Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Le président est plus coupable que celui qu’il a nommé !

Un ministre renvoyé devant la CJR pour prise illégale d’intérêts – et qui sera en position de nommer le prochain procureur général près la Cour de cassation, un comble ! – est bien suffisant, pas besoin d’une personnalité irréprochable ! Tout cela est profondément navrant. On se moque du peuple français et le pouvoir s’amuse, goguenard.

« Halte au feu » mais pas aux femmes…

La libération de la parole que MeToo a permise doit-elle imposer qu’avant toute investigation, on présume sincères toutes les dénonciations ? que toutes les passivités apparentes soient jugées telles des résistances implicites, que le terme passe-partout d' »emprise » soit la clé qui autorise, sans le moindre doute, la stigmatisation politique, médiatique, culturelle et humaine de tous ceux qui ont été ciblés ? que la prescription, qui interdit toute action publique, soit traitée non plus comme un des éléments centraux d’un Etat de droit civilisé mais comme une mauvaise manière de la part de ceux qui en bénéficient ?

Pourquoi tant de haine dans notre démocratie ?

Ce n’est pas forcer le trait que de soutenir qu’il y a une dérive angoissante qui nous fait passer de l’hostilité, même la plus affirmée, à la haine, cette détestation paroxystique de l’autre au point qu’on perçoit que l’opprobre ne concerne pas ce qu’il pense mais ce qu’il est.

Les politiques à ciel ouvert ?

Il serait médiocre de ne pas reconnaître les avancées effectives pour les relations humaines de ces bouleversements et de ce féminisme rattrapant des années de silence et de soumission mais il est clair que nous irions vers le pire, vers des procès expéditifs et des débats simplistes et unilatéraux si le caractère irremplaçable de la nuance n’était pas sauvegardé. Un monde sans elle, sans ce suspens contre les justiciers au petit pied et pour les scrupuleux honnêtes et équitables, deviendrait étouffant.

Giorgia Meloni n’est pas fasciste !

On ne peut que le constater : des peuples ont envie de tourner les pages anciennes pour en découvrir d’autres, peut-être à leurs risques et périls. Mais le passé des pays et de l’idéologie européenne donnant trop volontiers des leçons de morale aux trublions est-il si brillant, si exemplaire qu’on puisse ne pas comprendre qu’un autre futur tente ici ou là, et de plus en plus ?

La haine des évidences : une plaie d’aujourd’hui !

L’actualité est friande de ces polémiques pour rien, de ces controverses pour « faire bien » mais qui n’auraient pas lieu d’être si froidement, lucidement, on appréhendait ce qui a été dit ou écrit pour prendre acte des évidences au lieu de les haïr. Parce qu’on ne veut jamais être en retard d’une haine, d’une détestation dans notre monde de moins en moins apaisé.

Eric Dupond-Moretti : légalité ou légitimité ?

Stupéfaction en effet d’abord, quand on constate que le ministre, dans ses orientations et sa politique pénales, se trouve aux antipodes de ce que l’avocat défendait. Ce n’est pas interdit mais cela autorise qu’on s’interroge sur la conviction dans l’action au regard de ce contraste absolu. Où est le bon, le vrai, le sincère Eric Dupond-Moretti ?

Trop d’avocats généraux en France !

Si seulement tous ces Fouquier-Tinville du pauvre, au lieu de banaliser la charge obtuse et haineuse, allaient écouter dans les cours d’assises les authentiques et légitimes avocats généraux ! Ils y gagneraient, et nous aussi.

Pierre Nora contre la repentance…

« A l’époque il s’agissait de mémoires « modestes » qui ne demandaient qu’à être inscrites au registre de la grande histoire nationale. Aujourd’hui nous avons affaire à des mémoires immodestes et réduites à des groupes qui entendent imposer leur version particulière à l’Histoire. Nous subissons désormais une tyrannie de la mémoire ». Au lieu d’être consacrée, l’Histoire est démembrée, dépecée.

Emmanuel Mouret : il n’y a pas d’amour léger…

Il n’y a pas d’amour léger : mon titre exprime ce que cette « chronique d’une liaison passagère » met de gravité, de nostalgie et presque de douleur dans une relation qui feignait de ne jurer que par l’entente des corps pour en définitive percevoir que les élans du coeur sont irrésistibles. La vie est plus forte que ceux qui prétendent la dominer.

Roger Federer, nous vous sommes reconnaissants…

Merci à Roger Federer d’avoir eu, après les victoires et les défaites, dans sa vie hors du tennis, dans sa quotidienneté à la fois discrète et médiatisée (sans vulgarité, jamais), dans l’ensemble de ses comportements, dans tous les domaines que son aura, bien au-delà du tennis, a irrigués, cette classe, cette allure, cette normalité. Merci d’avoir relevé sans cesse le défi d’un talent exceptionnel confronté à la modernité et d’avoir su toujours triompher des obstacles et des indécences !

Emmanuel Macron : sa fonction le « consume-t-il » ?

Cette relation qu’il a avouée avec la politique est d’autant plus surprenante qu’elle rend prioritaire son seul caractère sans qu’à aucun moment la France et son service soient évoqués. Ce qui le consume n’interdit pas une vision anecdotique et partisane de son rôle présidentiel mais, plaçant la politique au plus haut dans un champ où elle nourrit ses appétences délétères, relègue l’essentiel ailleurs. Je comprends, mais je regrette, que le président ou ses conseillers aient senti le péril de cette approche psychanalytique et lui aient substitué une phrase passe-partout.

Suffit-il d’être contre le RN pour le vaincre ?

Le premier responsable de l’angoisse dont on nous dit qu’elle étreint le président est donc d’abord lui-même. Pour interdire la victoire du RN en 2027, pas d’autre solution que d’enlever à ce parti une France qui aujourd’hui sert trop ses intérêts et sa stratégie. Le réel est de plus en plus l’allié du RN et le pouvoir n’accomplit rien de décisif contre lui.