Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Georges Pompidou : un grand président qui manque plus que jamais…

Pompidou. Une vraie culture nourrie par les humanités et la poésie, une proximité sans vulgarité, une densité intellectuelle sans afféteries, un bon sens éloigné de tout snobisme, une rectitude ne se dissipant pas du jour au lendemain, au gré de vents démagogiques, une solidité fuyant les simagrées élyséennes festives ou incongrues, une pudeur publique n’affichant pas son amour privé, de l’allure et en même temps de l’accessibilité. Tout pour se faire mieux comprendre de la France et des Français, rien pour l’exposition vaniteuse de soi.

Yasmina Reza, bien plus qu’une femme…

Mon admiration va vers une finesse et une intelligence hors de pair où on sent, sans qu’elle la présente de manière vulgaire et ostentatoire, une philosophie de pessimisme souriant, de tendre désabusement pour tous ces humains dans lesquels elle se place. En même temps que par la conscience de leur finitude, ils sont habités par l’énergie de vivre et jouent comme ils peuvent dans la comédie cynique, ironique, drôle, tragique et déchirante de leur existence.

D’accord avec Pascal Praud, à deux nuances près !

La multitude des dysfonctionnements, reculades, lâchetés et faiblesses constituent des épisodes infiniment regrettables, voire traumatisants, mais ils ne peuvent pas être globalisés de telle sorte que notre pays serait lui-même considéré comme profondément gangrené dans ses tréfonds. L’islamisme gagne des batailles mais la France elle-même n’a pas perdu la guerre contre lui. Notre démocratie malmenée, attaquée, n’a pas été vaincue.

Emmanuel Macron parle pour faire taire Gabriel Attal…

Ce président qui, un trait de temps il y a si longtemps, nous avait promis une parole rare pour redonner à la charge suprême tenue, distance et sérénité, a dépassé ses prédécesseurs dans l’exercice d’une oralité profuse qui, mêlant l’essentiel à l’accessoire, donne du prix à ce dernier et dégrade celui-là. La conséquence immédiate de cette logorrhée, qui ne date pas d’aujourd’hui mais s’est amplifiée avec l’épée de Damoclès inéluctable du départ présidentiel en 2027, est que même ses soutiens les plus fidèles ne comprennent plus sa stratégie. Son verbe n’est plus écouté au point de devenir quasiment démonétisé, en vertu de ce principe que la surabondance verbale, de la part d’un homme dont on espère au contraire économie et densité, manque sa cible et ne convainc plus personne.

Trop de victimes, trop de héros…

Des écrivains comme Pascal Bruckner sont infiniment utiles. Ils dessillent les yeux, les esprits, alertent sur les dérives d’une société qui va doucement vers sa perte : de plus en plus de passion victimaire, avec de l’héroïsme bradé et du civisme en baisse.

Ainsi, à Poutine aussi…

Quand j’ai appris l’horreur, ma naïveté, mon rêve de paix ont une seconde espéré. Malgré les menaces toujours aussi délirantes d’un Medvedev qui semble avoir perdu la tête en pratiquant un honteux extrémisme du langage, hier contre notre président, le 22 contre les dirigeants de l’Ukraine. Cette illusion fugace, si vite dissipée, se fondait sur le fait qu’il y aurait pu se créer avec ce massacre une sorte de fraternité liant les victimes de Daech et faisant passer au second plan toutes les autres considérations. Mais à l’évidence ce sentiment ne pouvait pas naître dans la tête d’un Poutine. Celui-ci est encore là pour longtemps et sa personnalité totalement cynique et abjecte va continuer à dominer un jeu international où sa supériorité, parce que dépourvue de toute morale, va l’emporter dans le rapport de force avec ses adversaires entravés. Contrairement à lui, ils ne peuvent pas, ils ne doivent pas, tout s’autoriser.

Un Garde qui ne protège pas…

Il est essentiel de ne jamais oublier que dans la nuit la plus sombre, il existe la possibilité du jour. Ce n’est pas seulement symbolique, c’est fondamental : si les magistrats, sur lesquels on compte, ne croient plus en eux parce que le réel les a vaincus, la société est perdue. Une telle sûreté de soi est d’autant plus nécessaire qu’ils ont un garde des Sceaux qui ne les protège pas. Il préfère entendre dire du bien de lui que du mal sur des désastres marseillais et autres que l’impuissance verbeuse et intermittente du pouvoir rend insupportables. Comme s’ils étaient irréversibles.

À l’intention de Xavier Bertrand, un ami qui lui veut du bien…

LR ne court donc pas après le RN puisque les exigences de sécurité et de justice n’ont pas été inventées par le RN. Même s’il a été éclaireur sur certains points, mais on n’écoutait pas le « diable » Jean-Marie Le Pen, elles existaient depuis toujours au coeur de la droite longtemps effarouchée, dans son expression, par d’absurdes frilosités.

Pourquoi les promesses sont-elles si rarement tenues ?

Je ne supporte pas les personnes qui ne se battent pas pour respecter leurs engagements. Parce qu’elles ne se respectent pas, ne nous respectent pas, affichent une inconsistance et une vacuité porteuses de lourdes menaces sur l’ensemble de leurs activités. Il y a une éthique de l’engagement tenu, comme il y a une malfaisance de la promesse négligée ou laissée délibérément à l’abandon.

Emmanuel Macron entre guerre et paix…

Quelle que soit la malfaisance d’un Poutine dont il ne faudra rien attendre sur le plan de la rationalité diplomatique mais tout dans le registre de la provocation sanglante, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Russie, il conviendra bien, un jour, d’être plus intelligent que lui. De Poutine ne surgira que le pire : laisser une chance au meilleur ne pourrait-il être notre honneur français ? Il ne viendra pas par enchantement mais par volonté.

Kylian Dupont ?

L’un, le footballeur, sûr de soi, à la parole facile, habile à répondre aux médias et déjouant les pièges des journalistes, inséré dans une stratégie d’ambition et de pouvoir, souhaitant, grâce à celle-ci, à la fois la gloire et la fortune. L’autre, le rugbyman, non pas timide mais modeste, fuyant une lumière trop vive, mal à l’aise avec les éloges même justifiés, certain de n’être rien tout seul, à la parole non pas maladroite mais minimaliste, retenue, sans éclat mais toujours juste et opportune. Le premier a une personnalité qui irradie, le second, une personnalité qu’on estime. Les excès calculés de l’un ne font pas oublier les prudences lucides de l’autre.

Ardente Ardant…

Je ne crois pas qu’on puisse, même avec une joyeuse résignation, soutenir à quelque âge que ce soit que les jeux sont faits. Il y a toujours du futur et de l’indéterminé, du possible, de la surprise en attente. C’est pour cela que je n’ai jamais jugé « la vieillesse comme un naufrage », à partir du moment où on ne l’appréhendait pas comme une fin mais telle une nouvelle page de sa destinée. L’inquiétude sur la finitude n’en était pas dissipée pour autant mais au moins, au quotidien, l’intensité ne faisait jamais défaut. Comme je comprends Fanny Ardant qui, dans l’arbitrage à opérer qui propose son alternative à tout instant, choisit cette intensité. Avec la démonstration éclatante de la nécessité de soi, plutôt que le parfum tiède du bonheur. La certitude de la flamme plus que la béatitude trompeuse du feu doux.

François Saint-Pierre, un avocat pour l’honneur…

François Saint-Pierre vient de publier un livre passionnant, précis, documenté, cinglant derrière son apparente froideur qui est d’autant plus convaincante qu’elle fait l’économie d’indignations trop faciles et d’accusations excessives. Il a pour titre : « Trois procès extraordinaires – Récit – Deux magistrats et un ministre de la Justice en procès » (LGDJ Éditions). Il a été l’avocat du juge d’instruction Edouard Levrault et du procureur Patrice Amar. Deux magistrats qui, devant le Conseil supérieur de la magistrature réuni en matière disciplinaire, ont été totalement exonérés des griefs formulés contre eux à la suite de procédures initiées par le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti.