Justice au Singulier

Blog officiel de Philippe Bilger, Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la Parole

Le verbe macronien : entre pathos et trivialité ?

Surtout j’attache la plus grande importance à la dénonciation du « pathos ornemental ». Je prends ce risque pour moi. Le goût de la belle langue, la dilection pour une parole forte vraie et intense, à la fois chargée d’émotion et si possible d’intelligence peuvent en effet parfois frôler l’enflure, voire y tomber. Rien de plus bienfaisant que d’être mis en garde, par l’entremise présidentielle même injustement critiquée, pour les virtualités négatives qui pourraient surgir de ma passion du verbe.

Augustin Trébuchon : si loin et si près…

Je ne connais pas son visage mais je sais que du profond des âges il donne une leçon. Le tragique, l’horreur, la mémoire, le respect devraient peser si lourd, à cause du passé, qu’ils devraient nous faire oublier nous-mêmes aujourd’hui. Je vais essayer d’être à la hauteur de cet immense exemple mais dans un fil des jours tranquille.

Le peuple, tout contre le président !

On demandait à Sacha Guitry s’il était « contre les femmes », il répondait « oui, tout contre ». Je ne peux pas me retenir : aujourd’hui, le peuple est tout contre le président. Pour l’agonir ou l’applaudir. Il est trop près. S’autoriser à traiter un président de la République « d’escroc » est une déchéance citoyenne. Pire encore, le contraindre à une écoute et à une tolérance sans lesquelles il serait encore plus vilipendé médiatiquement, est un désastre démocratique.

PMA : on a le droit d’hésiter…

Sur la PMA, oui, on a le droit d’hésiter mais, sans me défausser, le combat capital a déjà eu lieu. Il y a des billets qui rendent impatient leur rédacteur : il attend la pensée des autres.

Le défaitisme de l’Etat est le premier scandale…

Les humanistes compulsifs alertent sur le fait qu’une démocratie vigoureuse et se faisant respecter deviendrait du fascisme, du populisme à la mode française. Comme paraît-il le choix ne serait qu’entre une République molle et un Rassemblement national « non républicain », il serait seulement décent de prendre parti pour la première sans s’aventurer à rêver d’une démocratie miraculeusement vertébrée pour tous et à tout instant.

Emmanuel Macron, un président de ruptures…

Il déçoit parce que beaucoup ont trop cru au nouveau monde. Il étonne et suscite le malaise parce que beaucoup ont trop cru au mythe du « surhomme ». Il scandalise parce que beaucoup ont trop cru au retour définitif de l’allure et de la tenue présidentielles.

Simplisme sur le viol conjugal !

Ceux qui détestent le simplisme sur le viol conjugal ne sont pas moins indignés que les autres par l’horreur des viols incontestables de la proximité ou de l’imprévisibilité. Ou par le viol conjugal quand il est indiscutable et qualifiable pénalement.

Le généreux Macron ou le brutal Orban ?

On oublie l’histoire particulière de ces nations si longtemps opprimées sous le joug communiste et qui probablement en ont acquis aujourd’hui une conception plus stricte et exigeante de leur identité. Elle est discutable si on veut mais absolument pas honteuse. Et elle ne devrait pas faire rougir le front des démocraties classiques !

Comment je n’ai pas questionné Marine Le Pen…

Elle aurait eu, pour la première fois, sans aucune vanité de ma part, l’opportunité d’un entretien où elle n’aurait jamais été interrompue dans ses réponses et où ma seule motivation, sans éprouver le besoin médiatiquement cultivé de montrer animosité et antipathie de principe, aurait été de mieux la faire connaître politiquement et humainement. Paradoxalement, la partialité qu’elle subit réduit le champ et l’intelligence des questions. Elle aurait pu profiter d’une autre climat. Elle ne l’a pas voulu.

Le second souffle d’Emmanuel Macron ?

Ce second souffle ne sera également opératoire que si le président lui-même accepte non pas de réduire ses ambitions pour la France mais de diminuer sa haute idée de lui-même. Il s’inscrit dans une lignée, il ne peut plus se dire à part. Mais il aura encore du grain à moudre jusqu’à 2022. Et le pire est loin d’être sûr !