Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Comment je me suis trompé sur Donald Trump…

Le renversement des alliances, la partialité au bénéfice de Poutine au point de gommer sa responsabilité exclusive dans l’invasion de l’Ukraine, son mépris pour le président Zelensky encore plus admirable qu’avant dans cette séquence, son dédain à l’encontre de l’Union européenne, le bloc de narcissisme et d’entêtement qu’il demeure malgré la vaillance cherchant à être persuasive de notre président qui continue son sans-faute sur cette partie du monde, sont autant de signes à la fois géopolitiques et psychologiques que Donald Trump est en roue libre, en posture erratique. Son succès présidentiel ne l’a pas normalisé mais l’a gonflé.

Dominique de Villepin, un indigné chronique…

Dominique de Villepin nous rejoue régulièrement son discours à l’ONU contre l’invasion de l’Irak. Sauf que ses causes ne sont plus les mêmes et que son indignation tombe à plat à force d’adopter toujours le même registre dans le domaine international. Les autres sont mauvais, moi je saurais comment faire… Le problème est qu’aussi bien pour Israël et les Palestiniens que pour les rapports de la France avec l’Algérie, il sermonne, gronde, proteste, dénonce mais au bout du compte, quand on attend un conseil, une mesure opératoires, rien ne vient jamais.

BHL pour tous ?

Je ne suis pas persuadé qu’il va continuer, pour son prochain livre, sur la lancée de « Nuit blanche ». Pourtant je rêverais qu’il nous donnât sur la vie du coeur et de l’esprit, sur les idées et les émotions, sur l’humanité en général, les analyses d’une personnalité sensible qui oublierait un peu sa passion de la géopolitique engagée au profit de l’universalité d’une réflexion transcendant ce qui sépare et fracture : un BHL totalement accepté.

Le complotisme est-il devenu la règle ?

Tout, dans le monde d’aujourd’hui, est devenu possible, plus rien n’est inconcevable. Les ombres répudiées hier par les gens raisonnables ont aujourd’hui droit de cité et pour certains elles semblent correspondre davantage aux lumières que les prétendues révélations des discours officiels. Ce qui est occulté non seulement n’est plus stigmatisé comme l’invention d’esprits malades mais surgit au premier plan comme l’explication la plus cohérente, le ressort le plus clairvoyant. On n’a plus le droit de rejeter, comme émanant d’un complotisme délétère, ce qui s’efforce de nous présenter le dessous des cartes, l’envers du décor et les coulisses quand jusqu’alors on souhaitait que nous soyons obsédés par la scène.

Pourquoi CNews creuse-t-il l’écart ?

Contrairement à ce que croient les adversaires compulsifs de CNews, d’autant plus à l’aise dans leur hostilité qu’ils se flattent de ne jamais la regarder, il n’y a aucune homogénéité politique et intellectuelle sur les plateaux. Il y a heureusement des personnalités de gauche – pas assez à mon sens mais présentes, elles apportent beaucoup. Mais, dans le registre de la pensée conservatrice, il y a mille manières d’appréhender cette vision des êtres, des choses, de la société, de ses désordres, de ses violences comme de ses avancées. Le simple fait de ne jamais répudier les nuances, de fuir les dénonciations globales au profit d’analyses singulières, change l’atmosphère d’un plateau et donne une image plurielle du paysage médiatique.

Bruno Retailleau, dix-huit ans plus tard…

Ministre et président de LR ne sera pas un jeu d’avant. Bruno Retailleau non seulement ne sera pas dépassé mais fera servir chacune de ces deux missions au soutien de l’autre. Dix-huit ans après Nicolas Sarkozy, la droite fière et intelligente est de retour. Pas en promesse, en vrai.

Édouard Baer joue un Cyrano fraternel…

Nous n’avons pas été déçus parce que délibérément le Cyrano d’EB a été sorti du champ de l’épopée pour s’inscrire dans celui de la fraternité et de la proximité. C’était non plus le Cyrano qu’à l’évidence nous n’aurions pu être mais un ami abordant tous les morceaux de bravoure de la pièce avec une sorte de simplicité et de familiarité qui ne nous les rendait pas moins sensibles mais nous persuadait que nous étions plus à même d’être accordés avec ce héros, ses fiertés, ses exigences et sa flamme.

La terrible imprévisibilité du crime…

On ne doit exiger d’un pouvoir, mais alors absolument, que ce que nous sommes en droit d’attendre de lui. César n’est pas responsable de toutes les malfaisances délictuelles et criminelles qui sont perpétrées sur le territoire national. Nous sommes voués à déplorer, sans que quiconque y soit pour rien, l’abjecte rencontre entre l’innocence et la cruauté, voire la folie. Partout en France, et à tout instant, le hasard fait s’affronter ceux qui deviendront victime sacrifiée face aux pulsions d’un être délesté de toute morale, seulement préoccupé d’assouvir, sous quelque forme que ce soit, la part sombre de lui-même. Contre l’improvisation de ces instincts libérés, l’État ne peut rien. Il est absurde d’incriminer sa faiblesse dans des circonstances où lui-même est dépassé et ses représentants sincèrement horrifiés.

Pour la diversité… au gouvernement…

Cette manière de ne pas infantiliser ses ministres – certains médias prennent pour de l’indifférence ce qui est un humanisme efficace – a des effets bienfaisants non seulement sur la respiration et l’identité du gouvernement lui-même mais aussi sur la qualité et l’inspiration des ministres dans leurs interventions médiatiques hors gouvernementales. Non seulement ils défendent avec une énergie convaincante, contre tous les pessimismes qui escomptent la chute plus qu’ils ne célèbrent la durée, la politique mise en oeuvre par le Premier ministre mais ils sont eux-mêmes au meilleur de leur forme intellectuelle et militante. Tant pour l’apologie du présent que pour la vision du futur. La contrainte les aurait étouffés quand la liberté les stimule.

Giovanni Falcone : vivre, mourir comme lui ?

Giovanni Falcone, un destin tout entier consacré à la lutte contre la criminalité mafieuse avec la certitude qu’aussi protégé qu’il était, un jour il serait frappé par un attentat. Il a eu lieu, avec une organisation délirante pour être sûr de faire disparaître cet ennemi numéro un. Aussi j’espère qu’on me pardonnera de porter en moi, telle une sorte d’idéal, la certitude que nous devrions tous avoir quelque chose de lui.

Et si Milei devait nous inspirer ?

Le bon sens, l’expérience et la comparaison avec les gouvernements et les administrations efficaces fournissent une leçon sans équivoque : le remède à l’ambiguïté du monde, au chaos et au désordre de notre nation, à l’infinie diversité de la société, n’est pas une surenchère qui irait dans le même sens. C’est l’inverse : il faut une répudiation du surabondant, un refus du superfétatoire, une destruction de l’inutile, une épuration administrative. Diminuer la tentative désespérée et en définitive absurde de coller aux évolutions par la profusion législative serait déjà la première marche d’un progrès décisif.

Bruno Retailleau doit présider Les Républicains…

Bruno Retailleau est parvenu, grâce aux preuves fournies par sa personnalité, ses propos, sa sincérité sans fard et son action, à démontrer qu’une authentique droite n’était même pas de retour – à bien considérer, elle avait toujours calé devant la résistance du réel, les injonctions de la gauche et la peur des médias – mais pouvait exister, y compris au pouvoir et en charge de responsabilités essentielles pour les Français.

François Bayrou : un Créon qui ne veut pas oublier Antigone…

Au lieu d’intenter sans cesse de faux procès au Premier ministre, il aurait mieux valu l’écouter avec attention et ne pas dénaturer sa pensée pour la rendre encore plus blâmable aux yeux de ses adversaires. On feint d’oublier qu’il n’a pas parlé de « submersion migratoire » mais de ce « sentiment » qui n’est que trop évident pour cette majorité de Français à laquelle il a fait allusion. Même si son propos, partant de Mayotte et du droit du sol souhaité par certains, a dépassé ce territoire, il reste qu’user de termes qui sont dans la tête de tout le monde, et pas seulement dans celle du Rassemblement national, relève du droit de François Bayrou à ne pas faire la fine bouche face à un vocabulaire qui se rapporte à l’immigration et au malaise qu’elle crée sur le plan de l’identité nationale. Acceptable quand elle ne détruit pas l’âme d’un pays, intolérable quand son nombre l’étouffe.