Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

La tragédie de l’impuissance

Nulle part on ne doit baisser la garde pour que cette tragédie de l’impuissance, du plus sanglant au plus dangereusement et banalement quotidien, ne nous enferme pas dans cette lâcheté trop fréquente : il n’y a rien à faire puisque c’est fatal. J’espère que notre destin est à nous, qu’il repose encore un peu entre nos mains, dans notre résistance. Les citoyens doivent devenir les héros de leur histoire et les politiques leurs modèles.

Ils l’ont eu !

Mais mon souci dominant est qu’ils ont eu Michel Field, que France 2 a perdu et qu’on va applaudir. Michel Field est un ami, c’est vrai, mais un ami singulier : je peux dire du bien de lui sans mentir.

Devoir des politiques, droits des journalistes ?

J’espère que cette rareté de la parole présidentielle, cette « communication selon Macron » ne surgissent pas seulement maintenant pour éviter, empêcher tout couac avant les élections législatives mais qu’elles dureront parce qu’elles ne sont pas pour rien, en si peu de temps, dans l’adhésion majoritaire au nouveau style présidentiel. On avait besoin de respirer un autre air, d’une autre ère.

Pourvou qu’ça doure !

Entre l’exaltation non critique et la détestation unilatérale, dans les premiers temps a-t-on le droit de se dire seulement : « Pourvou qu’ça doure » ? Pourvu que ça doure !

Recomposition politique, plénitude de la Justice ?

Si l’investissement présidentiel est celui auquel j’aspire et que la Justice apparaisse enfin comme une institution à la hauteur des attentes populaires parce que sublimée par le haut, nous pourrions pour une fois nous trouver dans une situation exceptionnelle où plus rien n’interdirait à la magistrature d’être fière du grand métier qu’elle exerce et de substituer à ses récriminations et doléances habituelles l’élan d’un corps enfin sûr de soi.

Edouard Philippe : un homme-frontière

Que cette configuration n’ait pas une incidence décisive pour la suite législative est possible. Mais le président de la République aura, avec ce Premier ministre, respecté un engagement et créé un paysage. Un bouleversement du fond dans une forme redevenue respectable. Ces lignes qui bougent ne doivent pas déplaire à François Bayrou.

La France, c’est nous ou nous tous ?

J’ai été comblé par ses débuts. Restent cinq années pour ne pas nous décevoir. Comme le lui a murmuré François Hollande : bon courage !

Il ne faut pas le faire Vallser !

Je n’oublie pas que la classe politique est trop pauvre pour pouvoir se priver de lui. Il ne faut pas le faire Vallser et j’espère que le président Macron saura qu’il y a des bienveillances nécessaires qui offensent au moins autant qu’elles rassurent.

Emmanuel Macron ou la revanche de la nuance…

Ma seule interrogation après cette victoire tout de même éclatante, malgré les 16 millions de citoyens ayant refusé l’offre politique ou le civisme lui-même, portera sur la capacité du président Macron, face à la réalité qu’il va devoir affronter en France, en Europe et dans le monde, à savoir maintenir ou non l’impérieuse nécessité de la nuance. Contre toutes les brutalités qu’imposent l’urgence de l’action et l’action de l’urgence.

A côté de lui mais pas trop !

Revenons à François Hollande. Qu’il veuille bien rester à part mais pas à côté du nouveau président. Qu’il ne cherche pas à faire oublier par une influence et des avertissements officieux l’officiel manqué de son quinquennat.

Le président Macron a tout appris et n’a rien oublié…

Les élections législatives à venir seront passionnantes. Encore six semaines et on saura si ce président brillant, si intelligent et volontaire disposera pour son action d’une majorité cohérente et structurée ou s’il devra composer. Mais pour la politique aussi je suis persuadé qu’il a tout appris et rien oublié.

Imaginons !

Mais une autre droite, « attachée à la mémoire longue, à un certain respect des traditions, à la protection de la famille, à un refus du multiculturalisme, à un minimum de souverainisme », et par ailleurs ferme sur le plan de la sécurité, du terrorisme et de la Justice – elle existe déjà – serait alors fondée enfin, sans être vilipendée, à mettre en oeuvre une union des droites incluant un FN rénové avec un autre nom, d’autres perspectives et plus soucieux de cumuler des forces que de s’en tenir à une hostilité, à une indépendance contre-productives.