Qui va protéger la police ?

Ce qui me surprend, c’est l’étonnement qui saisit la plupart des citoyens, ainsi que le retentissement médiatique qui l’accompagne, à chaque agression de policiers par ceux qu’on peut qualifier de voyous.

Comme si, depuis quelques années, la police n’avait pas peu à peu perdu la main et l’initiative, face à des groupes malfaisants qui ont littéralement pris le pouvoir. À la force légitime de l’État, ils opposent désormais la violence illégitime, parfois jusqu’au crime, sans l’ombre d’un scrupule ni la moindre mauvaise conscience.

Un exemple récent : à Reims, en plein centre-ville, des policiers ont subi « un véritable lynchage » de la part de plusieurs hommes (Le Parisien).

Si l’on se contente de déplorer la multitude de résistances, de désobéissances et de violences dont les policiers sont chaque jour les victimes, avec ce constat accablant qu’ils ne peuvent jamais aller jusqu’au bout de ce que la loi les autorise à faire pour se défendre eux-mêmes ou protéger autrui, on passe à côté de l’essentiel : la profondeur du changement qui a bouleversé leurs rapports avec les citoyens qu’ils doivent contrôler ou interpeller (Le Figaro).

Certes, j’admets que ce n’est pas d’aujourd’hui que le civisme est défaillant. Ceux qui ont quelque chose à se reprocher cherchent depuis toujours à échapper à l’action policière. Mais, longtemps, cette attitude n’a été que la conséquence des initiatives prises par les fonctionnaires de police eux-mêmes. Ils n’étaient perçus comme des ennemis par les malfaisants que lorsqu’ils s’en prenaient à eux de leur propre autorité.

Ce qui a changé, avec une intensité accrue depuis quelque temps, c’est que les voyous, dans le rapport de force, sont dorénavant en position de dominants. Ils n’attendent plus d’être interpellés, ils prennent les devants, organisent des agressions, préparent leurs mauvais coups, mettent en place des pièges, de prétendus appels au secours. Forts de leur nombre et de l’impossibilité d’établir la preuve individuelle, ils peuvent attaquer – parfois massacrer – les policiers envoyés sur place, souvent en toute impunité.

Si les autorités n’appréhendent pas lucidement cette véritable révolution de la lutte contre la délinquance, avec le devoir d’assurer, bien davantage qu’hier, la sauvegarde des fonctionnaires de police, en service comme dans leur vie privée, notre société continuera d’être à feu et à sang. Avec, pour les transgresseurs, ce sentiment pervers de pouvoir tout se permettre, puisqu’aucune réponse ne viendra démontrer l’efficacité et le volontarisme de l’État et de ses relais.

Qu’on songe à l’accroissement des refus d’obtempérer et aux conséquences souvent dramatiques qui en résultent pour les policiers. Je laisse de côté ici mon opinion judiciaire sur la mort de Nahel, en espérant que la future cour d’assises saura recouvrer la raison et opérer un partage équitable entre les donneurs de leçons en chambre et les contraintes implacables auxquelles les forces de l’ordre sont confrontées.

Ce seul exemple suffit à mesurer combien il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de protéger la police, d’instaurer une responsabilité collective afin que le groupe violent ne puisse plus échapper à sa culpabilité globale, et de refuser, avec l’énergie la plus extrême, la présomption de culpabilité qui confond les rôles, les fonctions et les légitimités.

Cette prise de conscience, le ministre de l’Intérieur l’a faite depuis longtemps, et sa résolution paraît entière pour remédier à cette inversion des culpabilités. J’attire toutefois son attention sur l’absurdité des doubles enquêtes, judiciaire et disciplinaire. Cette dernière vient comme un procédé mécanique laisser croire à une possible faute policière, alors que, la plupart du temps, la réalité suffirait à dissiper ce soupçon et justifierait un classement rapide.

C’est une entreprise de longue haleine qui devra être menée, bien au-delà de la seule question des moyens réclamés par la police. C’est la psychologie collective et politique qu’il faut changer.

La police n’est pas l’ennemie. Les ennemis, ce sont les voyous.

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Voir les Commentaires (7)
  1. « Dans quel monde vivons-nous ? Évolution ? Révolution ? Aberrations ? De quoi poser beaucoup de questions quant au devenir des enfants surtout et aux lendemains à venir.
    J’ai sous les yeux cette pensée de Platon qu’il serait bon de méditer :
    « Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants.
    Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles.
    Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter.
    Lorsque finalement, les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne se reconnaissent plus d’autorité au-dessus d’eux, alors c’est là le début de la tyrannie. »
    Je crois qu’il n’y a pas de commentaire, sinon le constat de cette vérité dans l’aujourd’hui dans lequel nous vivons.
    Toutes générations confondues.

  2. hameau dans les nuages

    Rien de bien nouveau. Forts avec les faibles, faibles avec les forts. On l’a bien vu pendant le Covid quand les forces de l’ordre ont appliqué avec constance les ordres les plus débiles. Ils essayent de se rattraper en faisant maintenant de la communication, comme par exemple la distribution d’eau fraîche en bord de route aux automobilistes, pendant les grandes chaleurs. Constaté in situ.
    Quand est-ce que le bras armé va se retourner pour rechercher qui commande à leur cerveau ?

    1. Savez-vous que pendant la pandémie du Covid, le 17 était saturé d’appels de délateurs dénonçant leurs voisins ? Certains allant jusqu’à signaler à la police des cathos assistant à une messe où les distances de sécurité n’auraient pas été respectées, ou accuser des policiers ou gendarmes auprès de leur hiérarchie de manque de zèle à verbaliser ?
      J’ai été moi-même arrêtée plusieurs fois pour non-port de masque ou circulation en dehors du périmètre autorisé, m’en tirant à chaque fois avec un simple rappel à la loi. Et je ne suis pas la seule dans ce cas.
      J’ajoute et j’en termine, que des instructions avaient été données aux agents affectés aux standards de Police secours d’envoyer systématiquement promener les délateurs en leur rappelant fermement que le 17 était, uniquement, réservé aux urgences.

  3. Comme les citoyens de notre pays et surtout les plus simples et honnêtes, les forces de police en général en faisant partie. Ces derniers sont les coupables ? les ministres de l’Intérieur, les Premiers ministres, les présidents de la République, le plus grand nombre des députés successifs, innocents, blancs comme le charbon…

  4. « Si les autorités n’appréhendent pas lucidement cette véritable révolution de la lutte contre la délinquance, avec le devoir d’assurer, bien davantage qu’hier, la sauvegarde des fonctionnaires de police, en service comme dans leur vie privée, notre société continuera d’être à feu et à sang. Avec, pour les transgresseurs, ce sentiment pervers de pouvoir tout se permettre, puisqu’aucune réponse ne viendra démontrer l’efficacité et le volontarisme de l’État et de ses relais.
    […] Ce seul exemple (mort de Nahel) suffit à mesurer combien il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de protéger la police, d’instaurer une responsabilité collective afin que le groupe violent ne puisse plus échapper à sa culpabilité globale, et de refuser, avec l’énergie la plus extrême, la présomption de culpabilité qui confond les rôles, les fonctions et les légitimités. » (PB)

    L’essentiel est dit dans ces deux alinéas, d’autant que dans l’affaire de Tourcoing, les auteurs ont été relâchés…

    Il me souvient qu’en 2021, il avait été reproché à un responsable syndical de la Police nationale, lors d’une manifestation devant l’Assemblée nationale, d’avoir déclaré : « Le problème de la police, c’est la Justice ! ». Et pourtant !
    Quatre ans plus tard, le problème n’a fait que s’aggraver puisque le policier auteur du coup de feu mortel sur Nahel, doit comparaître devant une cour d’assises pour meurtre et que, Monsieur Bilger, vous en êtes, comme une très grande majorité de nos concitoyens, à « espérer que la future cour d’assises saura recouvrer la raison et opérer un partage équitable entre les donneurs de leçons en chambre et les contraintes implacables auxquelles les forces de l’ordre sont confrontées ».

    L’on peut observer que, par exemple dans le cas du policier en service à Tourcoing, l’agression a été menée par les auteurs en toute connaissance de cause et aurait, en d’autres temps, été justiciable d’un usage des armes pour sa propre défense ou de la part de ses collègues pour celle de leur camarade agressé.
    D’évidence, à présent, policiers et gendarmes n’osent plus faire usage de leurs armes, même dans des conditions de défense légitime, par la seule crainte d’être poursuivis par la Justice. Il y a là l’une des causes de la perte de l’autorité par des services de l’État pourtant seuls dépositaires de l’usage de la force.

    En revanche, l’usage de la force illégale par des écologistes, anarchistes et autres Black Blocs, bénéficie d’une mansuétude de plus en plus évidente de la part de nombre de magistrats, au seul motif (prétexte ?) de l’individualisation des peines dans des circonstances notamment de maintien de l’ordre public, voire de rétablissement dudit, alors même que le port de tenues noires et de masques dans leurs actions de groupe empêche leur identification. N’y aurait-il pas aussi une forme de collusion idéologique qui pousserait à la mansuétude un certain nombre de magistrats, alors que pour les citoyens ordinaires ou les responsables politiques situés « hors de l’arc républicain », ces mêmes magistrats ont la main très dure ? La question peut donc se poser d’une justice politique au service du système en place.

    Enfin, à quand le retour de la loi du 8 juin 1970, dite « loi anti-casseurs » ? Mais cela supposerait qu’au plan juridique la France recouvre sa souveraineté et donc qu’un référendum, approuvé par la majorité de nos concitoyens, réaccorde à notre Constitution la primauté sur toute autre disposition de traités… Ce n’est pas avec notre classe politique pusillanime actuelle que nous pourrions l’espérer…

  5. La loi est censée protéger la police, ainsi d’ailleurs que tous les citoyens. Encore faut-il que les juges ne la détournent pas pour justifier les exactions des racailles et donner ainsi raison à LFI dont le mot d’ordre est de tout conflictualiser.

  6. Robert Marchenoir

    Il s’agit d’une situation totalement nouvelle, qui exige une révision profonde de la stratégie préventive et répressive de l’État. Nous sommes en train de passer de la délinquance à la naissance d’un contre-État mafieux, tel qu’il en existe en Amérique du Sud, tel qu’il a existé en Italie.

    Le péril est extrême et la riposte est urgente. Si cette tentative réussit, elle sera très difficile à inverser. Les solutions habituelles ne sont plus adéquates. Ce n’est plus une question de simple police ou même de justice.

    Le djihad islamique est impliqué, ce qui en fait un problème de politique étrangère, de défense nationale, d’espionnage et de contre-espionnage.

    Le noyautage et la corruption de l’État légitime sont en cours, ce qui nécessite une planification et des contre-mesures extraordinaires.

    L’horrible vision de policiers se faisant attaquer en meute hors service n’est qu’un des phénomènes apparents de cette entreprise de conquête et de soumission de la France. Ce n’est pas le plus grave.

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