Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

En France, personne n’est innocent !

Comment ne pas s’indigner des indécentes réactions à la suite de la condamnation définitive de Nicolas Sarkozy qui va bénéficier d’un bracelet électronique. La cour d’appel a souhaité cette modalité d’exécution de la peine, moins éprouvante qu’une incarcération. À quelques exceptions près, personne n’a relevé qu’il s’agissait d’une infraction formelle caractérisée dès le pacte téléphonique. Celui-ci n’avait pas à être protégé par le secret absolu régissant l’échange entre le conseil et son client puisque l’entretien traitait d’un délit à commettre, les conséquences (mises en oeuvre ou non) étant indifférentes…

La Corse : une France qui résiste…

Fi, ici, des doctes scepticismes, d’une conception intégriste de la laïcité, du refus des crèches, de cette volonté d’éradiquer tout ce qui de près ou de loin renvoie aux origines chrétiennes de la France. La Corse m’est apparue en ces derniers jours comme la revanche de l’émotion simple, spontanée, heureuse de s’exprimer sans la moindre honte ni la plus petite réserve, sur la rationalité contente d’elle-même.

Faut-il mépriser le Salvador ?

On a toujours tort de se moquer des exemples étrangers qui ont réussi. On doit les questionner, les adapter, les adopter. Surtout ne jamais les juger inconcevables chez nous. S’il convient de trancher entre une France enfin sûre et la douceur de notre État de droit, je n’hésite pas à tout réclamer pour la première. Comme le Salvador l’a fait pour lui.

Leur dernière chance…

François Bayrou, dans un rapport de force qu’il a gagné, s’est imposé au président de la République. Pour l’un et l’autre, il va s’agir de leur dernière chance. Pour Emmanuel Macron, cela va de soi. Si François Bayrou échoue, si une motion de censure renverse son gouvernement, je vois mal ce que le président pourra opposer aux blocages cette fois irréversibles dont la responsabilité initiale lui revient et à la constatation que son départ anticipé serait le seul remède. Pour François Bayrou, ce sera aussi l’ultime possibilité de démontrer ce qu’il vaut vraiment. Sans qu’on puisse douter de ses ombres ou de ses lumières : les unes et les autres ne prêteront plus à discussion.

L’intelligence pour un président, quelle calamité !

Quand on appréhende le bilan d’Emmanuel Macron, sa manière de présider, ses erreurs, ses surprises, ses mauvais choix ministériels, sa procrastination, ses décisions parfois aberrantes, cette propension à fuir le banal bienfaisant au profit d’incongruités provocatrices, cette conscience de soi qui le fait se préférer aux conseils même les plus avisés, ses pensées alternatives aboutissant à de l’impuissance, quelles conclusions peut-on en tirer sinon que ce président n’a cessé de pâtir d’une extrême intelligence ! Elle a été directement responsable de tout ce qui est déplorable dans ces sept années.

Marine Le Pen, les citoyens et les analystes…

Il est facile de comprendre l’erreur assez constante des journalistes politiques dans leur approche du RN. En effet, à quelques exceptions près, ils sont enclins à confondre leurs désirs avec la réalité. Ils perçoivent mal celle-ci parce qu’elle a le grand tort de ne pas se plier à leurs voeux. C’est un mouvement subtil qui, paraissant ne pas exclure lucidité et bonne foi, les conduit pourtant souvent à faire passer leurs convictions avant les froides constatations qui devraient être les leurs.

La droite des actes ou celle des magouilles ?

Qu’on ne me dise pas que je m’illusionne sur Bruno Retailleau, avec cet air de pessimisme trop heureux de me donner tort… Mais je peux facilement objecter que le ministre de l’Intérieur qui, je l’espère, le sera à nouveau, a démontré, avant la motion de censure, à quel point son verbe et ses actions étaient indissociables. La droite a mis en valeur, enfin, dans l’exercice du pouvoir, un homme d’une droite authentique qui n’avait pas peur de s’affirmer ainsi et de le démontrer. Jusqu’à lui, nous n’avions connu, peu ou prou, que l’inverse. Quant à Laurent Wauquiez, je n’aurai pas l’indécence de tenir pour rien son prestigieux parcours universitaire mais en politique, nous constatons que l’intelligence, aussi bien armée qu’elle soit, ne garantit rien. Il y a, dans le pouvoir et sa périphérie, des obsessions, des tentations, des hostilités, des connivences, d’étranges et surprenantes solidarités, des antipathies subtiles qui n’ont rien à voir avec les capacités intellectuelles au sens classique mais tout avec la répudiation de valeurs humaines essentielles : courage, volonté, fidélité, obstination, lucidité et reconnaissance.

Pourquoi Sarah Knafo est-elle si peu invitée dans les médias publics ?

Les médias devraient s’honorer de leur obligation d’universalité au lieu de la nier. Sans parler de l’étrange passivité de l’instance de contrôle qui préfère s’en prendre aux excès du privé plutôt que sanctionner les offenses incontestables au pluralisme. Quel que soit le regard porté sur toutes ces personnalités jamais agréées par le service public, elles manquent au débat politique et le condamnent à être inachevé, incomplet, mutilé.

Pourquoi pas Ségolène Royal ?

Ségolène Royal sur CNews, sans fuir l’interrogation sur ce qu’elle ferait à l’égard de LFI et son programme politique, a répondu que son seul souci serait de servir la France et que les partis la rejoindraient ou non. Elle ne dépendrait pas d’eux. On aurait eu tort de prendre cette affirmation de soi pour de l’arrogance. L’expérience acquise, les épreuves subies, ne la rendaient pas ridicule quand, avec une tranquillité sûre d’elle, elle se déclarait à la hauteur de la mission si elle lui était confiée.

L’impasse démocratique ?

Dès lors que tout dialogue avec la gauche ou l’extrême gauche était impossible sauf à accepter de se néantiser, Michel Barnier n’aurait-il pas dû beaucoup plus tôt engager avec le RN, dont l’aval lui était absolument nécessaire, des entretiens qui auraient permis sur des éléments précis d’aboutir à un accord ? Il me semble que le Premier ministre a craint, avec une telle démarche, d’apparaître comme le maître d’oeuvre d’une union des droites au petit pied et qu’il a reculé devant l’obstacle, par peur d’aller au bout de cette cohérence qui aurait été une sauvegarde pour son gouvernement.

Il ne mérite pas les Français !

Que l’amour conjugal prête à des excès et s’abandonne volontiers à une admiration de moins en moins partagée par les citoyens est sans doute inévitable. Mais encore faut-il que la réalité depuis 2017, et plus particulièrement à partir de 2022, corresponde à cet éloge qui fait peser toute la responsabilité de la désaffection républicaine sur les Français. Alors qu’ils sont les victimes d’une présidence dont on espérait beaucoup mais qui s’est délitée tant à cause de la personnalité de son titulaire que de sa politique globalement entendue, avec ses actes parfois aberrants.

Emmanuel Macron et François Hollande : les inséparables…

Ce couple formé par l’un et l’autre, uni par la trahison – E. Macron en a bénéficié et F. Hollande la rumine – est indissoluble. Le président demeure dans la visée de son prédécesseur. E. Macron sent que F. Hollande bout d’impatience à l’idée de détruire à petit feu sa fin de quinquennat. F. Hollande se dit peut-être qu’une ligne d’arrivée en 2027 pourrait compenser celle avortée en 2017. Ils sont inséparables mais ne le savent pas.

Du retard, du sadisme : on ne nous cache rien…

Face à ce paysage tellement singulier, à ces manoeuvres à ciel ouvert, à ce commerce vulgaire montrant aux citoyens, comme pour les dégoûter encore plus, à quel point la politique est sale et la démocratie dévoyée, on en est presque conduit à aspirer à la netteté d’un bouleversement total. Puisque nous sommes confrontés au degré zéro de la politique, pourquoi ne pas repartir d’un bon pied républicain en remettant la politique à zéro ?