Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Et si j’avais eu tort pour le Syndicat de la magistrature ?

Faut-il rappeler les mille exemples qui sans cesse remettaient sur le tapis démocratique l’interrogation sur le droit au syndicalisme judiciaire ? Les inféodations aux partis de gauche et d’extrême gauche lors des congrès du SM, la participation à des manifestations clairement hostiles au pouvoir présidentiel dès lors qu’il n’était pas de gauche, socialiste, le soutien systématique octroyé à des causes politiques et syndicales qui contestaient l’institution judiciaire et ses jugements, la perversion de pratiques judiciaires, inspirées par l’idéologie, qui s’en prenaient au patronat et à la police quand des policiers ou des patrons étaient renvoyés devant les tribunaux correctionnels, la détestation de certaines lois ou de tel ou tel président de la République, qui conduisait à des injustices, l’indulgence, voire la complaisance pour les émeutiers d’il y a quelques semaines, le mépris régulièrement diffusé à l’égard du sentiment populaire aspirant à l’ordre, à la sûreté des personnes, à la protection des biens et à la rigueur à l’égard des coupables avec le souhait de peines exécutées.

Antoine Dupont : trop d’engagement ?

Je regrette qu’au sein d’un consensus quasi total qui résiste à quelques assauts aigres, Jean Dujardin et Antoine Dupont, pour cibler Valeurs actuelles et se distinguer sans nécessité, aient cru bon de faire dissidence. Qu’Antoine Dupont garde son engagement pour les matchs ! La France aura besoin du demi de mêlée qu’il est, du capitaine exemplaire inspirant confiance à tous.

La tentation du repli est-elle honteuse ?

Mais la réalité nationale et internationale est rude qui contraint à la lutte et à la perte des des illusions. Mais l’existence au quotidien est âpre qui incite plus au doute et à la méfiance qu’à un optimisme qu’on est trop souvent prêt à assumer jusqu’au malheur des autres. Le repli est alors protection, sauvegarde, enfermement voulu pour à la fois échapper aux menaces extérieures et essayer de servir le moins mal possible la communauté dont on a la charge.

Le JDD : une amicale contestation

Peut-être est-ce moins une confrontation entre droite et extrême droite d’un côté et de l’autre gauche et extrême gauche qu’une opposition professionnelle et éthique plus subtile. Entre ceux qui, malgré leurs travers, tentent d’informer et ceux qui ne désirent qu’enseigner ; entre les pragmatiques ayant des devoirs et les idéologues ne s’octroyant que des droits. Entre ces blocs, il y a la belle zone grise du doute, de l’incertitude, de la complexité et, je le répète, de la nuance. Je préfère à ceux qui prennent parti sans savoir, ceux qui savent sans prendre parti péremptoirement. J’aime l’horizon flou que toute intelligence doit avoir devant soi.

Notre président serait-il « too much » ?

Je pourrais continuer mon analyse par la relation d’autres épisodes graves ou futiles qui tous placent le caractère du président au centre du jeu parce que son « je » ne conçoit pas de s’effacer, même pour les causes que sincèrement il défend. Ce tempérament « too much » qui l’incite sans cesse à sortir du cadre, à rompre l’équilibre délicat entre l’exercice de la fonction et le narcissisme du rôle, qui fait de lui un des présidents les plus autoritaires et solitaires (ce qui va de pair) de la Ve République, lui est propre. S’il fallait tenter une comparaison, il n’aurait pas été absurde de songer à Nicolas Sarkozy (qui a été aussi « too much ») mais il me semble que chez lui l’excès, les débordements, se rapportaient plus au besoin d’action et à son énergie qu’à la dilection de son être.

Le sourire est-il une faiblesse ?

Depuis le début d’une série impressionnante de victoires (une seule défaite sur dix-sept matchs), en effet elle a changé. Elle qui était sombre, introvertie, contractée, presque antipathique sur les courts, s’est muée en une sportive redoutable mais à l’apparence aimable, heureuse, sourianteCoco Gauff fournit une clé pour beaucoup de comportements intellectuels, politiques, médiatiques, humains. Je ne suis pas sûr que le sourire qui lui a été conseillé n’ait eu rien à voir avec son jeu. Il l’a irrigué, enrichi, allégé, civilisé en quelque sorte.

Le blasphème est-il sacré ?

À tort ou à raison, une distinction a toujours marqué mon attitude intellectuelle et psychologique dans le domaine de la liberté d’expression. La séparation entre les idées et les croyances. Les premières sont faites pour relever des débats, pour être contredites. Une idée interdite est le comble de l’étouffement démocratique. Les esprits et les intelligences sont offensés. Mais une croyance relève des tréfonds intimes, des histoires personnelles et familiales, d’un terreau qui se rapporte aux sensibilités. Il me semble qu’on devrait laisser tranquilles ces états d’âme et ne jamais se poser en prosélytes ou en procureurs de ces sphères étrangères à la rationalité et à l’argumentation. Une croyance qu’on blesse, singulière ou collective, c’est de l’indélicatesse humaine.

Emmanuel Macron est-il jaloux de ses ministres ?

Depuis 2017 – et sa réélection a accentué cette propension -, on a constaté que le président, en même temps qu’il exige une inconditionnalité absolue, est gangrené par un sentiment de jalousie à l’égard de ceux qui de manière durable sont plus dans la lumière que lui ou ont eu le talent et l’intelligence de proposer des mesures qui les font apprécier très largement. Dans le premier cas, jalousie à l’encontre d’Édouard Philippe. Dans le second, plus subtilement manifestée, à l’égard de Gabriel Attal. Il ne fait pas bon être ministre sous ce président de la République. Bon ou mauvais, il vous relègue ou vous remplace. Remarquable, il vous envie et vous en veut. Emmanuel Macron tellement idolâtré par ses affidés et pourtant humain, trop humain…

Contre une France en tranches électorales !

Rien ne m’apparaît plus contraire à la grandeur de notre pays, que ce soit dans la pratique du pouvoir ou dans la volonté de le conquérir, que ce morcellement auquel on consent d’autant plus volontiers que tout démontre qu’on est incapable de proposer une plénitude à la France. Non par défaut d’intelligence mais à cause de cette prétendue fatalité de la politique, qui contraindrait à raisonner pour partie (ou parti ?) au lieu d’assumer le tout.

Pourquoi David Lisnard a-t-il été oublié par Nicolas Sarkozy ?

Il y a dans la démarche de DL une manière de penser et de faire qui ne relève pas des processus traditionnels de conquête. Maire de Cannes, s’appuyant sur son action exemplaire et largement plébiscitée, président, avec pugnacité et courtoisie, de l’AMF, structurant son microparti Nouvelle énergie, il avance pas à pas, sans affirmer prématurément une ambition présidentielle. Il est clair que cette stratégie, même en fuyant les éclats, les provocations et les promesses inconsidérées, n’a de sens que portée par une finalité qui trouvera son issue en 2027.

On voudrait pouvoir admirer les politiques !

Il y aurait bien des opportunités, pour nos politiques, susceptibles d’engendrer respect et admiration ! Par exemple il suffirait de ne pas trahir ses engagements, de ne jamais violer ses promesses. Une personnalité qui avec honnêteté et modestie admettrait s’être trompée aurait plus que notre assentiment. L’homme ou la femme qui, dans un poste officiel ou dans l’opposition, serait capable de penser contre soi, par intelligence et intégrité, non pas par un « en même temps » stérile mais par souci de vérité, serait approuvé bien au-delà du champ limité de la politique. Ceux qui parviendraient à placer la morale au coeur de leurs activités et à répudier, dans le dialogue républicain, la haine ou la bêtise attireraient notre approbation enthousiaste. Pour qu’on puisse admirer les politiques, il faudrait qu’ils sortissent d’eux-mêmes et de la fatalité d’habitudes plus jamais questionnées, par paresse ou par arrogance.

Heureuse politique où le ridicule ne tue pas !

J’adore cette période qui est encore teintée de vacances mais qui sent la reprise. Il y a des propos, des déclarations, des audaces et des provocations qui sont parfumés par cette parenthèse particulière entre le repos atténué et la pleine intensité. On ne dit pas forcément n’importe quoi mais on se laisse aller, à être des conseilleurs puisqu’on n’est plus les payeurs comme l’ex-président Nicolas Sarkozy, ou à des préceptes qu’on n’applique pas soi-même comme le président Macron, enfin à des initiatives surprenantes comme Ségolène Royal qui ne semble guère affectée par la dérision dont certains l’accablent.