Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Vive le populisme du quotidien !

La mère de Lola touche nos esprits et nos coeurs quand elle énonce ce que la tragédie lui a enseigné : « Malheureusement on est impuissant. On ne peut rien faire contre tous ces drames. C’est la France… J’espère qu’un jour les choses bougeront et que tout sera fait pour lutter contre toute la violence et l’insécurité qu’il y a dans ce pays. Il faut reconnaître que c’est de pire en pire… On a l’impression qu’on enlève tout aux policiers qui sont là pour nous protéger, alors que les voyous sont récompensés. Ce n’est pas normal. Il faut aussi que les gens qui n’ont rien à faire chez nous restent chez eux ». C’est la traduction simple et émouvante du populisme que Marcel Gauchet a défendu. Un populisme du quotidien. Et faut-il vraiment, pour que la gauche politique et médiatique se rengorge, après un tel témoignage, s’en prendre à Bruno Retailleau qui n’a que le tort de penser et d’agir comme une immense majorité le souhaite ?

Dois-je me plier à « une éthique du silence » ?

Je vais dorénavant m’attacher davantage, non pas à la mesure (qui n’est ni tiédeur ni faiblesse mais victoire contre l’outrance) mais à son éventuelle conséquence éthique : le silence. Il y a une morale qui prône la liberté d’expression, la volonté d’être soi. Pourquoi pas une morale du silence éloquent ?

Bruno Retailleau n’est pas « un cas »…

Bruno Retailleau suscite une adhésion de plus en plus nette de la majorité nationale sur laquelle il s’appuie, et l’étonnement de ceux qui, depuis trop longtemps, avaient fait une croix sur la possibilité d’une durable sincérité politique. C’est d’abord cette caractéristique que je désire mettre en lumière. Je me souviens des critiques sur son apparence austère, avant même qu’il soit ministre. J’avais été surpris qu’on lui appliquât les mêmes critères que ceux généralement réservés, absurdement, aux femmes en politique. Cette impression aujourd’hui me paraît fondamentale parce qu’elle sort radicalement BR des stratégies de séduction qui consistent à dissimuler par tactique ce qu’on est vraiment et à offrir au citoyen ce qu’il désire entendre. La démagogie étant reine, et non pas le courage de la sincérité, qui est pourtant le moyen le plus efficace et le plus direct pour convaincre les Français.

Le président Macron inspire-t-il de la pitié ou de la colère ?

Le citoyen français peut accepter de laisser aller entre pitié et colère sa perception des actions d’Emmanuel Macron. Parfois il tentera de lui rendre justice mais, plus souvent, il sera dans l’incompréhension de ce président qui paraît demeurer étranger à l’impression qu’il donne, détaché de ce qui pourrait ressembler à une préoccupation démocratique. Cette sorte de superbe qu’il manifeste en toute occasion peut égarer, car elle masque le fait que sa présidence, lors du premier mandat et depuis sa réélection, a été confrontée à des crises dont il ne portait pas toujours la responsabilité. Sur le plan national comme dans le domaine international.

Le peuple contre l’esprit de parti…

La majorité nationale est en effet nationale puisqu’elle rassemble une France qui préfère la tranquillité publique et la sûreté des personnes et des biens à tous les esprits de parti privilégiant leur cause particulière contre l’intérêt général. Ce formidable soutien apporté à une action ministérielle vigoureuse, en totale contradiction avec ce que le macronisme a souvent eu de désespérément faible, offre une opportunité sans exemple pour pousser les feux dans le domaine de la sécurité et de la Justice, pour assurer une protection constante des forces de l’ordre et pour favoriser surtout une entreprise complémentaire efficace de nos deux ministres directement en charge de notre quotidienneté.

Il ne faut plus se laisser intimider !

Cette évidence que Bruno Retailleau énonce : « Quand le droit ne protège plus, il faut le changer », me paraît tellement à la fois de bon sens et d’un authentique humanisme (celui qui se met au service de la majorité des honnêtes gens et de la pluralité des victimes) qu’on aurait pu espérer un consensus quasi général. En effet, sur des statistiques aujourd’hui indiscutées qui révèlent un lien entre une immigration non contrôlée et la criminalité qui peut en en surgir, sur la très faible exécution des OQTF et, plus généralement des peines, sur l’absurde loi sur les mineurs de 2021, le ministre de l’Intérieur affirme ce que la rectitude intellectuelle et le réalisme social et politique devraient inspirer à tous.

Qui est légitime pour parler d’Israël ?

Nous sommes évidemment tous légitimes à parler d’Israël. Pour ma part, aussi limité que je me sente, je persiste à croire qu’il y a tout de même de la complexité dans ce terrifiant conflit israélo-palestinien et que nous avons besoin de nos amis juifs pour qu’ils acceptent aussi d’en irriguer leur pensée et leurs analyses. Pour que personne ne soit exclu de ce qui est, au-delà d’Israël, un enjeu de civilisation.

Le Monde donne l’exemple…

Cette relation directe et sans complaisance instaurée entre le citoyen lecteur du Monde et ce journal me paraît représenter une démarche infiniment positive à la fois pour le premier qui ne demeurera plus dans la frustration de l’incertitude ou de l’énervement et pour le second qui tirera profit, je l’espère, des doléances, des critiques ou même des indignations. Ce lien est unique qui, dépassant la lecture singulière, peut permettre à chacun de contribuer à sa manière à la réflexion du quotidien sur lui-même et à l’éventuelle révision de certains de ses préjugés. Il conviendrait à mon sens de copier cette excellente rencontre mensuelle.

L’engagement est à Saint-Raphaël

Avoir pu parler avec Xavier Driencourt de l’Algérie, de De Gaulle avec Arnaud Teyssier, de l’immigration avec Didier Leschi et de Jean-Luc Mélenchon avec Pascal Bruckner a représenté des moments incomparables dans une ambiance quasiment amicale. On sort d’échanges et de débats d’une telle richesse avec un sentiment évident de contentement mais aussi avec la frustration d’avoir accumulé tant de questions qui devront attendre d’autres rencontres de cette sorte pour trouver leur réponse. S’engager à mon sens est une belle attitude qui n’est absolument pas contradictoire avec les nuances. Il y faut la volonté de s’affirmer, associée à une éthique du dialogue : écoute, respect, l’autre peut avoir raison ?

Philippine au coeur : un crime qui fait parler…

Quelle provocation d’entendre Emmanuel Macron demander une obligation de protection quand cela a été son accablante faiblesse lorsqu’il avait toute latitude, malgré un Gérald Darmanin qui tentait tant bien que mal de pallier ses manques ! Quelle crédibilité donner au président dans son verbe d’aujourd’hui alors qu’à plusieurs reprises il a manifesté son hostilité à l’égard de la police, prenant des positions légères et choquantes sur l’affaire Zecler ou la mort de Nahel. S’il a eu une constance dans le domaine régalien, c’est celle de l’inconstance de son soutien aux forces de l’ordre et à ceux qui donnaient le meilleur d’eux-mêmes pour la défense de notre démocratie. Il se trompe donc de cible en croyant, par sa triple injonction de « faire », mettre à mal le propos de Michel Barnier prescrivant de « davantage agir que parler ». Ou moquer l’avertissement trois fois répété de Bruno Retailleau sur « le maintien de l’ordre ».

Didier Migaud et Bruno Retailleau, un couple qui doit déjouer les mauvais augures…

Bruno Retailleau et Didier Migaud ont conscience de l’impératif qui pèse sur eux, brutalement résumé par cette interdiction : ils ne peuvent se permettre d’échouer, non seulement dans leur pratique et leurs résultats ministériels mais dans la qualité de leurs relations professionnelles et la solidarité de leurs actions. Il n’y a aucune raison, en effet, pour qu’une sensibilité de droite, courageuse, libre et constante soit désaccordée d’avec la vision responsable d’un homme étiqueté de gauche. À condition que l’Intérieur et la Justice ne soient pas vécus seulement comme des opportunités de défendre policiers ou magistrats sans que soient dénoncés les vices de chacun des systèmes dans lesquels ils exercent.

Contre Michel Barnier : le pire de la politique…

Au regard de la tonalité des propos, des comportements et des critiques de ses adversaires, MB doit-il se couvrir de cendres parce qu’il aurait contre lui et certains de ses ministres le pire de la politique ? Bien sûr que non. Dans aucun discours, dans aucune argumentation, je n’ai entendu une once de politesse républicaine, de sagesse démocratique. Pour la France, quoi qu’on pense de ce gouvernement, il faut souhaiter qu’il réussisse autant qu’on le peut dans ce monde dangereux, imprévisible et parfois illisible. Le président de la République a exprimé ce voeu en désirant qu’il soit partagé. Comme il croit pouvoir être le remède après avoir engendré le mal, je doute qu’il soit écouté. Mais est-ce trop demander à tous que de ne pas s’abandonner au pire de la politique ?

Liberté, on ne te chérit pas !

Avant même l’exigence de vérité, pourtant fondamentale, domine la prescription de ce qui est convenable et bienséant. Décrire la réalité telle qu’elle est ne saurait constituer un motif d’indulgence puisqu’il convient, quand on a compris l’époque, de sélectionner en son sein ce qui est audible et admissible au détriment de ce qui serait peut-être vrai. Non plus la liberté de tout dire mais la morale frileuse de savoir taire. Ce climat offre d’ailleurs plus d’un paradoxe. Un mélange de vulgarités et de grossièretés qui n’émeuvent personne et de pudeurs de chaisière qui hypertrophient des moments parfaitement normaux. On n’est tellement plus habitué à des affrontements vigoureux sur le fond mais courtois dans la forme que n’importe quelle vivacité est perçue comme un clash, tout parler-vrai comme une offense.