Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Un grand ministère de la sécurité nationale : Michel Barnier a raison…

Un grand pôle « sécurité, justice, immigration » est prévu à Matignon et, comme il se doit, les syndicats judiciaires dénoncent d’une voix unie l’absence d’un conseiller « justice » autonome. Cette protestation ne doit pas émouvoir le Premier ministre dès lors que ce regroupement correspond à une logique forte et que par ailleurs Michel Barnier, quand il était candidat à l’investiture LR lors de la primaire en 2021, avait formulé à mon sens une excellente proposition : celle d’un grand ministère de la sécurité nationale réunissant justice et intérieur.

Le triomphe de l’échec…

Le triomphe de l’échec a mille facettes. Il est la conséquence d’une sorte de lassitude face à l’effort que l’excellence implique. Comme on n’en peut plus de cette tension quotidienne et épuisante pour atteindre le meilleur, on a décrété que le pire ne doit plus être un motif de discrimination, ni susciter un risque d’exclusion. Il s’agit d’un ajustement, d’une adaptation. Comme au fond on a abandonné la partie, on a décidé que la perdre était une aubaine, une solution.

Pardon mais j’aime bien François Hollande…

Attentif aux réponses de François Hollande, sensible à la qualité de sa forme, j’ai compris que j’étais d’abord séduit par une intelligence en train de se déployer sans esbroufe. Une rationalité, une mesure, un maniement des idées et des concepts, une logique qui, s’ils ne créaient pas nécessairement une adhésion partisane – on ne devenait pas socialiste comme par magie – aboutissaient tout de même à cette conclusion que celui qui s’exprimait méritait d’être écouté et valait la peine d’être respecté. Et j’ai perçu à quel point je parvenais donc à distinguer l’intelligence nue de l’idéologie qui constituait une traduction orientée, belliqueuse – quoique urbaine dans la bouche de FH -, parcellaire de la réalité nationale, notamment élyséenne et parlementaire.

La France est-elle vraiment de droite ?

Une droite ne se trahit pas quand une gauche honorable vient au moins partiellement la tenter. Une gauche ne devrait pas refuser d’être irriguée par le meilleur de la droite : changer et réformer seulement quand il convient, conserver s’il le faut. Au fond, j’aspire à une France entière.

Avec Pierre Adrian, on pardonne tout à Cesare Pavese…

Cesare Pavese a été tenaillé toute son existence par le désir de s’effacer. Même si ceux qui l’entendaient l’évoquer pouvaient en douter, lui n’ignorait pas que cette morsure intime, un jour, trouverait son tragique accomplissement. J’écris « tragique » mais je suis persuadé que lui-même n’aurait pas qualifié telle cette issue, tant l’évolution du monde, de la société, leur défiguration par rapport au bonheur de ses origines rurales, dans cette vie paysanne chassée par l’urbanisation et l’industrialisation, dont il a eu sans cesse douloureusement la nostalgie, ses propres difficultés d’être et de pouvoir aimer charnellement, sa conscience à la fois de vouloir rejoindre les autres et de ne pas le pouvoir, ne pouvaient que le conduire inéluctablement vers ce suicide.

Ne jouons pas sur les maux !

Michel Barnier mènera son action de redressement en n’étant pas tétanisé, je l’espère, par ceux qui au RN ou dans le macronisme, n’ont pour seule envie que l’alternance d’un pouce levé ou baissé, ou la menace intermittente d’une épée de Damoclès. Si ces partis s’adonnent à cette comédie, ils seront responsables et coupables de non-assistance à pays en danger. Jouer sur les maux sera une honte.

Faire barrage : est-ce une politique ?

Quand un tel radotage démocratique se développe au point de lasser une infinité de citoyens que nos débats et notre décalage avec leurs authentiques et douloureuses difficultés n’intéressent plus, lorsque faire barrage devient le mot d’ordre, la plupart du temps, du désordre, de la violence, de la censure et de l’étouffement des paroles antagonistes ou dissidentes, on devrait comprendre qu’il y a un radical changement de registre à opérer. Si on souhaite à toute force s’ériger en constructeurs, soyons plus tentés par les ponts que par les barrages, par les liens plus que par les ostracismes.

Et maintenant, quel gouvernement ?

On a enfin un Premier ministre : Michel Barnier. Ce n’est pas parce qu’on a échappé à Lucie Castets que les choses vont être simples pour le premier qui va se trouver dans le registre d’une cohabitation qu’on espère respectueuse – pas de doute avec MB – mais ferme, avec un président de la République défait qui nous a fait languir au-delà de toute mesure. On nous annonce que les fils ont déjà commencé à être coupés avec Matignon. Tant mieux.

X : l’ignominie au quotidien…

Ces twittos, quel fond, quel caractère est donc le leur ? Sont-ils dénués de toute sensibilité ? N’ont-ils que des pulsions négatives qui les conduisent à cracher sur la noblesse de certaines personnalités ? Sont-ils tellement pauvres dans l’usage du langage qu’ils en sont réduits à l’insulte ? Se rendent-ils compte de leur ignominie ou leur rapport avec autrui n’est-il fait que de mépris et d’un défaut radical d’empathie ? Est-il trop tard pour leur apprendre les bases minimales du respect de l’autre et les règles les plus élémentaires de la vie en société ?

Dominique P : encore une affaire de pouvoir…

L’ensemble de ce dispositif et de cette quotidienneté perverse et criminelle, alors qu’il donnait l’apparence d’un époux paisible et d’un père affectueux (le couple a trois enfants), met en lumière la psychologie et l’arrogance d’un homme de pouvoir, d’un dominateur refusant le moindre hasard, la moindre surprise, au bénéfice d’un quadrillage lui offrant l’opportunité et l’avantage, à tout instant, d’une totale maîtrise de son épouse, de son corps comme du corps des autres. Le dédoublement entre l’être ordinaire, « normal » en quelque sorte, et le criminel pervers, créateur, observateur et voyeur, devait probablement susciter en lui une volupté supérieure. Le pouvoir est partout.

Nicolas Sarkozy a raison…

On aurait attendu de cette droite une acceptation évidente de cette mission qui aurait été à la fois une charge et un honneur. Et, plutôt que de quémander à Emmanuel Macron son aval pour tout, elle aurait dû contraindre le président à seulement prendre acte de la réalité de ses entreprises et de ce que le pays exigeait pour sa sauvegarde. La droite est tombée dans le piège inverse : aussi faraude qu’elle a prétendu apparaître, elle s’est placée subtilement sous le joug du président pour, allons jusque-là, se donner bonne conscience en fuyant ses responsabilités opératoires.

Ai-je raison d’être obsédé par la politesse au quotidien ?

J’ai conscience que la focalisation sur ce premier signe anodin d’une décivilisation révèle que je suis trop sensible à ce que ma personnalité n’est pas loin de percevoir comme un abandon, une abstention blessante. Comme si j’attendais de l’humain, au fil de l’âge paradoxalement, une chaleur, une empathie, une fraternité plus vives alors qu’au contraire le mouvement est inverse : les preuves superficielles de notre communauté d’existence s’amenuisent.

La télé : la paille et la poutre…

Dans la vie intellectuelle et médiatique, il me semble que nous n’avons pas le choix. Les idées sont faites pour être discutées, contredites ou approuvées. Avec l’élémentaire courtoisie de bien écouter l’autre avant. Certes on peut être plus qu’agacé par la manière dont certains conçoivent le débat, le simplifient à l’extrême ou le fuient. Mais il faut tenir et ne pas chercher d’autre remède que sa propre parole en réplique.