Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Crime parfait

Je ne sais pas comment Eric Dupond-Moretti a plaidé en faveur de Jacques Viguier. Ce dont je suis sûr c’est du talent et de la force qui sont les siens et qui ont dû rendre encore plus infirmes, par contraste, les faiblesses de l’accusateur. L’intelligence du procès, la puissance du discours avaient clairement choisi leur camp. Mais cet acquittement, contrairement à tant d’autres, n’est pas venu sceller par défaut des audiences inachevées et frustrantes. On a l’impression qu’il a couronné un mystère dont pourtant on a cherché, mais en vain, à dévoiler tous les secrets. Leçon ultime des assises d’Albi : si une hirondelle ne fait pas le printemps, un grand président « fait » la justice.

Eric Zemmour ou le trublion officiel

A dire le vrai, Eric Zemmour est à la croisée des chemins. Aujourd’hui, son discours et ses écrits – c’est le risque fondamental de la liberté: si elle se répète, elle meurt- sont marqués du sceau du prévisible. On peut les imaginer par avance parce que « le style Zemmour » est devenu une sorte de marque déposée. Mais rien ne vaut les jaillissements de l’imprévisible, les surgissements d’une pensée capable, quand il le faut, de se battre autant contre elle-même que contre les opinions majoritaires, les surprises qu’une personnalité veut bien offrir à ceux qui ont besoin d’elle dans un monde planifié. A l’évidence, pour et par toutes les bonnes consciences avides de stéréotypes. Qu’au moins les esprits libres tentent d’échapper à cette malédiction!

Déprime civique

Déprime civique que cette abstention venant blesser notre démocratie au coeur. Après l’ivresse, c’est comme un pays qui dessaoule.

Halde ! Boutih !

Le sénateur Longuet n’aurait pas dû s’excuser. Bientôt, à force, la parole et ses défis seront remplacés par un vide mais, rassurons-nous, totalement moral et consensuel.

La France a peur

La France, aujourd’hui, a peur. Roger Gicquel ne se tromperait pas en le proclamant. Mais la France, sur ce plan, a-t-elle forcément raison ?

Mélancolie démocratique

Au Salon de l’agriculture, cette année, le président a échappé à tous les risques. A l’abri des autres et, qui sait ?, peut-être encore de soi. C’est triste. Comme une vie aimée qui se délite, s’évanouit. Ciel gris, avenir sombre, mélancolie démocratique.

Pitié pour les Bleus !

Mais les nuls, ce ne sont pas les onze joueurs qui, sauf Loris, courent, s’agitent, ne tirent pas ou alors à côté, font de mauvaises passes et se désespèrent au point d’entendre un Thierry Henry, le match fini, déclarer qu’il est normal « qu’on soit sifflé quand on est mauvais ». On garde les mêmes mais on change tout. Voilà la solution. Si un miracle se produit en Afrique du Sud, on n’en créditera pas les joueurs. Si l’échec rapide ou sur la fin survient, les joueurs seront accablés. J’en ai assez, partout, de l’impunité de ceux qui ordonnent, dirigent et conçoivent quand ce sont les lampistes qui au coeur de l’action « trinquent » toujours.

Les jeux sont-ils faits ?

J’entends le « ouf » de soulagement des uns et le « hélas » des autres. Pour cet avant-projet du futur code de procédure pénale, au moins qu’on se batte sur les détails aménageables et non sur le principal intouchable qui apparemment le demeurera !

L’argent a une odeur

Il n’empêche que ces inévitables reniements que le réel impose ne sont pas loin d’avoir fait de la société tout entière un Péguy en colère. Comment ne pas être d’accord avec Jacques Julliard, dans la pertinente analyse que lui a consacrée Eric Conan dans Marianne, quand il souligne que le problème crucial d’aujourd’hui est l’argent fou « qui sépare le commun des mortels et une nouvelle caste de privilégiés ». Mais l’argent n’a plus le droit d’être fou. Il a une odeur.