Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Camerone : comme nous sommes petits aujourd’hui !

Rien ne pouvait mieux survenir, dans cette période lugubre, de défaitisme et de déclin, où la France s’interroge, se dispute, où l’esprit national est battu en brèche, voire moqué ou, pire, piétiné, que la mémoire de cette magnifique geste où quelques vaillances de toutes nationalités mais seulement unies par la passion de la France ont donné leur vie pour sauver ce qui devait l’être, acquérant ainsi une gloire ineffaçable.

Chacun sa loi : la folie d’aujourd’hui…

Je ne doute pas que certain(e)s puissent parfois être victimes de critiques indélicates à propos de leur chevelure ou non mais cette réalité si minime peut-elle justifier qu’on s’engage dans une voie qui constituera un détail en généralité, des éléments intimement particuliers en un terreau législatif. On ne légifère pas pour pour quelques-uns car sinon on va aggraver l’éclatement d’un pays en mille clans, chapelles, autonomies et dissidences.

Emmanuel Macron va « se planquer » : une illusion perdue…

Je ne sais pas si ce soir Nantes ou Toulouse connaîtra la victoire. Mais dans tous les cas une petite défaite, une déconvenue surprenante, une triste reculade s’ajouteront au passif présidentiel. On ne quitte pas impunément Cyrano pour Louis-Philippe.

La fragile puissance du « je », partout…

Le remède sans doute le plus efficace pour prévenir cette tentation du « je » et ne pas succomber à sa fragile (elle ne tient qu’à un être) puissance (la force de la solitude) tient dans la volonté d’une écoute et d’une considération d’autrui. Souhaitons que mes démarches d’écoute et de formation me gardent autant que possible de cette assurance rarement questionnée. Quelqu’un devant Paul Valéry s’écriait : « Il faut être soi » et il répliqua : »Mais soi en vaut-il la peine ? » Tout est dit.

Il y a du vrai chez FAU !

Mais cela ne le consolera pas : pourtant c’est si fréquent partout. Dans les milieux professionnels, sur le plan politique, dans l’univers artistique, dans la sphère médiatique, en matière judiciaire, les meilleurs sont rarement promus. On sait bien qu’en France le public n’est pas un bon juge et que le corporatisme inhérent à chacun de ces mondes fait prospérer non pas forcément les meilleurs, les plus talentueux mais ceux qui ne brillant pas trop ne font pas mal à la susceptibilité d’autrui. Mais on continuera à admirer Michel Fau au théâtre. C’est l’essentiel, non ?

Ministres : l’esthétique du courage ou l’habileté de la fuite ?

Les mois qui vont venir, les années jusqu’en 2027, vont continuer à être passionnantes sur le plan démocratique. Comment le président, les oppositions, la France, notre République vont-ils s’en tirer ? Mais  ces quatre années vont surtout constituer un formidable banc d’essai pour les caractères et le rapport au réel. On verra, dans la classe politique, qui a de la tenue et qui n’en a pas, les ministres pour la façade et les hommes et les femmes pour de vrai . Qui mérite notre respect, qui n’en est pas digne. L’éthique publique n’aurait jamais dû être une exigence optionnelle.

Vive Bruno Le Maire quoi qu’il m’en coûte !

Bruno Le Maire n’est pas que ministre. Il pense, il écrit, il admire et la politique n’est pas tout pour lui. Il a été l’un des personnages principaux du fabuleux roman de Michel Houellebecq : « anéantir ». Il a compris depuis longtemps que l’intelligence se rétrécit quand elle se focalise sur un unique sujet. Qu’il convient d’être pluriel précisément pour être singulier et que la dérision ou la jalousie sont la rançon de ce qu’on a de supérieur.

Les compères : haro sur les magistrats !

On a vraiment l’impression de deux compères réunis par une même détestation de la magistrature. On n’en doutait pas de la part de Nicolas Sarkozy qui durant son quinquennat n’en a pas fait mystère, cultivant le bon grain dévoué et utile au détriment de l’ivraie laissée à ses tâches quotidiennes. Elle s’est aggravée avec toutes les péripéties judiciaires et condamnations accrochées aux basques de l’ancien président. On aurait pu espérer d’Emmanuel Macron qui officiellement est le garant de l’unité et de l’indépendance de la magistrature, une autre attitude. Si son hostilité est moins brutale, plus soyeuse, elle n’en est pas moins indéniable. Il suffirait de rappeler quelques épisodes qui démontrent la conception toute particulière que le président a de la Justice et certains de ses propos qui, au sujet d’Eric Dupond-Moretti, révèlent son parti pris ministériel.

Le référendum comme une sorte de Baden-Baden ?

Il ne lui suffira pas d’aller à la rencontre du pays, de sortir de l’Elysée avec les remous, les insultes, l’irrespect qui seront son lot quotidien et à un degré moindre celui de la Première ministre et de quelques ministres. L’unique solution, sans doute paradoxale, sera de sortir de lui. Puisque sa personnalité l’enferme et n’est plus décisive, bien au contraire, il convient qu’il s’en défasse et que sa stratégie actuelle, se dépouillant de ce qu’elle suscite d’inéluctablement à charge, accepte de chercher ailleurs qu’en lui-même les possibilités de la reconquête.

Emmanuel Macron : un double je ?

Que peut bien penser un citoyen de bonne foi, même s’il n’y a pas à surestimer la délicatesse des oppositions (celle de LFI en tout cas dans le verbe et les attitudes hostiles au président), de ce clivage entre un Emmanuel Macron qui feint officiellement la douceur et l’urbanité républicaines et, dans ses coulisses authentiques, montre la dérision et le peu de crédit qu’il attache à ces dispositions affichées pour la frime démocratique ? Ce qui serait acceptable dans une nation à peu près en paix civile est intolérable dans un pays qui depuis plusieurs mois, est bousculé, bouleversé, fracturé, sans gouvernail véritable, sans un pouvoir respecté bien au-delà des contestations politiques.

Emmanuel Macron : « une espèce de vide » ?

Faute d’avoir su écouter cette majorité intelligemment critique, il a laissé libre cours à l’extrémisme délirant de gauche et d’extrême gauche et à l’attente de plus en plus sûre d’elle du Rassemblement national. Un discours n’aurait pas pu tout faire mais il n’était pas fatal qu’il aggravât les choses. Il est venu, on l’a entendu, il n’a pas convaincu.

Attendre quelque chose ce soir : un devoir…

La seule manière de briser son autarcie si peu accordée à l’esprit profond du pays – dont la protestation constante est le rappel désespéré ou furieux qu’il existe et qu’on doit l’écouter – est de nous acharner à ne pas lui laisser le champ libre.

Un président trop pressé et des Sages bien trop sages…

Je comprends qu’on puisse éprouver au mieux comme un sentiment d’inachèvement face à cette décision qui a permis une promulgation à toute bride abattue nocturne. Le référendum d’initiative partagée a été rejeté pour une raison acceptable et sans équivoque. Le second, le 3 mai, aura-t-il la bonne fortune d’être admis ? Le président nous parlera le 17 à 20 heures. A moins d’un miracle politique, la France est loin d’être sortie de ses affres.