Cédric Jubillar : justice de places…

Cédric Jubillar a été condamné à trente ans de réclusion criminelle pour meurtre. Ses avocats ont immédiatement interjeté appel de cet arrêt. Aussi vais-je bien me garder d’évoquer le fond de cette affaire qui a passionné l’opinion publique, mais seulement la différence de perception entre les participants au procès et les journalistes dans leur ensemble.

Cette impression, chez moi, ne date pas d’aujourd’hui. Combien de fois, lorsque j’étais avocat général à la cour d’assises de Paris, ai-je remarqué cet écart entre des personnes qui, dans la même salle d’audience, paraissaient assister au même procès. En réalité, leur regard et leur écoute n’étaient pas les mêmes.

Écouter et questionner pour juger ultérieurement n’a rien à voir avec l’activité du journaliste qui écoute et s’interroge pour ensuite écrire un article. La plupart du temps, ils n’assistent pas au même procès, tant leur rapport à la scène judiciaire les place, les uns au premier plan et dans l’action, les autres dans une certaine distance.

Mon titre s’explique ainsi : justice des places. Des places où l’on se trouve dans la salle d’audience. Jurés, magistrats, avocats généraux, avocats de la défense, avocats des parties civiles d’un côté ; journalistes et chroniqueurs judiciaires de l’autre. Les premiers en plein dans le vif de la tragédie criminelle et responsables, les seconds concernés mais témoins d’une horreur dans le jugement de laquelle ils ne sont pas engagés. Pas les mêmes places, pas le même regard…

C’est ainsi que dans les péripéties finales du procès de Cédric Jubillar, il est clair que les deux avocats généraux ont convaincu les jurés et la cour d’assises, tandis que les deux avocats de la défense, sans doute brillants, ont convaincu les journalistes.

Je n’ai pas été surpris – c’est habituel chez ces derniers – par le fait qu’au moins une plaidoirie de la défense, celle de Me Emmanuelle Franck, a suscité un enthousiasme éperdu, comme si toutes les contradictions opposées à l’accusation étaient solides et décisives. Alors que les réquisitions, même les plus talentueuses, pertinentes et de haute volée, ne suscitent jamais, de la part des chroniqueurs, la moindre adhésion admirative dépassant le cadre du strict compte rendu.

C’est le parti pris de principe, originel, des médias : pour l’accusé, plus que pour la défense de la société.

Le journaliste, quelle que soit sa tendance, n’est pas spontanément accordé, sur le plan judiciaire, avec l’ordre. Souvent il préfère les incertitudes troublantes aux vérités trop évidentes. Alors, quand de surcroît on a un Cédric Jubillar qui conteste obstinément, et que le corps de la victime demeure introuvable, les médias ne se sentent plus ! Pourtant, ayant lu la relation des réquisitions des deux avocats généraux, je n’avais pas eu le moindre doute sur le fait que, implacables, intelligentes et parfaitement argumentées, elles allaient convaincre les jurés.

Évidemment, les trente ans requis ayant été prononcés, on a tenté, médiatiquement, une mise en cause de l’arrêt et de la présidente, alors que les conseils de l’accusé ont, eux, eu une attitude exemplaire, gardant leur énergie et leurs qualités pour l’appel à venir.

Selon que vous êtes à une place de responsabilité et d’implication, ou que, parfois, vous n’écoutiez que d’une oreille, pressé d’écrire votre article…

Une justice des places, qui changent la perception.

Article précédent

Bruno Retailleau n'est pas "détruit"...

Article suivant

Entretien avec Marc Menant

Voir les Commentaires (52)
  1. Xavier NEBOUT

    @ Exilé

    Mais qui n’est pas raciste ?
    Je vais vous en raconter une bien bonne.
    Avec un pote, on se faisait une bonne bâfrante au restau avec nos grosses.
    Arrivé au dessert, je voulais sortir celle du grand blond et de la Pygmée, mais je me dis que si les gauchos de la table à côté m’entendent, je risque d’avoir des emm…. Alors, je raconte ma visite du grand voilier russe Sedov à Bordeaux. Figurez-vous qu’ils sont tous blonds, mais tout petits et taillés comme des frites, et je dis « Mais alors, machin, quand il parlait de race inférieure… » Eh bien, je n’ai pas eu le temps de passer à la Suze que les poulets venaient m’embarquer… Et c’est là que j’ai rencontré Sarko… Je lui raconte celle du grand blond et de la Pygmée. C’est alors que le gardien qui nous surveillait se gondole, et part la raconter aux autres. Toute la taule se marrait tellement qu’on a pu se barrer pépère. L’affaire a été étouffée, car il aurait fallu la raconter à la télé, et qu’il paraît qu’on ne peut pas parce qu’elle est raciste.
    Comme quoi, le racisme a du bon.

  2. « Cédric Jubillar a été condamné à trente ans de réclusion criminelle pour meurtre. » (PB)

    Ah ! Enfin un procès bien franco-français, presque franchouillard, qui est de la lignée des procès du bon vieux temps « à la Landru », avec tous les codes centenaires qui vont de pair, sauf l’ombre de la machine du bon docteur Guillotin, bien entendu.

    Cela nous change des procès, du moins quand ils sont intentés, liés aux nouvelles formes de criminalité du genre coups de couteau à profusion pour cause de « crimes d’honneur » (un honneur généralement mal placé) ou bien de la criminalité liée à des motifs « rituels » de type quasi tribal, ayant envahi la France depuis que les « autorités françaises » ont décidé de changer la composition de la population d’origine à l’aide d’apports culturels pas toujours compatibles avec ce que le Code civil avait prétendu définir à l’origine.

    Notons aussi, alors que le peuple français a été globalement recouvert de l’opprobre du « racisme » par les lois concoctées par les socialo-communistes à des fins de basse politique, ce sont en fait plutôt, sur un plan de violence criminelle, les populations importées qui sembleraient remplir la rubrique des faits divers quand il s’agit de racisme mais dont les Franco-Français font factuellement les frais.

    Mais là, la justice semble être étrangement sourde, aveugle et hémiplégique en refusant de prendre en compte le racisme importé, fût-il manifeste, sous le prétexte spécieux que les populations présentées comme ayant été victimes d’un prétendu racisme systémique ne sauraient, elles, capables à leur tour de racisme…

    En conséquence de quoi, pour un procès Jubillar monté en épingle, combien de procès portant sur des affaires horribles ne sont-ils pas passés sous silence ou édulcorés au nom d’un « pas de vagues » politique particulièrement injuste ?

  3. Patrice Charoulet

    Sur Facebook, j’avais scribouillé les mêmes mots touchant les jurys populaires. J’ai récolté, comme ici, des critiques. J’ai modifié ma prose en mettant « des gens de toutes professions ».
    Faites comme si j’avais fait ici le même changement. J’ai la plus grande estime pour la charcuterie, la coiffure et les malheureuses personnes payées au SMIC (forcément) dans les grandes surfaces. J’ai bénéficié ce matin même des services de l’une d’entre elles et l’en ai vivement remerciée : nul ne prodigue plus d’égards que moi à ces malheureuses.

    1. « J’ai modifié ma prose en mettant « des gens de toutes professions ».
      Faites comme si j’avais fait ici le même changement. J’ai la plus grande estime pour la charcuterie, la coiffure et les malheureuses personnes payées au SMIC » (P. Charoulet)

      De l’art de s’enfoncer encore plus… Style : « Je ne suis pas raciste, mon meilleur ami est juif… »
      « …nul ne prodigue plus d’égards que moi à ces malheureuses » disait aussi Giscard en recevant à sa table les éboueurs…

      1. Je me rappelle qu’au cours du Covid, on avait redécouvert la nécessité sociale des personnes qu’on a trop tendance à ne pas regarder, d’habitude… Aujourd’hui, les réflexes hélas, reviennent, et on va jusqu’à les dire incapables de juger.

        Ce qui me fait doucement marrer ? Que l’objection ne soit pas venue d’un technicien du droit, ou d’ailleurs d’autre chose, mais d’un littéraire… On est loin de l’époque où la République des Lettres se voulait émancipatrice du peuple ; voyons :

        https://libretheatre.fr/monologue-de-figaro-mariage-de-figaro-de-beaumarchais-acte-v-scene-3/

        Autre chose : il est question de revenir au service militaire face aux périls… Allez expliquer aux plus déshérités d’entre nous qu’ils vont se remettre à servir militairement la nation mais qu’ils n’auront plus le droit d’être jurés, qu’on s’amuse.

        Tout citoyen porte une part de souveraineté, et doit être traité avec les égards qui lui sont dus. Il doit voter et en tout agir pour la pérennité de la nation, de même que juré, il doit juger selon les preuves dont il dispose ou non, selon la justice.
        Noblesse oblige.

  4. @ Ellen le 20 octobre 2025

    Cela m’a fait bien rire, par les temps qui courent c’est cadeau.
    J’ai plein d’anecdotes sur ce type de réflexion, le plus humble d’entre tous, alors que nous planchions sur la façon de passer une canalisation haute pression, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire me propose une solution, pertinente, intelligente, et qui nous a fait économiser pas mal de pognon.
    Le milieu du génie civil abonde de ces personnes qui ont l’intelligence de leur regard, combien de fois ils nous ont sortis d’ornières fournies en ronces, j’ai le souvenir ému de ces circonstances, la plupart dirigeaient en pleine maturité les ouvrages les plus costauds.
    Le suffrage universel imposé par Mongénéral oblige deux mondes, les politiques à être attentionnés à leurs citoyens, et leur apporter des réponses s’ils ne veulent pas finir au bout d’une pique, et le citoyen électeur à respecter le travail du premier.
    Je reste persuadé que le Sénat ne sert à rien, bien sûr il faut proposer un équivalent, moins nombreux, élus au suffrage universel, je me souviens que le Général Motor avait proposé, trop tard, une idée. Bon, bon, on y passerait la nuit…

  5. « Nul ne me persuadera qu’un coiffeur, une charcutière, une hôtesse de caisse, etc., soient plus à même de bien juger que trois magistrats expérimentés. » (Patrice Charoulet)

    En réalité on peut prouver que vos magistrats expérimentés rendent des verdicts criminels ; beaucoup d’innocents en ont fait les frais : Lola, Philippine et des centaines d’autres tombés sous les coups meurtriers des protégés de cette justice très expérimentée, mais qui a beaucoup de sang sur les mains.

    Je suis persuadé qu’avec coiffeur, charcutier et caissier, ces malheureux jeunes seraient encore en vie, malheureusement la dictature de l’Etat de drouââââ et les idéologies criminelles islamo-gauchistes macroniennes priment sur le bon sens et la logique.

    Si c’est pour faire des années d’études à l’ENM, nid gauchiste et battre tous les records de crimes impunis, autant mettre le cantonnier ou le forgeron du village, ils sont purs et bruts de décoffrage et rendront de vrais verdicts justifiés, mérités et rassurants pour la population.

    Mais nous subissons une magistrature de dégénérés qui jouissent de leur pouvoir d’impunité des délinquants et criminels, une macronie islamogauchiste qui ne compte plus les cadavres d’innocents tombés sous les coups de leurs protégés.

    1. « la dictature de l’Etat de drouââââ », oups !

      En réalité j’écris toujours diKtature, ça fait plus extrême droite, plus « uhlan casque à pointe », mais « ma correctrice totomatique » doit être gauchiste, elle persiste et signe en mettant un « c », ce qui ramollit mon message, désolé, je dois revoir mes paramètres, peut-être en langue teutonne.

      1. En tant que petit-fils d’Uhlan, fils d’Uhlan et Uhlan moi-même, il me semble heureux de rappeler les faits d’armes de ces combattants.

  6. Xavier NEBOUT

    @ Patrice Charoulet
    « Nul ne me persuadera qu’un coiffeur, une charcutière, une hôtesse de caisse, etc., soient plus à même de bien juger que trois magistrats expérimentés. »

    Ah mais c’est que vous avez tout compris, vous ! Il faut dire aussi que tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir eu un prof de français comme vous pour lui expliquer ce que signifie « avoir une intime conviction ».
    Même notre hôte ne devait pas savoir !

    D’ailleurs, verbe et vérité semblant avoir la même racine, le verbe serait il porteur de vérité ?
    Il précède la pensée, mais s’il vient de l’Esprit comme le suggère saint Augustin, s’oppose-t-il au subconscient qui habite l’âme, ou alors, l’âme et l’Esprit sont-ils toujours liés par la partie spirituelle de l’âme dont nous parle Aristote et qui dicterait ainsi l’intime conviction ? Et puis, ce V qui se trouve dans conviction, serait-il le même que celui du verbe et peut-être même celui de Vac, la divinité indienne incarnée dans la vache poursuivie par Prithou, celui qui est avant tout, l’Es-prit ?
    Quelle prise de tête, vite, allons vite nous coucher ; m… encore le V !

    1. « ce V qui se trouve dans conviction, serait-il le même que celui du verbe…  »

      Mais non, c’est celui qui se trouve dans XaVier !
      La Vache, il part en Vrille certains jours.

  7. « Nul ne me persuadera qu’un coiffeur, une charcutière, une hôtesse de caisse, etc., soient plus à même de bien juger que trois magistrats expérimentés. » (Patrice Charoulet)

    Où l’on observe que le professeur Charoulet s’est bien gardé de citer, aux lieu et place de ses exemples, un joueur de foot, un sommelier ou un rappeur… ç’eût été trop connoté de ses détestations…
    Et donc ?
    Il aurait pu parler d’un enseignant, d’un militaire ou d’un cinéaste… Non, Monsieur le professeur Charoulet, pour les besoins de son argumentation, vise ce qu’il croit être le lumpenprolétariat…

    Dis-moi tes comparaisons, je te dirai qui tu es…

    1. Je pense comme vous que le jury a toute sa place, de même que les magistrats d’ailleurs. Pour moi, le problème est l’intime conviction, soit le fait qu’on puisse condamner sans preuve, c’est fou ! C’est l’esprit scientifique et de justice qui fait défaut aux gens pour qu’on accepte un tel système, dans ce pays.

      Une chose me fait peur : si par miracle on exigeait de par la loi des preuves pour condamner, je parie qu’on en fabriquerait des fausses, car d’abord il a existé toutes sortes de faussetés en religion et même en science, et qu’on peut craindre que de tels exemples fassent signe dans un univers judiciaire où l’intime conviction rendait la fraude inutile. Ensuite, l’habitude de se fier à son flair et non aux faits pourrait inciter à s’imaginer mentir pour la cause de la vérité, comme cela a eu lieu dans d’autres domaines.

      Il faut donc changer la loi mais aussi modifier les mentalités. Profondément. Travail de longue haleine, à mon avis.
      Même si elles ne sont pas faites pour ça, les fictions avec des experts montrent qu’on n’est plus à une époque préscientifique, je veux dire où on condamnait ou relâchait au petit bonheur. Bien sûr, on pourrait me dire, et les histoires de chercheurs de vérité ou bien d’innocents frappés par la foudre ? Mvoui… En fait, on ne peut demander de chacun des qualités exceptionnelles, même si en voir incite au bien. Et s’il y a des fictions d’innocents condamnés, la vie sinon la fiction montre qu’en relâchant des coupables et dangers publics avérés, on frappe, certes de façon indirecte, mais on frappe aussi des innocents. C’est donc une lame à double tranchant, à mon avis. La question est qu’en principe le doute doit bénéficier à l’accusé : toute la société est contre lui, et elle ne peut même pas trouver une preuve ? Alors tant pis, elle paie son manque d’investissement dans la science. Sa légèreté type un peu de psychologie suffira en amont, ou bien l’intime conviction en aval. On critique toujours les gens désorganisés ou bien les personnes aux principes élastiques, mais quand tout un pays déraille, tout va bien ! Eh bien non.

      Un littéraire intervient contre l’esprit démocratique, pas un scientifique pour la police scientifique et il faut bien redresser la barre. Mais c’est triste, si triste ! C’est à croire que les gens ne rêvent que d’exercer l’arbitraire, car un pouvoir tenant aux seules preuves est trop contraint, pas assez absolu, ou du moins qu’ils en rêvent par procuration. Or le pouvoir est une triste nécessité, pas une volupté à exercer aux dépens des innocents, c’est le cas de le dire. La jouissance discrète d’un pouvoir limité ou bien encore le secret de rapport BDSM purgeant les gens de ce besoin sont licites.
      Pas l’arbitraire !

      L’arbitraire réifie des gens qui n’ont pas demandé à l’être. Viol de leur conscience, vol de leur liberté, abus dont souvent on n’a pas conscience de le commettre quand de tradition comme dans la funeste intime conviction. On a tendance à penser qu’on ferait un juré formidable, mais je pense que même des qualités peuvent tourner en défaut. La méfiance, aide à la recherche de la vérité, mais peut devenir paralysie ou jeu d’ego, et le respect pour la compétence d’autrui, en l’occurrence surtout magistrats, soumission. À présent, autre recherche d’équilibre : prendre assez de chocolat au risque de mal au cœur contre la tristesse ou bien repousser la tentation et rester triste ? Que le moindre mal l’emporte.

  8. Il est exagéré de dire que ce procès passionne les Français, je parlerais plutôt d’un battage médiatique hors norme, comme pour des affaires antérieures (Jonathann Daval, Nordahl Lelandais, Pélicot…). D’ailleurs, je me souviens qu’il y a quelques années, un journaliste du service public (malheureusement, je ne me souviens plus de son nom) avait avoué sans aucune gêne que la télévision allait se pencher plus attentivement sur les faits divers.

  9. Cette affaire interroge sur le fonctionnement de la justice française et l’influence des médias et de l’opinion sur les verdicts rendus par les jurys populaires. Manifestement, le fantôme d’Alexia Fouillot planait sur le prétoire d’Albi, bien que le corps de la victime n’eût jamais été retrouvé. En première instance, l’accusé partait perdant, d’autant que l’oralité des débats le desservit. C’est un homme ordinaire, pris dans la tourmente d’un fait divers sordide, dont le regard éperdu cherche en vain le salut, puisque le verdict actuel signe sa mort sociale, bien qu’il soit toujours présumé innocent.

  10. Patrice Charoulet

    Tout accable Jubillar.
    Je saisis l’occasion pour redire ici que je suis pour la suppression des cours d’assises. Nul ne me persuadera qu’un coiffeur, une charcutière, une hôtesse de caisse, etc., soient plus à même de bien juger que trois magistrats expérimentés.

  11. C’est la série noire. Le 17 octobre 2025 s’est ouvert le procès aux assises au tribunal judiciaire de Paris, contre l’Algérienne Dahbia Benkired sous OQTF, non appliquée comme toujours au moment des faits, pour meurtre crapuleux de l’enfant Lola, âgée de 12 ans.
    Ce que j’entends sur les antennes TV me fait dresser les cheveux sur la tête. Cette meurtrière monstrueuse n’est pas une « présumée » coupable, mais coupable à 100 %. Avec tous les faits et preuves établis depuis les premiers jours de son forfait meurtrier, les juges ne vont pas s’éterniser sur la longueur du procès sur son cas. Une économie substantielle et une salle aux assises libérée avant l’heure pour juger le criminel suivant.

  12. Dans le petit prétoire de la cour d’assises d’Albi, comme dans l’immense salle d’audience du procès Pélicot, chacun, à sa place, a fait son devoir, y compris les chroniqueurs judiciaires, qui, n’étant pas des scribes, rendent compte des débats en leur âme et conscience, ou, plutôt, en tentant d’allier l’obligation de respecter leur contenu et la tentation de laisser plus de place à leur ressenti personnel.
    Dans une affaire dont l’instruction n’a pas apporté la preuve irréfutable du crime et de la culpabilité évidente de l’accusé, face à la confrontation des parties, à leurs certitudes sans nuances, à leurs convictions inébranlables, ce n’est pas chose aisée de rester impassible, de taire ses propres sentiments, de paraître sans émotion.

    Pour informer leur public et apporter leurs commentaires, les chroniqueurs judiciaires se nourrissent de ce qu’ils entendent et voient pendant les audiences, au cours desquelles, via le débat oral et contradictoire, se construit peu à peu – parfois brusquement – la vérité judiciaire. Ils ne méritent pas, me semble-t-il, une critique aussi acerbe que leurs collègues, faits-diversiers, chroniqueurs généralistes ou animateurs de débats radio et TV.

    Les uns, sur le terrain ou non dès la commission des faits, échafaudent des hypothèses à partir de détails, vérifiés ou non, parfois de confidences intéressées… quand ils ne sont pas manipulés à leur insu par l’une ou l’autre des parties, les avocats n’étant pas les derniers à oser utiliser cette méthode.

    Les autres, en n’ayant qu’une connaissance très partielle du dossier, parfois même aucune, assènent leur « vérité » à leur public, comme si elle était « LA » vérité. L’affaire Jubillar est un exemple quasi parfait de la nuisance de ces pratiques journalistiques.

    La médiatisation outrancière dès les premières heures de la disparition de la victime (présumée) n’a rien arrangé. Féminicide pour les uns -les plus nombreux, parce que ce crime, depuis quelques années, est devenu l’aliment préféré des gazettes et des plateaux à la recherche d’audience facile -, erreur judiciaire, pour les autres, parce que, outre l’absence du corps, l’enquête, semble-t-il, a connu quelques loupés qui n’ont pas permis de « fermer toutes les portes » et s’est trop vite et trop largement concentrée sur le mari cocu, bizarre et peu amène de surcroît, l’affaire Jubillar, comme l’affaire Grégory en son temps et encore aujourd’hui, est un cas d’école en matière de pollution d’une instruction par les médias.

    Aujourd’hui, il n’est plus rare que tel ou tel d’entre eux, même les plus réputés, enfreigne la loi et se vante sans sourciller d’avoir craqué le secret de l’instruction. Parfois, l’un ou l’autre va jusqu’à indiquer sa source – avocats, police ou parquet – bien que ces deux derniers soient tenus au silence. La présomption d’innocence et, avec elle, l’État de droit, sont bafoués ? Oui, oui, bien sûr… mais le grand public est tellement friand de ces enquêtes parallèles, qui font « vendre du papier » ou améliorent l’audimat… Le risque de poursuites ? Il est quasi inexistant…

    À quand une justice qui osera faire cesser cette dérive, qui osera rappeler que toute liberté est encadrée, y compris celle de la presse, qui osera sévir pour que réseaux sociaux et médias n’aient pas fait le procès – de l’assassin ou de la victime – avant même la fin de l’instruction ?

    Mais ceci n’est pas le sujet du jour. Notre hôte se plaint du traitement inégal que les journalistes accordent aux propos de l’accusation et à ceux de la défense, parfois, à ceux des parties civiles. C’est là un fait incontestable… Mais ce déséquilibre s’explique assez aisément et, disons-le, il a encore de beaux jours devant lui… Parce que cette différenciation est liée aux statuts et aux obligations des magistrats d’une part, des avocats de l’autre.

    Ceux-ci ont toute liberté pour s’exprimer dans le prétoire – y compris en accommodant la réalité quand elle est défavorable à leur client -, mais aussi hors de celui-ci et à tout instant, avant, pendant et après l’instruction et le procès. La parole des magistrats, elle, est limitée, à la fois par la loi – le secret de l’instruction – et par une retenue naturelle dans cette profession, qui, consciente de son rôle éminent dans la société, de son autorité, pratique assez peu les bons mots, les à-peu-près et, encore moins, les effets de manche théâtraux.
    Certes, dans un prétoire, l’avocat général peut être éloquent, mais cette qualité ne constitue que rarement la principale caractéristique de son réquisitoire, qui doit être avant tout rigoureux vis-à-vis du droit, équilibré entre la juste punition de l’accusé et l’apaisement nécessaire des victimes et bâti sur une conviction acquise au fil des audiences, sur le dossier d’instruction et surtout pas sur les éléments plus ou moins sérieux du procès médiatique qui précède et accompagne le vrai.

    D’une part, des « acteurs », parfois très brillants – Me Emmanuelle Franck a « explosé » en présentant une défense impeccable -, d’autre part, des « scrupuleux » peu enclins à parader… Même si, parfois, il n’oublie pas de saluer le travail de ceux-ci, le chroniqueur judiciaire, comme le grand public, est d’abord attiré par ceux-là, qui, plus que le ministère public, lui offrent matière à montrer ses talents de narrateur. Quitte, comme eux, à en oublier un peu le fond du procès et à n’en retenir que l’ambiance. C’est dommage, mais, cela perdurera encore longtemps, la lumière, même très artificielle, captant le regard bien plus qu’une torche qui, elle, éclaire la vérité…

    N’oublions pas non plus que l’avocat possède un atout dont est peu ou prou privé le magistrat : le dialogue, permanent s’il le faut, avec le journaliste, dont il est une source non négligeable… Et, foi de journaliste, une source, il faut la soigner pour qu’elle continue de fournir de l’info… Un peu de brosse à reluire est parfois nécessaire…

    En conclusion, il convient toutefois de rassurer notre hôte. Il est des magistrats qui, sans jamais céder aux sirènes médiatiques – tel Éric de Montgolfier – n’en sont pas moins reconnus, honorés, salués par les chroniqueurs judiciaires, qui les citent avec gourmandise et savent en apprécier, non seulement la qualité du verbe et le sérieux, mais aussi leur souci constant d’être mesuré, de respecter les parties, de faire preuve d’humanisme. Pendant sa carrière, Philippe comptait parmi ceux-là.

  13. Xavier NEBOUT

    Qu’est-ce que l’intime conviction ?
    L’intime relève de l’intériorité, son contraire est donc ce qui relève de l’extériorité.
    L’intime conviction sur la culpabilité ne repose pas essentiellement sur les preuves exposées en tant que telles, mais sur l’intuition forgée par l’appréhension essentiale d’un ensemble d’indices qui sera intimement interprété comme valant preuve, et le droit (loi, doctrine et jurisprudence) ne peut dire que c’est suffisant pour justifier une décision, car l’intime conviction ne relevant pas de la raison mais de l’intuition, elle est inexprimable, et ne peut donc fonder une décision en droit.
    C’est pourquoi on s’en remet à l’intime conviction étrangère au droit d’un jury populaire, et non du juge, pour fonder la décision.

    1. « C’est pourquoi on s’en remet à l’intime conviction étrangère au droit d’un jury populaire, et non du juge, pour fonder la décision. »

      Pas du tout, on s’en remettait au Jugement de Dieu. Un duel entre l’accusé et le représentant de l’accusateur.
      Je vous trouve l’aura un peu tristounette et à côté de la plaque. L’effet d’un automne aux feuilles mortes probablement.

  14. Xavier NEBOUT

    @ Tipaza

    Les inquisiteurs n’étaient pas des moines, et l’Inquisition ne s’intéressait qu’aux hérésies.
    La vérité avant la morale !?!, et je ne fais pas faire la liste de vos bêtises.
    Vous dites n’importe quoi, et en jouant à l’érudit.

  15. Dans les valeurs qui contribuent à former l’État de droit, il faut dorénavant inclure l’intime conviction, comme dans l’affaire Sarkozy ou dans le dossier Jubillar. Je ne prends évidemment pas partie pour l’un ou pour l’autre. Mais qu’on ne vienne plus à l’avenir soutenir que le doute doit profiter à l’accusé. Il faudra regarder sur quelle chaise est assis celui qui s’exprime. C’est une autre façon de rendre la justice.

    1. Permettez cher collègue, le bénéfice du doute est d’invention récente en justice, pendant longtemps c’est l’intime conviction du juge qui prévalait, et pas seulement celle de l’inquisiteur monastique, mais aussi celle du juge de la justice royale.
      Simplement cette intime conviction devait être accompagnée par des aveux de l’accusé.
      Aveux souvent non sincères, puisque obtenus sous la torture, forcément dégradante, suivie ensuite du bûcher qui ajoutait à la perte de temps de l’interrogatoire, la pollution en CO2 de l’atmosphère et le réchauffement climatique.

      De l’intime conviction du juge à la sentence directe, reconnaissez que nous avons gagné en efficacité.
      Après le gouvernement des juges, qui retoquent les lois déviantes de la doxa bien-pensante et des valeurs progressistes, voici que l’hubris des juges descend au niveau de l’individu par le truchement de l’intime conviction.
      Ainsi vont le progrès et la justice qui le suit.

      1. En effet, l’intime conviction est donc devenue une espèce de pensée magique, un don surnaturel, qui permet de s’affranchir de tout raisonnement cartésien et de vous autoriser à penser que dès qu’un acte est qualifié d’homicide, même sans le moindre morceau de cadavre, même sans la moindre scène de crime, même sans la moindre des armes, c’est bel et bien un homicide.

  16. En l’absence de preuves, le doute doit bénéficier à l’accusé, cela a été dit par plusieurs intervenants, je partage tout à fait ce point de vue.
    Deux points ont attiré mon attention plus particulièrement.

    Tout d’abord le comportement de Cédric Jubillar, qui était complètement à l’ouest pendant tout le procès. Ses rares interventions l’ont desservi de façon surprenante.
    Et le plus surprenant, c’est qu’aucun psy n’ait décelé un quelconque trouble mental chez lui.
    Le moindre islamiste qui décapite dans la rue se voit attribuer des tares psychiatriques qui l’exonèrent de toute responsabilité ou presque. Je n’aurais pas l’humour noir et malvenu de dire que s’il avait été islamiste il aurait pu plaider la charia qui condamne la femme adultère à la lapidation, puisqu’il est prouvé au moins qu’il n’a pas lapidé.

    Le second point qui a attiré mon attention est le comportement de la mère.
    Je viens de découvrir dans le commentaire de Robert que la garde de Cédric lui avait été enlevée dans l’enfance.
    Cela n’enlève rien à mon indignation. Comment une mère peut-elle témoigner ainsi contre son fils et l’accabler au point de l’envoyer, sinon à la guillotine, du moins à trente ans de prison. J’ai été outré, choqué, indigné, dépassé par ce comportement.
    Et voilà qu’elle aggrave son cas en disant dans une interview dans Le Figaro qu’après le verdict, elle n’a pas eu de larmes.
    J’apprends également qu’il est question que la partie civile fasse intervenir en appel le fils de l’accusé pour témoigner contre son père, sachant qu’il a déjà envoyé une lettre qui n’épargnait pas l’accusé.
    Dans quel monde vivons-nous où la mère peut accabler son fils et le fils peut accabler son père devant un tribunal ?
    On me dira que cela peut aider à la vérité. Sophisme, la vérité n’a rien à voir là-dedans, seulement la haine et la vengeance.

    Au-dessus de la vérité, il y a la morale, pas n’importe quelle morale humaine, non, il y a la morale de la nature.
    Je ne sais comment la formuler, alors je vais prendre une image.
    L’inceste physique est une horreur réprouvée par la nature, ce qui s’est passé dans ces témoignages familiaux est un inceste juridique où l’âme de l’accusé a été violée par les membres de la famille les plus proches.
    Pour paraphraser la célèbre anaphore de François Hollande, je dirais :
    « Moi juge, jamais je n’accepterais qu’une mère témoigne contre son fils et qu’un fils témoigne contre son père ».

    Il se peut que Cédric Jubillar soit un monstre, je n’en sais rien, et aucune preuve n’a pu être établie contre lui. Mais ce qui est certain, c’est que son environnement était toxique, mentalement monstrueux.
    En l’absence de preuves, cela aurait dû lui valoir des circonstances largement atténuantes et la relaxe.

    1. Ce qui est aussi très surprenant et choquant, ce sont les confidences que Cédric Jubillar aurait faites à son codétenu dans la cellule, se vantant d’avoir tué son épouse dans un coup de colère et d’avoir fait disparaître son corps pour que personne ne le retrouve. Le témoignage de son codétenu a été versé au dossier lors du procès, ce qui n’a fait qu’aggraver sa situation. Pris sur le vif, lorsque le juge lui avait de demandé de s’expliquer, il est resté sans réponse.

    2. Michel Deluré

      « En l’absence de preuves, le doute doit bénéficier à l’accusé, cela a été dit par plusieurs intervenants, je partage tout à fait ce point de vue. »

      Est-ce à dire qu’en l’absence de tout élément factuel objectif attestant de manière formelle, tangible, qu’un délit est bien imputable à tel accusé, ce dernier, même en présence d’un faisceau d’indices concordants accréditant la commission d’un délit mais n’ayant pas à vos yeux force de preuves, doit automatiquement être acquitté ?

      Dans le dossier spécifique objet de ce billet, n’existe-t-il pas un nombre respectable de comportements, de faits, d’indices, de témoignages qui, faute d’aveu et de corps – l’absence d’aveu étant rendue crédible par l’absence de corps – permettent cependant, sans éliminer évidemment tout doute, de se forger une idée précise de la culpabilité ou non de l’accusé ?

      Poussant le raisonnement à sa limite, un tel dossier, considéré par certains comme sans preuves puisque sans aveux et sans corps, ne devait-il pas, dès son instruction, conduire à la décision de faire l’économie d’un procès puisque le doute était dès lors patent ?

  17. Jean sans terre

    Un philosophe béotien égaré au milieu de mandarins de la Justice, tel Candide au cours de ses pérégrinations, s’étonnerait que le bon sens, contre l’avis généralement admis, ne soit pas chose si commune et universellement partagée. Peut-être même, interloqué, s’effraierait-il : « Mon Dieu, dans quelle secte d’initiés suis-je ici entré ?! »

  18. Justice de places ? Justice spectacle ? Comme il y a 68 millions de sélectionneurs de foot dans notre pays, il y a autant de jurés d’assises qui n’ont pas le début d’un commencement de connaissance du dossier ! Étonnant comme chacun a son « intime conviction », expression dont je n’ai jamais bien compris le sens…
    Alors je me garderai bien de gloser sur un sujet qui m’échappe.

  19. Merci Monsieur Bilger pour ce billet empreint de calme et de raison, ce qui manque beaucoup à notre sphère médiatique.

    Hier soir j’ai regardé le documentaire réalisé par BFMTV qui rappelait journée par journée le déroulement du procès Jubillar. Outre la responsable du service Police-Justice de la chaîne, participaient Dominique Rizet et Laurent Valdiguié. Ce dernier, avec me semble-t-il la directrice du service précitée, a assisté au procès dans la salle d’audience de la cour d’assises d’Albi. Précédemment, il avait assisté à l’intégralité des audiences du procès Sarkozy.

    L’approche des deux journalistes est emblématique de ce que ce billet énonce.
    Dominique Rizet, qui n’a pas assisté aux audiences, s’est particulièrement fié aux attaques de la défense comme sur la mère de Cédric Jubillar, estimant ce qu’elle a exprimé impossible à accepter, surtout d’une mère à qui, au début de la vie de son fils, sa garde lui avait été enlevée par la Justice. Il s’est autorisé à dire que s’il avait été juré, il aurait voté la relaxe.

    De son côté, Laurent Valdiguié s’est montré bien plus mesuré, expliquant la montée de la tension jusqu’à la mise en cause par la défense du bornage du téléphone de l’amant du Delphine Jubillar. Puis, une fois le spécialiste entendu sur l’erreur commise (l’intéressé étant chez lui à Montauban, élément parfaitement prouvé, c’est la référence à une communication téléphonique entre la disparue et son amant le soir même et précisément identifiée mise par erreur dans le fichier du bornage à Cagnac-les-Mines), la tension est retombée du fait de la mise hors de cause de l’amant. Il a particulièrement observé l’attitude des jurés comme celle de l’accusé et, contrairement à son confrère, ne s’est permis aucune appréciation sur la décision prise par le jury.

    Vue par certains esprits, l’enquête manquerait de sérieux. Or, la présidente de la Cour comme ses assesseurs avaient une connaissance parfaite du dossier, tout autant que les défenseurs de l’accusé dont la stratégie était claire : faire douter de la qualité de l’enquête de gendarmerie. Mais, au-delà de la déstabilisation des enquêteurs tentée par la défense, les jurés ont pu mesurer la qualité du travail d’enquête et des éléments accumulés au cours de l’instruction.
    Quant au fait que le corps n’ait pas été retrouvé, il faut savoir que ce secteur minier comporte une infinité de trous qui ne sont pas répertoriés et donc qu’il est impossible de tous les visiter.

    D’évidence aussi, la petite taille de la salle d’audience permet de voir les visages de près, donc de percevoir directement les réactions de tous les protagonistes, accusé, avocats, avocats généraux et magistrats de la Cour, éléments qui entrent aussi dans la perception par les jurés pour former leur intime conviction.
    Il y a lieu encore d’éviter d’accuser les magistrats de la Cour de parti pris pour orienter la décision des jurés. C’est méconnaître le fonctionnement de ces délibérations où le rôle principal des magistrats, singulièrement du président, est de donner aux jurés les moyens de former leur jugement à partir de ce qu’ils ont retenu des débats, voire de répondre à leur questionnement en les éclairant par des éléments objectifs tirés du dossier de l’enquête pour qu’ils soient en mesure de voter « en leur âme et conscience » sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé.
    Dans le cas présent, le jury me semblait avoir deux solutions : la relaxe s’il avait considéré l’accusé innocent ou la peine maximale en l’estimant coupable. C’est la seconde solution qui a été retenue.

    1. Voilà bien longtemps, j’ai été juré lors d’une session de la cour d’assises de Versailles, dans laquelle avaient été regroupées trois ou quatre affaires de viol sur mineur et d’inceste. J’en conserve un souvenir vivace et quelque peu amer. Sans en dévoiler plus sur les délibérations – la loi l’interdit -, cette expérience me conduit à m’inscrire en faux contre votre affirmation selon laquelle les juges professionnels s’en tiennent à « répondre aux questionnements » des citoyens lambda qui, à leurs côtés, composent le jury. En réalité, forts de leur connaissance du droit et du dossier jugé, ils font pression, plus ou moins volontairement, plus ou moins clairement, plus ou moins fortement, sur les autres membres, qui, dans la plupart des cas, se laissent impressionner. La volonté du législateur de faire en sorte que le délibéré résulte d’une discussion à armes égales entre les « compétents » et les « non-compétents » se heurte à une réalité sociale : le juge détient l’autorité et le citoyen lambda, projeté dans un monde qu’il ne connaît pas, dans la plupart des cas, n’ose pas le contredire et, sans vraiment résister, partage son avis.

      C’était il y a longtemps mais j’ai l’intime conviction que rien n’a changé… et ne peut changer. Il faut néanmoins conserver ces jurys dits « populaires », les cours criminelles d’aujourd’hui, composées uniquement de professionnels étant, à mon avis, une concession à la « République des juges ».

  20. Outre l’injustice d’être condamné sans preuve, je vois un autre inconvénient à l’intime conviction. Et c’est ? La réticence de tout prudent à frayer avec la Justice ainsi que les forces de l’ordre. Ne surtout pas attirer l’attention ! Tel est le réflexe élémentaire quand on peut craindre d’être frappé parce qu’il faut bien que la foudre tombe. Avec cette attitude de survie, la recherche de la vérité peut être entravée.
    Mais à qui la faute ?

    Quelque malchanceux peut, j’en ai conscience, se voir suspecté à cause de son silence.
    Mais à qui la faute ?

  21. Idem pour le dernier procès Sarkozy (avant le prochain) ! Pascal Praud et ses complices du groupe Bolloré avaient décidé que le condamné ne pouvait pas être coupable, au mépris de la plus élémentaire objectivité.

  22. Je ne vois pas bien le rapport que certains établissent entre Sarkozy et Jubillar.
    Sarkozy, contrairement à ce qu’affirment les neuneus qui se contentent de CNews, a bénéficié d’une incroyable mansuétude. Les preuves sont là.
    Pour Jubillar, où sont les preuves ? Je reconnais ne pas comprendre qu’on puisse le condamner en l’état. Il ne s’agit pas de le trouver coupable, non-coupable, sympathique, non sympathique… juste l’idée que le doute existe, et il doit profiter à l’accusé.

  23. Je ne sais pas ce que j’aurais voté si j’avais été juré.
    Je constate qu’il n’y a pas de preuves formelles et comme le dit caroff, le doute doit profiter à l’accusé.
    Il n’en demeure pas moins que je pense que les magistrats à charge ont bien monté la tête aux jurés et que si j’étais l’un des jurés, je ne dormirais pas tranquille. Le magistrat, lui, dort tranquille, il estime en permanence avoir bien fait le job, un peu comme Bruno Le Maire…

    De surcroît Cédric Jubillar est une « victime » collatérale des affaires Sarkozy. Imaginez l’un condamné sans preuves, mais avec de fortes présomptions et l’autre acquitté pour insuffisance de preuves.
    Imaginons maintenant être juré dans les deux affaires. Aurions-nous un comportement cohérent ?
    Revenons à l’affaire Raddad/Marchal dont nous avons parlé à plusieurs reprises sur ce site et la condamnation d’Omar Raddad à une peine « intermédiaire ».
    Cédric/Omar Jubillar/Raddad… selon que vous serez Français ou pas… etc. etc.

  24. Que Dieu me préserve d’être un jour au milieu de ce grand barnum qu’est devenue cette justice.
    Cette justice qui oublie son principal fondement, c’est-à-dire qu’elle ne devrait rendre ses jugements que sur l’appréciation de preuves matérielles, et non sur des réputations ou des témoignages faits de choses « qu’on m’a dites ».

    Heureusement, la peine capitale n’existe plus, mais elle a été remplacée : trente ans de prison, c’est le tarif à payer quand cette justice n’arrive pas à prouver formellement la culpabilité, mais qu’elle ne veut pas non plus désavouer l’enquête — et, au final, un premier emprisonnement qui n’avait peut-être aucune raison d’être.

    En résumé : pas de corps malgré de lourdes et coûteuses recherches, pas de scène de crime, pas d’arme, ni de modus operandi. Et puis voyez comment les choses sont traitées…

    En fait, j’ai cru comprendre que ce premier jugement n’avait pas tant d’importance que cela, puisque l’appel était possible. En décodé, cela veut dire que cette première instance s’est débarrassée du bébé en se donnant bonne conscience et en restant raccord avec la justice « professionnelle ».

    Rappelons-nous de cette affaire de la disparition du petit Émile, dont le corps a été partiellement retrouvé par une promeneuse. Au final, l’interpellation, à grand renfort de police et de presse, au petit matin : c’était forcément le grand-père, puisque, faute de mieux, il ne restait plus que lui. Cette famille traînée dans la boue médiatique parce que trop catholique pour l’air du temps.

    Bref, la justice au petit bonheur à la chance.

    Alors, est-ce que Jubillar a tué ou non son épouse ? J’ai l’impression que jamais personne ne le saura vraiment. Et le plus dérangeant, c’est que, peut-être innocent, il restera en prison.

    Mais ce n’est que ce que je vois depuis ma place.

  25. « Pourtant, ayant lu la relation des réquisitions des deux avocats généraux, je n’avais pas eu le moindre doute sur le fait que, implacables, intelligentes et parfaitement argumentées, elles allaient convaincre les jurés. » (PB)

    Étonnante certitude chez un homme de nuances : il suffisait de trois pékins parmi les jurés pour avoir un doute raisonnable et s’éloigner des implacables réquisitions… trois « no name », sauf à penser que les magistrats professionnels les remettent dans le « droit chemin »…

    Il n’y avait aucune certitude à mon sens tant le vulgaire pékin peut être sensible aux pires élucubrations : et ce n’était certes pas des élucubrations qui sortaient de la bouche des deux remarquables avocats de Cédric Jubillar…

  26. D’un côté on entend « il n’y a pas de scène de crime, ni de cadavre », d’un autre côté, celui qui condamne, les éléments recueillis sont probants… Et puis un journaliste interrogeant un général de gendarmerie, interrompant intempestivement ce dernier au moment où il allait nous donner le pourquoi de l’absence de cadavre. C’est pénible, ces types qui posent les questions sans en attendre les réponses, coupent à tout bout de champ la parole, terminent les phrases à leur compte… Une des championnes, je me répète, c’est Anne Nivat, elle n’est pas la seule loin de là, mais c’est insupportable et je les fuis, chez les journalistes c’est pareil, ça me hérisse le poil et en plus c’est souvent quand la parole donnée devenait intéressante.
    Quand est-ce qu’ils vont apprendre à se taire ces batouilles, c’est celui qui est interrogé qui nous apprend, pas celui qui interroge, mais pour cela il faut beaucoup de talent.

  27. Si j’avais été juré, j’aurais voté pour la relaxe de Jubillar : le doute doit toujours profiter à l’accusé…
    Mais ce procès aura été l’occasion de pointer l’incompétence de la gendarmerie et la forfaiture de certains de ses membres, dont le « gendarme bavard » qui tient témoins et parties civiles au courant de l’enquête, l’amant compris.
    On note également l’absence de recherches sur tous les suspects autres que Jubillar, à commencer par l’amant échangiste.
    La défense a fait un remarquable travail, il n’en est pas de même de la magistrature (instruction et parquet)…

  28. xavier b. masset

    La réflexion, intéressante, et bien posée comme problème, au cœur de votre billet, fait penser à une tirade sur « la lutte des places », qui fit florès il y a une dizaine d’années.
    L’écrivasserie nationale, en mal de sujets, désœuvrée, sur le point d’être jetée sur le carreau par ses patrons, remplume son âme de conteuse dans le chaudron des tribunaux, aquarium gratuit (à l’image de celui du Trocadéro de jadis, si émouvant) où s’ébattent les calames des scribes des périodiques les plus référentiels, où ses placiers aux écailles de murènes bien plissées – après s’être distribué les sièges et chaises sur le parquet, comme en tribunes, comme au spectacle – n’ont plus qu’à lancer leur canne avec l’espoir de ramasser les gros poissons émotionnels qui plaisent à leurs confrères de la presse ainsi qu’au lectorat de leurs futurs romans.
    Ne sont-ils pas, hier comme aujourd’hui, comment leur en vouloir, les nouveaux voyageurs d’un commerce littéraire sédentaire, acheteurs à la criée des choses vues qui nourriront demain leurs récits intimes vendus avec des petits cœurs sur les étals des librairies harangueuses des mille microscopiques passions humaines ?
    Même lorsque cette assemblée de feuilletonnistes ne capture au bout de son hameçon que des bâtonnets panés, déjà surgelés, roulés, dans le sel de leur chronique, rien ne parvient à brouiller sa sensibilité : un peu de sauce stylistique fraîche, ou même beaucoup, relève déjà le plat tout fait, remet sur les rails l’histoire préparée.
    Tous les judicieux gros poissons judiciaires comme Jubillar mettent un point d’honneur à finir entre les feuilles lourdement encrées des journaux, une tradition, maquillée en destinée, qui ne se perdra jamais.

  29. Curieux ces nouvelles méthodes judiciaires qui condamnent sans preuves formelles :
    Sarko coupable de délit d’intention, de suspicion de passage à l’acte… juste pour satisfaire ces juges rouges haineux anti-Sarko, qui ont dû faire la nouba pour fêter cette condamnation politique extrême gauchiste ; « enfin on le tient », la déontologie passera après.

    Cédric Jubillar coupable de crime sur une personne dont on n’a jamais retrouvé le corps ni de témoins fiables.
    Peut-être que la « dépouille » n’est pas si introuvable qu’on veut bien nous le faire croire et qu’elle est à cette heure tranquillement assise à une terrasse de bistrot loin de tout ce tumulte grotesque, allez savoir.

  30. andré jagielski

    Bonjour monsieur Bilger,
    Papier riche d’enseignement, le métier !…

    Trois semaines, la justice en a-t-elle les moyens ?
    Une participation de la presse aux frais serait nécessaire ; et si en plus l’affaire continue ?
    Question : mais où est passé le corps ?

  31. Après une justice médiatique, nous avons une justice de places. Il est vrai que les journalistes, de tous bords politiques, ont une fâcheuse tendance à retourner le sens des débats ou la publication d’articles de presse en fonction de leur propre sentiment ou raisonnement et non pas sur la connaissance réelle du dossier et des documents que détiennent les enquêteurs, le procureur et le juge du siège. Il suffit d’écouter les plateaux TV ; ouvent sans aucune connaissance ni expérience en droit pénal, ils nous sortent des banalités invraisemblables à faire retourner les magistrats à la renverse.

    Un autre paradoxe tout aussi frappant. Souvenons-nous de l’affaire Jonathann Daval, une affaire criminelle concernant le meurtre de son épouse Alexia dont le corps a été retrouvé partiellement calciné et laissé à demi recouvert d’un drap dans la forêt, non loin du domicile vers le 30 octobre 2017, deux jours après le signalement sur l’appel téléphonique à la police par Jonathann lui-même, se disant inquiet de ne pas voir son épouse revenir après son soi-disant footing du matin.

    Après avoir pleurniché publiquement sur la mort de son épouse aux côtés de ses beaux-parents lors d’une marche silencieuse, il a été rapidement interpellé et placé en garde à vue et mis en examen pour meurtre, puis jugé coupable lors de son procès, avec preuves à l’appui.

    La différence avec Cédric Jubillar, c’est que le corps de l’épouse de celui-ci n’a pas été retrouvé.
    S’il est coupable, qu’a-t-il fait du corps ? Aurait-t-il compris que sans preuves ses avocats plaideraient la relaxe ?
    Nous verrons ce que dira le second procès en appel.

  32. La question que l’on peut se poser dans ce genre d’affaires où les preuves n’ont pas pu être apportées lors du procès est : est-ce qu’un témoignage a valeur de preuve ?

    Les médias mentionnent, en effet, que Cédric Jubillar avait avoué son crime à un codétenu et aussi à l’une de ses compagnes, mais sans indiquer où il avait caché le corps de sa victime. Cela devrait suffire, me semble-t-il.
    Après tout, Nicolas Sarkozy lui aussi a été condamné sans preuves, mais sur la base de témoignages parfois discutables.

    L’intime conviction d’un juge, ou dans le cas présent, des membres d’un jury conseillés par des magistrats chargés de les accompagner, voire de les orienter dans leurs réflexions, suffit…
    Ça me rappelle un peu le film : « Douze hommes en colère » avec l’excellent Henry Fonda…

  33. Bien sûr que chacun voit midi à sa porte, mais me gêne tout de même l’intime conviction. Que disent les Anglais ? Cent lapins ne font pas un cheval, cent indices ne font pas une preuve. Si même j’étais coupable mais condamné sans preuve je me sentirais victime d’une injustice car frappé au nom d’un château de cartes. Si innocent, alors là ! Quand l’arbitraire comme l’ordre du monde qui serait meilleur à frapper des coupables que des innocents vous foudroie, il y a de quoi aigrir et donc profondément corrompre, vous mettant en harmonie avec un monde faisant de vous l’égout de ses mauvaises digestions.

    Qu’on en juge : on ne fait pas assez pour la police scientifique, mais comme la société ne veut pas que ce soit dit que personne ne soit frappé après un crime, on s’en prend à quelque suspect. Ce ne sont pourtant pas les coupables avérés qui manquent, ou que la sévérité ne puisse se manifester en enfermant à vie certains dangers publics ! Non, la société s’en prend à vous comme le collectionneur ne voulant surtout pas manquer une pièce de son accumulation à visée universelle.

    Bref, en enfermant qui n’est pas prouvé coupable, on ne fait pas qu’une injustice comme quand on ne couronne pas forcément le meilleur livre du prix Goncourt, on réifie le condamné, lequel n’a pas à avoir d’égards pour qui en a si peu envers lui. Cela ne signifie pas le droit ou le devoir de sadiser ceux qui lui tombent sous la main, mais que de même qu’il n’existe plus pour la société, elle n’existe plus pour lui.

    Je m’étonne donc que certains continuent à clamer leur innocence ; ne vient-elle pas de prouver sa nature réifiante à leur égard ? Les espoirs et égards fondés sur rien persistent, absurdes. Ce qui se comprend : il y a la force de l’habitude, les égards envers les proches et le désir de se distinguer des autres condamnés. Mais ce n’en est pas moins aussi absurde que le serait pour l’esclave de proclamer que lui ne mérite pas l’esclavage – et les autres si, ou pour notre exemple, les autres enfermés sans preuve ?

    De même qu’il faut se mettre à la place de la victime et de la société pour condamner un coupable avéré, il faut se mettre à celle de l’accusé quand sa culpabilité n’est pas sûre. Voulons-nous immoler une victime à la réticence mise dans le développement de la police scientifique et à la paix sociale ? Préférons-nous la vanité à la justice ?

  34. Xavier NEBOUT

    On disserte sur la perception du procès dans les médias ou au théâtre des déguisés en prêtres, mais pour connaître la vérité, il n’est pas question d’administrer de la scopolamine, d’utiliser un détecteur de mensonge comme pas plus loin qu’en Belgique, et il y est tout simplement interdit de savoir ce qu’on peut entendre par vision de l’aura. La République a des principes au premier rang desquels elle a placé la totale ignorance de la spiritualité et donc interdit tout ce qui pourrait y conduire. La recherche de la vérité tend à la religion ; elle doit faire place à la probabilité. À la place du chaman, ou du moine soufflant la vérité au juge, on a mis quelques veaux pris au hasard dans le troupeau, et ils diront ce qu’ils croient après avoir entendu les objurgations du procureur de la République habillé du rouge des rois mérovingiens !

    Quant à ceux qui auraient voulu dans cette affaire, se pencher sur la dépouille de la victime, qu’ils aillent se faire voir ailleurs. Pourquoi pas faire appel à des radiesthésistes pour savoir où elle est, tant qu’on y est !

  35. Cher Philippe Bilger,

    Intéressante observation que la vôtre sur le parti pris des journalistes en faveur de l’accusé, au détriment d’une vérité qu’ils ne veulent pas considérer de façon neutre et objective.

    Cela n’a rien d’étonnant dans la mesure où la classe journalistique est profondément et viscéralement orientée à gauche, et considère donc que le criminel n’est que la victime d’une société forcément coupable des sept péchés d’Israël et des dix plaies d’Égypte.

    Autant le coupable devenu quasiment résistant et rebelle à cette société peut fasciner ces journalistes en quête de frissons et de romantisme, autant la victime n’a strictement aucun intérêt pour eux car son récit personnel ne sort en rien de l’ordinaire.

    D’où cette obsession malsaine et maladive pour retracer le parcours familial – forcément tourmenté – et dresser le portrait psychologique – forcément complexe – du coupable : un pas décisif vers l’explication, la compréhension, l’excuse et la compassion.

Laisser un Commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *