Il n’y a pas de preuves !

Certes, les luttes désespérées sont les plus belles, mais par moments j’avoue ma lassitude. Pourtant, comment laisser passer cette absurdité sous prétexte qu’elle émane d’un académicien français, Jean-Marie Rouart, qui a déclaré dans un entretien destiné à promouvoir sa nouvelle pièce (n’est pas Marcel Aymé qui veut !) : « Nous sommes dans une République des juges » (Le Figaro, propos recueillis par Alexandre Devecchio). Ajoutant cette perle : « Employer contre Nicolas Sarkozy les méthodes qui sont celles qu’on utilise pour piéger les grands trafiquants de drogue ne me semble pas être la preuve d’un grand discernement. » Je lui retournerais volontiers ce compliment !

Mais quelle étrange, surprenante République serait donc celle de ces juges sans cesse stigmatisés, avec de trop rares réactions politiques et médiatiques ! Quelle paradoxale emprise que celle de ces magistrats toujours attaqués, blâmés pour corporatisme quand ils se défendent, et présumés coupables lorsqu’ils se taisent !

Cette digression, venue sur mon chemin intellectuel grâce à la constante acrimonie de Jean-Marie Rouart — en général proportionnelle à son ignorance sur le sujet —, ne me fait pas oublier mon thème essentiel. Il tient à cette observation, souvent entendue de la part de la classe politique et de certains médias selon leur approche idéologique : « Il n’y a pas de preuves » !

Je relève, d’abord, que les mêmes, terriblement exigeants pour les démonstrations à charge lorsqu’il s’agit de leur camp, se moquent comme d’une guigne de l’inconsistance et de la fragilité de celles susceptibles d’accabler la cause adverse.

Derrière ce lancinant « Il n’y a pas de preuves », et lorsqu’on écoute ou lit les déclarations allant dans ce sens, on perçoit la nostalgie d’une période où l’aveu était la reine des preuves, où tout doute était exclu puisque le prévenu ou l’accusé avait l’honnêteté de nous débarrasser des hésitations, des scrupules et des affres de la conscience. L’aveu venait magnifiquement couronner le jugement du tribunal correctionnel ou l’arrêt de la cour d’assises.

En prenant acte de la multitude des réactions, non seulement après les procès Le Pen et Sarkozy, mais aussi à l’égard de tant d’autres auparavant, il est clair que les procédures judiciaires sont encore perçues comme au temps où l’aveu était la preuve suprême.

Et, faute pour le prévenu ou l’accusé d’avoir eu la grâce de nous l’octroyer, nous demeurons comme en suspens devant des jugements ou des arrêts qui pourtant — parce que l’aveu n’est plus précisément la reine des preuves — vont chercher dans le vivier d’autres éléments à charge ou à décharge. Ceux-ci permettront aux juges de se forger une conviction où le doute l’emportera, ou bien où la culpabilité apparaîtra éclatante.

À partir de cette certitude que le dossier et les débats devront se passer d’aveu, il est normal, de la part des juges, à quelque niveau juridictionnel qu’ils se situent, de s’engager sur des chemins non pas inédits, mais forcément plus complexes. Ces chemins contraindront à des analyses plus fines, plus sophistiquées, aussi bien matérielles que psychologiques, à admettre des plausibilités, des vraisemblances ou des impossibilités. Des approches qui ne tiendront pas nécessairement l’absence d’aveu pour une interdiction de condamner, sauf à faire triompher le mensonge, consacrer la duplicité et favoriser le libre jeu des ententes frauduleuses : les uns, pour mille raisons, protégeant les autres, et les autres venant au secours des uns.

Tenter de ne pas se laisser duper par ce lancinant « Il n’y a pas de preuves » ne revient pas à considérer que l’acceptation du doute et la reconnaissance de l’incertitude ne sont pas essentielles. Elles le sont, absolument, et doivent entraîner leurs conséquences judiciaires. Mais les dénégations systématiques des prévenus ou des accusés ne seront jamais forcément un obstacle à la vérité.

Pour les ignorants et les compulsifs anti-juges, la Justice se résume à un manichéisme simpliste, alors qu’elle est, en réalité, un exercice de nuance et de complexité

Article précédent

Le président est nu...

Article suivant

L'honneur comme solution politique ?

Voir les Commentaires (23)
  1. Lorsque l’on assiste à cette débauche de contre-vérités, on comprend que la France est restée longtemps entre les mains de personnages douteux. Voilà qui nous fait honte. Voilà le résultat aujourd’hui : la politique est tombée si bas qu’elle n’arrive plus à se relever.

    Quant à M. Balladur, il sait de quoi il parle lui qui a été mis en cause pour des motifs assez proches par le passé.

    Et l’héritier qui veut sa place en politique envers et contre toute logique… on est en droit de se demander si sa « diplomatie », comme ils disent pour justifier l’injustifiable, aura la même forme que celle de son géniteur.

    Henri Guaino est tellement décevant dans ce rôle de défenseur de l’improbable honnêteté de son ex-employeur, lui qui semblait plus tous les autres moins avide, plus humaniste.

    Mention bien à Philippe Bilger qui affronte sans reculer les détracteurs sans foi ni loi de notre Justice.

    L’extrême droite en sortira victorieuse, malgré ses casseroles, car personne ne va se mobiliser contre elle, tant les honnêtes gens sont écoeurés. Mais n’est-ce pas le but recherché finalement par certains ?

  2. Tout le désigne, et connaissant son caractère intrusif, il est impensable qu’il ait pu ignorer les modalités d’exécution de l’accord très vraisemblablement passé sous la tente du Guide en octobre 2005. On a vu le cash quand même, qui les a obligés à louer un coffre à la BNP où on peut entrer un transpalette. On nous prend pour des jambons.

  3. Il est bon de lire les défenses délirantes de Nicolas Sarkozy.
    Par exemple, il nous est affirmé que rien n’est prouvé. Ben… si. Le pacte de corruption est établi. NS n’est pas condamné pour corruption car les juges considèrent qu’il n’était pas dépositaire de l’autorité publique. La justice n’est, en l’espèce, pas politique. Il y a à reprocher : le pacte corruptif existe. Le parquet, et c’est heureux, a fait appel.

    Les liquidités illégales ont bien circulé, mais il n’a pas été pris avec des liasses en main. Absous. Mais les billets existent. Les juges, concernant Woerth, sont extrêmement sévères mais le relaxent car il n’est que complice. NS étant relaxé des faits liés aux liquidités sur le plan juridique, il n’est pas possible de condamner le complice…

    Le tout à l’avenant. La volonté d’absoudre Abdallah Senoussi, le terroriste, le document annoncé — probablement faux, disent aimablement les juges — a fait l’objet de plusieurs années d’enquêtes. NS a été définitivement débouté de ses plaintes contre Mediapart et, avec Hortefeux, a été condamné à payer les frais de justice du journal.

    Pour ceux qui prétendent que ce document est une vengeance concernant la guerre menée en Libye par la France, il faut rappeler que celui-ci est antérieur de plusieurs années à cette guerre…

    Si l’on est tellement sûr d’être innocent, pourquoi ce montage entre BFM et Paris Match… appelé « l’opération Sauver Sarko », opération qui aura, entre autres, provoqué la mise en examen de Carla Bruni ?

    La défense de NS est dérisoire, mais comme on dit « too big to jail », je ne doute pas qu’il ne s’en sorte pas trop mal, malgré ces malversations, et une décision pour les masquer ayant généré des centaines de milliers de morts. Ce ne sera pas le premier à s’en sortir et à continuer à jouir d’une estime qu’il ne mérite pas.

  4. Le prix Nobel de littérature 2025 est attribué au Hongrois Laszlo Krasznahorkai, je l’avais cité ici, je ne me rappelle plus à propos de quel sujet. On nous bassine avec des nuls de la plume, ou de grands classiques enfin reconnus. J’attends aussi la reconnaissance de Marc Bloch, que je cite ici également. Là nous avons affaire à la vie, Sarkozy qui cite son livre de chevet favori – dont le nom ne me revient pas – devrait hausser son niveau ; il en aura le temps.
    Parmi les auteurs qui me sont familiers, j’essaye d’aller à l’essentiel. Louis Ferdinand Destouches aussi… Avec la tirade de Flambeau, cela devrait être enseigné partout.

  5. « Pour les ignorants et les compulsifs anti-juges, la Justice se résume à un manichéisme simpliste, alors qu’elle est, en réalité, un exercice de nuance et de complexité. » (PB)

    Mais d’où cette complexité sort-elle, si ce n’est d’un système qui, au nom de principes parfois discutables, a chassé les qualités françaises de clarté et de simplicité, pour permettre à ses tenants de se délecter autour d’une forme de « Kriegspiel » mal placée, d’un embrouillaminis illisible finissant par étouffer bon sens et justice au profit de l’absurde ?

    « Tout ce qui n’est pas clair n’est pas français. » (Rivarol)

    Est-il normal que la Justice, qui devrait, en théorie, à partir d’un Droit lumineux d’évidence, simplifier, faciliter et pacifier les rapports humains, finisse au contraire par les gripper, au point parfois d’empêcher toute vie normale aux Français ?

    Quand nous en arrivons à ce point, et les exemples ne manquent pas, c’est bien que l’on a fait fausse route quelque part et il est grave que ceux — juristes, législateurs ou magistrats — qui devraient se poser des questions sur ce qui conduit immanquablement à des situations inextricables et souvent dramatiques, à rebours de la finalité annoncée, ne se posent pas un minimum de questions sur des causes dont ils sont parfois responsables.

    Et, dans la France actuelle, tout cela autour d’un étrange Droit qui n’a plus grand-chose de français et qui devrait plutôt s’appeler le Tordu…

    1. hameau dans les nuages

      Il suffit de lire les circonvolutions contenues dans un jugement obligeant à lire à haute voix pour en trouver le sens… sans que la jurisprudence soit prise en compte jusqu’au « par ces motifs ». Motifs que l’on n’a pas toujours compris. Je suis passé par là. Ce fut extrêmement pénible et laborieux. Au point de voir mon épouse, avec son côté méditerranéen, faire un courrier très poli mais précis au domicile privé du juge pour lui expliquer cette jurisprudence pourtant explicite. Il n’a pas trop apprécié et a disparu des pages jaunes de l’annuaire. 🙂

  6. Xavier NEBOUT

    Il n’y a pas besoin d’avoir lu les 380 pages du jugement pour savoir ce qu’il vaut.
    Dès lors qu’il est assorti d’une exécution provisoire injustifiée et injustifiable, c’est qu’il relève de l’aveuglement idéologique, et donc que tout le reste est à l’avenant.

    Il convient d’ailleurs de rappeler que le cerveau de la femme ne lui permettant physiologiquement pas de détacher sa raison de son émotion, elle ne devrait pas exercer la fonction de juge. Sans attendre l’arrivée de l’imagerie médicale qui l’a mis en évidence, l’ensemble du monde judiciaire tel qu’il s’exprimait à la table des restaurants proches du palais de justice de Bordeaux dans les années 70, constatait que la venue en nombre des femmes juges était une catastrophe, notamment à raison de quelques jours par mois.
    J’ai ainsi eu à subir des décisions de gauchistes, folles à l’idée qu’il ne puisse rien y avoir à reprocher à un agent immobilier.
    Et la situation de s’aggraver avec la propension inconsciente des filles de familles gauchistes à faire justice de la bêtise de leur père, en choisissant la magistrature.

    1. « Il convient d’ailleurs de rappeler que le cerveau de la femme ne lui permettant physiologiquement pas de détacher sa raison de son émotion… »

      Et donc, disant cela, vous reconnaissez implicitement que les femmes – ou du moins certaines – peuvent avoir un cerveau, et qu’elles ne fonctionnent pas seulement avec leur moelle épinière !
      Voilà qui va faire plaisir à beaucoup de nos indispensables et si charmantes intervenantes. 😉

    2. Hé ho, Xavier. Nous ne sommes plus en 1970, mais en 2025.
      Depuis cinquante-cinq ans, les lois ont été modifiées, d’autres inscrites dans le Code pénal par les parlementaires, seuls responsables de les avoir votées les yeux fermés. Aujourd’hui, ce sont les mêmes qui s’étonnent d’avoir voté n’importe quoi et crient vouloir en modifier certaines, tant elles sont incompréhensibles.
      De nos jours, et grâce aux nouvelles technologies de renseignement et de surveillance électronique dont nous disposons, il est donc plus aisé pour les enquêteurs et les juges de construire, au plus près, un dossier judiciaire qu’il ne l’était un demi-siècle plus tôt.

  7. Patrice Charoulet

    Je l’ai dit ailleurs. J’ai lu attentivement les 380 pages du jugement de ce procès. Tous ceux qui ne l’ont pas lu devraient… se taire.

    1. Et donc, vous en concluez quoi ? Maintenant que vous l’avez lu, vous avez le droit de dire ce que vous avez compris et ce que vous en déduisez : innocent, à demi coupable ou totalement coupable ?
      Si vous restez dans le doute, vous avez aussi le droit de vous taire…

  8. Michel Deluré

    Lorsqu’il manque l’aveu — sachant que celui-ci peut ne pas être, pour autant, considéré comme une preuve indéniable de culpabilité (l’histoire judiciaire en a souvent apporté la démonstration) —, il existe bien d’autres preuves matérielles, objectives et irréfutables, venant conforter un dossier et permettant de se forger une conviction d’où le doute est, sinon éliminé, du moins fortement amoindri.

    Faute d’aveu corroboré par des preuves factuelles tangibles, l’intime conviction se transforme alors en une simple et fragile construction de l’esprit, qui ne se fonde que sur des hypothèses et des suppositions. Or, ces dernières ne valant pas certitude, les déductions qui en découlent ne peuvent valoir vérité.

    Plus le doute s’immisce, faute d’aveu et/ou d’insuffisance de preuves, plus le jugement doit alors faire preuve de tempérance.

    « Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » — Pascal

  9. Les preuves existent. Les liaisons, l’argent retracé… Ce n’est pas parce qu’on ne vous prend pas avec une mallette de billets dans les pognes que les preuves n’existent pas.
    Si l’on suit le chœur des thuriféraires du voyou, il faudrait alors relâcher et relaxer illico Cédric Jubillar.

  10. S’il semble que le pacte de corruption ait bien été l’objectif visé, le commencement d’exécution ou la mise en œuvre ne semblent avoir été prouvés que pour les sous-fifres. Sans doute la responsabilité de M. Sarkozy est-elle apparue comme essentielle aux yeux du tribunal, ce qui explique la condamnation à cinq ans d’emprisonnement.

    La seule gêne provoquée par ce jugement réside, à mon sens, moins dans le quantum de la peine que dans l’utilisation systématique de l’exécution provisoire dans ces procès mettant en cause des responsables politiques, avec une propension à l’exercer contre les opposants, tandis que les partis amis ont bénéficié d’une mansuétude certaine. Exécution provisoire obligeant, en outre, le condamné en première instance à passer par la case prison avant de pouvoir interjeter appel…

    Mais, de ce billet, M. Bilger, je retiendrai ce passage :

    « Tenter de ne pas se laisser duper par ce lancinant “Il n’y a pas de preuves” ne revient pas à considérer que l’acceptation du doute et la reconnaissance de l’incertitude ne sont pas essentielles. Elles le sont, absolument, et doivent entraîner leurs conséquences judiciaires. Mais les dénégations systématiques des prévenus ou des accusés ne seront jamais forcément un obstacle à la vérité. »

    L’affaire Jubillar, actuellement jugée devant la cour d’assises d’Albi, comme d’ailleurs l’affaire Viguier, jugée en appel il y a quelques années dans la même enceinte, avec une défense assurée par M. Dupond-Moretti, sera emblématique de la mise en application de votre propos : absence de corps, absence d’aveu, action de la défense s’attachant à faire douter des preuves, etc. Pour quelle issue ? Condamnation ou acquittement ?

  11. Aaah… l’intime conviction du juge. C’est comme qui dirait le sixième sens de ma concierge. Figurez-vous que cette brave dame s’autorise à subodorer que M. Dupont du 6e gauche pourrait entretenir une liaison coupable avec Mme Martin du 3e droite. Elle n’a jamais rien vu ni entendu, mais voyez-vous, le sixième sens d’une concierge ça vaut toutes les preuves du monde.

  12. NS trop rusé pour être naïf. Il ignorait les agissements de ses deux amis et collaborateurs, dépendant directement de l’exécutif ? Mais c’est une blague !

    Des preuves, il y en a : un pacte de corruption qui s’appelle donnant-donnant…

    En résumé, très simple : si tu me donnes ton fric pour ma campagne présidentielle de 2007, je t’invite, avec tes amazones, à l’Élysée pendant six jours pour te faire connaître sur la scène internationale. Tu seras lavé plus blanc que blanc. Tu pourras aussi planter tes tentes dans les jardins de l’Élysée et visiter Paris et le château de Versailles pendant six jours.

    Pour ton beau-frère, qui a tué 170 passagers, t’inquiète pas : s’il veut venir dans la capitale, on lui trouvera une planque anonyme, et si, par malheur, un journaliste le découvre dans les rues de Paris, on affrète vite fait un avion pour l’exfiltrer vers l’Afrique du Sud.

    Les images en direct valent mieux qu’un bout de papier discutable.

    Fin du film cauchemardesque : en 2011, le dictateur gêneur Kadhafi éliminé. Ouf, enfin !
    Les morts, ça ne parle pas…

  13. « Cette digression, venue sur mon chemin intellectuel grâce à la constante acrimonie de Jean-Marie Rouart — en général proportionnelle à son ignorance sur le sujet —, ne me fait pas oublier mon thème essentiel. Il tient à cette observation, souvent entendue de la part de la classe politique et de certains médias selon leur approche idéologique : « Il n’y a pas de preuves » ! » (PB)

    Je déduis de ce billet qu’en l’absence de preuves matérielles, l’intime conviction des juges, reposant sur un « faisceau d’indices concordants », prévaut sur la présomption d’innocence.
    Et pourtant, j’avais toujours appris que le doute doit bénéficier à l’accusé. Apparemment, c’est plus compliqué que ça.
    Mais il est vrai que je ne suis pas juriste, et donc totalement ignorant en matière de droit.

    D’ailleurs, même un académicien comme Jean-Marie Rouart n’y a rien compris ; alors, comment le commun des mortels que je suis le pourrait-il ? 😊

  14. « la Justice se résume à un manichéisme simpliste, alors qu’elle est, en réalité, un exercice de nuance et de complexité » (PB)

    La présidente du tribunal considère que Nicolas Sarkozy « ne pouvait ignorer » les agissements de ses deux collaborateurs et amis.
    Et, en même temps, elle n’était pas sans savoir que cette assertion allait déclencher un tollé général.

    Entre litote et euphémisme, la justice nous offre cinquante nuances langagières, moins attrayantes que cinquante nuances de gris.
    Un peu plus de simplicité dans l’énoncé des sentences ne saurait affaiblir — poursuivons avec la litote — la force de la décision : elle la rendrait plus lisible.

    Rappelons la célèbre formule d’Alan Jay Perlis, l’un des pères de cette informatique qui a bouleversé nos vies :
    « La simplicité ne précède pas la complexité, elle la suit. »
    Dans son « exercice de nuances et de complexité », la justice devrait s’inspirer de cette formule, qu’elle ne devrait pas ignorer.

  15. « (Jean-Marie Rouart)… ajoutant cette perle : « Employer contre Nicolas Sarkozy les méthodes qu’on utilise pour piéger les grands trafiquants de drogue ne me semble pas être la preuve d’un grand discernement. » (PB)

    Un homme politique transgresseur me semble un plus grand danger pour un pays que des trafiquants, à moins, bien sûr, qu’en inversant toute valeur, on demande l’exemplarité aux transgresseurs et non à ceux qui dirigent une nation.

    Il me semble que, d’après notre hôte lui-même, il n’y ait pas de preuve… Mais je ne vois pas pourquoi on en fait un fromage, vu qu’en France on peut condamner sur l’intime conviction, sans preuve.

    Ne condamner qu’avec des preuves serait un bien… Un détecteur de mensonge ne fournirait évidemment pas de preuves, mais pourrait être un plus dans les enquêtes : il permettrait d’évaluer des probabilités, puisqu’il est possible — mais pas si fréquent — de tomber sur des faux positifs ou des faux négatifs.

    Des principes tels que celui de condamner avec des preuves, et un plus grand développement de la recherche scientifique, me semblent nécessaires. On pourrait s’appuyer sur la vanité nationale en se rappelant qu’on l’a fondée, ladite police scientifique.
    On est si vaniteux, en France, qu’on dédaigne trop d’imiter le meilleur chez nos voisins — et même chez nos ancêtres.
    On peut toujours soutenir que je suis trop pessimiste sur la nature humaine et sur notre pays, mais franchement, c’est vite dit… sans preuve !

  16. revnonausujai

    Surpris par cette simplification outrancière de notre hôte, habituellement mesuré, qui ne laisse rien entre l’aveu et l’intime conviction, fondée sur un raisonnement détaché des faits établis !
    Comme il le dit lui-même, il y a belle lurette que l’aveu n’est plus la reine des preuves et qu’il n’est plus qu’un élément de confort judiciaire ; entre les preuves scientifiques (ADN, bornage téléphonique, étude des flux monétaires illégaux, écoutes, etc.) et les témoignages irréfutables, il y a moult occasions d’aller au-delà de « tout doute raisonnable », comme disent les Américains.
    Un grand principe doit rester intangible : le doute doit profiter à l’accusé !
    Dans le cas contraire, les juges deviennent déjà, même à l’insu de leur plein gré, les pourvoyeurs du goulag !

  17. Xavier NEBOUT

    Le règne de la pègre intellectuelle n’étant pas celui de la vérité, on y refuse l’usage des sérums de vérité type scopolamine, l’hypnose, la vision de l’aura — qui ne saurait exister — et surtout pas les détecteurs de mensonge, pourtant en usage pas plus loin qu’en Belgique, et bien sûr en Inde.

    En Fraaaaance, au pays des valeeeeurs de la République, on préfère juger au gré d’une pseudo-science de l’hypothético-déductif — mascarade de la subtilité dont la mafia entend surtout rester maître.
    Ainsi, on peut condamner sans preuve, tout en se refusant les moyens de connaître la vérité.

    Mais attention ! On porte la soutane.

  18. Marc Ghinsberg

    Cher Philippe, votre raisonnement me semble difficile à suivre. Vous reprochez à certains d’affirmer qu’« il n’existe pas de preuves », tout en leur attribuant l’idée que seul l’aveu constituerait une preuve recevable. Or chacun admet que des éléments matériels peuvent établir une preuve, même en l’absence d’un aveu de la part de l’accusé.

    Dans l’affaire du délit d’association de malfaiteurs dont Nicolas Sarkozy est accusé, aucun élément matériel ne semble constituer une preuve tangible. Le tribunal soutient que Nicolas Sarkozy « ne pouvait ignorer » les agissements de ses deux collaborateurs et amis. Cette assertion de « ne pouvait ignorer » ne saurait, aux yeux de certains, être considérée comme une preuve suffisante.

Laisser un Commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *