Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Monsieur le président, de quoi ou de qui devez-vous être le garant ?

Ce n’est plus une déclaration de guerre répétée, validée, confirmée que cette scandaleuse persistance d’Eric Dupond-Moretti place Vendôme. C’est une humiliation sans pareille de la magistrature et cela fera le bonheur de certains mais une énorme brèche dans un tissu démocratique déjà quotidiennement élimé.

La droite doit cesser de se trahir et de se plaindre !

J’ai aimé l’enthousiasme d’Agnès Evren. On n’est pas obligé d’être lugubre quand on a perdu avant la prochaine victoire. Il est clair que les citoyens continueront à fuir une droite qui se trahit et se plaint. Au contraire, qu’elle surprenne, se redresse et ne demande surtout plus à la gauche et à l’extrême gauche de lui délivrer un permis d’exister.

L’Ukraine au kiosque…

Cet homme, ce couple, au regard de leur histoire mais peut-être d’abord par le caractère européen de notre familiarité, m’offraient la certitude d’une complicité, d’une reconnaissance, qui non seulement éloignait suspicion ou réserve mais garantissait une estime, voire une admiration pour ces deux nationaux d’un pays résistant à l’horreur poutinienne, accueillis en France et si naturellement accordés à nos valeurs et à notre mode de vie.

Eric Zemmour n’est plus en odeur de diablerie !

Même si le tableau était partagé par beaucoup, il n’avait pas forcément raison avec sa globalité sans nuance mais l’essentiel n’était pas là : avant que le pouvoir d’achat prenne la relève, Eric Zemmour a été repris, magnifié ou décrié pour ce qu’il disait. Contre le ronron traditionnel et le verbe politique jamais clair, il avait imposé son ton, sa parole, il avait disait-on ringardisé tous les autres politiciens de droite comme de gauche. La normalité n’était pas son fort. Cela a été la principale raison de son triomphe d’un temps. Reste à souhaiter pour lui que même sans odeur de diablerie il sache continuer à nous surprendre en inventant, en s’inventant. Il trouvera.

LR minoritaires mais plus forts ?

LR n’a plus besoin de Nicolas Sarkozy. Minoritaires demain – qu’ils changent de nom ou pas – mais, j’en suis persuadé, plus forts parce qu’enfin délestés du mythe du « parrain » et contraints de penser et de gagner par eux-mêmes. Parce qu’ils ne vont plus douter d’eux. Fierté de la droite, refus du salmigondis au pouvoir.

La politique : tentation ou repoussoir ?

Ainsi j’en suis revenu de cette naïveté qui me faisait absurdement envier cet homme fier d’être réélu mais sur lequel allaient peser tous les malheurs du monde, toutes les angoisses et les attentes de la France. Alors la politique, ni tentation ni repoussoir mais sacerdoce laïque, consécration profane, dévouement civil, lucidité inquiète, destin terrifiant disposant parfois de la vie d’autres hommes. Être président de la République, ce n’est vraiment pas enviable !

Mais la France en peine, où est-elle ?

Au milieu de tant de pompe, de grâces républicaines, des hommages qu’un pouvoir renouvelé se rendait à lui-même, considérant le garde des Sceaux et le ministre de l’Intérieur, je ne suis pas parvenu à oublier qu’à Nancy, un homme qui avait poignardé à 82 reprises sa victime avait été condamné à 20 ans de réclusion criminelle et que bénéficiant d’une libération conditionnelle au bout de 11 ans, il avait été mis en examen tout récemment pour viol. J’ai conscience que ce scandale judiciaire et pénitentiaire ne va indigner que la France profonde, celle que la cérémonie d’investiture a veillé à ne pas inviter. On préfère rester entre soi. Mais je ressasse mon angoisse. La France en peine, où est-elle ?

L’illusion du « toujours moins répressif »…

Il faut cesser de faire croire que tout pourrait être substitué à la sauvegarde sociale qu’apporte l’incarcération, pour les infractions n’imposant qu’elle. À supposer aussi – grande faiblesse française – que l’exécution des sanctions ait été efficiente. Entonner sans cesse le refrain des peines alternatives a aussi peu de sens que de réclamer mécaniquement un durcissement des peines. Ce genre de proposition n’est qu’une fuite en avant qui évite de s’attaquer au problème central. Notre arsenal législatif est bien suffisant et n’a pas besoin d’être amplifié mais pourquoi est-on incapable de faire respecter les jugements que l’autorité judiciaire a édictés ?

Christian Estrosi : faut-il rire ou pleurer ?

Il est piquant de constater qu’avec cette volte, Christian Estrosi est en totale contradiction avec ce qui a été son obsession fondamentale durant des années et qui lui a valu une estime méritée : l’exigence de sécurité et de justice, la défense des forces de police, l’importance de l’efficacité et de l’autorité régalienne. Rejoignant EM, il renie cette lutte constante pour s’abandonner au flou d’un « en même temps » guère opératoire.

Leur Proust, leur Céline et les nôtres

Surtout, ces approches sophistiquées et pluralistes, parfois contradictoires, ne nous enlèvent rigoureusement rien, elles ajoutent au contraire à notre amateurisme de bon aloi, à notre fascination pour Proust et Céline qui, avant d’être des objets d’études, sont arrivés dans nos univers personnels tels des tremblements d’esprit et de coeur, de bienfaisants bouleversements qui n’ont rien laissé intact.

Pourquoi un second mandat est-il toujours plus difficile ?

Talleyrand, un connaisseur, considérait qu’en politique, le succès était plus difficile à gérer que l’échec. De prime abord cette pensée peut apparaître paradoxale tant quelques avantages semblent résulter de la victoire.

Michel Bouquet aurait-il voulu un hommage national ?

La moindre des choses, avant que l’Etat prenne des initiatives officielles, aurait été de s’interroger sur la compatibilité entre cet hommage national et l’authenticité humble, détachée de toute pompe et sans la moindre hypocrisie, de celui qui venait de disparaître.