Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Macron fait compliqué, Attal simple !

Emmanuel Macron se débat dans des difficultés extrêmes – qu’il a lui-même causées en grande partie -, la tête lourde, toute grâce envolée, avec un discrédit à la fois politique (beaucoup de ses soutiens sont déçus) et populaire (une majorité de citoyens lui est hostile). Pendant ce temps, Gabriel Attal, au contraire, du ministère de l’Éducation nationale à Matignon, de Matignon à ses suites où son courroux l’a incité à prendre son autonomie et à substituer sa formidable activité à l’atonie d’un président incertain, se trouve partout, fait feu de tout bois, a réponse à tout, sourit à tous et fait preuve d’allégresse comme si la France allait bien ou comme si déjà elle n’attendait que lui.

Que sait Patrick Boucheron de nos peurs ?

Si on met entre parenthèses l’intermède qui se veut magique des JO, où donc pourrait résider, sur le plan national et international, une espérance suffisamment forte pour nous faire entrevoir le meilleur, une réalité assez positive pour ne pas nous faire craindre le futur, une confiance tellement assurée à nos gouvernants, à notre classe politique, aux responsables de nos démocraties qu’elle puisse nous débarrasser du moindre doute sur la conduite du monde, une naïveté tellement béate sur l’état de notre société qu’elle nous rendrait aveugle à ceux qui n’ont pour ambition que de la détruire, de la subvertir ?

Antoine Dupont : un autre génie français…

Cette alliance irréprochable entre le génie sportif d’Antoine Dupont avec ses qualités physiques hors du commun, et son esprit de solidarité altruiste – rien pour sa propre gloire ou pire, sa vanité, tout pour l’équipe – est sans doute le trait le plus remarquable de ce jeune homme. Il se met sur le terrain au service des autres en même temps qu’il se distingue par des actions d’éclat.

Magnifique… et quelques points de détail !

Je ne vois aucune raison de dénier le caractère globalement somptueux, inventif, original de ce qui a été présenté le 26 juillet et qui a enthousiasmé non seulement une majorité de Français mais les médias du monde entier. C’était un défi et la France l’a relevé. Il fallait faire plus grand, plus beau, plus fort, plus singulier que les autres cérémonies d’ouverture et le pari a été tenu. Félicitations sincères à Tony Estanguet l’organisateur et Thomas Jolly le metteur en scène, qui ont été les maîtres d’oeuvre de cette fabuleuse victoire contre tous les pessimistes qui depuis longtemps, et sans savoir, jugeaient raté un spectacle qu’ils n’avaient pas encore vu.

Pas de médaille d’or pour la vitesse politique !

Le président aura à choisir un Premier ministre qui pourra se présenter devant l’Assemblée nationale en ayant le plus de chance d’obtenir une majorité. On voit bien par quoi est tenté Emmanuel Macron : une alliance entre le groupe macroniste et la Droite républicaine, qui sur certains thèmes importants, notamment régaliens, ne sera vraisemblablement pas en contradiction avec le RN. Pour l’instant, nous n’aurons pas la médaille d’or pour la vitesse politique. Mais si le président, après la calamiteuse dissolution et des élections législatives aux résultats dévoyés, s’oriente vers des perspectives qui seront un moindre mal, la France pourra obtenir une médaille d’argent. De bronze à la rigueur.

Donald Trump vaincu par la faiblesse démocrate ?

Les jeux ne sont pas faits et il n’est pas impossible qu’on se retrouve, pour ces futures élections américaines, face à ce que la vie offre dans beaucoup de ses registres les plus divers : la stupéfiante force, en définitive, d’une faiblesse se muant en arme.

Boris Vallaud aurait dû donner l’exemple…

Quelle déception quand j’ai appris que le socialiste Boris Vallaud (il est vrai avec certains autres de son parti, de LFI, des Écologistes et même du groupe Ensemble, au comportement aussi critiquable que le sien), avait refusé de serrer la main, lors de l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale, du député RN Flavien Termet qui, étant le benjamin de tous, avait un rôle précis à jouer. Au regard du parcours qui est celui de Boris Vallaud, de sa capacité que je présumais de savoir distinguer la politesse élémentaire de l’adhésion partisane, je n’imaginais pas un tel puéril manque de savoir-vivre politique et de respect des usages. Cette Assemblée, dans notre démocratie, doit être un lieu de débats et de confrontations, il est devenu celui des grossièretés honteuses.

La démocratie absente partout…

J’éprouve, comme citoyen, cette bizarre impression que les dés sont délibérément pipés. Comme si l’essentiel de la vie politique, depuis quelque temps, n’était plus de faire gagner ses couleurs mais de faire perdre celles qu’on abhorre. Qu’elles soient, comme d’habitude, celles d’un Rassemblement national à la fois solitaire mais revigoré ou, plus conjoncturellement, de la France Insoumise victime de ce même discrédit qui prétend trier le bon grain et l’ivraie à partir pourtant d’une même légitimité parlementaire.

Attal prend le large, le Nouveau Front Populaire l’eau…

On n’a jamais connu une période politique comme celle-ci. De tous côtés, c’est l’inquiétude, la sarabande, les ambitions enfin délivrées de leur gangue présidentielle, le progressisme affiché volant en éclats, le président de la République continuant à parler comme s’il était écouté, Gabriel Attal et Gérald Darmanin s’ébrouant dans des sens différents et avec des stratégies opposées, le Nouveau Front Populaire, bas du front, pas du tout nouveau et absolument pas populaire, confronté, après l’exaltation factice, à la dure loi des rapports de force, le Rassemblement National volé hier, électoralement parlant, par des désistements contre-nature et sans doute spolié à l’Assemblée nationale par un cordon prétendu sanitaire, une démocratie globalement mise à mal…

Donald Trump passé du côté coeur…

La cause est entendue. Au mois de novembre, Donald Trump (DT) sera élu président des États-Unis. À cause de la sénilité intermittente de Joe Biden et du dernier débat entre eux, qui l’a vu sombrer. Grâce à, si j’ose dire, la tentative d’assassinat dont DT a été victime et qui à un centimètre près aurait pu être mortelle. Le comportement de DT, après la commission de ce crime, a été admirable de courage et supérieurement habile sur le plan politique, en manifestant des vertus de combat et de résistance magnifiées par la tragédie à laquelle il avait échappé par miracle, une sauvegarde exploitée comme un signe du destin.

L’audiovisuel public : un petit air italien…

Même si le Rassemblement national n’est pas arrivé au pouvoir après le second tour des élections législatives, il est difficile de contester que la France penche très fortement à droite. Et que l’audiovisuel public a un parfum subtil ou ostentatoire de gauche. Cette donnée est aisément vérifiable au quotidien et peut s’expliquer d’abord par la logique profonde des médias publics qui, à mon sens de manière perverse, assimile le pouvoir à la droite et se vit comme un contre-pouvoir. La gauche est perçue par eux comme l’alliée naturelle du progrès, de la liberté d’expression et de l’impartialité.

Rencontre fugace avec Jeanne Balibar…

La citoyenne Jeanne Balibar a évidemment le droit, alors qu’elle a une sensibilité de gauche extrême, d’exprimer ses convictions sur ce plan mais je ne peux m’empêcher de percevoir un contraste troublant entre son élégance morale et intellectuelle sur le passé et sa fureur au présent. Comme si j’espérais une autre expression, plus apaisée, de son idéologie.

Se mettre à table, une honte ?

Édouard Philippe s’est vu reprocher de s’être attablé au mois de décembre 2023 avec Marine Le Pen. Ce dîner aurait dû demeurer secret. L’ancien Premier ministre a été questionné comme s’il s’agissait d’une honte, d’un scandale. Marine Le Pen estimant, elle, que « c’était tout à fait normal ». Imaginons que demain on apprenne que Gérald Darmanin a dîné en secret avec Jean-Luc Mélenchon : il y aurait le même type de controverse. Aussi aberrante. Comme si nous étions en guerre humaine et pas seulement en contradiction politique. La haine que ses ennemis reprochent au RN de diffuser, est en réalité partout dans le monde politique. On a peur de se mettre à table pour n’être pas tenté d’écouter, de comprendre ou, qui sait, d’approuver ?