Mon François Mitterrand

Ce ne sont pas les sujets
qui manquent. La discrétion de Roman Polanski en Suisse et le soutien toujours
appuyé (dangereux ?) de Bernard-Henri Lévy. La scandaleuse condamnation du
dissident chinois Liu Xiaobo à onze ans de prison. Cette femme qui a dérobé des
dizaines d’anges dans les cimetières pour combler sa solitude et apaiser sa
détresse (Le Monde, Le Parisien, Le Figaro).

Mais le bonheur d’une
semaine de vacances, c’est de lire ou de relire. Je venais de terminer "Carnets intimes de Nicolas Sarkozy" par Christine Clerc – exercice
difficile, qui pourrait sembler artificiel mais dont elle se tire
remarquablement – quand le hasard de ma curiosité m'a permis de me passionner
pour "L’année des Adieux" de Laure Adler et l’ouvrage de Pierre Péan "Dernières Volontés, Derniers Combats, Dernières souffrances". Et de continuer à
cultiver ma fascination pour François Mitterrand.

En effet, j’ai depuis
longtemps laissé de côté l’application frénétique et studieuse du catéchisme
socialiste durant les deux premières années de son premier septennat, sa
désinvolture royale à l’égard de ce qui prétendait limiter l’exercice de son
pouvoir personnel et les mille combinaisons à la fois subtiles et médiocres
d’un tacticien hors pair et d’un homme hors du commun.

C’est cet homme qui
depuis 1988 et plus particulièrement à la fin de son second septennat a
contraint même l’adversaire le plus affirmé à dépasser le champ de la politique
partisane pour demeurer saisi par un talent si singulier, une intelligence
tellement exceptionnelle et un courage à toute épreuve. Je sais bien que tous
les citoyens n’ont pas suivi mon chemin et qu’on entend encore, parce que les
grandes personnalités suscitent aussi les grandes haines, une hostilité sans
nuance à l’encontre de François Mitterrand. Sa mort, pour certains, n’a rien
lavé ni purifié. Elle n’a en rien aboli la vie du ressentiment. Il y a des
êtres trop riches pour un consensus national. Ce serait même au fond leur faire
injure que de les embaumer. Mieux vaut laisser chacun libre de ses approches et
choisir le Mitterrand qu’il portera dans son panthéon personnel.

Pour expliquer la montée
de mon admiration – comme si, à partir d’un certain moment, plus rien n’était
touché par l’idéologie mais tout par la culture, la résistance physique et intellectuelle,
la volonté de rassemblement et, profondément, la substitution, peu à peu, des
pensées métaphysiques aux habiletés techniques -, j’ai privilégié longtemps l’analyse
du crépuscule qui revenait à sa source. Celle de l’homme de droite et de compromis, qui sur le tard avait besoin de retrouver le jeune homme
Mitterrand guère éloigné d’une vision intelligemment conservatrice. Il me
semble qu’un tel regard, pour n’être pas totalement faux, pècherait tout de
même par approximation. Car en prenant connaissance, grâce à ses propos, à
ceux de ses amis les plus fidèles, à certains de ses admirables discours, du
fond des polémiques qui ont agité sa fin d’existence et de ses convictions les
plus enracinées (notamment européennes), on comprend qu’il y a bien plus qu’une
résurgence « droitière » mais l’affirmation éclatante, sous le soleil
sombre et menaçant de la mort, d’une vérité de soi qui n’avait plus le droit
d’être différée.

J’avoue que pour des
raisons faciles à appréhender et qui tiennent à mon histoire familiale,
l’attitude de François Mitterrand face aux multiples accusations qui ont cru
l’accabler, m’a tout particulièrement intéressé. De la gerbe sur la tombe du
Maréchal Pétain à ses relations avec Bousquet, de son conflit violent et
persistant avec Serge Klarsfeld aux  atermoiements judiciaires liés à Touvier et à
Bousquet, de son rôle à Vichy à son refus d’impliquer la République dans les
indignités commises par l’Etat de fait qu’était, selon lui, le régime du Maréchal
Pétain, François Mitterrand n’a cessé d’être mis en cause, soupçonné, placé
en résidence morale et politique surveillée. Lui qui détestait avoir à se
justifier, il a dû, tout en présentant sa défense personnelle – et avec quel
pouvoir de conviction et quelle intuition historique, pour hier et
aujourd’hui ! -, tenter d’expliquer à la France pourquoi un extrémisme de
la punition n’avait plus de sens si longtemps après la terrible époque qui avait
fait naître et suscité les crimes. Il l’a fait à ses risques et périls et
beaucoup, qui n’aiment rien tant que la vanité si commode a posteriori de se
croire des héros, ne l’ont sans doute pas approuvé.

Ce qui m’a touché chez
François Mitterrand, c’est son inflexible détermination. Ayant en horreur le
racisme et l’antisémitisme – Robert Badinter, Anne Lauvergeon, Pierre Benichou,
Paul Legatte, Maurice Benassayag et d’autres en ont témoigné -, il n‘a pourtant pas voulu céder sur ce qu’il estimait être juste dans ses analyses, qu’elles
soient d’ordre intime ou historique. Il a mêlé son passé au passé de son pays
sans succomber, en dépit des objurgations multiples et des pétitions de
principe, au confort d’un reniement et d’une défaite en rase campagne. Il a
continué à soutenir avec une argumentation obstinée et structurée que la
République n’avait pas à s’excuser pour la « rafle du Vel ‘Hiv »
puisqu’elle ne l’avait pas permise mais Vichy. Jacques Chirac plus tard en le
désavouant s’est attiré un succès facile mais je ne suis pas sûr que la
position de Charles de Gaulle et de Mitterrand – pour une fois réunis – en ait
été moins lucide. François Mitterrand, sur ces sujets infiniment sensibles qui
le concernaient de près, et la France dans ses tréfonds avec lui, a
obsessionnellement tenu les deux bouts de la chaîne dans et pour notre pays
comme il l’a fait, sur le plan international, avec Israël et les Palestiniens.
Il n’a jamais mieux exprimé sa philosophie que par ce concept « d’histoire
réconciliée » à laquelle il aspirait parce qu’elle comblait son désir de
pacification, de voir les plaies nationales non pas exacerbées mais adoucies
sans porter atteinte à l’intransigeance et à la force de ses convictions
humanistes.

Un exemple fera mieux
saisir ce dont je le crédite et je regrette à nouveau de me servir d’une triste
péripétie judiciaire. L’appel, dans l’affaire Fofana, aurait été décidé par
Michèle Alliot-Marie sur l’étrange conseil de son directeur de cabinet ou,
selon Christine Clerc faisant monologuer Nicolas Sarkozy, par ce dernier alerté
et sollicité par le CRIF. Si cette version est exacte, imagine-t-on une seconde
François Mitterrand – et dieu sait qu’il détestait la magistrature !-
obtempérer à une telle injonction s’il avait été persuadé de son inanité
judiciaire !

Devant la complexité d’un
problème, il ne fuyait pas dans la simplicité par commodité. Il affrontait et
tenait bon. On sentait chez lui comme une impossibilité à ne pas dominer la
richesse de sa pensée par sa qualité d’éloquence et l’inventivité de son
langage. Quand tout s’accordait et qu’à l’évidence François Mitterrand avait
pour ambition de délivrer un testament international, il atteignait une manière
de perfection où le fond, la forme et le courage de tout dire, même le plus
difficile, le plus risqué, laissaient l’auditeur, le lecteur admiratifs et
stupéfaits par le caractère exceptionnel de ce type de discours.

Le plus remarquable et
remarqué sur ce plan a été celui qu’il a prononcé à Berlin en 1995 – huit minutes d'improvisation totale – où avec un
art consommé il a évoqué le miracle inouï de la réconciliation
franco-allemande, la chance qu’elle représentait et, en même temps, le courage des soldats allemands défaits par les Alliés. Il a su rendre hommage aux
citoyens qui s’étaient dressés, en Allemagne, contre l’Allemagne nazie. Qu’on
essaie seulement d’appréhender la diversité contrastée de ces idées et de cette
vision, on percevra quel génie il fallait pour les traduire sans faillir, pour
savoir sans faiblesse jusqu’où le politique et l’expérience d’une vie avaient
le droit d’aller.

Je pourrais continuer
ainsi. Il y a évidemment, en référence aux deux livres que j’ai cités, d’autres
exemples où la singularité de cet homme d’exception a explosé et séduit bien
au-delà de son environnement amical et partisan.

J’ai conscience d’avoir
regardé François Mitterrand avec mon œil, mon esprit et mon histoire.  C’est la
force et les limites d’une subjectivité.

Mais comme j’aurais aimé
le rencontrer pour l’entendre, l’écouter,  appréhender l’Histoire dans sa pureté, dans
ses impuretés, dans sa clarté !             
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  1. Rédigé par: admirateur éperdu | 10 janvier 2010 à 15:43
    Je ne sais pas très bien à quoi il sert, en général (je titille là votre pathologie, car vous y verrez un affront à notre bien-aimé tonton, alors nous dirons donc « en Mimi » désormais) de chercher à raisonner les paranoïaques, mais je vous concéderai, désolé, qu’étant de bonne foi, je n’ai toujours pas lu les deux ouvrages de Péan et qu’ai assez écouté d’historiens de témoins et tout simplement assez vécu en France depuis quarante ans pour penser, surtout après avoir lu le livre phare de Rolin (Olivier, pas les autres), que le fascisme que certains en mal de romantisme et souffrant d’une naissance trop tardive pour qu’ils puissent se rendre utilement héroïques, ce fascisme d’opérette, donc que d’aucuns voyaient dans le gaullisme, est bien relatif, bien ‘excusable’ si on le ramène à l’époque, si on cherche dans ce contexte de guerre froide, aussi de décolonisation, quel régime à lui contemporain put lui être clairement supérieur, tant en termes moral, comme économique et stratégique ? Je cherche encore. Mais des milliers de noms de pays vont vous venir, essayez de vous cantonnez à la terre, le reste, j’en maîtrise mal la géopolitique, désolé.
    Un petit mot au paranoïaque, pour finir, histoire de lui offrir sa dose de Valium avant de le mettre au lit, Mitterrand, j’aimais plutôt bien, mais, comme PB et quelques autres, j’aime penser contre tout système, comme contre moi-même, alors je n’en vois pas que les vertus, ce qui est aussi une manière de me moquer avec tendresse du tontonoeudnoeudphile que j’étais à 24 ans quand je votai pour lui en 88 et que j’en vins même, suprême errance, à serrer la fétide paluche de son Jack (qu’on branche généralement à l’oreille là où il fut la voix de son maître, Dieu et son pro fête), c’est dire que je faisais comme fais encore un bien paradoxal ‘gaulliste’.
    AO
    PS (ahhhh) rassurez-vous, je me suis seize mille six cent trente-deux fois lavé les mains depuis.

  2. Rédigé par: Laurent Remise | 23 janvier 2010 à 22:41
    Ce n’est là aucunement une raison pour écrire des « conneries », et nous attendons tous que vous vous excusiez pour « cet accord » qui m’avait tant étonné et que les historiens ont gaussé avec la morgue nécessaire.
    AO

  3. Les SCUDS et insultes qui me sont envoyés ne m’intéressent pas.
    J’ai vu qu’ils traitent tous de la problématique de Mitterrand face à son histoire pendant la Seconde Guerre mondiale vis-à-vis des autres. En le comparant.
    Mais tout cela est hors du sujet de l’auteur de ce billet d’humeurs.
    Mon propos était juste de modérer son enthousiasme, ne pouvant oublier ce que Mitterrand a été par le passé.
    Ce que firent les autres ne m’intéresse pas.
    Avant de louer les vertus du « Grand Homme » il serait de bon ton de nous rappeler tous, objectivement, ce qu’il fit de négatif.

  4. admirateur éperdu

    @ Oursivi
    J’avoue que je suis assez stupéfait par votre dernière réponse.
    Si vous êtes aussi rigoureux dans vos analyses des carrières de nos présidents que dans vos avis sur les ouvrages de Pierre Péan, alors je crains le pire !
    Vous devriez lire les ouvrages avant de porter des jugements définitifs… extraits de la presse.
    « Proust pour les nuls » en deux paragraphes extraits de « Salut les Copains », cela peut être un peu limite non, pour défendre une thèse ?
    Je m’explique : vous écrivez « mais là je crois que nous avons déjà croisé le fer sur ce sujet et aussi connaître vos arguments comme vous devez connaître les miens, donc je vais ménager mon énergie en lisant les « oeuvres » de Péan (qui dézingua aussi bien l’un que l’autre) quand j’en aurai envie ».
    Je n’ai qu’une suggestion : n’attendez pas « d’en avoir envie », précipitez-vous rapidement sur ce que Péan a écrit sur Mitterrand et vous verrez que vous êtes dans un contresens total.
    Il se trouve que j’ai une excellente connaissance des deux ouvrages que Péan a écrit sur Mitterrand pour des raisons que je n’ai pas à exposer ici et que j’ai eu l’occasion d’en parler de nombreuses fois avec l’auteur…
    Pierre Péan a écrit au début des années 2000 « Dernières volontés derniers combats dernières souffrances » (deuxième ouvrage sur Mitterrand), ulcéré qu’il était que 90% des médias aient complètement détourné les analyses dans son ouvrage « Une jeunesse française » et aient pris 3 pages sur 500 pour flinguer Mitterrand.
    Il est dommage que vos avis péremptoires soient marqués par une telle désinformation. Lisez donc ces deux ouvrages et vous verrez l’énormité de votre contresens.
    Ce n’est pas très rassurant quand on voit avec quelle sûreté vous assénez vos jugements et vos bons et mauvais points.
    Par contre dans plusieurs ouvrages, dont en particulier « L’homme de l’ombre », Péan a flingué la face noire du gaullisme.
    Alors je vais répondre à la question : pourquoi ai-je convoqué de Gaulle pour répondre à Alex Paulista qui affirmait que Tonton avait fait perdre 10 ans à la France ?
    Tout simplement parce que je fais partie de ceux qui pensent qu’en politique dans l’entreprise les jugements suivent le principe du fléau de la balance : on porte au pinacle ou on flingue quelqu’un comme sur le fléau de la balance pour contrebalancer avec quelqu’un d’autre.
    Dans les deux cas, les uns ou les autres ne méritent ni l’excès d’honneur ni l’excès d’indignité.
    En d’autres termes, Mitterrand est sali comme il l’est pour qu’on évite de regarder la face noire de de Gaulle.
    Et j’estime que cette face noire du gaullisme, perpétuée par ses « héritiers », mais avec infiniment moins de cynisme, a fait perdre beaucoup à la démocratie française.
    Un observateur de la vie politique française, JF Kahn, avait écrit alors que l’anti-mitterrandisme primaire battait son plein : « Les crimes de de Gaulle comparés aux turpitudes de Mitterrand », qui est parfaitement dans la ligne de ce que je pense (et c’était fort argumenté). Je tiens cet article à votre disposition… Vous constaterez donc que je ne suis pas le seul à « délirer » mais que des gens aussi divers que Jean-François Kahn, Constantin Melnik ou Pierre Péan ont des analyses similaires…
    Effectivement il est plus facile de me discréditer avec des invectives que d’argumenter par rapport aux faits avancés par ces gens somme toute honorables…(après avoir lu les ouvrages concernés !)
    Alors, que la face noire du gaullisme soit totalement occultée et qu’il soit très politiquement incorrect de la rappeler face à cet océan de béatification… Il ne sert à rien de balancer des invectives à ceux qui ont le courage de ne pas se faire enfumer, qui ont gardé leur libre arbitre et qui ne veulent pas occulter autant de dérapages.
    Certes cela ne colle pas à la légende… Tant pis pour vous si vous aimez les légendes qui vous arrangent : il ne sert à rien de pousser sous le tapis ce qui dérange.
    Je constate quand même que vos sources sont sacrément approximatives : c’est dommage quand on veut discourir comme vous le faites du vrai et du faux et ce, en distribuant les bons points.
    Mais n’est-ce pas si français de parler haut et fort de ce que l’on ne connaît pas ? Car c’est quand même un peu fortiche de dire que Péan dans ses deux ouvrages a flingué Mitterrand, sans avoir lu les ouvrages, alors que c’est exactement le contraire.
    Avez-vous l’habitude d’avoir des avis aussi péremptoires sur des ouvrages que vous n’avez pas lus ?
    PS : je vous attends à Canossa quand vous aurez lu les deux ouvrages de Péan sur Mitterrand + « L’homme de l’ombre » qui explique le rôle de Foccart auprès de de Gaulle ce qui, je l’espère, vous permettra de relativiser un peu la sanctification que vous semblez faire du Grand Homme…

  5. Véronique Raffeneau

    @ Laurent
    « …je suis plus circonspect que vous sur le fait que, dans les années 80, Mitterrand n’aurait pas mesuré ce que fut la Shoah et la collaboration active dans ce domaine. »
    Ce que j’essaie de faire valoir c’est l’idée que François Mitterrand prend conscience en même temps, au même rythme que nous tous du caractère spécifique, inouï, inconcevable de l’entreprise criminelle nazie.
    Pour cela il fallait des travaux d’historiens et la littérature, au sens élargi du terme, de mise en récit.
    Je crois que seuls les écrivains, les cinéastes, les dessinateurs – je pense à la bande dessinée « Maus » d’Art Spiegelman (parution 1986) – sont en mesure de construire des instruments pour une appréhension et pour interpréter – au sens virtuose – au plus près de ce qui s’est passé.
    Et encore, si un jour vous lisez « Les Disparus » de Daniel Mendelsohn, il y a un passage dans ce livre qui m’a beaucoup remuée et au sujet duquel je m’interroge.
    DM tente de construire le récit de qu’aurait pu être les circonstances de la disparition et de l’assassinat de Schmiel, d’Ester et de Bronia Jäger, le père, la mère et leur petite fille, leur plus jeune enfant.
    A ce moment du récit, il semble que le plus vraisemblable les concernant soit un départ vers Belzec – camp d’extermination. La suite des investigations de Daniel Mendelsohn démentira cette hypothèse.
    Ce qui m’a profondément remuée c’est quand Daniel Mendelsohn écrit qu’il est obligé d’arrêter son récit une fois la porte de la chambre à gaz refermée sur Schmiel.
    Car ici nous ne pouvons plus l’accompagner.
    Alors je pense que le retrait de Daniel Mendelsohn est à l’image du temps et du malheur qu’il a fallu pour que des écrivains ajustant leurs récits aux témoignages et aux faits désensevelis par les historiens conçoivent et créent les outils conceptuels d’approche de cette tragédie.
    A Vichy François Mitterrand a vingt-six ans. Je pense qu’il est alors dans une logique d’ambitions politiques et de carrière. A l’image de plein d’autres jeunes gens, la plupart, qui ont d’abord saisi Vichy – pardon de le dire ainsi mais je crois que c’est la vérité – comme une opportunité.
    Ce qui les intéresse et les absorbe alors n’est pas, par exemple, les lois de 1940 et de 1941 portant sur le statut des Juifs.
    J’hésite à l’écrire aussi brutalement mais je pense que pour le jeune Mitterrand d’alors, c’est l’indifférence sur cette législation, qui prévaut.
    Après, plus tard, il y a la Libération, la libération des camps, la question Collaboration / Résistance, l’Epuration et… la reconstruction du pays.
    François Mitterrand, à mon avis, épouse et s’identifie en tous points aux lignes de ce mouvement dans son ensemble.
    La prise de conscience véritable de l’Histoire qu’il a traversée n’intervient que beaucoup plus tard, par à-coups successifs.
    Je pense également que dans son obstination à refuser de reconnaître, en qualité de Président de la République, l’implication de l’Etat français dans le génocide, il faut y voir la position d’un témoin direct de cette période de l’Occupation, dont le point d’équilibre, ce qui structure son souvenir des choses, est la sauvegarde coûte que coûte du récit national post Libération dans lequel il avait encore et encore irrémédiablement besoin de croire.
    @ JP
    « Les Bienveillantes », bien sûr.
    Mais je n’ai jamais pu lire ce livre. Je l’avais commencé quelque temps après sa parution. Je l’ai laissé au moment où dans une petite ville, je ne sais plus laquelle, quelque chose de terrifiant se prépare.
    Je n’ai pas pu aller au-delà de cela.

  6. Alex paulista

    Cher Axel
    AE délire sur de Gaulle, vous sur Mme Thatcher (que je ne porte pas dans mon coeur) pour repartir dans votre marotte anti-traders.
    Mitterrand doit pouffer dans sa tombe…
    Pour plus détailler ce que je reproche à Mitterrand: sa politique économique déplorable, sa manière d’utiliser Renault comme laboratoire social en échange de chèques en blanc de l’État pour les délires du PDG de l’époque, ce dont la régie ne se remettra qu’en liquidant toutes ses activités d’équipements électroniques à haute valeur ajoutée. Aujourd’hui ils ne font que la mécanique, et ont dû bien écraser tous leurs fournisseurs pour compenser.
    Il y a aussi la mauvaise gestion payée avec la croissance systématique des charges sociales jusqu’aux niveaux record d’aujourd’hui, avec pour résultat la smicardisation de tous les salaires. Aussi le gel de toutes les réformes prévisibles et structurelles que l’Allemagne faisait au même moment. Même la réunification allemande de 89 n’a pas réussi à faire redescendre la performance allemande à notre niveau.
    Plus toutes les mises sur écoute, les suicides de deux balles dans la tête…
    La liste est tellement longue, pas besoin de parler de sa participation à Vichy, même si le contraste est visible par rapport à Giscard, par exemple.

  7. « …Suite à ce billet j’ai recherché et listé pour mon travail les récits et les romans qui constituent la littérature de la Shoah… »
    Je suis sûr Madame que dans votre liste figure « Les Bienveillantes ».
    Etrange roman avec un angle assez original qui nous fait découvrir entre deux vomissements, Lermontov et son « Un héros de notre temps » (entre autres).

  8. Qui en est responsable d’après vous ?
    AdmEperdu
    Ce qui est responsable est votre paranoïa concernant ce qui égratigne tonton et ce que le général n’a pu que faire… le Titanic cela devait être lui, forcément avec un si grand nez son vrai nom devait être Iceberg, et comme disait Gainsbourg, encore un juif…
    Bon, ce que vous disiez à propos de Mimi était assez largement juste, quel besoin pathologique de convoquer le général dans l’argumentaire ? Nul ne l’avait introduit, sinon vous, vous auriez pu si votre obsession n’était bloquée sur 65, ou 8, ou je ne sais quoi, introduire Napoléon Louis 14 ou Henri 4, pour sortir d’autres figures marquantes à juste titre de l’histoire de France, et qui firent cependant beaucoup de conneries. Ou citer Chirac, qui ne fit rien que d’étaler son insignifiance. Mais le sujet ne portait pas sur eux ni sur la Joconde, Tamerlan ou Boris Becker, mais sur Mitterrand, sacré bon sang.
    En nous remâchant du de Gaulle le vilain – bouh – vous nous parlez de vous sous un prêt nom maladroit.
    Remarquez, j’aime bien les obsessionnels, mais là je crois que nous avons déjà croisé le fer sur ce sujet et aussi connaître vos arguments comme vous devez connaître les miens, donc je vais ménager mon énergie en lisant les « oeuvres » de Péan (qui dézingua aussi bien l’un que l’autre) quand j’en aurai envie. Il vaut toujours mieux s’adresser à Dieu qu’à ses saints.
    AmenO

  9. admirateur éperdu

    @Oursivi
    Votre commentaire n’apporte rien strictement rien et je trouve fort désobligeant que vous compariez les analyses de C. Melnik avec les délires de Laurent Remise.
    Certes il est politiquement incorrect de critiquer quoi que ce soit dans l’oeuvre du Dieu Vivant mais je vous pose une et une seule question :
    Croyez-vous que le noyautage systématique de la police, de la justice, des services spéciaux, des médias publics, etc. (De Gaulle disait à Foccart, cf Foccart dans ses Mémoires à propos des hauts fonctionnaires : l’important n’est pas qu’il soit compétent ou non, l’important c’est qu’il soit avec nous) que la barbouzerie et les polices parallèles comme le SAC n’aient pas fait régresser la démocratie en France pendant des dizaines d’années ?
    D’où vient d’après vous cette propension en France depuis des dizaines d’années aux coups tordus pour abattre les adversaires ?
    Je le répète il est parfaitement désobligeant de comparer les délires de L. Remise extraits d’un site plus ou moins nauséeux (et qui plus est amplifié par les hallucinations de L. Remise comme cet accord Bousquet – Mitterrand), et les analyses, argumentées de gens comme C. Melnik ou Pierre Péan.
    Ce n’est pas parce que c’est « politiquement incorrect », que cela bouscule des légendes, que cela n’en est pas vrai.
    Je dis et je maintiens que les pratiques de noyautage systématique des grands corps de l’état, des médias publics + la barbouzerie et les polices parallèles comme le SAC ont fait régresser gravement la démocratie en France.
    Qui en est responsable d’après vous ?

  10. « Combien de temps ont fait perdre cet étatisme délirant, cette conception de la société datant du 19ème, cette conception mafieuse du pouvoir ? »
    Rédigé par: admirateur éperdu | 09 janvier 2010 à 09:53
    Votre sortie est à peu près aussi inepte que celle de l’autre illuminé de L. Remise (qui ferait presque confusion entre hagard et hangar). Votre vision concernant de Gaulle est aussi caricaturale que celle d’Alex qui sorti des marchés et du thatchérisme trouve tout ringard et désuet (dix ans de retard). Ce qui est un peu risible chez Mitterrand est d’avoir tant critiqué de Gaulle pour finalement se couler dans ses pas, mais pas d’avoir comme lui tenté – avec moins de succès – de promouvoir une France autonome et d’avoir cru – peut-être ridiculement – à une essence supérieure de son pays dont elle éclairerait le monde. Leur vision d’un solide étatisme protecteur est celui dont beaucoup, fragilisés, rêvent désormais.
    Ce n’est pas en attaquant les travers de de Gaulle que vous grandirez Mitterrand, et réciproquement, on n’est pas à « On refait le match » (êtes resté bloqué en 65 ?).
    Il s’agit juste de moucher quelques cornichons qui inventent des accords ignominieux et ne s’excusent même pas de leur errance.
    AO

  11. Tout ce que vous dites est très juste, Véronique Raffeneau, mais je suis plus circonspect que vous sur le fait que, dans les années 80, Mitterrand n’aurait pas mesuré ce que fut la Shoah et la collaboration active dans ce domaine. Mais peut-être vous ai-je mal lue. Quant à l’association burlesque Bousquet/Mitterrand pour les rafles de 42, mentionnée par Laurent Remise, d’autres internautes ont suffisamment répondu sur cette divagation pour que j’aie quelque chose à ajouter.

  12. admirateur éperdu

    Je constate que depuis quelques mises au point factuelles, les délires concernant les prétendues turpitudes de François Mitterrand ont cessé de prospérer.
    @Alex paulista
    Mitterrand aurait fait perdre 10 ans à la France dites-vous.
    Et combien, la conception « mafieuse » du pouvoir qu’avaient de Gaulle et tous ses successeurs gaullistes a-t-elle fait perdre à la France et à la démocratie française ?
    Puisque vous vous limitez à des affirmations sans argumentation, je vous livre une partie d’une analyse que je partage à 100 %. C’est extrait de « Politiquement incorrect » de C. Melnik :
    « …/…N’étant pas un Dieu unique et omnipotent, de Gaulle n’était pas non plus infaillible. Si je crois avoir identifié certaines de ses erreurs – qui étaient fort difficiles à supporter quand on avait la chance de le servir tant son orgueil ne les admettait pas -, on ne peut prétendre que sa politique « russe », son paternalisme en Afrique – « les négros », disait-il – , son rêve d’un tiers-monde imaginaire, sa tendance à la gesticulation internationale illustrée par le discours de Phnom-Penh ou le bizarre « Vive le Québec libre ! », son hostilité à Israël, soient de glorieux succès. De même et sur le plan intérieur, l’étatisme délirant, un dirigisme d’un autre âge, un « grand dessein » mégalomane dont le France et Concorde seront les coûteux fleurons, l’instauration en France d’un ordre moral pesant – la dictature sur l’audiovisuel ! -, une conception monarchiste, voire mafieuse, du pouvoir ne sont pas à inscrire au bilan d’un grand démocrate…/… »
    Combien de temps ont fait perdre cet étatisme délirant, cette conception de la société datant du 19ème, cette conception mafieuse du pouvoir ?
    Pour ne prendre qu’un seul grief, cette conception « mafieuse » du pouvoir que C. Melnik a parfaitement illustrée dans ses nombreux ouvrages, que P. Péan a détaillée dans « L’homme de l’Ombre », Foccart pour faire tous les coups tordus pour le compte de de Gaulle, Pasqua ensuite dans ce rôle auprès de Chirac, cette perversion qui fait que ces gens pensent qu’un coup tordu peut tout régler en politique , cette conception de l’Etat qui a transformé notre pays en République bananière, combien de dizaines d’années cela a-t-il fait perdre à la démocratie de notre pays ?
    Notre pays n’est pas, en dépit de nos proclamations, de nos rodomontades, un état de droit.
    A qui la faute ?

  13. Véronique Raffeneau

    Merci à Mike et à a pour leurs encouragements.
    Au fond, ce qui m’intéresse beaucoup dans le blog de Philippe c’est le comment je vais pouvoir affermir ou nuancer mon tout premier sentiment à la lecture de son billet.
    L’endroit, les mots, là où ça grince et où ça continue de grincer.
    Ici ce sont les expressions « succès facile » et « extrémisme de punition ».
    Suite à ce billet j’ai recherché et listé pour mon travail les récits et les romans qui constituent la littérature de la Shoah.
    Selon moi, dans le domaine de la littérature, les choses basculent avec la parution en 1979 du livre de William Styron : « Le Choix de Sophie » (paru en France en 1981).
    Des romans et des récits ont bien sûr auparavant fait mention des camps et de la déportation. Mais dans le domaine de la fiction c’est avec Styron que les abîmes de l’horreur deviennent implacablement perceptibles.
    Parallèlement, la télévision, avec la diffusion en 1978 aux Etats-Unis d’Holocauste – 1979 en France – marque le début d’une prise de conscience collective, que « Shoah », le film de Claude Lanzmann (1985), consacrera.
    Ce qui est marquant c’est le fait que les écrivains, les cinéastes et les historiens, parallèlement, ont accompli à partir des années 70 et tout au long des années 80 un même travail de recherche, de mise à jour et de mise en abîme.
    A l’Histoire et à la littérature de la déportation se sont ajoutées et substituées celles de l’extermination.

  14. Vous me donnez envie de relire « La paille et le grain ».
    Rédigé par Monsieur jpledun@JR le 07 janvier 2010 à 23:57
    Ca me fait penser a un titre « L’herbe et le foin »

  15. Alex paulista

    @Jean Reffait
    Certains aiment le clair-obscur, les nuances où l’on aime à chercher la subtilité, le beau.
    S’y cachent aussi la crasse, le sordide, les bas instincts. Même si on en tire de la belle poésie, la boue est toujours de la boue.
    Je me sens plus comme les personnages des Choses de Perec, à la fin de l’histoire. Il faut savoir jeter les divans Chesterfield achetés aux puces pour un intérieur grand et lumineux.
    La France a pris dix ans de retard sous Mitterrand, au risque de vous provoquer « un heurt en pleine poitrine ».

  16. Jean Reffait

    Monsieur,
    Vous méritez bien du respect pour le courage que vous montrez d’affronter les détracteurs de François Mitterrand, ces personnes qui ne se rendent pas compte qu’elles lui élèvent ainsi un cénotaphe qu’il n’eût pas espéré. Je ne vais pas importuner, intervenant bien tardif, vos lecteurs avec la réfutation des contre-vérités bétonnières dont je finis par trouver que l’énumération, à un tel point haineuse, est difficilement supportable,
    Comme le hoquet dont on plaisante et qui, à la longue, devient un mal fatal
    (le pape Pie XII en mourut). Il n’est pas nécessaire de me renvoyer à quelqu’illustre inconnu pour dire, comme à quelqu’un qui a bien réagi, à mon sens, et que je connais bien, que j’ai biberonné quoi que ce fût à quelque mamelle que ce fût. Vous méritez, Monsieur, que l’on vous lise en se présentant dans la vérité de chaque conscience. Seule.
    Vous regrettez de n’avoir pu rencontrer François Mitterrand, et cette chance, je l’ai eue, sans jamais avoir quitté une gauche que je côtoie depuis mes plus jeunes années. Il ne m’a pas été nécessaire d’aller crotter mes souliers du côté de la cagoule, des vichyssois, maurrassiens ou non.
    C’est tout simplement en m’en remettant à de jeunes amis communs (nous sommes tous vieux ou morts à présent) que je me suis trouvé face à un François Mitterrand, qui venait m’ouvrir lui-même en pantoufles (« charentaises, » bien sûr), pour converser de ce qu’on appelait le Tiers-Monde (On a honte, à présent, de dire aux malheureux qu’ils le sont) et de l’avenir de ma Bretagne, dont, oublieuse des marins de l’Ile de Sein
    et du Maquis de Saint-Marcel, la République s’occupait fort peu. Ces deux sujets, tricotés ensemble, firent que des liens nous firent nous sentir proches.
    Peu de gens savent combien, en privé, François Mitterrand était facilement
    courtois, avec cette distinction qui n’appartient qu’aux « grands ». Impérieux
    ? Il apprit à l’être, la fonction, dans son cas, ayant créé l’Homme. Mais il commençait par écouter beaucoup. Il n’écoutait pas seulement, il entendait le non-dit. Ainsi montâmes-nous au palais d’Orsay (l’actuel Musée) tous les deux, un véritable « complot » pour imposer à l’assistance, qui n’en voulait
    pas d’abord, une motion sévère à l’encontre du gouvernement d’alors, qui refusait de condamner le coup d’Etat des Colonels grecs. Tacticien somptueux, il se servit de moi, convaincu, pour convaincre une large
    majorité et le Gouvernement se trouva sommé d’avoir à condamner la première résurgence fasciste en Europe, et, pis, dans notre patrie culturelle, la Grèce.
    Car, ce qu’il a apporté à la France (et dans mon précédent billet je me suis prévalu de mon droit de parler de Patrie), c’est cette définition toute simple de notre identité : « Tout se résout en Culture ». Si on s’en tenait à ceci, on absorberait comme autant de buvards accumulés, les stupidités qu’on
    nous déverse quotidiennement, et que François Mitterrand, pour l’Honneur de la France, n’aurait pas tolérées : » identité dans la diversité », barbouillage verbal qui peut être lu en sens inverse.
    Vous le retrouverez, Monsieur, dans quelques pages de « La Paille et le
    Grain » dont la langue qu’il employa, atteint la beauté de notre prose française à l’égal des plus grands auteurs.
    J’ajoute que je fus de ceux qui, François Mitterrand devenu Président de la République, se contentèrent de lui envoyer un mot de ci de là, et de me consacrer à mon métier et à ma famille. A mes idées aussi, ce qui, à travers ma collaboration – pas très resserrée – avec Madame Danièle Mitterrand, était une façon de le saluer encore de loin. Avant 1965, nous étions peu.
    Après 1981, il y avait beaucoup de monde. Peut-être certains qui l’exècrent tant aujourd’hui, auraient-il souhaité alors une invitation de lui ?

  17. @ Véronique Raffeneau
    Beaucoup de subtilité, de culture et d’humanité dans votre contribution.
    Mais que c’est peu à côté des torrents de désinformation, de mensonge, d’inculture sur ce fil.
    Est-ce surprenant quand la seule chose qui intéresse certains c’est la diabolisation de l’autre pour essayer de masquer les turpitudes du camp qu’ils soutiennent ou la bonne conscience a posteriori.
    A moins que ce ne soit que de la bêtise. Alors c’est grave, très grave…

  18. Véronique Raffeneau

    @ Oursivi
    « Et puis, que Mitterrand ait été le produit de son temps, comme de son éducation et de son milieu, qu’il se soit laissé aller à quelques penchants antisémites et fascisants, est-ce si grave si comme le pensons, il ne prit aucune part dans les ignominies effectives de Vichy ? »
    Ce qui est en question dans le billet de Philippe est sa position selon laquelle François Mitterrand, président de la République, aurait résisté au « succès facile » obtenu par Jacques Chirac à la suite de son discours du Vel d’hiv prononcé en 1995. François Mitterrand aurait ainsi su s’opposer et contenir ce que Philippe nomme « l’extrémisme de punition ».
    Vous évoquez le téléfilm consacré il y a quelque temps à René Bousquet.
    Je pense que l’équilibre et la sobriété de ce téléfilm tiennent justement au fait que le discours du Vel d’hiv a permis d’expurger de nos têtes et de nos coeurs le poison lancinant – le passé qui ne passe pas, selon l’expression de l’historien Henry Rousso – qui faisait que les uns et les autres nous nous déchirions sans fin au sujet de ces années.
    François Mitterrand, non seulement a été le « produit » de son époque, il a aussi été, je le pense profondément, à l’image de ces années d’après-guerre. Celles qui n’intègrent pas dans leur lecture officielle des années d’Occupation la catastrophe absolue s’abattant sur tout le continent européen entre 1938 et 1945.
    Ce que je veux dire c’est que François Mitterrand, en même temps que nous tous, n’a pu prendre conscience que peu à peu de l’ampleur, du caractère spécifique et indicible de cette catastrophe.
    J’ai mentionné plus haut la lecture du livre immense « Les Disparus » de Daniel Mendelsohn que je viens d’achever.
    C’est le petit-fils, le petit-neveu de Schmiel et d’Ester Jäger, le petit cousin de Lordka, Frydka, Ruchele et Bronia, leurs filles, qui va pouvoir trouver en lui l’énergie, la lucidité, la clairvoyance, la paix pour rassembler et faire tenir ensemble les multiples récits embryonnaires chargés de tous les malheurs de la disparition de cette famille pour en construire un récit un et cohérent : un début, un milieu, une fin.
    Je continue de penser que François Mitterrand ne pouvait pas assumer le récit et le versant français de cette tragédie européenne. Il lui fallait d’abord intégrer et assimiler tout ce que les survivants, les témoins, les historiens, les écrivains étaient alors en train de construire.
    Entre le début des années 70, date à laquelle notre mythe national d’une France forcément que résistante s’abîme, et la déclaration du Vel d’hiv, il a fallu vingt-cinq ans.
    Nous avions besoin de ce temps. François Mitterrand également.
    « J’avoue que pour des raisons faciles à appréhender et qui tiennent à mon histoire familiale, l’attitude de François Mitterrand face aux multiples accusations qui ont cru l’accabler, m’a tout particulièrement intéressé » (le billet)
    L’enfant, le jeune homme et l’homme Philippe Bilger ont dû, eux aussi, trouver à tâtons leur chemin pour devenir le fils d’un père réprouvé et condamné.
    Je comprends que l’obstination de François Mitterrand ait pu pour Philippe être comme un secours. Dans son histoire familiale et intime, pour le petit garçon dont le père fut un maudit, quelqu’un, de loin, lui a tenu la main.

  19. Admirateur Eperdu

    @ Laurent Remise
    J’ai vérifié sur l’ouvrage de référence « Une jeunesse française » de P. Péan.
    Une fois de plus vous dites des énormités : Mitterrand n’a connu Bousquet qu’après la décision, acquittement, de la Haute Cour en Juin 1949. Et il l’a connu, comme je l’ai précisé via Jean-Paul Martin.
    Bien évidemment il n’y a jamais eu « d’accord Bousquet – Mitterrand » en Juin 1942.
    Mitterrand n’était ni Oberg, ni Darquier de Pellepoix ni Darland !
    Comment pouvez-vous proférer de telles énormités, de telles ignominies ?
    Intrigué, je suis allé sur le site que vous mettez en référence.Ce site s’affiche « Libéral et pro-américain », j’y ai passé quelques minutes : c’est un mélange de feuilles d’extrême droite et de Closer, le magazine qui vous dit tout sur les seins qui tombent, les vergetures et la cellulite de nos stars.
    On y trouve un article de fond sur la chirurgie esthétique de S. Royal ou la sexualité d’une ex-éminence socialiste (il est bien clair qu’il ne peut y avoir de sexualité « trouble » qu’à gauche…ben voyons…).
    On appréciera donc la qualité de vos sources…
    Mais nulle part je n’ai trouvé cette énorme contre-vérité sur un « accord Miterrand – Bousquet » : cela sort donc, une fois de plus, de votre imagination enfièvrée…
    Cela a un nom ce genre de pathologie et cela se soigne à deux endroits : chez le médecin spécialisé et dans les prétoires car il s’agit là d’une diffamation caractérisée doublée d’hallucinations graves.
    Le drame c’est que c’est vous qui donnez le la sur ce fil avec un activisme forcené.
    Le drame c’est qu’avec de telles sottises, les mensonges énormes, (la déportation des enfants juifs consécutive à « un accord Bousquet – Mitterrand »,) il se trouvera toujours un naïf, un sectaire ou un salaud pour reprendre de telles âneries.
    Je demande donc à P. Bilger qui en tant que magistrat doit savoir ce qu’il en coûte de diffamer ainsi de faire en sorte, non pas que de telles hallucinations disparaissent,car il est de la pédagogie la plus élémentaire que l’on sache que des individus sont capables de proférer de telles contrevérités,
    mais qu’une mise au point ferme permette de rétablir un semblant de vérité en face d’un tel torrent de divagations.

  20. Admirateur Eperdu

    @Laurent Remise
    Ca m’avait échappé : de plus en plus fort sous votre plume.
    « Le 16 et 17 juillet 42, les Parisiens assisteront à la razzia par la police et gendarmerie française (grâce à l’accord Mitterrand-Bousquet), parmi cette razzia 4501 enfants. Le Général Guilbert, chef de la gendarmerie parisienne, sera le superviseur actif dans cette lâche besogne. »
    Au secours, au fou…
    Et vous pensez que pour l’offensive Nivelle en 1917, c’est aussi Mitterrand qui est responsable ?
    Et pour la retraite de Russie ?
    En secret, je vous le confie, le génocide au Cambodge, c’est Pol Pot qui a été conseillé par Mitterrand. Idem pour la solution finale (la shoah…)
    Pour être plus sérieux, vous rendez-vous compte du niveau de ce que vous écrivez ?
    J’avoue être de plus en plus surpris par ce que l’on peut lire sur les forums et je citerai à nouveau Martin Luther King : « Rien n’est plus grave dans le monde que l’ignorance sincère et la stupidité consciencieuse ».

  21. Cher LD, je salue avec retard votre excellent commentaire,
    Rédigé par: Laurent Dingli | 31 décembre 2009 à 11:14
    celui de Véronique un peu plus haut aussi, mais j’aime à les penser non antithétiques mais complémentaires de celui de PB, enrichissant de leurs lumières les contours esquissés par notre hôte.
    Et, oui, je suis d’accord avec vous pour ne pas trouver normal que Bousquet ait bénéficié d’un régime de faveur bien peu républicain, mais cela devient encore plus difficile que de faire tenir tout cela ensemble si repense, peut-être à tort, à ce téléfilm où un Daniel Prévost bien utilisé donnait une tournure humaine à ce froid fonctionnaire-collabo, et cela nous renvoie aux « mansuétudes » de PB que vous vilipendez là probablement à raison.
    C’est bien que de
    Rédigé par: Laurent Dingli | 01 janvier 2010 à 18:57
    douter ; « l’ami » (amateur de « pipeau enchanté » mais pas enchanteur) de JDR ne semblait pas en être capable que d’asséner pareille sortie que celui-là releva aussi à raison
    Rédigé par: Jean-Dominique Reffait | 31 décembre 2009 à 01:58
    et je reste fort étonné de cet « accord » (?) dont n’avais jamais entendu parler
    « Le 16 et 17 juillet 42, les Parisiens assisteront à la razzia par la police et gendarmerie française (grâce à l’accord Mitterrand-Bousquet), parmi cette razzia 4501 enfants. »
    Rédigé par: Laurent Remise | 03 janvier 2010 à 00:55
    qui fait dans son expression sans nuance, FM coauteur de la rafle…
    Tous ses autres paragraphes sont bien connus et relativement attestés.
    Je me souviens avoir entendu P Joxe interroger son père quant à la conduite de son mentor durant la guerre. La réponse fut claire. « Il a été complétement collabo puis complétement résistant », tout le contraire de Papon.
    Et puis, que Mitterrand ait été le produit de son temps, comme de son éducation et de son milieu, qu’il se soit laissé aller à quelques penchants antisémites et fascisants, est-ce si grave si comme le pensons, il ne prit aucune part dans les ignominies effectives de Vichy ? Ce qui est intéressant est le chemin qu’il effectua, qui n’en fait pas un saint, ni son contraire, juste un homme qui chemine et s’égare.
    AO

  22. Admirateur Eperdu

    @ Laurent Remise
    Je vous envoie quelques SCUDS pour démontrer que 90 % de ce que vous écrivez est faux ou biaisé et vous répondez avec un copier-coller sur la politique anti-juive de Vichy et sur René Bousquet.
    Et le summum, vous écrivez une énormité : « Pendant la collaboration, Mitterrand est donc à Vichy et fait la connaissance de René Bousquet, secrétaire général de la police. »
    Ah bon : où et quand ?
    Et d’où sortez-vous ça ? De votre café du Commerce habituel ?
    Si ma mémoire ne me trahit pas c’est faux et archifaux. Mitterrand connaissait Jean-Paul Martin qui a travaillé avec Bousquet mais je crois avoir lu que Mitterrand a rencontré Bousquet bien après la guerre comme des tas de gens qui le pratiquaient autant que lui : Mendès-France, Bourgès, Chaban et… Simone et Antoine Veil qui étaient au mieux avec René Bousquet jusqu’en 76-77.
    Par contre vous omettez soigneusement de dire :
    – que Mitterrand lui a été prisonnier en 40 et 41 pendant que d’autres, Chaban-Delmas, Debré, Couve de Murville, Léon Noël, Sanguinetti, Foyer servaient Vichy et au plus haut niveau.
    – Pourquoi ne racontez-vous pas les sublimes carrières à Vichy des grands gaullistes ? Ils ont, pour la plupart servi fidèlement Vichy pendant 4 ans de 40 à fin 43 pour retourner leur veste fin 43. Mitterrand était prisonnier pendant 2 ans et après moins d’un an à Vichy dans un poste subalterne, il a eu une résistance sérieuse voire héroïque… sans uniforme de Général, lui ! Malraux lui s’était auto-proclamé Colonel au printemps 44… Quant à Foccart, il collaborait lui avec les nazis jusqu’en 43…
    Le plus comique c’est votre vision de la carrière de « résistant » de la première heure « du Chaban » comme disait de Gaulle.
    Lisez donc ce qu’en disait de cette carrière le Général Paul Grossin patron du SDECE sous de Gaulle (Guerre d’Algérie).
    Si pour vous l’archétype du héros est Chaban-Delmas on ne s’étonnera pas que vous écriviez ce que vous écrivez sur Mitterrand.
    Faux sur toute la ligne : vous avez gobé les plus grosses désinformations.
    Pour terminer je vais vous citer ce que Paul Grossin disait de ces « résistants » : « Les vrais résistants, de Gaulle les a virés à coup de pieds dans le cul ; la plupart des « compagnons » ont soit fricoté avec les boches soit fricoté avec Vichy ».
    Et pour ceux qui ont fricoté longuement avec Vichy, il y a « le Chaban » : étonnez-vous qu’il n’ait jamais, lui, attaqué Mitterrand qui s’est infiniment moins compromis avec Vichy que « le Chaban ».
    Et Mitterrand avait des mots très cruels vis-à-vis de tous ces gaullâtres qui camouflaient leurs petitesses pendant la guerre derrière une gaullâtrie absolue…
    Au lieu d’aller chercher vos sources sur des sites de désinformation, vous seriez plus avisé de lire par exemple « Un espion dans le siècle de Melnik », « Mille jours à Matignon » du même auteur, « Une jeunesse française » de Pierre Péan.
    Le copier-coller à partir de sites plus que douteux ne fait ni la vérité ni la culture…

  23. Il faut être honnête, l’arrivée de la gauche au pouvoir, ce n’était pas mon truc…
    Mais le temps passe et l’analyse s’affine. De nombreux choix stratégiques, conséquences des présidences Giscard et Chirac, mais aussi sous Jospin à Matignon ont engagé la France dans des directions ne permettant pas le demi-tour. La grande majorité des choix de Mitterrand pouvaient être « démontés ». Des trois il reste pour moi le moins toxique, à Maastricht près.
    Lorsque l’on parle de Machiavel à son endroit, je crois qu’il restera pour moi un type capable de « vendre sa prostate ».
    Le mercredi ou jeudi qui précède le référendum sur le traité de Maastricht, il fait l’annonce officielle, au cours d’un discours télévisé, de sa maladie.
    Il s’en suit une présentation par un homme « déjà ailleurs » de ce que doit être l’Europe pour les générations à venir. Le vieux sage n’est plus concerné à titre personnel, il parle depuis l’au-delà, il nous est revenu de chez la dame blanche, une dernière petite fois pour ne pas nous laisser choisir le mauvais chemin faute d’un vrai éclairage sur le sujet.
    Nous connaissons la suite, 70% de votants, 51% de Oui.
    Les analystes dont le travail est plus simple que celui des « prévisionnistes »… montrent que le vote des seniors a fait basculé vers le Oui, ce qui était tout à fait inattendu. Le rapprochement « avec la force de conviction » (enfant naturel de la « force tranquille ») du président Mitterrand sera régulièrement évoqué.
    Le cancer présidentiel connu des initiés depuis 1981 sera exploité au bon moment par un acteur hors du commun. Si un jour un film en est tiré, Michel Serrault manquera beaucoup au casting.
    Voilà entre autre pourquoi malgré une solide réticence première, je partage avec vous une certaine admiration pour cet homme hors du commun.

  24. Son passé collabo :
    -Le 19 juin 1942, il arrive à Vichy et parvient à trouver un emploi de documentaliste à la légion des combattants et des volontaires de la Révolution nationale, sorte de parti unique qui reprend la propagande pétainiste. Dans les premiers mois de l’année 1942, François Mitterrand éprouve de l’admiration pour le maréchal Pétain et collabore à une revue de Vichy : « France, revue de l’Etat nouveau ». Mitterrand est donc pétainiste.
    -Dans une lettre retrouvée dans ses archives, François Mitterrand fait même l’éloge du SOL (Service d’Ordre Légionnaire), groupe paramilitaire chargé de pourchasser les ennemis du régime.
    -Pendant la collaboration, Mitterrand est donc à Vichy et fait la connaissance de René Bousquet, secrétaire général de la police. En juin 1942, ce dernier négocie avec le chef de la police allemande les modalités de collaboration de la police française pour participer aux rafles des juifs. Les rares fois où François Mitterrand a accepté de parler de cette période, le président de la République se justifiait en expliquant qu’il n’était pas au courant de ce qui se passait pour les Juifs.
    -Lors du vote des lois de 1941 qui excluent les Juifs de la communauté nationale, Mitterrand était en Allemagne. Toutefois, on peut remettre en cause cette version. Il est difficile de croire que Mitterrand ignorait le sort qui était réservé aux Juifs. Il était à Vichy lorsque les fonctionnaires de la police française arrêtaient les Juifs à Paris et dans la zone sud, sous les ordres de René Bousquet.
    -En juin 1942, Mitterrand entre au service de presse du commissariat général au prisonnier. Au sein de cette organisation chargée de faire parvenir des colis aux soldats qui sont emprisonnés en Allemagne, Mitterrand s’occupe du bulletin de propagande. C’est au sein de cette organisation qu’il va faire la connaissance d’un groupe de résistants qui ont infiltré le commissariat général.
    -Durant l’année 1943, Mitterrand prend ses distances avec Vichy. Il prend des contacts avec des groupes de résistants sans rompre définitivement avec Vichy puisqu’en avril 1943, François Mitterrand reçoit la francisque. Or, pour obtenir cette décoration, il faut en faire la demande en remplissant un formulaire sans ambiguïté : « Je fais don de ma personne au maréchal Pétain, comme il a fait don de la sienne à la France. Je m’engage à servir ses disciples et à rester fidèle à sa personne et à son œuvre ».
    -Plus tard, Mitterrand atténuera la portée symbolique de cette déclaration en affirmant qu’il était en Angleterre quand la Francisque lui a été remise. Sauf qu’il a signé avant de partir le formulaire pour l’obtenir.
    Le 2 juillet 1942, Bousquet rencontre le SS Karl Oberg pour lui proposer l’arrestation de 20 000 juifs étrangers en zone occupé et 10 000 en « zone libre ».
    Le 16 et 17 juillet 42, les Parisiens assisteront à la razzia par la police et gendarmerie française (grâce à l’accord Mitterrand-Bousquet), parmi cette razzia 4501 enfants. Le Général Guilbert, chef de la gendarmerie parisienne, sera le superviseur actif dans cette lâche besogne.
    La même année, 1943, ce même Gal Guilbert, parrain pétainiste de François Mitterand, lui remettra la francisque 3555.
    -Au printemps 1943, Mitterrand hésite entre la résistance et le pouvoir de Vichy : dans la nuit du 15 au 16 novembre 1943, François Mitterrand s’envole pour Londres.
    source : http://serumdeliberte.blogspot.com/2008/04/le-tonton-menteur.html
    Voilà pour les précisions…

  25. Admirateur Eperdu

    @JD Reffait
    Enfin des connaissances, du recul et de l’intelligence dans le commentaire. Désolé pour la flagornerie de ce commentaire mais quand je vois autant de sottises de gens qui ignorent les parcours à Vichy des Debré, Chaban, Couve, Léon Noël, Sanguinetti, Foyer… tous immenses gaullâtres sous la IVeme et la Veme…
    Quand je vois au carrefour de Sèvres la plaque « Michel Debré résistant et homme politique », lui qui avait abjuré sa religion et prêté serment au Maréchal et qui occupait un poste important au Conseil d’Etat, nommé par Vichy (résistant peut-être mais après avoir été vichyste… et résistant bien tardif… lui n’avait pas été prisonnier pendant 2 ans).
    Quand je voyais Chaban nous ressortir son uniforme de gégène pour aller au Mont Valérien… après si belle carrière à Vichy !
    Quand je vois autant de sottises écrites sur cette période, je me dis que la c… et le mensonge ont encore des millénaires de prospérité devant eux !
    @yves bouant
    D’Ormesson a raconté plusieurs fois son RV avec François Mitterrand. Il est dommage que la première relation de cette rencontre que j’ai entendue ait été à mon avis trop marquée, par les besoins de la promotion de son ouvrage qui sortait : en d’autres termes, comme c’était peu de temps après la mort de Mitterrand, il était de bon ton de piétiner un peu Mitterrand.
    Je l’ai entendu il y a quelques semaines faire la relation de cette rencontre : bizarrement c’était infiniment plus apaisé et il n’y avait plus cette volonté de noircir son interlocuteur… qui ne pouvait répondre.
    Sans doute pas de promotion d’ouvrage en vue…

  26. Admirateur Eperdu

    @Laurent Remise
    Il faudrait quand même que vous vous renseignez, que vous lisiez un peu des ouvrages sérieux, tant votre charge ressemble à ce qui s’est écrit de plus sectaire et remarquable en tant que désinformation.
    Loin de moi l’idée de dire que Tonton était un Saint, le président de la Veme dans une république bananière comme la France ne peut être un saint, mais cette diabolisation est grotesque par les mensonges qu’elle contient, les omissions, les parti-pris et le sectarisme qu’elle démontre.
    On pourrait reprendre une à une vos charges mais je ne vais prendre que le plus gratiné :
    – Mitterrand avant-guerre : certes il était de droite mais vous dites des énormités. Lisez l’ouvrage de P. Péan et vous verrez d’une part quel âge il avait et ce qu’il a fait,
    – Mitterrand et Vichy : il vous a échappé que Mitterrand était prisonnier en 40 et 41 ce qui n’était pas le cas de Messieurs Chaban-Delmas, Couve de Murville, Debré, Foyer, Sanguinetti, Léon Noël, etc. qui ont tous eu des postes prestigieux à Vichy…
    Pourquoi omettez-vous de dire qu’il a été prisonnier pendant 2 ans ?
    Puisque Chaban est de votre Panthéon, renseignez-vous sur ses amitiés en 39 – 40 et sa carrière dans des cabinets ministériels à Vichy afin de s’auto-proclamer Général à 29 ans ce qui a fait écrire à certains milis à l’été 44 sur les murs des casernes parisiennes : « L’entrée est interdite au généraux non accompagnés par leurs parents ! »
    « Le Chaban » comme disait MonGénéral ! Lisez ce que dit le Gl Grossin ancien patron du SDECE de ce sauteur dont de Gaulle ne fera jamais un ministre. Pourquoi ?
    Chaban « désintéressé » ? Autant que la fiscalité et sa feuille d’impôt le permettaient !!!!
    Est-ce que cela vous gêne les parcours de hauts fonctionnaires de ces gens-là, tous éminents « compagnons » de de Gaulle ? Connaissez-vous les carrières de ces gens-là ?
    Elles sont à Vichy autrement plus prestigieuses que celle de Mitterrand. Renseignez-vous : vous aurez des surprises…
    Mais il n’y a que Mitterrand qui vous choque… Bizarre quand même que ces oublis, non ?
    Quant à Foccart, lui collaborait avec les nazis de l’organisation Todt…
    – Les écoutes : bien évidemment cela a commencé avec Mitterrand et cela s’est terminé avec lui.
    Comment peut-on écrire de telles sottises ! C. Melnik en pleine polémique sur les écoutes de l’Elysée à raconté que sous de Gaulle on écoutait 100 fois plus et il sait de quoi il parle : il en était responsable de 59 à 62. Il raconte même que Foccart en se cachant derrière l’autorité de de Gaulle a fait assassiner 550 personnes par les services spéciaux.
    Cela ne vous choque pas, je suppose ?
    Croyez-vous que les écoutes, illégales, n’existent plus en 2010 ?
    Savez-vous pourquoi des pleureuses comme Plenel ont été écoutées ? Farewell et les dérapages du Monde et de Plenel sur ce dossier, cela ne vous dit rien ?
    – L’Observatoire : il a eu tort de se croire plus malin que ses ennemis comme F. Mauriac l’a écrit. Mais il y a eu complot sans doute monté par les gaullistes dont M. Debré très mal à l’aise suite à l’affaire du bazooka et La Malène qui étaient derrière Pesquet. Bourgès et Mendès avaient eu aussi été approchés par Pesquet. Apparemment vous ignorez qui était derrière Pesquet… Dommage.
    – Bérégovoy : ce n’est pas parce que H. Marty-Vrayance a désinformé des benêts que vous êtes obligé de reprendre ce que dit cet illuminé. Un type sérieux comme B. Collombat a mené l’enquête et démoli une à une les contre-vérités balancées par ce désinformateur des RG,
    – Grossouvre : idem mais là c’est Pierre Péan qui a très bien connu Grossouvre et qui n’a aucun doute après son enquête sur son suicide tant ce type approchait la folie à la fin de sa vie .Ce n’est pas parce que ses confidents étaient la lie de la république, les Barril et autres barbouzes, qu’il complotait contre son ami que vous êtes obligé de tout croire…
    Votre charge, à laquelle on peut répondre point par point, démontre un aveuglement et un sectarisme malheureusement très très répandus.
    Notre pays adore ces diabolisations qui font fi de la réalité et des faits.
    Le sectarisme et les ragots du café du Commerce font mauvais ménage avec l’histoire.
    A moins que ce ne soit de l’ingénuité, de la naïveté, et je citerai M. Luther King : « Rien n’est plus grave dans le monde que l’ignorance sincère et la stupidité consciencieuse ».
    PS : dans les gens « désintéressés » vous rangez tous ceux qui autour de de Gaulle ont fait des fortunes immenses ? Tous les « compagnons » ceux que l’on a appelés à juste raison « les copains et les coquins ».
    Il vous faudrait lire autre chose que du Max Gallo et « L’histoire pour les nuls ».
    Tant de naïveté (?) comparée à votre charge anti-Mitterrand est d’un comique…
    Il vous faudrait lire une bonne vingtaine de bouquins de gens sérieux, pas de bouffons, pour réviser votre vision de l’histoire qui est quand même du genre « Oui-Oui et la Veme République » !

  27. PS: Après relecture, deux cas d’atrocités que j’ai cités ne me semblent pas être le fait de la Wehrmacht mais des bataillons de police et de la SS (les juifs jetés dans des puits et brûlés dans leur synagogue) ; je n’ai pas le temps de vérifier, mais je tenais à mettre cela au conditionnel en attendant une confirmation, afin de ne pas écrire n’importe quoi…

  28. Jean-Dominique Reffait et Oursivi,
    Une dernière question sur le sujet : trouvez-vous normal que le grand homme, François Mitterrand, ait fait pression, via le Parquet, pour que son ami René Bousquet ne soit pas jugé ?

  29. Je constate à la lecture de ce billet et des nombreux commentaires s’y rapportant que notre ancien Président, décédé il y a presque 14 ans, génère toujours autant de passion. Cette forme d’immortalité doit le rassurer.

  30. Etonnée,
    Votre étonnement est un peu étonnant.
    Je n’ai pour François Mitterrand ni admiration ni détestation particulières. Il ressemble à ce que nous sommes. Les ressorts qui furent les siens sont les nôtres. Les hautes sphères (qualifiées comme telles) amplifient un effet de levier pour le meilleur comme pour le pire. La dissimulation, la combine, le mensonge se trouvent partout. La main de Thierry Henry prend des proportions délirantes, celle d’Henri Thierri en division d’Honneur est du même acabit sans le même impact.
    Dans la conclusion de son billet « Indignations », Philippe Bilger écrit ceci : S’il y a une hiérarchie des turpitudes, qui, quel Etat peut toutefois donner des leçons ? Triste tolérance que celle qui résulte d’un partage universel des maux.
    Que serait alors une heureuse tolérance ?
    En amont, celle d’où procéderait – forcément – de moindres maux, sans pouvoir les prévenir ni les retenir tous, mais en asséchant quand même sensiblement leurs flots. Une forme d’indulgence.
    En même temps, n’est-ce pas la conscience même de l’universalité du mal qui peut seule, dans cet aller-retour permanent de soi aux autres, conduire à cette tolérance ? La supériorité morale ne peut que mettre à l’index, étalant son sectarisme au nom même du bel esprit si peu sectaire dont elle se réclame. Cet aveuglant paradoxe ne saurait guère l’effleurer, vieille histoire de poutre et de paille.
    Dans la hiérarchie des turpitudes, tout le mal à la base vient peut-être justement de ce que l’on place et regarde et combat la paille avant la poutre.
    Nos maux ont six milliards de sources dont une, c’est décourageant.
    D’où sans doute notre perpétuel besoin cathartique de bons boucs émissaires.

  31. Après qu' »Etonnée » nous ait (très bien) résumé ce que certains dans mon genre pensent du grand homme, je propose un étonnement d’une autre nature :
    Au moment où j’écris, 41 commentaires ont été écrits. Parmi ces 41 commentaires, 26 portent (parfois exclusivement) sur la période de la dernière guerre mondiale… qui n’est pas vraiment le sujet mis en avant par Philippe. Chacun a le droit de digresser, certains ne s’en privent pas. Mais qu’est-ce que ça veut dire ici ?
    1- je suis né peu après la guerre et depuis tout ce temps j’ai le sentiment que chaque sujet, sans exception, y ramène 60 ans plus tard… On ne se remet sans doute pas d’une telle épreuve pour ceux qui l’ont vécue, mais quelle génération pourra aussi, de temps à autre, débattre en faisant référence, disons, seulement au dernier demi-siècle ? Cicatrice longue à refermer !
    2- à propos de Mitterrand, 2/3 des commentaires parlent de la période de Vichy ; il a quand même fait pas mal de choses bonnes (certains le pensent) et mauvaises ensuite… sans laisser plus de traces que ça ? Président de la République deux fois, ça inspire moins que la collaboration et la résistance, qui sont de l’histoire (récente !) pour les 2/3 des français vivant aujourd’hui.
    3- « avant », c’était différent ! On oubliait la guerre précédente en prenant sa revanche avec une nouvelle guerre… Là, il n’y a pas ! La guerre aurait-elle la caractéristique particulière d’être remâchable à l’infini ?

  32. @ Oursivi,
    Je ne vois pas de contradiction entre mon préambule et mon développement. Je dis qu’il est normal que la France démocratique assume l’héritage de la France qui ne l’était pas, comme il est normal que l’Allemagne assume le sien. Là s’arrête la comparaison et j’ai pris soin de ne pas comparer les deux cheminements, ce qui serait bien entendu absurde. Il ne s’agit pas de se fustiger à l’infini, de s’enferrer dans une culpabilité générale qui n’aurait pas de sens, mais de prendre en compte le fait que l’attitude de la France à cette époque a été complexe et loin d’être aussi tranchée qu’une réécriture postérieure des faits l’a laissé entendre. Jean-Dominique Reffait l’a rappelé et je le suis sur ce point (mais pas quand il utilise cet argument pour dédouaner François Mitterrand). Comprenez donc, cher Oursivi, que ce thème de la « parenthèse » vichyste a permis, pendant trop longtemps, de jeter un voile pudique sur nos propres errances, et qu’il a permis, paradoxalement, de curieuses reconversions dès l’après-guerre suivant l’allégeance souvent tardive et opportuniste que les personnes concernées faisaient au général de Gaulle. Pendant longtemps, nous avons oscillé entre deux images tout aussi fausses, celle d’une France résistante, et celle d’une France collaboratrice. Le thème de la parenthèse a favorisé ces deux visions extrêmes. Il possédait sans doute des vertus dans l’immédiat après-guerre, dans le sens où il fallait tendre vers la réconciliation nationale – l’épuration sauvage des premières semaines de la Libération, l’atmosphère insurrectionnelle de 1947, entretenue par le PCF, sont là pour en témoigner. Il a fallu attendre la diffusion du Chagrin et la Pitié, et surtout la thèse de Paxton, qui penchait peut-être trop dans un sens, pour essayer de rééquilibrer les choses. Nous, historiens, savons que, non seulement la mémoire, mais aussi l’Histoire, obéissent à un mouvement de balancier. Il faut du temps pour s’approcher d’un certain équilibre lequel demeurera toujours imparfait. Il ne s’agit donc pas seulement d’une question de justice, mais aussi de réflexion, de compréhension de notre histoire. Le thème de la « parenthèse » ne rend pas bien compte de la réalité et notamment du parcours d’un certain nombre de Français qui fut tout sauf linéaire. Quant à Jacques Chirac, a-t-il eu raison d’assumer la responsabilité de l’Etat français ? Je le crois sincèrement, d’autant que le président avait pris soin de dissocier les responsabilités. Rappeler cette souillure, qui fut le fait de certains et non pas de tous (les Français ont sauvé beaucoup de juifs de la déportation), n’est pas faire oeuvre de confusion, ce n’est pas avilir non plus la tradition humaniste française, c’est au contraire l’honorer, en dissociant avec nuances les responsabilités, celle des policiers qui ont obéi sans sourciller et celle des fonctionnaires qui ont été prévenir des juifs qu’on allait arrêter.
    Et puis, d’une manière générale, il ne faut pas être trop naïf, l’histoire comme la justice sont faites par les vainqueurs.

  33. Véronique Raffeneau

    Philippe, je voudrais mentionner la lecture de cette somme, « Les Disparus » de Daniel Mendelsohn, que je viens d’entamer depuis vos très récents billets où vous évoquez Auschwitz, Pie XII et François Mitterrand.
    Ce livre était à ma portée depuis sa parution. J’en avais différé la lecture à un plus tard indéterminé. Car il me faisait peur.
    Je voudrais juste dire la très grande beauté déchirante de ce tombeau en souvenir de la famille Jäger assassinée dans une petite ville alors encore polonaise. Un père, une mère, leurs quatre filles. Six parmi les six millions.
    Et cette quête tragique de l’auteur pour retrouver et rassembler les vérités poignantes de l’histoire de ce frère, de cet oncle, de ce grand-oncle qui se débat pour survivre lui et sa famille dans un enfer polonais.
    Il y a aussi, lu il y a quelque temps, « Badenheim 1939 » de Aharon Appelfeld et son épilogue glacial où se casse le destin suspendu au-dessus du vide d’une communauté de curistes mélomanes, extravagants et loufouques, prise au piège dans une petite ville thermale.
    En parallèle de ce que les historiens décrivent implacablement, la littérature reconstruit ce qui a disparu. Et nous sommes figés par la terreur et le chagrin.

  34. Jean-Dominique Reffait

    Mon cher Laurent, je ne compare pas les conduites dans le détail. Je faisais simplement état de la situation de Vichy et des très nombreux résistants qui espéraient en obtenir quelque chose jusqu’au retour de Laval. Les conduites des uns et des autres furent ensuite singulières. Ou as-tu vu cependant qu’il répertoriait les juifs ? A ma connaissance, il ne s’est occupé que des prisonniers de guerre.
    Qu’il fut proche de la Cagoule avant guerre est incontestable. Il a cependant lié des amitiés déterminantes pendant la guerre et en captivité, notamment avec Georges Dayan, sans doute à l’origine de sa conversion à la gauche aussi bien qu’à l’abandon de l’antisémitisme, ainsi que Patrice Pelat, communiste à l’époque.
    Je crois que vous faites une interprétation outrancière de ce que fut Mitterrand, loin d’être un saint, détestable si l’on veut à bien des points de vue, mais son parcours n’est pas indigne.
    ———————
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  35. Toutes coïncidences entre les intrigues de M. Mitterrand et l’intérêt national ne sauraient avoir été que fortuites et involontaires.
    Il aura montré constamment de la perversité et des capacités de pourrisseur au-delà de la moyenne.
    La gauche ne s’est jamais remise de sa présidence.
    La France ne s’est jamais remise du programme commun.
    Rocard ne s’est jamais remis de Tapie, piloté par votre grand homme.
    Un grand policier s’est retrouvé déshonoré par les écoutes qu’il lui a imposé de faire.
    Sa femme a été privée de sépulture commune, après qu’il lui ait fait un enfant dans le dos.
    Son médecin a été contraint au parjure.
    Ses proches sous influence au suicide.
    Pourquoi évoquer la haine persistante de certains Français alors qu’il ne s’agit que de dégoût ?
    Il faut sans doute une longue fréquentation de ce que la société propose de pire pour s’exalter ainsi.
    Très surprenant.

  36. Jean-Dominique, nous nous connaissons sous d’autres cieux et votre commentaire me laisse perplexe.
    Comment oser comparer les conduites de Mitterrand et de Chaban-Delmas pendant la guerre ? Je viens de rappeler ce que fit Mitterrand. Tout le monde sait que Chaban a été un résistant de la première heure, plus jeune général de la Résistance de France. Chaban n’a pas attendu fin 43 pour entrer en résistance. Chaban n’a pas fait une campagne législative de 45 sur des thèmes fascisants. Mais Chaban était un radical-socialiste alors que Mitterrand un fascisant dès avant-guerre…
    Et puis sommes-nous si certains que cela que Mitterrand a évolué avec conviction de l’extrême droite vers la gauche ? N’a-t-il pas toujours favorisé l’extrême droite et Le Pen en changeant la loi électorale qui favorisait l’entrée du Front National au Palais Bourbon dans le seul but de mettre la droite en minorité ?
    A titre personnel j’ai plus de tendresse pour un Président qui a vendu l’Humanité Dimanche que pour celui qui a milité à côté des cagoulards et qui a travaillé à Vichy pour répertorier les juifs français… Question d’honneur et de point de vue.

  37. Bernardini,
    Vous avez absolument raison, c’est une erreur de ma part, puisque j’ai confondu le père et le fils. Merci pour votre rappel et cette citation du Chagrin et la Pitié à laquelle je faisais référence. Je comprends que vous condamniez ceux qui ont conspué Mitterrand après l’avoir adoré, mais avouez que son attitude avait de quoi troubler plus d’un de ses fidèles. Il fallait tout de même une certaine dose de perversité pour faire dîner Jacques Attali à la même table que Bousquet, organisateur de la Rafle du Vel d’Hiv. Pour le reste, je maintiens ce que j’ai dit et rejoins les commentaires nuancés de Véronique Raffeneau sur le sujet et de Catherine Jacob sur l’homme.

  38. Véronique Raffeneau

    @ oursivi
    Quand Jacques Chirac reconnaît officiellement l’implication de l’Etat français dans le projet nazi d’extermination des juifs d’Europe, il s’appuie sur des travaux d’historiens qui depuis le début des années 70 ont contribué à fragiliser et à pulvériser le mythe d’une France que résistante.
    Je ne méconnais pas l’argument gaulliste repris et défendu par François Mitterrand d’un gouvernement de Vichy, selon les mots du général de Gaulle « nul et non avenu ».
    Mais sous couvert de cette vision uniquement littéraire et juridique, notre pays s’est refusé pendant des décennies à affronter les vérités de ses années d’Ocupation.
    Il faut rappeler, toujours, à l’initiative seule du gouvernement de Vichy la commission de révision de 500 000 naturalisations prononcées depuis 1927. 15 000 personnes ont été ainsi privées de la nationalité française. On leur a repris ce qui leur avait été donné.
    Il faut dire les deux statuts des juifs promulgués par Vichy en 1940 et en 1941.
    Il faut simplement dire qu’une partie de nos concitoyens, parce qu’ils étaient juifs suivant des critères instaurés par le gouvernement de Vichy, a été définitivement séparée de la communauté nationale, qui l’a de cette façon privée d’une protection et d’un secours.
    Pour ne pas avoir à affronter ces vérités, est-ce suffisant de dire que la France n’est responsable de rien puisque Vichy n’était rien aux yeux du général de Gaulle ?
    Vous savez, Philippe, moi, d’autres, plein d’autres, alors que nous sommes de la génération d’après et d’encore après, parce que tous, à un titre ou à un autre, dans les parallèles, les chagrins et les sinuosités de la vie, parce que cette tragédie a fait du mal à nos grands-pères et à nos pères, nous avons une obligation de vérité.
    Je pense que c’est très précisément là qu’il faut situer le discours de Jacques Chirac. Je pense également que lui a pu assumer cette vérité car il appartient à la génération d’après.
    Je voudrais ajouter que concernant la position de François Mitterrand, on oublie trop facilement que FM a été très contemporain de ces années.
    En raison de sa proximité générationnelle avec la période de l’Occupation, pouvait-il accepter de regarder totalement en face ce qui au fond de lui-même, entre lui et lui, a pu peut-être constituer un de ses grands dilemmes et déchirements. Celui de n’avoir pas su vouloir voir alors ce qui était en train de se passer.

  39. Sur le site de Marianne le titre est plus complet « Mon François Mitterrand, je l’aime de droite », au moins c’est plus complet. Mais quelle bluette nostalgique, il y a tant à dire, qu’il vaut mieux ne pas commenter.

  40. @ Laurent Dingli
    Vous écrivez : « …ou le cas d’un ancien président de la République, comme Giscard d’Estaing qui, au procès de Riom, croyait dur comme fer que le maréchal allait faire cesser cette mascarade de procès dès qu’il saurait la vérité ! sissi, comme dirait Cactus… »
    Excusez-moi de vous reprendre, mais Giscard d’Estaing – je veux dire celui qui fut président – avait 16 ans au moment du procès de Riom (hiver et printemps 1942)… Vous voulez parler de son père, Edmond Giscard, conseiller d’Etat, qui a tenu à Pierre Mendès-France les propos rapportés par celui-ci dans le film sorti en 1971 « Le chagrin et la pitié »:
    « Il y a un homme qui est venu le lendemain voir Rochat [l’avocat de P. Mendès-France], je ne sais pas si Rochat vous a raconté ce détail, et qui lui a dit : je suis pétainiste, je suis indigné par ce que j’ai vu hier, c’est abominable, c’est un scandale. Le Maréchal ne peut pas savoir des choses pareilles. On trompe le Maréchal. Il est indispensable que le Maréchal soit prévenu et averti. J’ai vu que vous avez fait prendre la sténographie de l’audience, est-ce que vous pouvez me donner une sténographie que j’apporterai au Maréchal lui-même. Rochat lui a procuré une sténographie. Il a été chez le Maréchal, qui n’a naturellement eu aucune suite. Et l’homme qui a fait cette démarche était un conseiller d’État qui s’appelait Giscard d’Estaing. »
    Il a été nommé grand officier de la Légion d’honneur et a été décoré de l’Ordre de la Francisque sous le régime de Vichy.
    Quant à François Mitterrand, Charentais comme moi – mais que je n’ai jamais aimé – j’ai ressenti pour lui une sorte de compassion vers sa fin, au moment de l’affaire Bousquet (qui était son ami et qu’il avait toujours reçu chez lui, à Latché notamment…). Il me faisait penser « au Lion devenu vieux »; ceux dont il avait fait la carrière se croyaient obligés de venir en dire du mal devant les journalistes ou à la TV. Par charité je ne citerai pas de noms. C’était au-delà du lamentable. Oui, à ce moment-là, j’ai ressenti quelque chose pour lui, à la mesure de la petitesse et de l’ingratitude de ses courtisans et de ses débiteurs.

  41. J’ai relu trois fois ce billet sans réussir à en comprendre les véritables intentions. De ce point de vue au moins, du pur mitterrandisme, c’est tout ce que je puis dire.
    Du coup et vu que je ne sais pas ce qu’il en est, je ne peux même pas biaiser le sujet par le moyen de quelque digression savante.
    J’ai jeté un coup d’oeil sur la biographie de ce personnage trouble et au fond cruel que vous évoquez et qui m’a toujours paru plus rusé que véritablement intelligent car pour moi il n’y a pas d’intelligence sans un minimum de sincérité et j’ai été intéressée d’apprendre qu’il avait été fiancée à celle qui fut ensuite l’épouse de l’homme de télévision Pierre Sabbagh, créateur de cette émission que j’avais le droit de regarder et qui me plaisait beaucoup : « Au théâtre ce soir ».

  42. « ont eu tort d’assumer, tant bien que mal, le lourd héritage du national-socialisme, »
    LD
    Bizarre, votre analyse
    « bien sûr que l’autorité qui se proclamait l’Etat français n’avait aucune légitimité, si ce n’est, comme JDR l’a rappelé à juste titre, celle d’une opinion paniquée par la défaite, lasse de la guerre et en quête de repères, laquelle opinion n’a aucune valeur sur le plan démocratique »
    dit le contraire de ce préambule.
    Bien sûr, comparer le choix démocratique que fit l’Allemagne donnant le pouvoir – certes dans un contexte on ne saurait plus trouble et même électoralement de façon ambiguë puisque même après plusieurs mois d’exercice déjà despotique jamais au-delà de 45% – à l’Adolf (qui aurait préféré l’Adolf évita eut la Dolce Vita) à un pays qui, envahi, se plia à qui voulut bien trouver un honteux mais compréhensible modus vivendi avec son envahisseur, est bien osé.
    Le choix de Chirac m’a toujours laissé mitigé, puisque si ce sont bien des fonctionnaires sous les couleurs de l’autorité française qui ont relayé parfois avec zèle les infamies nazies, ceux-là ne furent jamais légitimés démocratiquement par la nation, ses seuls hauts représentants ayant pris sur eux de confier à une figure symbolique, les clefs de ce qu’il restait de pouvoir en France.
    On sait qu’il y eut ici une minorité de résistants, une semblable de collabos et une écrasante majorité d’attentistes, reflétant assez bien ce que constatons tous les jours dans notre vie quotidienne.
    Alors… que la France doive faire amende honorable dans son ensemble me paraissait un peu extravagant, qu’elle taise cela aussi, il y avait peut-être une autre forme de prise de conscience à inventer, mais l’essentiel est encore, est toujours, qu’aucun fait historique ne soit occulté, que la lumière soit faite, dans toute sa crudité et qu’elle éclaire toutes les contradictions, les recoins.
    AO

  43. Ouaouh ! quel scoop Oursivi ; vous êtes tout plein mignon de naïveté si vous croyez m’apprendre que des Français, même juifs, étaient attachés au Pétain de la Grande Guerre. Je pourrais aussi vous citer ceux qui, comme Bloch-Lainé, ont été haut-fonctionnaires de Vichy ou le cas d’un ancien président de la République, comme Giscard d’Estaing qui, au procès de Riom, croyait dur comme fer que le maréchal allait faire cesser cette mascarade de procès dès qu’il saurait la vérité ! sissi, comme dirait Cactus. Bref, je ne vois pas le rapport avec ce que j’ai écrit et en quoi cela justifie, innocente et purifie le parcours du grand homme. Je rejoins pour beaucoup le commentaire de Jiel sur Tonton. Ceci dit, je ne vais pas insulter ledit Tonton après l’avoir adoré, ayant été moi-même un tontonolâtre échevelé quand j’avais vingt ans… Pas mon genre.

  44. Encore quelques mots, si vous le permettez. Le thème gaullien et mitterrandien de Vichy, accident ou parenthèse de l’histoire de France, dont la République refuse pour cette raison d’assumer l’héritage, ne m’a jamais satisfait ni convaincu. Si l’on transposait cette curieuse logique à l’Allemagne, il faudrait donc en conclure que la République fédérale allemande, puis l’Allemagne réunifiée, ont eu tort d’assumer, tant bien que mal, le lourd héritage du national-socialisme, de même que la République de Weimar n’aurait pas dû assumer le catastrophique héritage de la guerre impériale (à vrai dire, elle n’avait pas le choix). Entendez-moi bien, je ne compare évidemment pas la France occupée et le régime hitlérien, l’agressé et l’agresseur, je dis qu’il y a une hypocrisie et une volonté d’évacuer les responsabilités françaises, aussi relatives et minimes fussent-elles, au moyen du mythe de la parenthèse. Bien sûr que l’autorité qui se proclamait l’Etat français n’avait aucune légitimité, si ce n’est, comme JDR l’a rappelé à juste titre, celle d’une opinion paniquée par la défaite, lasse de la guerre et en quête de repères, laquelle opinion n’a aucune valeur sur le plan démocratique (je n’entre pas ici dans les détails des pleins pouvoirs accordés à Pétain par une chambre issue du Front populaire). Je considère donc, pour ma part, que Jacques Chirac, pour qui j’ai souvent eu des propos assez durs, a eu parfaitement raison d’assumer cet héritage, comme il a eu raison, à propos d’un tout autre événement, d’évoquer la responsabilité de la France dans les massacres commis en 1947 à Madagascar par l’armée et la police françaises (sous un gouvernement de gauche). Ce n’est pas une question de courage, mais de justice.

  45. Fort puissant billet, M. PB, encore bravo pour l’exercice de tissage des contraires.
    Sur le Mitterrand vichyssois, j’y vois plus ce goût incoercible qu’il avait du pouvoir et de l’action qu’une adhésion réelle aux thèses maréchalistes, car n’oublions pas qu’il y arriva suite à une évasion de stalag, pas précisément le genre de provenance ni de parcours qui inclinent à se mettre aux services de l’occupant le coeur léger et conciliant, et si je ne m’abuse il s’y occupa du sort des prisonniers, ce qui n’est pas précisément de la collaboration au bon déroulement de l’annexion de la France…
    Pour mieux comprendre ce que ces gens qui « servirent » Pétain de ces tâches administratives avaient en tête, pour sentir ce que PB y pressent – et pour lui donner un argument pour ce faire – je vous conseillerais, cher LD, de revisionner les entretiens que Raymond Aron livra à Missika et Wolton, 81-83 je ne sais plus, notamment la partie de ceux-là où il évoque sa « tendresse » (je ne me souviens plus de son terme exact) pour le Maréchal de 14-18, son désir d’alors, son attente que soit révélé à la fin des fins, ou plutôt juste avant, un revirement de celui-là, une volte-face qui dirait son exécration de la tâche sordide qu’il se serait imposée, pensant à la sauvegarde du plus grand nombre…!
    Oui, fort étonnant de la part d’une intelligence telle celle d’Aron, moments de confidence qui disent si bien la confusion qu’une histoire trop tourmentée et riche avait pu faire naître, y compris dans les plus beaux esprits, même dans ceux que la naissance auraient dû faire ennemis jurés de tout ce qui touchait de près ou de loin Vichy.
    On le sait depuis longtemps, juger hors contexte n’a aucun sens.
    AO

  46. J’ajoute que le mot de « courage » utilisé par François Mitterrand ne change pas le fond, à savoir qu’il s’agit d’un hommage. Quel courage y a-t-il d’ailleurs à tirer une balle dans la nuque d’un enfant de huit ans ? A brûler des juifs dans leur synagogue, à les jeter vivants dans un puits ? Quel courage y a-t-il à fusiller des tirailleurs sénégalais, prisonniers de guerre, uniquement parce qu’il sont noirs ? A fusiller des civils comme en Belgique, au Luxembourg, et dans toute l’Europe occupée ? Quel courage y a-t-il à laisser mourir de faim et de froid deux millions de prisonniers de guerre soviétiques, en les poussant parfois à commettre des actes de cannibalisme (ce que feront les mêmes soviétiques avec leurs prisonniers allemands) ? Ce n’est pas du courage, mais du fanatisme et de la barbarie.
    Tous les exemples que je vous donne font référence à des crimes commis par la Wehrmacht et non pas la SS ou les bataillons de police qui les assistaient. A Lvov par exemple, des soldats de la première division de chasseurs alpins participèrent aux massacres des juifs, de concert avec les membres de la division SS Viking et des Ukrainiens. Des unités de la Wehrmarcht participèrent aux rafles des 33 000 juifs de Kiev qui furent assassinés dans le ravin de Babi Yar, etc. Il y a quelques années, une exposition montrant les crimes commis par la Wehrmacht a suscité beaucoup de débats et d’émotions en Allemagne.
    Je vous livre pour finir un extrait de l’ordre tristement célèbre donné par le général de la VIème armée, Walther von Reichenau :
    « A l’Est, le soldat n’est pas seulement un homme combattant conformément aux lois de la guerre mais aussi l’impitoyable porteur d’un idéal national (…) Le soldat doit être pleinement conscient de la nécessité de représailles sévères mais justes a l’encontre de la sous-race juive ».
    Si François Mitterrand ignorait ou voulait ignorer tel ou tel de ces faits en particulier, il ne pouvait tous les ignorer. Il lui suffisait de se rappeler que le commandant en chef de la Wehrmacht avait été condamné à mort et pendu à Nuremberg. Keitel s’était vu reprocher « d’avoir autorisé, dirigé et pris part à des crimes de guerre, au sens du chef d’accusation n° 3, ainsi qu’à des crimes contre l’humanité au sens du chef d’accusation n° 4, notamment des mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre et aux populations civiles des pays occupés ».
    Par ailleurs, je suis très sceptique sur la volonté de François Mitterrand de se servir de Vichy comme couverture, ainsi que se tuent à nous l’expliquer ses admirateurs depuis la parution du livre de Péan.

  47. Cher Philippe,
    Puisque vous terminez sur votre histoire et votre subjectivité, il serait inconvenant de contester votre admiration pour Mitterrand.
    On peut juste dire à quel point on ne la partage pas et l’étonnement que provoque la vigueur de la mitterrandolâtrie omniprésente -contrairement à ce que disent certains commentateurs-, si longtemps après la mort de ce sinistre personnage. Le discours exagérément flagorneur de Chirac dans l’émotion du moment de sa mort peut être mis sur le compte de la récupération, mais on a aujourd’hui du recul !
    On peut être remarquablement cultivé, fin, intelligent, habile en même temps que manipulateur, faux, sans foi ni loi, bref, sans éthique autre que celle contingente du moment du discours qui sera ainsi rendu plus ronflant (art qu’il maîtrisait à merveille !). Tant de qualités intellectuelles certes, mais au service de quoi, ou de qui ?
    Ne remontons pas aux multiples griefs d’un passé lointain. Une image suffit à discréditer à tout jamais ce faussaire. Celle du Président qui interrompt l’interview de deux journalistes belges à propos des écoutes: « Je ne pensais pas qu’on allait tomber dans un tel degré de vilenie ». Certes le mot vilenie est bien choisi et pose son homme; la morgue, l’assurance, la suffisance du Président qui joue l’outragé sont peut-être encore considérés par certains comme la justification de l’admiration que l’on doit à ce demi-dieu hors du commun… mais la politique de latrines que représentaient ces écoutes était du côté de l’Elysée et non de ces journalistes belges. Je souhaiterais qu’on repasse tous les soirs au JT cette séquence.
    Sur les reproches à adresser à ce triste sire, je suis intarissable et je n’aime pas les longs commentaires. D’autres ont bien fait l’essentiel ci-dessus ! J’en viens donc au dernier, mais le plus grave :
    Mitterrand a ouvert la porte à la généralisation de la défiance des citoyens envers les hommes politiques. Depuis la guerre des Gaules, il y a eu à foison des dirigeants de la France qui se sont mal conduits et ont inspiré à raison défiance et dégoût, mais la première grande figure, exposée aux regards pendant des décennies par des média souvent complaisants, un homme louvoyant, trahissant, utilisant les fonds publics pour le copinage et la famille décomposée, c’est lui. Le grand écart entre le fond sans consistance et la forme si flamboyante qu’elle suscite encore l’aveuglement, c’est lui !
    Un camelot trop doué, un bateleur comme on n’en a jamais connu, mais un président qu’on aurait préféré éviter : Mitterrand. Car il n’a pas fait du tort « que » jusqu’à la fin de son deuxième mandat. Parallèlement à la mitterrandolâtrie, perdure douloureusement la défiance envers l’engagement politique et le doute vis-à-vis de ceux qui prétendent défendre l’intérêt général.
    L’immensité de son talent intellectuel empoisonne la lucidité du jugement porté aujourd’hui encore sur le Mitterrand chef d’Etat.

  48. C’est toujours la même histoire, ceux qui ont survécu à toutes ces atrocités, 39-45, Indochine, Algérie, la Shoah, sont avares de commentaires, ce sont les suivants qui se chargent de dire le bien et le mal.
    Ceux qui ont eu le courage de regarder le film de Lanzmann, « Shoah », se souviennent des difficultés qu’il a rencontrées pour faire accepter, à ces malheureux brisés à jamais, le fait de témoigner.
    Leur témoignage est poignant, bouleversant, ils ont dû revivre leur enfer.
    L’usage qui en a été fait répugnant.
    Et nous, qui sommes-nous pour juger, trancher, si nous avons le devoir de douter, avons-nous le droit aux certitudes ?
    Certitudes, qui toutes ont montré leurs limites, leurs contradictions, leurs exceptions, leurs inadaptations avec les nouveaux modes de vie, leur propension à toujours vouloir à un moment ou un autre s’imposer au mépris du droit, de l’honneur, au nom de leur connerie.
    Tous, nous savons que tout et son contraire, finissent par se ressembler, une question de temps, d’époque, de circonstances.
    Faisons taire notre arrogance, ouvrons nos cœurs.
    Ce matin, dans la prairie d’à côté, il y a un petit agneau, il n’y était pas hier, du coup le soleil se montre, il ne faut pas qu’il ait froid.

  49. Si Mitterrand avait voulu rendre hommage aux seuls soldats allemands qui n’ont pas participé à des crimes de guerre ou à des crimes contre l’humanité, alors il aurait fallu le préciser. – Laurent Dingli
    Encore une fois, Mitterrand n’a parlé que de courage.
    Quel esprit sensé peut penser une seule seconde que « l’hommage » à ce courage inclut les soldats coupables de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, au point qu’une précision s’imposerait ?
    Merci pour vos éclaircissements sur l’Etre Suprême.

  50. Jean-Dominique Reffait

    Savonarole,
    Je ne dézingue pas les résistants, je ne lis pas Cordier.
    Juste un rappel de ce que fut Vichy avant le retour forcé de Laval. Henri Frenay appartint au Deuxième Bureau à Vichy, c’est un fait. Cela ne lui paraissait pas incompatible avec la résistance simultanée : beaucoup croyaient à l’époque que Pétain faisait double jeu, jusqu’à l’ambassadeur américain qui privilégia longtemps les relations avec Vichy. Parce que la France, c’était aussi l’Empire avec l’espoir de reprendre la guerre depuis Alger ou Dakar. Mitterrand et beaucoup d’autres étaient dans cet état d’esprit : résister depuis Vichy. Personne ne pouvait imaginer que le héros de Verdun ne soit pas le premier résistant de France…

  51. @ MS
    En effet, je n’avais pas lu votre commentaire à « Auschwitz banalisé ». Pour vous répondre sur ce point. L’expression « Etre » ou « Architecte suprême » n’est pas une nouveauté en 1789, elle est déjà présente dans les grands textes du XVIIIème siècle et reflète le déisme en vogue chez la plupart des philosophes des Lumières. Référez-vous aussi à la diffusion de la franc-maçonnerie au cours de cette époque. Maintenant, la plupart des constituants étaient loin d’être tous des déistes. Un certain nombre d’entre eux étaient ce que nous appellerions aujourd’hui des catholiques traditionalistes, et pour cause, beaucoup étaient des prêtres attachés à la prééminence de l’Eglise catholique, apostolique et romaine au sein du royaume. Dans un discours resté célèbre, l’un d’entre eux réclama d’ailleurs que la religion catholique demeurât l’unique religion de l’Etat. J’ajoute que la constitution civile du clergé ne change rien à l’attachement des députés dont je vous parle, sans bien sûr évoquer ceux qui l’ont farouchement combattue. Il faudrait aussi nuancer votre affirmation quant au culte de l’Etre suprême de 1794 qui, selon vous, viserait à déchristianiser la France. Je vous rappelle que Robespierre, qui fut le promoteur de ce culte, était opposé aux excès de la politique déchristianisatrice, ayant bien senti, comme d’ailleurs Georges Danton, que le peuple n’était pas prêt et qu’il avait besoin de religion. Il y a certainement, comme vous dites, un glissement sémantique entre 1789 et 1794 en ce qui concerne la dénomination d’Etre suprême. Mais pour revenir à 1789 et à la Constituante que vous aviez d’abord évoquée, n’oubliez pas que le but de l’Assemblée nationale n’est pas d’évincer l’Eglise en tant que telle, mais de la séculariser ou, pour mieux dire, de l’attacher à l’Etat révolutionnaire tout en sécularisant ses biens pour lutter contre la faillite de l’Etat. C’est pourquoi le prêtre n’est plus alors qu’un fonctionnaire. Il y a évidemment dans ces réformes, souvent mal menées, les prodromes d’une déchristianisation et même d’une guerre civile, mais, je rentrerai pas dans le détail car cela pourrait nous entraîner trop loin.
    En ce qui concerne François Mitterrand et le fait que tous les soldats allemands n’étaient pas des monstres, vous prêchez un convaincu et j’ai d’ailleurs consacré quelques centaines de pages à cette question. Mais là n’est pas le sujet. Je le répète : rendre hommage à tous les combattants de la Seconde Guerre mondiale, quel que fût l’uniforme qu’il portait, est une hérésie. Si Mitterrand avait voulu rendre hommage aux seuls soldats allemands qui n’ont pas participé à des crimes de guerre ou à des crimes contre l’humanité, alors il aurait fallu le préciser. On ne peut pas en même temps entretenir la mémoire de la shoah, ou celle des villages martyrs d’Europe, et célébrer les combattants qui en ont été responsables. Je n’irai pas non plus rendre hommage aux soldats de l’Armée rouge qui tuèrent des officiers polonais d’une balle dans la nuque et commirent tant d’autres atrocités. Comprenez que ce que je reproche à François Mitterrand, ce n’est nullement son amitié pour Bousquet, qui ne regarde que lui, mais le décalage permanent entre les discours et les actes, et même la contradiction au sein des actes et des discours eux-mêmes. De même que je ne suis pas pour les condamnations collectives, je suis hostile aux hommages universels qui, surtout dans ce cas précis, sont une insulte à la souffrance des victimes. Enfin, je précise que lorsque René Bousquet a été assassiné, l’instruction était achevée, mais il me semble qu’il n’a pas été condamné.

  52. Véronique Raffeneau

    Pour réagir au commentaire de MS au sujet du post de Laurent Dingli, les historiens, avec l’ouverture des archives des pays de l’Europe de l’Est, ont mis à jour « l’exécution par balles de près de 1,5 million d’hommes, de femmes et d’enfants (Juifs, Tziganes, prisonniers soviétiques) à partir de l’été 1941 en Europe de l’Est par les « commandos mobiles de tueries » allemands. »
    Je pense que François Mitterrand à l’époque du discours que vous évoquez distinguait l’armée allemande des nazis.
    La recherche historique démontre que l’extermination a concerné l’ensemble des rouages et des appareils de l’Etat allemand. Armée comprise.
    Enfin, il faut rappeler que l’extermination dans les chambres à gaz – à distance des bourreaux – a été mise en place pour « pallier » aux sentiments d’horreur que ces tueries provoquaient dans l’armée allemande secondée dans cette barbarie par les populations autochtones.
    Il y a quelques mois France 2 a diffusé un documentaire consacré aux einzatsgruppen.
    « Le plus remarquable et remarqué sur ce plan a été celui qu’il a prononcé à Berlin en 1995- huit minutes d’improvisation totale – où avec un art consommé il a évoqué le miracle inouï de la réconciliation franco-allemande, la chance qu’elle représentait et, en même temps, le courage des soldats allemands défaits par les Alliés. » (billet de Philippe)
    Je ne suis pas sûre qu’en 1995 FM soit tout à fait conscient de la signification de ces tueries qui précèdent la mise en oeuvre dans les camps de la solution finale.
    Raul Hilberg en avait décrit le mécanisme dans « La destruction des juifs d’Europe » paru en France en 1988.
    Mais un livre comme celui-ci – capital – n’a sans doute pas suffi pour convaincre FM qu’en réalité l’extermination n’était pas du seul fait des nazis.

  53. Cher Philippe,
    Certaines personnes n’ont d’autre choix que de s’installer dans le déni de réalité.
    La réalité n’en existe pas moins pas plus pour autant. Elle est étayée de preuves fort nombreuses qui circulent à l’infini temporel avec la numérisation. Notre époque très transparente rendra impossible l’amnésie.
    françoise et karell Semtob

  54. « L’uniforme des soldats de la Wehrmacht qui prêtaient la main aux bataillons de la Ordnungpolizei et des einzatsgruppen n’était pas honorable et ne le sera jamais. » – Laurent Dingli
    Il n’y avait guère d’honneur, certes.
    Mais Mitterrand a parlé de courage.
    L’armée allemande n’était pas seulement constituée, loin s’en faut, de nazis fanatisés et de SS convaincus. En son sein, beaucoup n’étaient que de jeunes hommes conduits là par le hasard de naissance et la fureur d’une Histoire à laquelle bien peu d’âmes peuvent ou savent résister.
    Il leur fallait dès lors au combat du courage pour dépasser leur instinct de survie et la peur de mourir, quoi que l’on pense par ailleurs de leur appartenance de fait à un régime haïssable.
    C’est ce que Mitterrand a voulu je crois signifier, en prenant le risque d’être mal compris. La liberté du soir d’une vie autorise sans doute ce genre d’audace. Une forme de dépouillement aussi, qui ne peut être sans profondeur spirituelle.
    PS : Dans « Auschwitz banalisé », tout à la fin, ma question faisant suite à l’un de vos commentaires reste en suspens. Sans doute ne l’avez-vous pas vue. Je demeure intéressé par votre éventuel éclairage.

  55. Denis Monod-Broca

    La distinction, pendant les années d’occupation, entre la République et la France est en effet essentielle.
    La République, Etat de droit, était à Londres, avec la France libre.
    En France il y avait Vichy, Etat de fait, pseudo-Etat, puisque soumis à la puissance occupante.
    Sur ce point, aussi paradoxal que cela soit, Mitterrand et de Gaulle effectivement se rejoignent.
    L’un et l’autre savaient ce que les mots, et les concepts qu’ils expriment, veulent dire.
    Ils sont l’un et l’autre la risée de ceux pour qui, en dehors des faits, des événements, des rapports de force, il n’y a que « paroles verbales »…
    [Mais, au moment où on parle tant des silences ou silences supposés de Pie XII, on peut aussi regretter leur silence à tous les deux. Ne se rejoignent-ils pas sur ce point-là aussi ?…]

  56. Monsieur Jean d’Ormesson fut le dernier visiteur officiel du palais de l’Elysée, une heure avant la passation de pouvoir avec Jacques Chirac.
    Monsieur d’Ormesson, pour le peu qu’il en a dit, avait été prié par le monarque pour une conversation privée.
    Les gens de l’Elysée avaient été surpris de le voir arriver de si bonne heure et sûrement étonnés d’entendre que Monsieur d’Ormesson était attendu par le président Mitterrand.
    Monsieur d’Ormesson nous livrera peut-être, un jour, la teneur de cette conversation.

  57. @Jean-Dominique Reffait | 28 décembre 2009 à 17:43
    Allez-y molo sur Henri Frenay, et vos « outils de gestion ».
    Flanquer Henri Frenay dans un aréopage de jeune vichystes, c’est aller un peu vite en besogne.
    On sent que vous avez biberonné au Daniel Cordier, qui aura passé sa vie à dézinguer plus de résistants que d’Allemands…

  58. Qu’il n’ait pas été parfait, c’est l’évidence même, et la liste des reproches que l’on pourrait lui adresser est fort longue.
    Ceci étant dit, j’aurais tendance à préférer un homme de culture qui a eu besoin de lire (pour approfondir ses réflexions ?) à un agité à qui l’impulsion sert de moteur.
    En tout cas, personne ne peut lui reprocher d’avoir pioché dans les caisses de l’Etat ou de son parti pour s’enrichir ou enrichir ses amis.
    Enfin, chacun ses goûts !

  59. Jean-Dominique Reffait

    Franchement chapeau pour ce billet. Parce qu’il ne correspond pas à l’air du temps, parce qu’il rebrousse tous les poils dressés, parce qu’il ne fait fi de rien.
    Ce que d’aucuns ne lui pardonnent pas, à jamais, c’est d’être passé de la droite vers la gauche en politique, avec de véritables convictions, alors que le chemin habituel va dans le sens opposé. Comme pour remonter un escalator qui descend, il lui a fallu bousculer le flux nombreux de ceux qui allaient à la soupe.
    Il connaissait Vichy, comme des centaines de résistants car Vichy n’était pas un bloc uniforme de collaborationnistes et d’antisémites. Nombre de réseaux de résistance sont nés au coeur même de Vichy. Mais Vichy n’était pas la République, à peine le régime légal dans la mesure où les règles constitutionnelles du 10 mai 40 n’ont pas mêmes été respectées. C’était un outil de gestion sur lequel se sont rués tous ceux qui voulaient demeurer actifs dans la tempête, certains pour le meilleur, d’autres pour le pire. Faire le procès de Mitterrand à Vichy, c’est aussi faire celui de Couve de Murville, de Chaban-Delmas, Henri Frenay, le général Juin, et tant d’autres hauts fonctionnaires à Vichy. Lorsque les collaborationnistes eurent définitivement gagné la partie, les résistants n’étaient plus là.
    Lorsque l’homme disparaît derrière l’image qu’il se fait du pays, la fascination s’amplifie : que se passe-t-il alors dans la tête d’un être humain qui fait corps avec un pays tout entier ? C’est la question que l’on se pose évidemment pour Clemenceau, de Gaulle ou Mitterrand.
    N’osons pas de comparaison qui risquerait de nous gâcher ces temps de fête. De toute façon, il fait toujours plus beau à Marrakech que dans n’importe quel coin pourri de France, non ?

  60. Moi aussi je ne partage pas votre admiration pour le grand homme!!! qui a fait envoyer autant de jeunes appelés en Tunisie et Algérie dont j’ai fait partie.
    Je pense qu’il est temps d’exhumer les mauvais choix de ce Président, surtout essayer d’expliquer aux « fameux intellectuels »qui le soutiennent encore et considèrent que c’est un exemple alors qu’il a envoyé à la mort de nombreux jeunes……

  61. Je poursuis la critique de votre article, mon cher Philippe. Vous écrivez encore :
    « Le plus remarquable et remarqué sur ce plan a été celui qu’il a prononcé à Berlin en 1995- huit minutes d’improvisation totale- où avec un art consommé il a évoqué le miracle inouï de la réconciliation franco-allemande, la chance qu’elle représentait et, en même temps, le courage des soldats allemands défaits par les Alliés ».
    Il n’y a là, à vrai dire, rien de nouveau de la part de Mitterrand ni de très remarquable. Nous ne sommes plus au temps du général de Gaulle et d’Adenauer où le courage de la réconciliation prenait alors toute sa valeur. Vous savez par ailleurs que ledit Mitterand n’a rien compris à l’événement historique que constitua la chute du mur de Berlin. Enfin, et c’est le pire, rendre hommage à tous les combattants de la dernière guerre mondiale, quel que fût l’uniforme que ces derniers portaient est non seulement une faute, c’est même une ignominie. L’uniforme des soldats de la Wehrmacht qui prêtaient la main aux bataillons de la Ordnungpolizei et des einzatsgruppen n’était pas honorable et ne le sera jamais.
    Donc, si l’on suit la logique de Mitterrand, il serait de bon ton d’oublier les vieilles histoires du type Bousquet/Rafle du Vel’dHiv’ tout en saluant le caractère honorable des combattants allemands au nom d’une réconciliation depuis longtemps acquise !

  62. Une chose singulière chez Mitterrand : son atlantisme.
    Alors que la France faisait de l’anti américanisme un snobisme sur stèle, François Mitterrand s’est très bien entendu avec Reagan, qu’il appelait « Ron »…(Affaire Farewell)
    Et il appréciait Margaret Thatcher dont il disait aimablement « elle a les yeux de Marilyn Monroe et la tête de Caligula »…

  63. @Laurent Remise
    Roger-Patrice Pelat est décédé d’une crise cardiaque et non à la suite d’un « suicide », en pleine affaire du « prêt » consenti à Pierre Bérégovoy pour l’achat d’un appartement rue des Belles-Feuilles (Paris 16e)…

  64. François Mitterrand est certainement le Président le plus fascinant, le plus énigmatique et effectivement le plus controversé de la Vème République.
    Une chose est sûre il ne laisse personne indifférent. Et encore aujourd’hui son empreinte est encore visible même si sur le plan purement politique le mitterrandisme a pratiquement disparu, si l’on excepte sa position au niveau de l’Europe.
    Comme tout grand homme d’Etat, il a sa part d’ombre et de lumière. Ses « amitiés » avec Bousquet, son indulgence envers Pétain n’ont pas vraiment été acceptés par la majorité des Français. Mais au-delà de ce qu’on peut considérer comme une « salissure » à son image, il reste un homme qui a été totalement digne d’exercer la fonction suprême et a toujours su donner à la France une image de grandeur et de dignité tout au long de ses deux mandats.
    Le seul reproche que je lui ferais toutefois c’est de ne pas avoir plus contribué aux réformes qu’avait commencé à entreprendre Michel Rocard. Dommage car le contexte économique et social des années 80 le permettait, sans pour autant recourir à une augmentation de la dette publique.
    Malheureusement les relations entre les deux hommes n’ont jamais permis cette action qui eut été salutaire pour les années à venir et le socialisme en France en paye aujourd’hui le prix fort.

  65. PS : on voit, à la qualification des crimes d’Oberg, que la France de cette époque ne mesurait absolument pas, ou ne voulait pas mesurer, ce qui était en réalité un crime contre l’humanité. Mais ce qui était une amnésie générale dans les années cinquante ou soixante, ne l’était plus trente ans plus tard, à l’époque de l’affaire Mitterrand/Bousquet.

  66. Pour être plus exact sur un fait que j’ai mentionné :
    « A la Libération, Karl Oberg est fait prisonnier par les troupes américaines, jugé et condamné à mort en 1946 par les tribunaux alliés. De nouveau condamné à mort par les tribunaux français, le 9 octobre 1954 à Paris pour crimes de guerre, il fera appel de sa peine qui sera commuée en prison à perpétuité.
    Le Président de la République Vincent Auriol octroie une grâce individuelle à Karl Oberg. À nouveau, le Président de la République René Coty le gracie en 1958.
    Condamné à la prison à vie, il sera libéré avec Helmut Knochen, en toute discrétion, de la prison de Mulhouse le 28 novembre 1962 par De Gaulle avant le traité de coopération franco-allemand signé le 22 janvier 1963. Oberg finira ses jours en liberté et s’éteindra le 3 juin 1965 à Flensburg (Allemagne) ».

  67. Je ne partage nullement votre admiration pour le grand homme, mon cher Philippe, et il y aurait beaucoup de choses à dire sur les différentes qualités que vous mettez à son crédit.
    Vous écrivez notamment que François Mitterrand tentait « d’expliquer à la France pourquoi un extrémisme de la punition n’avait plus de sens si longtemps après la terrible époque qui avait fait naître et suscité les crimes ».
    Non, Philippe, les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles depuis Nuremberg et ce n’est pas à François Mitterrand de substituer son appréciation personnelle au droit international.
    Par ailleurs, il y a une grande hypocrisie à fustiger constamment le racisme, à grands renfort de leçons de morale et de Touche pas à mon pote, et dans le même temps, de protéger ouvertement ce que la France a généré de pire sur le plan du racisme et de l’antisémitisme, en l’espèce la collaboration active à la déportation des juifs. Pour ma part, je considère que vos héros, de Gaulle et Mitterrand, ont commis des fautes graves ; le premier en graciant le général SS Karl Oberg, le second en refusant de prendre en compte les responsabilités de René Bousquet dans le génocide des juifs de France.
    Ainsi, si François Mitterrand n’est ni le bon dieu ni le diable, je ne crois pas davantage qu’il mérite tous les superlatifs dont vous le décorez à titre posthume.

  68. Pierre-Antoine

    @PB
    « Et de continuer à cultiver ma fascination pour François Mitterrand. »
    Je suis toujours étonné qu’un homme comme vous, qui pourtant en a vu des pervers et manipulateurs dans le box des accusés, soit « fasciné ». Si du moins je retiens la définition exacte qu’en donne le dictionnaire Hachette :
    fasciner [fasine] v. tr. 1. Immobiliser par la seule force du regard. La vipère passait pour fasciner les oiseaux.
    2. Fig. Attirer irrésistiblement le regard de; charmer, éblouir. Cette grande poupée fascinait toutes les fillettes.
    © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2002
    Dommage que le mythe errant soit mort…
    L’action de la justice s’éteignant quand le M.E.C est mort, plus moyen de poursuivre en justice celui qui a fasciné beaucoup (trop) de monde, qui a usé et abusé d’un pouvoir régalien à des fins personnelles.
    A côté de ça, les casseroles de notre Jacquot ne sont que de l’amateurisme.
    Et le bling-bling actuel est bien pâle à côté de l’usage discret mais fastueux du patrimoine et des ors de la Républiques sous François.
    Cordialement
    Pierre-Antoine

  69. Mitterrand, quand on aime le paradoxe, il n’y a pas de meilleur choix.
    Partir à l’assaut du pouvoir avec « le programme commun » pour terminer son premier septennat en roulant dans la farine « son Premier ministre » et en lui infligeant une défaite sanglante.
    Des écoutes de l’Elysée aux suicides, en passant par les morts subites en tous genres, le mépris et la haine (Rocard) qu’il portait au plus grand nombre, sa soif perpétuelle de pouvoir, son goût du théâtre, de la mise en scène, du Panthéon et la main dans la main avec l’immense chancelier, ses costumes clairs et mal coupés, tout pour attirer l’attention, démarrer en bas et puis la magie du verbe, de la présence, ce main dans la main se termine par un Mitterrand au sommet de son art, il nous met dans sa poche.
    Mitterrand est un littéraire, il rêve son ambition, il est habité par tout ce qui fait défaut à son successeur d’aujourd’hui, la culture immense sans laquelle il est comme asphyxié, l’intrigue dans une période où les combats n’étaient pas sans danger, le goût de la tragédie, la défaite, l’envie plus forte que tout de retourner au combat.
    Enfin la victoire, tout ce qu’il nous a fait vivre et qui appartient à chacun d’entre nous.
    Qu’on l’aime ou le déteste, il fut, il reste, il est.

  70. De Gaulle appelait « Tonton », l’arsouille.
    Il est certain qu’avec ce qu’on a aujourd’hui on ne peut qu’être pris d’admiration pour François Mitterrand.
    Tel Chirac, que nombre de français se prennent soudain à admirer.
    Chacun a sa thèse sur François Mitterrand, pour ma part je n’en retiens qu’une : un ami anglais lors d’une conversation politique houleuse, mais amicale, m’a asséné sur la joue : « ce Mitterrand, il vous ressemble tant ! »…
    J’ai été vexé, mais c’était bien vrai : menteur et hypocrite, Louis XI et Rastignac, moralisateur et pervers, courageux et manoeuvrier, Maurassien, gaulliste, de gauche, généreux et cultivé…
    Bref : un Français !

  71. Véronique Raffeneau

    « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’Etat français. »
    (Discours prononcé par Jacques Chirac – 16 juillet 1995).
    Voilà donc fondamentalement la facilité avec laquelle, selon vous, le président Chirac a dit ce que le président Mitterrand s’est refusé avec constance d’exprimer.
    Dans ce discours du Vel d’hiv il ne s’agit pas d’enfermer la France dans ce que vous nommez l’extrémisme de punition. Il s’agit de dire officiellement, fermement, que oui, l’Etat français a mis à la disposition de l’occupant nazi ses infrastructures administratives et policières pour la réalisation de son indicible projet criminel.
    Certes Vichy n’était pas la République. Mais la République a su recycler en son sein toute une administration et une haute administration qu’elle savait responsable et coupable.
    Maintenant, parce que très précisément un président a su dire cette trahison capitale des valeurs qui fondent notre République, aucun groupe de pression, quand bien même il s’agirait du Crif, n’est pas, n’est plus habilité à forcer et à tordre le verdict d’un jury de cour d’assises et la position d’un parquet général.
    C’est ce que Nicolas Sarkozy, selon moi, n’a pas compris dans le discours du Vel d’hiv de Jacques Chirac.
    La France, par la voix de son président, a dit son déshonneur des années noires. Elle l’a dit avec solennité et gravité. Le livre est écrit. Il n’y a plus lieu de vouloir le réécrire inlassablement au prétexter de vouloir obsessionnellement faire perdurer un abcès que le président Chirac au Vel d’hiv a vidé.

  72. Du génie, de l’intelligence, de la culture et de la clairvoyance, certes on peut attribuer tout cela à François Mitterrand.
    Mais de là à le porter aux nues… il y a un grand pas que je ne pourrais pas franchir avec vous chez Philippe Bilger.
    A titre personnel, je ne pourrai jamais oublier toutes les « casseroles » qu’il a traînées toute se vie et qui méritent qu’on s’attarde un instant sur son lourd passé :
    1) Avant guerre, il était non pas un homme de droite, mais un homme d’extrême droite, proche de la cagoule et d’Eugène Schuller, patron de L’Oréal.
    2) Sous Vichy, on sait assez facilement qu’il s’occupa des anciens combattants et de la jeunesse jusqu’à fin 42.
    3) On sait beaucoup moins qu’il resta à Vichy jusqu’à fin 43 (une fois que les nazis avaient perdu Stalingrad et que les Américains avaient débarqué en Sicile) et qu’il s’occupait (avec d’autres) de répertorier les juifs français dans la zone qui dépendait encore de l’autorité de Vichy.
    4) A la fin de la guerre, il plaida auprès du Général de Gaulle, avec Pierre de Bénouville et André Bettencourt (collaborateurs bien connus) pour que L’Oréal ne soit pas nationalisé (comme toutes les autres entreprises dont le dirigeant avait collaboré avec l’occupant). Ils obtiendront gain de cause et François Mitterrand sera nommé directeur de la publication de « Votre Beauté », le magazine du groupe, et touchera un salaire en conséquence, sans oublier que le groupe (qui recyclera dans ses succursales d’anciens collabo et nazis) lui financera TOUTES ses campagnes électorales.
    5) Le ministre de l’Intérieur François Mitterrand signa l’ordre de mobilisation de jeunes appelés qui allaient subir la honte de se battre dans une guerre perdue d’avance pour un peuple luttant pour son indépendance en Algérie.
    6) Fait qui vous est particulièrement cher, cher Philippe Bilger, le garde des Sceaux François Mitterrand abandonna les pouvoirs judiciaires à l’armée en Algérie. Après les pouvoirs militaires et les pouvoirs de police récemment acquis, l’Armée disposait ainsi de tous les pouvoirs et put torturer en toute impunité.
    7) François Mitterrand était en perte de vitesse au début des années 60 quand il organisa le fameux faux attentat de l’Observatoire. Les parlementaires devaient se prononcer sur sa levée d’immunité parlementaire pour passer devant la Haute-Cour quand une loi d’amnistie fut votée sur mesure pour les fautes commises par celui que vous adorez, grâce au Général de Gaulle.
    8) Comment oublier aussi les « suicides » opportuns de De Grossouvre et de Roger-Patrice Pelat sans omettre celui (de 2 balles) de Pierre Bérégovoy ? N’était il pas dangereux d’être un de ses proches ?
    9) Quant à l’affaire des écoutes de l’Elysée ordonnées par ce Président, elles sont lamentables dans un pays dit démocratique comme le nôtre.
    Alors non, je ne crois pas que François Mitterrand ait grandit ou servi la France. Il a mis son intelligence à son service et au service du mal politique qui tient tant de citoyen éloignés des urnes.
    Où sont passés les politiques de valeur, ceux qui se sont battus pour notre pays d’une manière désintéressée comme les Mendès, De Gaulle, Chaban ?

  73. Ben heureusement que vous vous venez de finir un ouvrage sur Nicolas Sarkozy ! Vivement qu’il décède pour avoir droit á vos éloges ou commentaires amers !? En creux comme d’habitude. Je n’aime pas le procédé.
    C’est mon problème.
    Je partage votre analyse de F.Mitterrand.
    C’est un autre problème.

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