Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

On aurait tellement aimé pouvoir leur parler…

J’aurais tellement aimé pouvoir lui parler, rien que pour satisfaire ma curiosité jamais lassée et l’entendre m’expliquer ses choix politiques, ses orientations pas forcément les miennes. Selon mon péché mignon dont, au fond, je n’ai jamais désiré me défaire, je l’aurais abreuvé de questions, m’imaginant ainsi – mais ç’aurait été une illusion – découvrir la clé du miracle : pourquoi Gérard Philippe a-t-il été cette magnifique étoile, si tragiquement filante, diffusant, grâce à son altruisme et à son sens du partage, pour tous un peu de sa gloire et de son aura ?

Clément Beaune a raison : banalisons l’homosexualité…

Certains, j’en suis sûr, sont tellement persuadés de cette impossible banalisation qu’ils préfèrent se camper dans une sorte de dissidence constante aux antipodes, si j’ai bien compris, de la volonté d’un CB. Clément Beaune, s’il peut être contesté comme personnalité publique et comme ministre – il a tout sauf une charge commode : il espérait du « lourd » et il l’a eu – mérite en revanche d’être salué pour ce qu’il vit, assume, défend et cherche à banaliser.

Sous la comédie, la vie !

Sous la comédie, la vie. C’est sans doute à cause de cela que les politiques, les officiels, les importants, les ambitieux, les partisans suscitent parfois chez moi trop de bienveillance, d’indulgence quand ils s’égarent. Au lieu de considérer le doigt conjoncturel, je regarde la lune de toujours, profonde, immuable. Et ils me touchent parce qu’ils sont faillibles. Mais ils ne doivent pas en abuser.

Séjourné entre refus de voir et jouissance de prévoir….

Ainsi c’est donc cela la politique d’aujourd’hui, la suite de tous ces « bidules » jetés dans les jambes de la démocratie, pour la faire trébucher, par Emmanuel Macron ? Le refus de voir. La jouissance de prévoir. Occulter le réel. Rêver du pire. On aurait espéré mieux de Stéphane Séjourné.

Annie Ernaux : la vengeance seule sous la plume !

Quelque chose d’intime chez Annie Ernaux n’est pas sans rapport avec ma réserve sur le prix Nobel qui lui a été attribué et donc sur sa légitimité littéraire au sens noble. Trop de contentement de soi, trop de certitude d’être singulière dans le champ de son oeuvre comme dans son existence et son parcours. Ce n’est pas Jean-Paul Sartre refusant le prix Nobel parce qu’il l’aurait changé en « institution ». Ce n’est pas Albert Camus soulignant que quelqu’un d’autre l’aurait mérité plus que lui. On n’est pas un grand, un immense écrivain si on est dominé par l’imprécation et non par l’admiration, selon cette belle formule, toujours, de Camus.

Le Proc aux Vraies Voix de Sud Radio…

Créée à l’initiative de Cécile de Ménibus et de Philippe David, animateurs des Vraies Voix (Sud Radio, de 17 h à 19 h tous les jours de la semaine), je tiens depuis septembre la rubrique « Le réquisitoire du procureur ». Je l’apprécie tout particulièrement parce qu’elle me permet, en totale liberté, de choisir une multitude de sujets, qu’ils soient personnels, judiciaires, politiques ou culturels, et de développer en très peu de temps un point de vue doucement ou intensément à charge.

Bruno Retailleau n’est pas mainstream, heureusement !

De grâce, qu’on poursuive la dérision à l’encontre de Bruno Retailleau, qu’on n’hésite pas à lui reprocher ses valeurs traditionnelles assumées, ses refus conservateurs, son absence de snobisme, même son apparence, et je suis sûr que pas un militant de LR ne manquera à son appel et, j’ose le dire, à celui de l’avenir quand l’autre contraire serait de mort douce !

Tout était-il mieux avant ?

Prêchant pour ma chapelle, je crains que la relégation des humanités, avec le caractère universel des matières qu’elles abordaient et la culture qui leur était consubstantielle, ait favorisé une réduction de la curiosité et des appétences intellectuelles en donnant une place prédominante aux approches techniques et au pragmatisme. Ce n’est pas soutenir que ces processus ne correspondent pas à un certain type d’intelligence mais constater qu’ils relèvent de spécialités et échappent donc à une plénitude qui constituait le monde ancien comme un modèle.

Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron et les juges…

À l’égard des deux ouvertures d’information par le PNF au sujet du financement de la campagne de 2017 et des avantages qui auraient été accordés à la société de conseil McKinsey, nous sommes naturellement conduits à comparer les attitudes d’Emmanuel Macron avec celles de Nicolas Sarkozy, tant elles sont différentes. NS n’aime pas les juges et l’a fait savoir. EM fait croire qu’il les respecte mais a nommé un ministre qui ne les a jamais aimés.

Et si les avocats parisiens se renouvelaient un peu ?

Même si je perçois la différence de position et de comportement entre le magistrat et l’avocat, la distinction de leur statut, on pourrait finir cependant par être lassé de la sempiternelle mise en cause de la magistrature lors des cérémonies solennelles de rentrée du barreau alors que dans les grandes messes où la hiérarchie judiciaire officie et s’exprime, jamais l’ombre de la moindre méfiance à l’égard des avocats ne se profile, en vertu de cette évidence que décideurs et auxiliaires de justice, barreau et magistrature sont embarqués dans le même bateau et, s’il y a naufrage, qu’ils devront l’assumer ensemble. Pourquoi cet opprobre ici et ce consensus là ? Ce serait bien si les avocats parisiens – je suis certain qu’il y a là une spécificité touchant moins la province – se renouvelaient un peu. On a envie de leur dire, selon une formule célèbre : étonnez-nous !

Albert Camus : tromper n’est pas trahir ?

Il n’est pas indécent, puisque rien de ce qui concerne Camus ne nous est aujourd’hui étranger, de se pencher sur un être à la fois ayant su honorer l’intégrité de l’intelligence et le sens de la justice tout en jouissant de la sensualité de la vie, de la beauté des choses et de la présence des femmes.

Emmanuel Macron adepte du « au contraire » !

Devant mille maires reçus à l’Elysée, le président de la République a voulu alerter sur la montée de la violence dans notre pays. Si j’avais le coeur à rire, je dirais que les citoyens comme les édiles ne sont que trop bien informés sur cette plaie sociale et démocratique.