Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Laurent Fabius : une « tronche » intelligente

C’est une des conséquences regrettables de la judiciarisation de la pensée que de réduire la réponse à n’importe quelle polémique en l’inscrivant dans un espace où seuls deux adversaires – celui qui assigne, celui qui se défend – vont s’affronter. Nul doute, aussi, qu’une attitude moins pertinente de Laurent Fabius aurait trop vite éteint la controverse dans l’attente longue, très longue de la décision de justice.

La vérité introuvable

Ce qui constitue un doute généralisé sur tous les propos officiels relatifs à Clearstream – je ne parle évidemment pas de Dominique de Villepin chez qui le serein, en certaines circonstances et pour son propre intérêt, devrait étouffer le flamboyant – ne s’arrête pas à cette affaire mais semble représenter une tendance lourde qui s’assimile à une défiance systématique des paroles publiques. Pourquoi pour Clearstream ?

Le coeur de J.D Salinger ne peut plus être attrapé

Merci à J.D Salinger d’avoir créé, il y a si longtemps, pour l’éternité. On n’a pas si souvent ce genre de joie, ce bonheur inaltérable. On doit tout pardonner au vieillard au nom de l’homme de 31 ans qui, en 1951, a inventé, par la sensibilité et le style, une oeuvre plus forte que toutes les désillusions

Nicolas Sarkozy : entre politique et démocratie

Nicolas Sarkozy a fait enfin se rejoindre politique et démocratie. Il a accepté la décision. Henri Leclerc, l’un des avocats de Dominique de Villepin, a salué sa sagesse. Qu’on ne dise pas, pour minimiser la portée de son abstention, qu’une partie civile n’a pas le droit d’interjeter appel. Il a suffi d’un avocat de partie civile et du CRIF pour que le garde des Sceaux ordonne un appel contre un arrêt exemplaire dans Fofana et autres. Imaginons alors le poids du désir du président sur un parquet parisien à l’évidence pas indifférent à son écoute ! On doit créditer le président de ce qu’il fait cesser, de ce qu’il aurait pu faire continuer (nouvelobs.com, Le Parisien, Le Monde, Le Figaro, jdd.fr). Soudain, on respire de l’air frais.

Tendre l’autre joue à Jamel Debbouze ?

Je vais finir par me demander si le péché mortel des artistes, humoristes, comédiens et chanteurs n’est pas d’être si impatients de quitter leur domaine familier qu’ils ne savent qu’éructer ou insulter quand ils se veulent citoyens. Jacques Weber hier, Jamel Debbouze aujourd’hui. Le comble, c’est que ce dernier est protégé par son talent, son entregent, son aura qui dans notre monde se fabrique vite et est donnée à bon compte et, surtout, sa propre violence. Personne n’aurait le front de s’opposer à lui. Le scandale viendrait de la riposte et non de l’attaque. Il faut tendre l’autre joue à Jamel Debbouze pour qu’il continue à faire mal. Moi, je n’en ai pas envie.

Des Kurdes ont débarqué !

La détresse et la misère de ces migrants, qui ne veulent pas demeurer en France et qui ont suivi un parcours compliqué et clandestin avant de débarquer en Corse, sont dignes de pitié, personne n’en disconvient. Pas davantage que n’est contesté le fait, par notre ministre Eric Besson, que les procédures établies à leur encontre l’ont été dans des conditions de précipitation et d’approximation imposées, selon lui, par l’urgence. A cause de cette reconnaissance, est posé, dans sa pureté, le conflit qui oppose souvent de manière larvée, ici sur un mode éclatant, la raison d’Etat à l’Etat de droit. Cet antagonisme est d’ailleurs exposé avec franchise, voire brutalité, par Eric Besson qui énonce que « face à des situations d’urgence, la protection des personnes prime sur le pointillisme procédural ».

Yannick Haenel n’a rien à se faire pardonner

Comment énoncer cela élégamment sans désobliger la statue vivante du Commandeur ? Pour ma part, j’ose cette intolérable banalité. De cette controverse historique je n’ai cure puisque ce livre est composé de vérité mais aussi de songes et que sa force est de rendre palpable l’infini malheur et admirables l’énergie de vivre et la solidarité et désespérantes les rencontres manquées entre le cours du destin et ce qui aurait pu et dû le détourner de sa terrible issue. Mais dans le bonheur de la littérature. Yannick Haenel n’a rien à se faire pardonner.

La chanson de Gainsbourg

Je suis sûr que Gainsbourg n’aurait pas aimé. Il y avait chez lui, derrière son âpreté, sa dureté, ses provocations et ses violences un orgueil bien placé, le sentiment qu’en dépit de tout il ne pouvait pas être traité à la légère. Cette oeuvre qui prétend l’honorer l’oublie. Entre toutes les scènes il manque un lien, un trait d’union qui seuls auraient pu leur donner sens et magie : Serge Gainsbourg lui-même.

Aux auditeurs de justice qui doutent

Qui ose vous dire de vous attrister parce que demain vous allez prendre en charge beaucoup de destinées humaines coupables, victimes ou en demande ? Certes vous pourrez être critiques mais sans enthousiasme vous perdriez tout ce qui fait le prix d’une vie, l’intensité d’une passion et l’honneur du service. La justice ne sera pas administrée par des jeunes gens amers. Elle mérite mieux que cela. Elle vous mérite. Soyez vous-mêmes.

Le rayon Rohmer

Son art comme lui-même résistent à qui prétend les étiqueter. Le rayon Rohmer ne se laisse pas totalement regarder ni apprivoiser.

Un Parquet glissant

Au risque de choquer, s’il convient de favoriser, pour la Justice, une part plutôt que l’autre, il me semble que l’acte de juger devrait susciter plus de vigilance pour sa sauvegarde et son intégrité que l’acte de requérir qui n’est après tout qu’une proposition. Si pour avoir une magistrature véritablement indépendante il est nécessaire de briser en deux le monde judiciaire et de banaliser le Parquet, pourquoi pas ? Cela ne me gênerait pas d’être qualifié, par mon statut, de fonctionnaire si j’augmentais par là même la dignité et l’indépendance du juge. La démocratie reconnaîtra les siens.

Devedjian à la relance !

Patrick Devedjian, en fin, m’amuse. Il ose affirmer « qu’il souhaite que le Conseil constitutionnel soit à l’abri des soupçons ». Ce qu’il feint, bonne âme, de déplorer, il le nourrit, ce qu’il fait mine de dénoncer, il l’amplifie.

Madame Chirac, vous avez tort

Le couple devra choisir : l’attitude intelligente et positive de Jacques Chirac ou la légère et maladroite arrogance de son épouse Bernadette