Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Pascal Praud : nos débats réactifs…

L’union des gauches, qui revient périodiquement quand elles sont véritablement menacées dans leur identité et leur idéologie, lorsque sur le plan électoral elles sont inquiètes et prêtes alors à occulter tout ce qui les sépare, même profondément, est perçue comme une évidence alors que l’union des droites, de la droite conservatrice avec la droite extrême, est stigmatisée par principe.

L’Aventure des films : un colossal et épuisant travail…

En lisant Olivier Rajchman, j’ai abandonné l’approche superficielle que j’avais du cinéma. J’ai maintenant conscience qu’il s’agit, dans tous les cas, d’un travail colossal et très éprouvant pour les nerfs. Tous ceux qui participent à l’élaboration du film passent par des phases de désespoir, avant d’en être très rarement satisfaits ! Je n’imaginais pas les épreuves, la minutie, le perfectionnisme, l’ampleur et la fatigue des tâches qui conduisent, dans le meilleur des cas, au sublime, ou au moins imparfait possible. La collaboration constante et infiniment créatrice entre le producteur, le ou les scénaristes et le réalisateur est impressionnante parfois de solidarité, souvent d’antagonismes surmontés, d’écoute, de tolérance, d’échanges puissants et sans concession, d’abandons puis de reprises, de pessimisme amendé par un optimisme que le travail fourni fait surgir.

L’esprit français : Causeur avant l’heure…

Je rattache l’esprit français à ce qui m’a toujours passionné sur le plan culturel au fil des siècles. Les expressions, les saillies, les traits, les paradoxes que des personnalités brillantes distillaient à foison, soit parce que la société leur permettait une oisiveté créatrice en bons mots, soit en raison d’une intelligence et d’une vivacité d’esprit qui sur tous les terrains – notamment la vie politique et les débats parlementaires – les faisaient remarquer. Il me semble que cette notion a quasiment disparu dans sa pureté, remplacée par des prestations fondées sur des synthèses entre le verbe, l’observation, l’imitation, la gestuelle, les mouvements et les mimiques. Il y a des artistes absolument remarquables dans ce domaine .

Hello, Dolly…

Dolly Parton se veut la représentante du peuple américain, des gens simples et modestes, et elle demeure fidèle, par une éthique chevillée au coeur, à sa volonté d’être des leurs. Sans ostentation ni idéologie. Cela ne l’empêche pas de faire preuve d’une immense générosité pour des oeuvres caritatives et en aidant des programmes de recherche, notamment pour le coronavirus. J’avoue mon admiration, au-delà de la chanteuse dont je connaissais certains tubes, à l’égard de cette femme dont la modestie et la classe représentent tout ce que j’aime.

Accepter ou non, telle est la question…

Il est clair que dans notre monde actuel, le point de vue de Racine a largement gagné et qu’il est grossier de s’émouvoir, voire de s’indigner du hiatus entre la réalité d’une personnalité et de ce qu’on aurait pu espérer d’elle. Aujourd’hui l’acceptation d’un être, avec ses ombres et ses lumières, ses moments de grâce mais ses îlots de platitude et de monotonie, est devenue la règle. Cette propension à légitimer ce qui est, conduit d’ailleurs notre époque à accepter la banalisation, dans tous les domaines, comme une évidence. On préfère le partage indifférencié d’une humanité sans éclat à l’inégalité résultant de la supériorité de quelques-uns et à l’admiration que cette dernière devrait susciter.

Il faut sauver les diplomates !

la guerre, depuis l’invasion de l’Ukraine et l’action violemment et prétendument pacificatrice de Donald Trump, n’est pas loin d’être devenue non seulement la continuation de la politique par d’autres moyens, selon Clausewitz, mais plus encore le mode quasiment banal de règlement des conflits. Comme si les phases préparatoires que l’Histoire a connues étaient frappées d’obsolescence au profit, d’emblée, d’attitudes belliqueuses. J’ai conscience que rien ne se serait pire, pour un univers totalement dérégulé, que cette adhésion mécanique à ce débridement d’hostilité internationale quand il conviendrait au contraire de ne pas rejeter, sur ces incendies fiers de leur cruelle spontanéité, la maîtrise d’intelligences et de réflexions capables de voir plus loin que le bout de leur fureur.

Pourtant Gabriel Attal a raison !

On aboutit à ce paradoxe d’une société qui se dégrade, d’abord avec une jeunesse qui n’a plus rien à voir avec celle de 1945, mais avec une stabilité législative qui ne cesse, jour après jour, de démontrer son inefficacité. Les mineurs changent mais les principes les concernant demeurent. Non parce qu’ils seraient opératoires mais en raison d’une adhésion systématique à une vision dépassée.

On n’est pas encore assez bas…

On est loin du pire, partout et sur tous les plans. On en est encore à ne pas voir le réel ou, le considérant, à masquer ce qu’il a d’odieux. On a encore besoin d’une existence peu ou prou teintée de rose. On a des pudeurs de chaisière quand un grand ministre de l’Intérieur qualifie de « barbares » les agresseurs et les tueurs et qu’il aspire à « une France des honnêtes gens ». Si les choses continuent à tourner mal, si un jour il devient impossible de ne pas être saisi par notre désastre, quand la démocratie ne pourra plus apparaître comme un mantra consolant de tout, il faudra bien arbitrer. Laisser la France mourir à petit feu dans les règles, avec un État de droit impeccable, un président normal, un humanisme breveté, un aveuglement progressiste ; ou imaginer de nouvelles pratiques politiques.

La haine, un devoir international ?

La haine n’est pas à recommander sur le plan humain mais dans le domaine géopolitique, elle peut apparaître presque comme inévitable. Il y a un tel degré de malfaisance, de cruauté, de cynisme et de mauvaise foi dans la conduite de quelques personnalités et régimes, que la simple contestation politique est dépassée au profit d’un extrémisme de l’hostilité, qui mue le champ international en une exécration humaine contre laquelle on n’a aucune envie de résister.

Jean-Luc Mélenchon, un intellectuel qui se trompe…

la qualité d’intellectuel et le statut d’excellence qui lui est donné par principe en France constituent presque structurellement des opportunités pour les erreurs, les préjugés, les partialités, les occultations du réel et une vision implacablement misérabiliste de la société où les riches et les puissants sont stigmatisés, la lutte des classes encensée et la révolution détestée autant que le réformisme est méprisé. Ce qui est très éclairant dans la réflexion de Samuel Fitoussi est qu’elle s’appuie sur un certain nombre de travaux scientifiques et sociologiques dont les conclusions sont unanimes : un intellectuel est voué à dépeindre la réalité comme un enfer pour justifier ainsi le rôle qu’il se prête : devenir le justicier qu’on espérait pour rénover de fond en comble une société insupportable.

Une morale du moins….

Sans doute est-ce donner à ce « je préférerais ne pas » une dimension excessive, presque métaphysique mais il me semble qu’on pourrait l’appliquer à mille situations, notamment historiques, qui auraient pu constituer certains de leurs acteurs comme des adeptes du moindre mal, non pas des héros modèles pour tous mais des humains seulement désireux de ne pas ajouter du mal au Mal, des courageux minimalistes qui face à la réalité tragique et éprouvante ne la fuyaient pas, ne l’affrontaient pas mais veillaient à ne pas la rendre encore plus insupportable.

Un grand ministre doit-il être contre ?

Il ne faut pas se leurrer. Jamais on ne pourra mettre en oeuvre, dans quelque ministère que ce soit, la politique de rupture justifiée par son état présent en obtenant facilement l’assentiment de ceux qui auront la mission de la réaliser. Il y a toujours, pour un ministre qui a l’ambition d’avoir une action remarquable, un passage obligé vers une forme d’autorité pour le meilleur, de résistance à l’égard des pesanteurs et des habitudes reposantes et d’entêtement pour aboutir contre vents et marées.