Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Pourquoi Nicolas Sarkozy m’a-t-il déçu ?

Nicolas Sarkozy est allé ainsi au bout d’une logique de désaffection partisane, d’abandon et de traîtrise, manifestée par plusieurs épisodes et mise en oeuvre aussi bien au détriment de Valérie Pécresse que lors des dernières élections législatives, par des coups fourrés ultérieurs, par l’obsession de persuader son ancien camp de se dissoudre dans le macronisme et, enfin, par de médiocres tactiques favorisant l’ignominieux sort fait au sénateur Pierre Charon et validant la désertion de Rachida Dati. Cela fait tout de même beaucoup et il ne faut rien de moins aujourd’hui que la cécité de plus en plus rare d’une minorité exsangue de soutiens pour ne pas s’émouvoir de telles turpitudes politiques!

Ce pape a une sacrée personnalité…

L’obsession du Pape, d’une certaine manière à la fois profane et sacrée, est de ne rejeter personne, d’accueillir tout le monde les bras ouverts, en ne se préoccupant surtout pas à l’entrée de discriminer, de juger, d’inclure ou d’exclure. Cette démarche est admirable et ne peut que susciter l’adhésion de la multitude qui se sait infirme par rapport à une telle bonté, une telle générosité inconditionnelle. Elle montre aussi la parfaite cohérence du pape François qui, avec la bénédiction des homosexuels, développe les mêmes élans du coeur que ceux qu’il prodigue aux immigrés dont il se soucie, avec une indifférence totale pour les politiques qui le gourmandent. Il applique l’absolu de sa foi à tout, même à ce qui paraît s’y soustraire.

La fin des non-dits en politique et ailleurs ?

La fin de la plupart des non-dits en politique est-elle en définitive une heureuse évolution ? On pourrait répondre par l’affirmative si elle était compatible avec l’essentiel qui est le programme, l’élaboration du projet. Ou faut-il tristement admettre que ce qui manque, ce ne sont pas les idées mais les personnalités, les intégrités et les courages ?

Pourquoi les publications de droite sont-elles plus talentueuses ?

Je ne prendrais pas la peine d’attirer ainsi l’attention sur ces publications de droite revendiquée si elles ne risquaient pas de demeurer frappées d’un opprobre automatique, faute de curiosité et à cause d’une intolérance absurdement discriminatoire. Pourtant ce que j’ai mis en valeur serait de nature à stimuler tous les esprits.

La meilleure équipe de France ?

Ce n’est pas tomber dans un pessimisme peu patriotique que de considérer que le nouveau gouvernement n’est pas la meilleure équipe de France possible. Il y a des raisons structurelles, tenant au clivage de notre univers politique et au poids des appartenances partisanes qui empêcheront toujours, quels que soient le président de la République et le Premier ministre, d’opérer un choix garantissant que les plus compétents seront choisis. Pourtant, à gauche, il y aurait des personnalités qui objectivement mériteraient d’être distinguées, et réciproquement si la droite était dans l’opposition. Mais, à examiner la composition de ce gouvernement avec ce tout jeune Premier ministre dont j’attends beaucoup pour la France et sur lequel j’ai déjà trop parlé et écrit, je me sens contraint sinon de n’émettre que des critiques du moins de m’étonner pour certaines de ses options.

Gabriel Attal : tremplin ou risque ?

Jusqu’à aujourd’hui, Gabriel Attal a été en état de grâce. Matignon n’est peut-être pas « un enfer » mais va représenter une épreuve face à laquelle il devra démontrer qui il est véritablement. Il sera confronté à des tâches multiples et inédites. Dévorantes et épuisantes. Elles lui imposeront une maîtrise générale qui, jusqu’alors, ne lui était pas nécessaire. Une illusion, seulement de la communication, comme le ressassent ses concurrents et ses adversaires, ou une intelligence, un talent, une énergie rare au service de son pays, comme l’espèrent ses partisans et la multitude des citoyens qui l’ont découvert comme ministre de l’Education nationale ? J’ose parier pour la seconde branche de l’alternative.

La pétitionnite, une grave maladie ?

Tout de même quelle étrange perversion que celle de cette tradition de pétitionnisme à la française ! Ses ressorts sont d’abord de narcissisme, de surestimation de soi, comme si singulièrement ou collectivement il y avait là des personnalités, des fonctions, des activités qui garantissaient comme par magie la lucidité de la pensée et la justesse du point de vue. Il y a aussi une forme de paresse intellectuelle qui incite un groupe à valider (souvent sans le lire) un texte écrit par un seul et à donner ainsi l’apparence d’un travail commun quand ces exercices pétitionnistes relèvent plus des moutons de Panurge que d’autre chose. Enfin, avec ces prises de position répétées sur tout et n’importe quoi, le monde de la culture, les artistes qui en ont fait une véritable industrie se parent d’un engagement qui les fait passer pour des guerriers de papier et démontre qu’ils ne sont pas médiocres puisqu’au moins ils viennent à tout bout de champ nous imposer leur signature alors qu’on ne leur a rien demandé.

J’ai peur pour Gabriel Attal !

Il y a là sans doute la clé de cette embellie ministérielle : à la fois le sentiment que le meilleur est enfin possible mais qu’il est menacé parce qu’on a trop d’exemples où les crises et leur urgence, après un début de traitement, sont demeurées en déshérence. Gabriel Attal apparaît bien, comme le souligne Alain Finkielkraut dans Causeur, comme « l’espoir terminal ». C’est en même temps sa fore mais sa faiblesse si les résistances conservatrices (j’y inclus le syndicalisme de gauche dominant dans dans le monde de l’Education) prennent le dessus et bloquent un processus de transformation. On a évidemment le droit de le contester mais rien dans son élaboration n’est absurde. Tout ce qui est envisagé par le ministre et déjà mis en oeuvre sur des points importants, représente une plénitude qui n’oublie rien d’essentiel, de l’autorité, de la discipline, du port expérimenté de l’uniforme, jusqu’à l’enseignement lui-même et à la restauration de la légitimité des professeurs face aux élèves et aux parents.

Il préside, nous attendons…

Pourquoi, alors, cette démocratie semble-t-elle si vide de sens en des périodes comme celle qui depuis les voeux du président, nous interpelle sur notre futur gouvernemental ? parce qu’Emmanuel Macron l’a voulu ainsi et qu’il tient en attente tous ceux qui pourraient être directement concernés par ce changement, tellement annoncé qu’en définitive il pourrait bien ne pas avoir lieu… On sait que le président est animé par le refus d’agir sous quelque pression que ce soit et par le désir poussé jusqu’à l’absurde de défier tous les pronostics en n’accomplissant jamais ce que la situation politique et l’état du pays sembleraient commander…

On a connu un Jean-Luc Mélenchon heureux…

Nous ne sommes pas obligés de partager l’enthousiasme de Pierre Moscovici sur Lionel Jospin même si ceux qui ont travaillé avec lui sont à peu près accordés avec cette vision positive. Mais il est sûr que ce Premier ministre avait compris les forces et les faiblesses de Jean-Luc Mélenchon et qu’il avait réussi à tirer le meilleur de ce ministre à la fois difficile et discipliné. Parce qu’on oublie trop souvent que, derrière les fureurs et les provocations du Mélenchon d’avant la Nupes, de la Nupes puis de LFI seule, il y a d’abord un homme qui a besoin de se faire aimer, d’être aimé. Il détesterait évidemment cette manière de le réduire à une dimension « psychologisante ». Il s’arc-boute d’autant plus sur son idéologie qu’il est trop lucide pour ne pas la sentir comme un rempart contre ses fragilités de caractère.

Voeux…

Tous nos souhaits, en espérant le meilleur pour chacun d’entre vous. Que 2024 vous comble !

Ma trinité profane…

Il serait lassant pour vous que je dise à nouveau ma sainte horreur de ces inventaires de fin d’année, de cette sélection rétrospective qui essaie de dégager les meilleurs moments de l’année passée et d’honorer les quelques personnalités qui l’ont illustrée. Un zeste sadique, j’avais formé le projet de transgresser les règles du jeu et de faire le classement de ceux (en français : hommes et femmes) dont on avait trop parlé et je ne doute pas que ma liste aurait été bien remplie. Mais je ne vais pas commencer cette nouvelle année sur un mode provocateur. Je vais me contenter, comme il convient, de choisir dans l’immense vivier géopolitique et national, ma trinité profane, les trois événements ou tendances qui m’ont paru, essentiellement sur le plan politique, donner un caractère spécifique à 2023.

Althusser à rien, vraiment ?

Depuis toujours, le récit philosophico-politique qui a été donné de l’histoire de cette strangulation s’est focalisé exclusivement sur l’auteur, occultant la victime. Alors que les circonstances de l’acte (son épouse voulant le quitter) et les événements l’ayant précédé, avec notamment la très forte tension régnant entre ces deux personnalités et la domination du mari sur l’épouse, permettent aujourd’hui de le placer sous la bannière « féminicide ». L’admiration de l’environnement de la rue d’Ulm, des proches, des amis, pour le génie philosophique et l’aura intellectuelle de Louis Althusser, a engendré l’occultation de son épouse, alors qu’il s’agissait d’un être de très grande qualité. Hélène Rytmann a été tuée dans des conditions qui font s’interroger sur la mythologie développée autour de son époux.