Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Mais si, c’est une crise démocratique !

Comment qualifier autrement que de crise démocratique une vie parlementaire chahutée, éclatée, en discorde permanente, où LFI, par son comportement collectif et par contraste, donne un lustre formel au Rassemblement national, où les débats relèvent de la foire d’empoigne, où la rue donne parfois des exemples de tenue à l’Assemblée nationale, où des militants n’ont pas compris qu’ils étaient devenus députés, où LR se préfère dans un statut ambigu quoique inconfortable à celui d’opposant sans équivoque, où on dégaine des 49.3 à foison ?

Me Hervé Temime : respect !

Ce n’était pas pour rien que je sentais cette dilection à la fois professionnelle et humaine. Me touchait, au-delà de tout, la certitude, chez Hervé Temime, d’une rectitude morale, d’une intégrité non négociable qui le plaçaient au plus haut degré de mon admiration judiciaire car j’ai toujours considéré qu’il n’existe pas de très grand avocat sans l’obligation à respecter d’une indépassable exemplarité. Hervé Temime devenu avocat si jeune, si précocement, dans l’arbitrage à faire sans cesse entre ce qu’on doit et ce qu’on peut, n’a jamais trahi, ne s’est jamais trahi.

Un Brochand, sinon rien !

Pierre Brochand, en soulignant que l’Etat devrait avoir un rôle capital, et pas seulement « celui d’agence de distribution de droits et de prestations », fait en définitive peser la responsabilité sur les politiques « qui ont construit eux-mêmes leur propre illégitimité faute de courage, le décalage entre les promesses et les résultats étant à la source de leur impopularité et de la colère des Français ». Il nous faudrait dans l’action une multiplication de ces êtres qui n’ont pas peur de leur ombre et n’hésitent jamais à servir plus qu’à se servir. Une denrée rare mais des Pierre Brochand donnent de l’espoir.

La Première ministre s’émancipe et Sophie Binet déraille …

J’aime cette Première ministre qui, menacée, fait front et est décidée à vendre chèrement sa peau. On me reprochera une fois de plus d’être trop sensible aux personnalités et pas assez au projet et aux idées mais il n’empêche que cette émancipation tardive mais claire et nette d’Elisabeth Borne me plaît.

Quand ça bascule…

Les décadences m’ont toujours fasciné, les délitements, les dégradations, les déclins, les chutes. Quand la passion devient amour puis quiétude puis monotonie… Quand la conviction devient intolérance puis idéologie… Quand la dispute intellectuelle se mue en haine de l’autre… Quand les médias n’écoutent plus mais s’écoutent…

Fin de vie : plutôt Michel Houellebecq que Line Renaud…

Il me semble qu’ouvrir, sur la fin de vie, « le chantier d’un modèle français » représente un « en même temps » contradictoire dès lors qu’on va s’efforcer également d’amplifier les traitements palliatifs. Ce n’est plus tenir les deux bouts d’une chaîne, c’est feindre de supposer accordés et complémentaires deux bouts qui sont en rupture l’un par rapport à l’autre. Et provoquer inutilement avec l’un nuira à la validité de l’autre.

Pitié pour le président de la République !

Je peux comprendre que sur le plan politique le Président Macron suscite une forte opposition. Il est clair que son comportement personnel, ce que d’aucuns qualifient d’arrogance, n’est pas majoritairement apprécié. Ce qui me gêne est le caractère obsessionnel de cette dénonciation, comme s’il était devenu impossible de trouver dans la moindre de ses actions, dans n’importe lequel de ses projets, de quoi contenter le citoyen.

L’heure de Berger…

Le refus sans équivoque de Laurent Berger de toute politisation vulgaire et, d’autre part, son style de direction, d’inspiration et de propositions, sa manière sereine, grâce à son ton et à sa maîtrise du langage, de ne jamais faire douter pourtant de sa fermeté, représente probablement le ressort principal de l’adhésion de l’opinion publique à sa cause. Adhésion qui dépasse largement la médiocre représentativité quantitative du syndicalisme en France. Il y a des responsables sur lesquels, quoi qu’on en ait, les pouvoirs officiels devraient faire fond, composer avec eux, les écouter, ne pas les mépriser, accepter qu’un compromis soit destiné à donner à chaque partie l’impression qu’elle a gagné.

Une démocratie ou une honte ?

Si la violence singulière et collective a toujours existé au fil des temps, si, en particulier, elle a souvent été complaisamment évoquée dès lors qu’elle s’assignait un but subversif, ses modalités ont pris un tour de plus en plus odieux, notamment en ce qu’il révèle une totale indifférence à l’égard de la vie humaine. Le transgresseur ne s’assigne plus aucune limite et est d’autant plus conforté dans sa cruauté cynique que le climat général politico-médiatique ne lui oppose qu’une faible contradiction quand ce n’est pas une complaisance scandaleuse.

Eric Zemmour : l’énergie de l’espoir…

Eric Zemmour écrira, bataillera, avec Reconquête fera avorter des projets et des initiatives néfastes, se persuadera qu’il est véritablement à sa place parce qu’avoir franchi le Rubicon pour rebrousser chemin ne sera jamais son fort mais dans le dialogue intime que EZ ne cesse d’entretenir avec lui-même, malgré son sourire volontariste et sa belle résilience, je parie qu’il s’en veut d’avoir lâché la proie pour l’ombre. Certes jamais rien de médiocre avec lui mais tout de même : la politique, en définitive, n’a jamais été que le deuil éclatant de sa splendeur et de sa domination médiatiques.

« Un village français » : chef-d’oeuvre presque jusqu’au bout…

La parfaite intégrité du récit est admirable, au point que personne n’est univoque, que des parcours personnels commençant dans le pire se terminent avec courage et émotion face à la mort, qu’elle soit odieusement imposée, subie à la suite d’une justice expéditive ou magnifiquement assumée. Ou l’inverse. Chacun, d’une certaine manière, dans cette histoire collective de fureur, de violence, d’arbitrages constants à opérer, de terrifiants choix à valider ou non, bénéficie de la formidable honnêteté des dialoguistes. Jamais ils ne s’abandonnent à la facilité, ils offrent à chacun une argumentation, une défense, des convictions, des raisons aux antipodes du « tout d’une pièce ».

Un président trop serein dans une France en crise…

Ne pas écouter serait bien, ne pas céder serait courageux, invoquer son devoir pour masquer son entêtement serait démocratique ? Citoyen ordinaire mais attentif, je suis sûr de l’inverse. Le pouvoir exemplaire guide en même temps qu’il accompagne. Il propose mais sait aussi retirer. Il doute de lui quand beaucoup doutent de la validité de son action. Soutenu, il n’oublie pas ceux qu’il n’a pas convaincus.