Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Un Debré au-dessus de zéro ?

À considérer le parcours de Jean-Louis Debré, il a été un magistrat oubliable, un ministre de l’Intérieur remplaçable et s’il a été vanté comme président de l’Assemblée nationale, on comprend aisément pourquoi : il suffit, avec une démagogie qu’on qualifie de républicaine, de complaire presque plus à l’opposition qu’à sa majorité. C’est forcément très admiré par la première et la seconde est obligée de s’aligner ! Président du Conseil constitutionnel, il a eu la chance d’être assisté – en a-t-il eu conscience ? – par un secrétaire général d’exception qui a d’une certaine manière « tué » le métier : Jean-Eric Schoettl.

La désunion des droites : une obligation morale ?

Face à un front apparemment solide contre cette union à laquelle le peuple de droite aspire pourtant en grande majorité, on ne peut que s’étonner de voir tant de faiblesses partisanes faire la fine bouche. Comme si elles avaient des leçons à donner et que leur autonomie avait engendré des effets spectaculaires aujourd’hui comme hier. En réalité, l’union revigorerait ce qui, séparé, périclite. Le citoyen aurait enfin la certitude de voir la tactique politique rejoindre le bon sens et l’efficacité. Je suis persuadé que l’union, si elle était voulue avec enthousiasme, serait aussi un moyen performant pour atténuer les défauts qu’avaient chaque parti avant, pour les fondre dans un ensemble plus satisfaisant.

Michel Onfray : jamais deux sans trois…

Mon entretien à ne pas manquer avec un Michel Onfray en pleine forme et en totale sincérité. Pour la troisième fois, il a bien voulu être « soumis à la question ».

Jérôme Garcin : l’amitié et la critique sont-elles compatibles ?

Jérôme Garcin a totalement raison de célébrer les écrivains résistants, mêlant à leur talent le courage d’affronter le nazisme et pour quelques-uns d’y perdre leur existence. Mais j’ai eu parfois l’impression, à le lire, qu’il fallait avoir résisté pour bien écrire, pour être qualifié de grand écrivain. Je n’irais pas jusqu’à placer Céline au-dessus de tous parce qu’il a révolutionné la langue française mais avoir ébloui avec Le Voyage ou Mort à crédit n’est pas à négliger. Dans ce beau petit livre, je suis touché indirectement par l’autoportrait de Garcin : la littérature n’est pas tout pour lui, le courage est capital, dire non plutôt que oui, face à l’intolérable, est exemplaire, la vie n’est pas un long fleuve tranquille mais une lutte où il faut savoir se tenir.

En 2027, tout ce qu’il ne faudra pas faire et être…

À partir de tout ce dont Emmanuel Macron devra nous détourner, qui mériterait de l’emporter ? Il y a ceux clairement à laisser de côté, les faux durs, les vrais mous, ceux qui portent encore trop de leur passé dans le présent d’un côté. Et de l’autre ceux qu’on néglige, qu’on prend de haut, ceux qui ne sont pas obsédés par 2027 parce que l’état de la France est leur angoisse maintenant, tous les jours, ceux qui sont sincères quand ils affirment ne pas ressentir cette ambition pour le futur. Je vous laisse deviner. Merci à Emmanuel Macron qui se voyait comme un modèle et finit comme un contre-exemple.

Mon opposition qui s’appelle la vie…

En quelques circonstances, je me suis tellement inquiété d’avoir une vision fixe dans beaucoup de domaines de la vie intellectuelle, politique, sociale et culturelle que je m’en suis évadé ; non pas tant parce qu’elle aurait été erronée mais à cause d’un excès de stabilité la rendant peut-être dépassée, inadaptée. Puisque je suis de l’opposition qui s’appelle la vie. Combattre, se combattre, se vouloir promesse, virtualité, souplesse, ajustement, liberté, à n’importe quel âge : un programme qui peut justifier une existence.

Les députés ne donnent plus le bon exemple !

Il n’y a pas d’autre solution pour entraver le délitement moral et républicain que de se dresser contre cet abandon, cette médiocrité qui fait que certains députés eux-mêmes ne sont pas gênés de tomber dans des délits, de n’être plus des modèles, de s’en féliciter même. Le citoyen a une responsabilité dans ce désastre démocratique s’il se contente, le temps volatil d’une information, d’en prendre acte et de considérer l’attitude d’un Andy Kerbrat comme une manifestation normale de cet adage « autre temps, autres moeurs », telle une inévitable plongée dans le pire.

La gauche médiatique est perverse !

Une apothéose de la mauvaise foi consiste à stigmatiser ses adversaires, leurs propos ou leurs écrits, comme immoraux au lieu de les contester politiquement. On les fait passer du registre de la contradiction à celui de la damnation. Une damnation en quelque sorte d’emblée inscrite, par malice idéologique, dans la formulation. Cette manière de donner à l’énoncé d’une idée, à l’expression d’une opinion, un tour diabolique est redoutable parce qu’elle induit dans la tête du lecteur, de l’auditeur ou du téléspectateur une évidence de malfaisance jamais à démontrer. Il y a tout un vocabulaire que la gauche médiatique s’est appropriée et qui lui offre le grand avantage, croit-elle, d’être accablant par lui-même.

Une politique de la tenue : de Kylian Mbappé et de quelques autres…

En effet, au regard de ce que j’entends par « politique de la tenue », si Kylian Mbappé peut être classé comme une personnalité qui en a manqué, les exemples sont multiples qui montrent que l’exigence de la tenue, à rapprocher de l’obligation de décence, est en chute libre, aussi bien dans les registres de la quotidienneté banale, de la vie politique, que de l’univers médiatique et artistique. C’est même sans doute, à y regarder de près, l’évolution de notre société sur le plan de la forme, définie comme une manière d’être au monde, de se comporter comme il convient, de parler, de dialoguer avec autrui, de respecter son prochain et de se fixer des limites précisément quand, privilégiés, on croit pouvoir s’en abstenir, qui constitue la dégradation fondamentale de notre communauté d’existence, de notre civilisation.

Richard Millet : un ostracisme désiré ?

Peut-être RM est-il d’une absolue sincérité en jugeant ce moment inopportun pour notre dialogue. Mais au risque de tomber dans une psychologie de pacotille, je me demande, sans vouloir l’offenser, si à la longue il n’y a pas une sorte de confort trouble à être l’ostracisé, le sulfureux, l’interdit, si le contraindre – à ma manière – à sortir durant une heure de ce statut n’était pas plus perturbant que bénéfique.

Bruno Le Maire a alerté, et ce serait lui le coupable ?

Il y a dans ce qui se prépare le risque d’une perversion française, courante sur le plan politique. Celui qui a dénoncé le scandale deviendra le coupable. Un bouc émissaire rêvé. Je suis sûr qu’un Bruno Le Maire, en totale indépendance et heureux de n’avoir plus à mesurer ou à travestir son verbe, entre solidarité et esprit critique, se fera une joie de remettre les pendules à l’heure. Le président pourra compter sur son petit groupe d’inconditionnels mais les faits sont têtus et les témoins nombreux.