseurs ou victimes, les magistrats du siège, de tous, et surtout de la justice, qui arbitre entre tous. C’est en tout cas plus beau que de ne songer qu’à sa carrière, ou mieux, de ne se voir qu’en démolisseur d’autres intérêts que ceux que l’on défend.

    Je trouve bien l’impulsion de défendre les gens, relevée par la mère, et la façon de le faire des absents, même si on est en désaccord avec eux. Mieux vaut rompre quelques lances avec les opposants, chevaleresques comme les chevaliers ne l’étaient pas.

    Et/ou des victimes, notre hôte ne nous dit pas ce qu’il estime être la mission du ministère public.

  2. Xavier NEBOUT

    Genau nous a magnifiquement conté la solitude du juge, mais il convient de rappeler ce que fut une autre justice.

    Dans la justice ecclésiastique d’antan, qui était compétente en tous domaines dans le ressort des seigneuries ecclésiastiques, juges et avocats sont des prêtres, et ces derniers ne demandent pas d’honoraires. Ils plaident dans la vérité de leurs clients, le cheminement qui a poussé les uns et les autres à s’opposer.
    Comme le juge africain sous l’arbre à palabres, il faudra arriver au moment où il dira de l’un : « Il n’avait pas compris, il va te dédommager », et de l’autre : « pardonne-lui » et enfin « embrassez-vous » car vous avez retrouvé le chemin de la vérité.
    De cette justice, il subsiste la procédure de comparution personnelle malheureusement abandonnée tant par manque de temps que pour le contentement des avocats qui se verraient coupables de préférer la juteuse procédure à la recherche de conciliation.
    Nous attendrons longtemps que je juge condamne d’office l’avocat plaidant la malhonnêteté et la faute de droit, pour manquement au devoir de conseil avec restitution des honoraires et dédommagement de son client.
    Le nombre des affaires civiles serait divisé par x. Alors, dans notre justice pourrie déguisée en justice ecclésiastique, personne n’en veut.

    P.-S. : je dois cependant témoigner du fait qu’il existe de très rares avocats qui conseillent à leur client de payer ce qu’ils doivent plutôt que d’aller à une procédure en principe perdue d’avance bien qu’il ne soit pas exclu qu’un juge pourri lui donne raison.

    Genau nous a magnifiquement conté la solitude du juge, mais il convient de rappeler ce que fut une autre justice.

    Dans la justice ecclésiastique d’antan, qui était compétente en tous domaines dans le ressort des seigneuries ecclésiastiques, juges et avocats étaient des prêtres, et ces derniers ne demandaient pas d’honoraires. Ils plaidaient dans la vérité de leurs clients, le cheminement qui avait poussé les uns et les autres à s’opposer.
    Comme le juge africain sous l’arbre à palabres, il fallait arriver au moment où il disait de l’un : « Il n’avait pas compris, il va te dédommager », et de l’autre : « Pardonne-lui », et enfin : « Embrassez-vous », car vous avez retrouvé le chemin de la vérité.

    De cette justice, il subsiste la procédure de comparution personnelle, malheureusement abandonnée tant par manque de temps que pour le contentement des avocats qui se verraient coupables de préférer la juteuse procédure à la recherche de conciliation.
    Nous attendrons longtemps qu’un juge condamne d’office l’avocat plaidant la malhonnêteté et la faute de droit, pour manquement au devoir de conseil, avec restitution des honoraires et dédommagement de son client.
    Le nombre des affaires civiles serait divisé par x. Alors, dans notre justice pourrie, déguisée en justice ecclésiastique, personne n’en veut.

    P.-S. : Je dois cependant témoigner du fait qu’il existe de très rares avocats qui conseillent à leur client de payer ce qu’ils doivent plutôt que d’aller à une procédure en principe perdue d’avance, bien qu’il ne soit pas exclu qu’un juge pourri lui donne raison.

  3. « Comme avocat général à la cour d’assises de Paris, cette fonction m’est d’ailleurs apparue comme une plénitude permettant à la fois la défense et l’accusation. Car pour le ministère public, il n’y a pas d’autre alternative, s’il veut être honnête, que ce cumul. L’avocat, sur ce point, est moins bien loti : qu’il soit aux côtés de l’accusé ou de la partie civile, il est condamné à une vision univoque de l’affaire puisqu’il ne peut se permettre de s’engager si peu que ce soit dans la voie de la compréhension de l’adversaire et de son argumentation. » (PB)

    Donc, à vous suivre, la vision hémiplégique est du côté du Barreau, la vision panoramique du côté du Parquet… Il est vrai qu’assis plus haut, le ministère public a une meilleure vision périphérique… Je ne connais pas particulièrement la magistrature ou l’avocature mais quelques amitiés, quelques expériences, quelques lectures, quelques audiences partagées, m’inclinent à penser que le bon avocat a, au préalable, décortiqué sous toutes ses formes la pensée adverse pour lui apporter la réplique… Que serait un pénaliste ou un civiliste qui, avant de plaider la synthèse, n’aurait pas, en son for intérieur, disséqué la thèse et l’antithèse ?… Un médiocre…

    Et si votre mère avait eu raison ?

  4. « J’ai ainsi souvent souligné que François Hollande était non seulement sympathique et drôle, en dehors de son activité professionnelle, mais aussi très intelligent, avec la réserve qui n’est pas offensante de le juger parfois trop habile comme député, au détriment d’une parole claire et tranchante contre ceux qu’il juge dangereux pour la République. » (PB)

    Bon, bon… Je pense absolument le contraire de tout cela. Mélenchon le connaissait bien, après un long parcours politique commun. Il l’a affublé du sobriquet de « capitaine de pédalo ». Cela résume bien ce qu’il est dans son ensemble, un barreur de coquille de noix en eau douce.

    Sur le plan personnel ? « Loin d’être perçu comme « sympathique et drôle », François Hollande a souvent été critiqué pour une certaine distance, voire une banalité dans ses rapports humains ». Cachotier et pas franc du collier aussi. Habillé dans le livre de Trierweiler, même s’il était plutôt à charge.

    « Son humour, jugé parfois « potache » ou décalé, a souvent été interprété comme un manque de sérieux plutôt que comme une qualité relationnelle ». Il faut reconnaître que ses blagounettes pourries ne faisaient rire que ceux qui voulaient s’attirer son empathie. Souvent le rire forcé de ses interlocuteurs, des serviles qui quémandent. Pour Montebourg, il était un « obstacle » à la carrière présidentielle de son ex, Ségo.

    « Plutôt que de le qualifier de « très intelligent », certains observateurs ont souligné une pensée politique jugée floue, marquée par l’indécision et l’absence de vision forte. En fait tout le contraire du courage en politique.
    Ses hésitations et son goût du compromis permanent ont souvent été interprétés comme un manque de profondeur intellectuelle et stratégique ».

    Loin d’être « trop habile », il a parfois été perçu comme maladroit, incapable de trancher ou de s’imposer face à ses adversaires. S’il avait été bon, à la hauteur, celle qu’on attend des meilleurs, stratégiquement il aurait fait un deuxième mandat. Il a eu la majorité au Congrès avec Jean-Pierre Bel au Sénat, eh bien oui il n’en a rien fait, sa nullité n’en a tiré aucun profit ni avantage constructif, il a été d’une impopularité telle qu’il s’est dégonflé comme une baudruche, même pas le courage minimum pour aller au fer et se représenter. En fait il est mou aussi intellectuellement, et pas roué pour deux sous, il pouvait faire passer les lois qu’il voulait à ce moment-là.

    Ses prises de parole manquaient souvent de fermeté et de clarté, donnant l’image d’un dirigeant hésitant, peu capable de s’opposer frontalement à ceux qu’il considérait comme une menace pour la République.
    La preuve, il s’est déballonné pour défendre un potentiel deuxième mandat, il a fui avec son courage de papier mâché dans sa giberne, il n’était plus rigolo désormais, simplement pathétique.

    « Au lieu d’incarner un homme sympathique, intelligent et habile, François Hollande a pu apparaître comme un responsable politique terne, indécis et manquant de charisme.
    Cette perception a nourri l’idée qu’il n’était pas en mesure de porter une parole forte et mobilisatrice, ce qui a fragilisé son image publique ». Les électeurs ne se sont pas trompés sur sa valeur, il a été renvoyé à ses blagounettes pourries et à ses rêves de grandeur, tout ça ne fait pas un grand homme ni surtout un charismatique politique pour monter au feu et conquérir les coeurs des électeurs. Les citoyens détestent les mollusques.

  5. « C’est ce qui m’a détourné, pour l’essentiel, du barreau : ne pas pouvoir créer soi-même sa conviction, mais dépendre de celle que l’on vous propose de soutenir. » (PB)

    Toute personne mise en examen peut disposer d’un avocat, y compris le pauvre bougre qui n’a pas les moyens de le payer. Dans ce cas, l’individu bénéficie de l’aide juridictionnelle et c’est l’État (encore lui) qui paie.
    Certes, il s’agit généralement d’un avocat débutant qui n’a pas le talent et l’expérience d’un « ténor du barreau », mais enfin c’est l’occasion pour le jeune avocat de faire ses preuves et de se tailler une réputation. Éric Dupond-Moretti dit « Acquittator » a commencé comme ça.

    Pour accepter de défendre un terroriste fanatisé, un violeur multirécidiviste, un assassin que tout accuse, il faut avoir des raisons que personnellement j’ai du mal à saisir.
    Surtout quand il s’agit d’un avocat célèbre qui accepte ce genre de travail uniquement dans le but d’avoir son nom dans tous les médias et d’être invité sur les plateaux télé.
    Franchement, c’est un métier que je n’aurais jamais pu faire. Mais il faut bien qu’il y en ait pour faire le sale boulot…

    1. « Franchement, c’est un métier que je n’aurais jamais pu faire. Mais il faut bien qu’il y en ait pour faire le sale boulot… » (Achille)

      …Et pour aller, le 9 octobre prochain, au Panthéon, aux côtés de Condorcet…

      « Pour accepter de défendre un terroriste fanatisé, un violeur multirécidiviste, un assassin que tout accuse, il faut avoir des raisons que personnellement j’ai du mal à saisir ». (idem)

      Défendre la parcelle d’humanité qui subsiste dans le pire des larrons… et lui donner une chance de rédemption… c’est aussi ce que fit Badinter lors des procès Buffet, Bontemps, Patrick Henry… et ce que fit, aussi, l’avocat de Patrick Dils…

    2. Michel Deluré

      « Pour accepter de défendre un terroriste fanatisé, une violeur multirécidiviste, un assassin que tout accuse, il faut avoir des raisons que personnellement j’ai du mal à saisir. »

      Lorsque l’on a cette vocation d’avocat chevillée au corps, la question ne se pose certainement pas en ces termes. Face aux délits les plus sordides, les plus répugnants, l’avocat n’est pas plus insensible, moins horrifié, que nous le sommes et il a tout autant que nous conscience de la gravité de ces actes et de la douleur des victimes et de leurs proches.

      Mais son devoir, que lui dicte sa vocation, est alors non pas d’ignorer la réalité et la gravité des faits dont son client est accusé, et d’avoir pour seul objectif la recherche à tout prix, contre toute évidence, de l’acquittement de celui-ci ou pour le moins de la réduction anormale de sa peine, mais bien plutôt de l’assister pour que dans les débats la raison l’emporte sur la passion et qu’au bout du compte, le jugement rendu soit juste.

  6. Il est un avocat qui a beaucoup de travail pour défendre son client : celui de Cédric Jubillar.
    Pas de preuve de culpabilité mais des présomptions de culpabilité.
    Bref, si Jubillar est acquitté, c’est la porte ouverte pour devenir l’avocat de Sarkozy qui est dans la même situation.
    De quoi motiver, non ?

    1. « …Et pour aller, le 9 octobre prochain, au Panthéon, aux côtés de Condorcet… »

      Ah ! Encore une cérémonie dont l’utilité pour la France est loin d’être évidente, qui va nous coûter la peau des genoux alors que Bercy rédige en ce moment les ordonnances qui vont nous saigner à blanc même si aucun gouvernement n’est constitué pour renflouer une dette dont sont responsables les hommes du Régime (ceux-là mêmes qui ne savent rien faire d’autre qu’entasser leurs copains au Panthéon)…

    2. Robert Marchenoir

      « Une dette dont sont responsables les hommes du Régime. »

      Pas seulement. C’est trop facile. Les « hommes du Régime », comme vous dites – en fait la quasi-totalité des politiciens, de droite comme de gauche – ne font qu’obéir aux aimables pressions des Français, qui, tous, exigent leur petit cadeau, leur petite subvention, leurs « moyens » finançant la partie du « service public » qui les arrange.

      Combien d’électeurs de base, y compris à « l’extrême droite », ont passé des décennies à nous dire que la dette n’avait aucune importance, qu’on ne la rembourserait jamais, que d’ailleurs c’était un « investissement » et qu’il fallait « encourager la croissance » ?

      C’est comme les masques anti-Covid, hein. Ceux qui hurlaient à la mort contre les « hommes du Régime », lorsqu’on en manquait, sont les mêmes qui s’indignaient que la ministre Roselyne Bachelot en ait acheté des millions en prévision d’une épidémie qui ne s’est jamais concrétisée, et les mêmes qui hurlaient à la mort qu’on leur impose une « muselière » pour les « bâillonner », une fois qu’ils furent disponibles à nouveau pour protéger du Covid.

      La mémoire, l’honnêteté, la cohérence et le sens de la responsabilité ne sont pas l’apanage des Français. Le « Régime » est un alibi bien commode. Il n’y a pas de « Régime ». Il y a des politiciens qui disent ce qu’on leur dit de faire, et puis des citoyens qui se plaignent des conséquences de ce qu’ils ont réclamé.

  7. Étrange. Je n’admire pas cette tendance, cher hôte; ni n’en partage les prémices.
    Magistrat sur le tard, issu d’un milieu de petite bourgeoisie, et après une carrière d’huissier de justice, passablement ennuyeuse, j’avais nourri une admiration bénigne envers les avocats. Inutile de faire de la poésie sur ce sujet, mais l’autorité due à la pratique des prétoires, la superbe, la présomption du travail acharné de cabinet, bâtissaient une image de prestige et de scrupule professionnels.
    Une forme de condescendance vis-à-vis de l’officier ministériel autorisait aussi une prudence augmentée du risque de voir la faillite d’une récupération de créance entacher la réputation de l’avocat, prompt à faire rejaillir l’insuccès sur le « déplorable huissier ».

    Quelques bonnes relations se sont nouées mais pour des raisons annexes : culture, musique, activités privées.
    Devenant magistrat, un peu sur le tard, j’ai appris la distance, pour mon malheur, mais aussi la passion de la spéculation intellectuelle, qui fait qu’entre le dossier audiencé et le moment de son bouclage, les vérités s’affrontent et créent dans l’esprit du juge une construction de type nécessairement dialectique. Les réfutations d’audience sont sans grand intérêt, au civil, tout est dans le dossier. Au pénal, elles sont capitales et la tentation de se laisser aller à la fascination du talent cède assez rapidement la place à un scepticisme qu’on tâche de rendre aimable. La parole du Parquet a le redoutable privilège de poser une analyse qui lui permet d’aller du soin pour le Siège de choisir, jusqu’à la condamnation la plus sévère et c’est le point qui séduit ; la démarche sur un fil suspendu, dans la subtilité d’un équilibre indissociable de l’ontologie de la fonction.

    La reddition de la décision pénale, après délibéré, libère les impressions, gomme les excès et rabote les oedèmes verbaux. Au civil, la prise en charge du dossier pose alors la question épineuse de l’office du juge. Entre lui, serviteur du dossier et la vérité, il n’y a plus personne. Chaque partie a fait valoir sa vérité, reste en suspens la seule, celle du droit par la plume d’un homme seul (ou collégial, peu importe). Certes, l’habitude, les routines (au sens technique du terme), facilitent souvent la tâche : la solitude demeure et c’est presque tautologique. Le juge ne doit rien ajouter ou retrancher sauf que, libre d’interpréter, il en arrive à faire oeuvre entièrement originale. C’est le moment de sa vérité.
    Cette analyse comportementale m’a valu l’hostilité d’un avocat de mon entourage qui trouvait méprisant d’ignorer l’avocat dans cette démarche.

    Le rôle du juge est dérangeant, qui a la faculté de détruire (tabula rasa) tout ce qui a été dit avant lui, fût-ce de la bouche et la plume d’une gloire du Palais, par un acte d’autorité (sous la réserve d’un renvoi à l’audience) et fonder un raisonnement nouveau.
    Ce travail se fait sans grâce, sans gloire, sans notoriété, dans la solitude mais en réunissant tout ce qui a été dit et fait précédemment, souvent dans un ordre remanié, passé les « qualités ». Cela, beaucoup d’avocats ne l’intègrent pas, du moins en public. In imo pectore, c’est autre chose, peut-être, j’espère.
    Voici pourquoi l’art de la parole, d’une part, n’est pas un privilège d’avocat, qu’il partage avec le Parquet, paraît étranger au juge du siège, mais se conclut chez lui par la maîtrise d’un Verbe indéfiniment consultable et critiquable, par nature et par destination.

    1. hameau dans les nuages

      @ genau

      Vous avez été huissier. J’ai été clerc d’huissier à Orthez et Bordeaux, faisant en même temps l’École nationale de procédure. Je n’ai pas fait long feu, ne m’étant même pas présenté à l’examen. J’étais vraiment mal psychologiquement, à signifier en quantité des injonctions de payer à de pauvres gens ayant été roulés dans la farine par des démarcheurs peu scrupuleux. J’ai côtoyé une misère terrible, celle de gens s’équipant d’une télévision grand écran alors que leurs enfants dormaient par terre… J’ai vu des personnes en larmes proposant une petite gâterie pour solde de tout compte. J’avais en vue de pouvoir m’associer avec un ami d’enfance qui, lui, l’est devenu et a une étude renommée. C’était au-dessus de mes forces. Drôle de parcours pour finir paysan.

  8. Xavier NEBOUT

    À propos de la vérité, dans le monde des hypocrites :
    De nombreux pays, et même européens, reconnaissent l’efficacité des machines à détecter le mensonge, et cela même devant la justice. Elles sont depuis pas mal d’années sûres à 90 % et permettent, par recoupements, de conclure rapidement des enquêtes avec une sécurité à 100 %.
    Nous, on préfère les instructions interminables, des procès qui durent des semaines, et peu importe le temps perdu et que des vies soient ruinées, pour ne pas les utiliser.
    C’est qu’on tient à ce que notre justice soit suffisamment pourrie pour en faire ce qu’on veut.
    Ça sert par exemple à se faire un élu de droite… Il suffit de nommer qui il faut à la tête du tribunal compétent…

    Attendez, vous allez vous poiler !
    Le juge traditionnel africain, il voit dans les auras qui ment et qui dit la vérité.
    Mais c’est que voir les auras c’est une atteinte aux droits de l’homme !

    Taisez-vous, tendez-moi l’oreille ! Le supérieur bénédictin aussi. Chut, vous n’avez pas entendu, ne le répétez pas.

    Ah, j’oubliais, les francs-maçons aussi, enfin, en principe… Le fond de la chambre de réception est recouvert d’une tenture grise pour qu’on la voie mieux. Je dis en principe, car il arrive que le reçu sache mieux de quoi il s’agit que le maître.

  9. Il est évident que le souci de justice transparaît de votre personne et l’habit d’avocat général vous allait comme un gant.

  10. Le procureur n’est-il pas « l’avocat de la société » et, à ce titre, ne peut-il se trouver — vous le soulignez si je ne me trompe — en contradiction avec le résultat d’une instruction lui paraissant exagérée ou infondée ?
    C’est plus qu’un métier au strict sens technique : il s’agit aussi de faire preuve de cette intuition, teintée de sensibilité aux existences.
    Certainement, votre vie professionnelle a dû être enrichissante.

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