Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Gérald Darmanin a raison : c’est 2027 qui compte !

Le macronisme qui a favorisé des ambitions pâtit dorénavant d’une désaffection tant par les désillusions qu’il a causées que par l’implacable enseignement d’un réel faisant exploser les ambiguïtés présidentielles. Certes on a toujours l’inconditionnalité apparente, la révérence obligatoire et la concentration surjouée sur le présent mais c’est demain qui attire tous les regards, stimule tous les appétits, suscite tous les calculs, détermine toutes les stratégies. Bien sûr que Gérald Darmanin a raison : pour lui comme pour tous les affamés de pouvoir, c’est 2027 qui compte !

Brassens ou Goldman : qui a raison ?

Je suis écartelé entre deux admirations essentielles : celle de Georges Brassens le poète impeccable et salubre dont pas une chanson n’est à refaire et n’a vieilli et celle de JJ Goldman. Je perçois d’ailleurs deux similitudes capitales entre eux qui me les rendent encore plus proches et chers. La première est que ces deux personnalités, au cours des multiples entretiens qu’ils ont accordés – l’un et l’autre n’en étant pas friands – n’ont jamais proféré à mon sens la moindre bêtise, la plus petite absurdité. Le seconde est qu’au-delà de leur génie musical et d’auteurs, dans un registre évidemment différent, un attachement profond était voué à leur personne, à leur être, grâce à une même qualité d’humanité et de générosité.

Jean-Luc Mélenchon non, un autre non plus…

Alors reste la brillante, insupportable, clivante et dangereuse personnalité de Jean-Luc Mélenchon. On a tellement dit qu’il était éloquent, qu’il avait une immense culture historique, qu’on a fini par oublier qu’il relevait d’un ancien monde. Son hystérie révolutionnaire n’est destinée qu’à donner le change : elle marche puisqu’elle est prise au sérieux et que ses injonctions enflammées et ses délires parfois si peu républicains font de l’effet sur des esprits déjà convaincus et chauffés à blanc. Si l’un des quatre que j’ai mentionnés plus haut lui damait le pion, le détrônait à gauche, je serais évidemment heureux de constater la mise à bas de son impérieux narcissisme mais j’avoue mon inquiétude car il est précisément protégé par la relative faiblesse, tactiquement et stratégiquement, de ses concurrents. Son bouclier est son arrogance d’autant plus exprimée qu’il n’est plus en terrain conquis et muet.

Féminicides : une course de lenteur ?

Il faut donc s’interroger, sur ce féminicide comme sur d’autres et, plus généralement, sur tout ce qui concerne les atteintes aux personnes, sur ce terrible paradoxe que la normalité des enquêtes et des pratiques judiciaires ne protège pas. Dans ces affaires touchant aux rapports complexes, impulsifs, violents entre les êtres humains, l’un la cible, l’autre l’agresseur, tout est urgent, tout est menace, tout impose réactivité et précipitation lucide.

Jean-Jacques Goldman : heureusement il n’est pas comme nous…

On n’a jamais assez insisté, sans doute pour ne pas nous accabler nous-mêmes, sur la particularité noble d’un Goldman, échappant parce qu’il est lui et pas nous, à ces poisons d’une modernité en roue libre, qui constituent notre lot ordinaire. Égoïsme, narcissisme, médiatisation forcenée, esprit partisan, générosité ostentatoire, événements privés et intimes livrés au public, souci de soi plus que des autres, passion du somptuaire, culte délirant des réseaux sociaux : ces dérives sont le socle à partir duquel Goldman nous apparaît tel un miracle contrasté. Karl Marx, au sujet de la religion, parlait « du coeur d’un monde sans coeur » : JJG est dans nos têtes et nos sensibilités parce qu’il a de la tenue, de l’allure, quand la France, notamment dans ses hautes sphères, en manque. On adore JJG parce que, nous épargnant l’envie, il est des nôtres sans l’être. Il est d’ailleurs, en quelque sorte.

Pour 2027, aucune garantie pour les caractères…

Durant les vacances, les ambitions ne se reposent pas, ne s’éteignent pas. On ne peut pas dire que notre curiosité politique ne soit pas satisfaite. Chacun à sa manière, dans les camps du macronisme, de la droite et de la droite extrême, piaffe ou au contraire simule une sage lenteur. Ne pense qu’à cela en faisant mine de songer à tout autre chose. Le grand art est de feindre de s’intéresser à ce qui se passe aujourd’hui alors qu’on voudrait accélérer le temps et constituer le plus vite possible Emmanuel Macron comme un ex-président.

La police n’est pas à plaindre…

Je maintiens : la police n’est pas à plaindre. Rien ne lui correspond moins que le gémissement et la faiblesse. Qu’elle n’oublie jamais, tentée par le découragement, meurtrie par le manque de respect et de reconnaissance, blessée par les abandons et les lâchetés, qu’elle n’a pour elle que l’immense masse des citoyens. Un Mélenchon ne fait pas l’hiver !

Martin Heidegger : tout contre Adolf Hitler…

Ce n’est pas rien que de savoir, sans le moindre doute aujourd’hui, que Martin Heidegger était tout contre Adolf Hitler et qu’on ne pourra plus jamais le lire et l’étudier en oubliant cette sombre et terrifiante fraternité. Triste limite de la philosophie qui ne préserve pas de tout !

Lettre à la droite et à l’extrême droite médiatiques…

Il serait dramatique que droite et extrême droite médiatiques, à force de prévisibilité, suscitent le pire des effets, réservé jusqu’à aujourd’hui aux sempiternels propos progressistes ne se questionnant jamais eux-mêmes et sourds aux apports extérieurs : l’ennui. Combien de fois, face à certains débats, la fatigue est quasiment immédiate parce que le citoyen, le téléspectateur savent au mot près ce qui sera dit ! L’écoute n’est pas interdite qui laisse un peu de place à la présence d’autrui dans son propre univers. À la conclusion de ce post, je devine le reproche que d’aucuns ne vont pas manquer de m’adresser. En confondant mon adresse bienveillante aux conservateurs largement entendus avec un vague centrisme, une molle tiédeur alors qu’elle aspire à être exactement l’inverse : une force intellectuelle, une défense sans relâche, une inventivité permanente si sûres d’elles-mêmes qu’elles n’ont pas peur d’ouvrir leurs fenêtres au grand air.

Justice-fiction : si j’avais été face à Maître Jacques Isorni…

Prétendre que l’avocat général aux assises en serait réduit à faire « du roman de gare » est une absurdité alors que précisément il est le seul protagoniste, au cours des audiences, qui dispose de l’immense liberté de pouvoir récuser la fiction. Avocat de tous les citoyens, il n’a d’autre maître que lui-même et ses propos, son discours, ses réquisitions ont la chance de ne pouvoir être dictés que par sa perception exclusive et évidemment évolutive des débats. L’accusateur qui se laisserait aller aux stéréotypes serait impardonnable. Il se priverait de la fabuleuse opportunité de l’oralité et de l’incomparable apport, par rapport au dossier de papier, de l’effervescence et du désordre stimulant des mille joutes, questionnements et réponses, de quelque côté qu’ils viennent, qui irrigueront la justice criminelle.

Pap Ndiaye : la République est bonne fille…

Pap Ndiaye traite de « politique » son successeur comme si cette condition était un crime. Elle n’exclut pas l’intelligence. Quoi qu’on pense de Gabriel Attal et d’une ambition non dissimulée qui n’est pas rendue absurde grâce à son talent et à sa vision claire et de bon sens sur l’Education nationale, ses premières interventions ont montré le contraire de l’humanisme filandreux et orienté de Pap Ndiaye. Elles ont identifié l’essentiel et je n’ai pas le moindre doute que le ministre ne se servira jamais des attaques abjectes sur sa vie intime pour justifier son éventuelle incurie.

Qui a le droit de jeter la première pierre à Geoffroy Lejeune ?

Tant au regard de mon expérience personnelle que de l’ensemble des émissions auxquelles il est fait implicitement référence, j’affirme que le procès intenté à CNews comme à Europe 1, par une vision de l’information non pas meilleure que la leur mais désireuse d’être unique, n’a pas la moindre once de crédibilité, et pas davantage à force d’être ressassé… Je ne me fais aucune illusion. Personne n’a le droit de jeter la première pierre à Geoffroy Lejeune mais peu importe. Que le JDD sorte brillamment ou non de ces quarante jours, il aura des adversaires compulsifs. Mais que ceux-ci ne couvrent pas leur totalitarisme du voile d’un prétendu pluralisme. Puisqu’ils ne supportent que le leur.