Thierry Ardisson (TA) vient de mourir et l’univers médiatique a retrouvé une forme de calme et d’ennui distingué… ou non.
Sa passion de la provocation, son envie permanente de créer de la surprise, projetaient comme une lumière sur le réel trop souvent plat et monotone. Là où il passait, le banal s’effaçait.
Ce n’était pas, comme chez tant d’histrions d’aujourd’hui, une pulsion vulgaire pour choquer et se distinguer de la multitude mais une disposition consubstantielle à son être, une inaptitude radicale à prendre la vie comme elle vient. Il fallait qu’elle se transformât au travers du filtre Ardisson.
Des hommages sont rendus à sa personnalité, à sa formidable inventivité télévisuelle, à son intelligence qui lui a permis, derrière d’apparentes indélicatesses, de procéder à des entretiens profonds où ses invités bousculés n’avaient pas d’autre choix que de sortir de leurs sentiers battus et confortables.
Je pourrais m’abstenir de ce billet puisque, par exemple, Frédéric Taddéï a superbement expliqué pourquoi et comment TA avait fait passer la télévision sous le régime du rock n’roll (Marianne) et que ma relation avec lui, intermittente, pourrait m’inciter à la retenue.
Pourtant il y a déjà un élément qui m’inspire et qui tient au fait que le couple qu’il formait avec Audrey Crespo-Mara (ACM) suscitait chez moi une adhésion complète. Elle en particulier, dans ses exercices professionnels, notamment comme présentatrice du journal de France 2, était remarquable.
Avant même de rencontrer TA et, un samedi soir, d’être questionné par lui en compagnie de Bruno Gaccio, j’avais été séduit par son tempérament atypique, dont le parler-vrai tranchait avec le conformisme médiatique habituel.
J’avais beaucoup aimé ses « Confessions d’un baby-boomer« , je l’avais écrit et j’avais été sensible au fait qu’il avait apprécié ma vision de lui et de son parcours.
Pour être honnête, je n’avais pas suivi à la trace toutes ses évolutions, ses expériences, son incroyable capacité à faire surgir du nouveau à partir même de ce qui avait pu apparaître comme un échec, les polémiques qui le concernaient… Je ne partageais pas forcément tous ses jugements à l’emporte-pièce mais peu importait : TA était un homme qui était justifié par son existence même, ses entreprises, ses actes et ses propos révélant une nature exceptionnelle, jamais réduite par l’écume des controverses.
Je me souviens de ma dernière rencontre avec lui à Sud Radio. Il était indigné par le piège où on l’avait fait tomber dans l’émission de Léa Salamé. avec sa malheureuse comparaison de Gaza avec Auschwitz et le fait qu’on ne l’avait pas informé que l’autre invité était un militant de Place publique, le mouvement politique de Raphaël Glucksmann. Rien n’était plus éloigné de lui que la banalisation de l’ignoble et le manque de transparence médiatique (La Dépêche).
J’espère que ACM me pardonnera ce titre qui ne cherche pas un mauvais calembour mais souhaite vraiment faire surgir ce qui, derrière les mille facettes de TA, est éclatant : sa lumière.
Son et lumière ! Pas mal, sauf qu’Ardisson était un amuseur public de bulots qui n’avaient pas la lumière à tous les étages.
Recette qui a plu : soirées parisiennes guindées, royalisme, gauchisme, provocs, samedi soir le meilleur créneau, un moment d’évasion surtout pour les ploucs du fin fond de la France qui marchent dans la boue et roulent les clopes et les « r », avant de retourner au taf derrière le cul des vaches, bien moins sexy que ceux des nanas potiches de l’émission ; retour au réel avec la déprime qui s’ensuit.
Un bon moment tout de même.
@ sylvain | 15 juillet 2025 à 11:39
Pourquoi pas ! Mais à la fin tant va la cruche à l’eau qu’elle se casse, il ne sentait plus le public d’aujourd’hui, il a été incapable de repartir, c’est excusable, il avait l’âge de ses artères, et la volatilité il ne savait plus faire, le créneau était occupé par Hanounouille, plus jeune, qui pouvait se permettre des dérapages de son âge et de l’âge de ceux qui l’écoutent.
Hanounouille a son côté rouge-brun, TA en était resté au noir, couleur du passé, les chandelles ont été remplacées par les leds, et humilier ceux qu’il payait grassement, TA n’avait pas compris que l’on avait dépassé « On n’est pas couché » par il faut cracher sur tout ce qui bouge, et les lancers de nouilles.
Il faut adorer être bien rémunérer et supporter les humiliations de Hanounouille, le pognon n’a pas d’odeur mais la peur de perdre un tiroir-caisse est pire, ça sent la transpi qui pue et qui incommode l’entourage.
Il ourdissait les dépassements d’une pensée dont il feignait de ne pas en être l’organisateur.
Du grand art dans l’ultraviolet de l’imbroglio, du savoir-faire sous la lumière noire du quiproquo.
Magistral dans l’emploi de ce bon vieux gros gimmick littéraire de contrebande magnétique et blanche.
Brillant jeune homme en lunettes brunes, comment peut-on se dire « provincial de Nice » quand nombre de villes frontières ont fait la France, comme Strasbourg, Lille, Bordeaux, la Brise de Mer, Le Hourdel et Cayeux ?
Avais-tu peur des moqueries de ce nullard de Brice ?
« T’es pas sérieux Serge, vieille branche ».
Macronisson, Braun-Pivetisson, Bayrouïsson, Larcherisson, Hassanisson, y a-t-il des suffixes qui vous changent des hommes, voire des femmes, politiques de taille moyenne en hommes plus longs, tout court ?
Le nombre de lettres fait tout, comme disait Zemmour.
@ Giuseppe | 15 juillet 2025 à 13:43
Alors là je plussoie, rien d’autre à rajouter.
@ sylvain | 15 juillet 2025 à 13:56
On parlera beuchigue, pas politique, la première sera pour moi, Achille est peut-être déjà sur la route :
https://iguana.co.nz/
Thierry Ardisson a joui, dans tous les sens du terme, de l’époque au cours de laquelle il a explosé. Un peu comme les Nuls et autres rigolards, de Lafesse à Carbone 14…
Il y avait eu les glorieux anciens, Choron, Cavanna, Siné et consorts, la petite bande de déjantés qui faisaient mon bonheur.
Les suivants dont TA ont finalement enfoncé des portes ouvertes, avec, me semble-t-il, beaucoup moins d’impertinence, beaucoup plus de talents d’affairistes.
Ils ont fait fructifier une affaire naissante, plus préoccupés par l’argent que par la très superficielle insolence dont ils faisaient preuve. Baffie en est un bon représentant. Facile. Lapidaire. Très convenu.
Ardisson ne m’était pas antipathique. Un doué pour les affaires.
Paix à son âme.
On peut louanger Ardisson pour le renouvellement d’une forme de divertissement télévisuel dans les années 1980.
Mais que retiendra-t-on vraiment de ces émissions dont aucune n’a été tournée en direct ?
Les coupes au montage permettaient de gommer les séquences qui auraient pu mettre en question sa façon d’aborder les invités tout en le mettant en valeur de même que ses pitres (Baffie).
Mais tout n’est pas à jeter chez lui, ne serait-ce que pour cet aphorisme « Le pire de tous les vices c’est l’excès de vertu »…
Mais je me souviendrai davantage de Serge Moati qui laissait parler ses invités et de Frédéric Taddéï qui a fait connaître au plus grand nombre des pointures comme Philippe Nemo ou Anne-Marie Le Pourhiet.
Ardisson restera un histrion de bel aloi… pas plus.
Je serais bien en peine de dire du bien ou du mal de Thierry Ardisson vu que je ne regardais jamais ses émissions, pas plus d’ailleurs que je ne regarde les émissions de Cyril Hanouna qui sont du même registre en un peu plus lourdingues.
Depuis déjà quelques années, j’ai renoncé à regarder la télé le soir.
Après le JT de 20 h je consacre une ou deux heures à la lecture d’un bon livre et ensuite dodo !
En fait, de TA je ne connais que quelques commentaires vu sur « X » de la part de gens qui le connaissent bien et donnent des avis très tranchés, certains plutôt flatteurs, d’autres pas du tout.
Paix à son âme et condoléances à ses proches.
On n’est pas obligé d’être un inconditionnel de Thierry Ardisson pour reconnaître son talent, son inventivité, ses qualités d’homme de télévision, qualités qui n’avaient pas leur place dans le groupe Bolloré.
Thierry Ardisson emmenait les Français au salon balzacien et les faisaient assister, intimidés, penauds, incrédules, flattés, à ce qu’on pouvait leur donner à voir, à boire et à manger comme à des enfants avides et faméliques, des orgies télévisuelles où se côtoyaient le demi-monde et celui qui décide, les célébrités poursuivant leur image comme des ombres, des starlettes, des acteurs ayant besoin de se raconter après nous avoir raconté des histoires, des intrigants et de vrais influenceurs, comme on ne disait pas encore : au hasard de ce qui me revient et indifféremment que je préfère l’empreinte des uns ou des autres, de William Kristol, l’un des maîtres à penser du néo-conservatisme américain, à Michel Houellebecq englouti dans un de ses Daniel de « La Possibilité d’une île ». On était prêts à lamper un fond de champagne ou à regarder sous la table s’il ne resterait pas un rail de coke à chouraver.
Ça n’empêchait pas Ardisson d’avoir des idées. On disait que c’était un fils de pub dont le fond de sauce était un royalisme d’opérette pour taquiner tour à tour l’Action française revisitée par Bertrand Renouvin et le monde du spectacle avec, pour invité le plus emblématique et le plus récurrent, Yvan Attal. Il n’était pas d’un anticonformisme à se faire jeter de la télé pour inviter envers et contre tout les polycensurés qu’il avait contribué à faire monter en flèche comme Dieudonné ou Alain Soral.
Si on l’avait interrogé sur le contenu de son royalisme, je crois qu’il aurait été bien en peine d’en livrer une synthèse convaincante et structurée, de même que sur son catholicisme esthétique, quoique reste gravé dans ma mémoire de serviteur de la liturgie qui a la liturgie dans la peau à défaut que s’y glisse une chanteuse un peu fraîche des chorales que j’y accompagne en train d’accompagner le bon Dieu de leurs chants louangeurs qui nous Le rendent propice, on en a bien besoin!, cette remarque d’Ardisson sur la messe: « La messe, c’est très bien, mais c’est mal produit. »
Je n’ai pas retenu grand-chose de beaucoup plus structurant quoique c’eût été mieux articulé, des tirades analytiques de Balzac sur le légitimisme ou le bonapartisme et je crois que bien malin qui pourrait dire, finalement, si Victor Hugo était plus fidèle quand il était le légitimiste médiévisant de ses années « Notre-Dame de Paris », quand il s’est perdu de vanité à la Chambre des pairs de la monarchie de Juillet ou, proscription oblige, quand il se mua, à son retour d’exil dont l’aurait volontiers rappelé Napoléon le Petit, en socialiste bon teint plaidant contre la loi Falloux ou se faisant le précurseur des États-Unis d’Europe.
Balzac a néanmoins écrit un « Traité de la prière » et un « Traité des excitants modernes » que je rêve de lire depuis des années et où je suis sûr que je trouverai à faire mon miel quant à l’une et aux autres.
Ardisson n’était le Balzac ou le Victor Hugo de notre époque que si nous n’en avons pas mérité d’autres. Du moins nous a-t-il introduit au salon des « Illusions perdues », tel un Étienne Lousteau se disputant avec Lucien de Rubempré, le premier voulant bien faire piger l’autre pourvu qu’il disparût un jour, criblé de dettes ou sous les jupes de Coralie.
Et puisque les politiques ne veulent plus, même à l’ère des réseaux sociaux, nous introduire dans la petite histoire et répondre à notre saine curiosité sur qui sont leurs mignons et qui leurs favorites, car ils n’ont vocation qu’à faire la grande histoire bien qu’ils fassent beaucoup d’embrouilles, on peut savoir gré à Ardisson, sinon de nous avoir introduits dans la chambre du roi, du moins de nous avoir offert un strapontin à la cour.
Mais la cour était débilitante, diront les grincheux. La Bruyère ou Saint-Simon ne disaient pas moins de mal de celles qu’ils fréquentaient.
Les quatre âges de la télévision française :
Âge d’or : Desproges dans le Petit rapporteur.
Âge d’argent : Le professeur Choron dans Droit de réponse.
Âge de bronze : Gainsbarre dans Mon Zénith à moi.
Âge de fer : Terra incognita. Depuis 1998, je n’ai plus de télé…
Une réponse de Thierry Ardisson à méditer…
Vous n’entendrez jamais cela sur CNews… 😊
Le réel est loin, me semble-t-il, de n’offrir que platitude et monotonie et s’attacher à le bousculer en usant entre autres armes de la provocation, de l’indélicatesse frisant parfois la vulgarité, de l’outrance, projette en fait la lumière non point sur ce réel mais beaucoup plus sûrement sur celui qui manie ces armes.
Thierry Ardisson plaisait ou rebutait mais nous laissait rarement dans l’entre-deux. Qu’il trouve désormais la sérénité qui lui a souvent manqué au cours de sa vie.
@ Marc Ghinsberg
« …qualités qui n’avaient pas leur place dans le groupe Bolloré. »
Quelle originalité !!
Jamais une petite phrase sur le groupe Ernotte (avec notre argent) ou le groupe Saadé qui a choisi LFI ??