N’importe qui peut les traîner dans la boue.
Les ignorants au sujet de la Justice ont le verbe d’autant plus haut et péremptoire qu’ils croient tout savoir.
Les médias de droite – sur un mode un peu plus feutré – et d’extrême droite s’en donnent à coeur joie quand une personnalité de ce camp est condamnée et, encore plus, incarcérée. C’est la justice qui serait coupable et le prévenu, bien sûr, totalement, forcément innocent !
Les médias de gauche et d’extrême gauche se réjouissent de voir l’adversaire sanctionné avant de s’en prendre, à leur tour, aux juges lorsque la cause du Bien – cette mouvance, plus ou moins excitée, en est propriétaire ! – est mise à mal judiciairement.
La classe politique elle-même, on l’a vu avec le jugement ayant concerné Nicolas Sarkozy avec d’autres, ne sait plus ce que c’est que d’appréhender lucidement une décision judiciaire en étant soucieuse de faire le partage entre le partisan et le pénal.
Hier, on a constaté ce qu’il en était avec LFI et Jean-Luc Mélenchon et la bronca était encore plus choquante et délirante ! On est bien obligé de constater que l’idéologie prime tout, y compris ce qui devrait échapper, sur ce plan, au parti pris. Comme si le fait d’être accordé politiquement devait rendre sourd et aveugle aux défaillances morales et aux délits soupçonnés, parfois condamnés.
Pour certains, c’est une République des juges et cette paresse de la pensée est perçue telle une vérité d’évangile !
Pour d’autres, dont Nicolas Sarkozy, les magistrats seraient « haineux » et celui qui se croit autorisé à ne pas soutenir le point de vue de ses inconditionnels est immédiatement lui aussi qualifié de « haineux ». J’ai beau rectifier, j’ai droit régulièrement à cette ânerie sur X ou parfois même sur tel ou tel plateau.

Il est piquant de relever que les mêmes, de droite ou de gauche, exigeant des preuves absolues pour que leur champion soit sanctionné, sont en revanche infiniment libéraux, voire désinvoltes, pour les condamnations de ceux qui leur importent peu.
Il y a des manières honteuses de stigmatiser les magistrats : une grande journaliste pourtant, Catherine Nay, est une spécialiste du genre.
Il y a des indignations qui pour émaner d’une remarquable intelligence – celle de Bernard-Henri Lévy par exemple – me paraissent cependant, pour le jugement du 25 septembre, s’égarer en interprétant mal la décision.
Pour Henri Guaino, ce n’est rien de moins « qu’un coup d’État judiciaire contre la séparation des pouvoirs » !
Pour Mathieu Bock-Côté, c’est pire : « une démonstration de force déguisée en décision de justice ».
Karine Le Marchand, elle aussi, « dont la parole est rare » dans ce domaine et devrait le rester, pourfend les cinq ans d’emprisonnement à l’encontre de Nicolas Sarkozy en les comparant aux violeurs sous OQTF qui seraient laissés en liberté. Cette critique du deux poids, deux mesures, que j’entends beaucoup, est offensante pour les politiques car les mettre sur le même plan que des voyous est indécent. De ces derniers, on n’a aucun exemple à attendre alors que pour les autres, on devrait tout espérer, et d’abord de la rectitude. Quand elle fait défaut, il n’est pas scandaleux de les estimer plus coupables que les délinquants « ordinaires ». Le pouvoir oblige.
On reproche aux juges d’amplifier la défiance des citoyens à leur égard mais tous ces pourfendeurs compulsifs, anonymes ou non, de cette décision et de l’institution se rendent-ils compte qu’ils l’inspirent, l’irriguent, la généralisent ?
Face à l’ensemble de ces accusations, stigmatisations, moqueries, dérisions, approximations et leçons, que trouve-t-on du côté de la magistrature, aussi bien de la haute hiérarchie judiciaire que du syndicalisme ?
Il y aura, bien sûr, l’appel qui permettra peut-être au commun des citoyens de mieux comprendre (Mediapart) pourquoi le pacte corruptif au coeur de l’association de malfaiteurs (entre Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux et Claude Guéant, avec des actes préparatoires occultes et transgressifs en Libye et des espérances de fonds en France) a été lourdement condamné par le tribunal.
La présidente de la juridiction a été menacée de mort et deux enquêtes ont été ordonnées.
Ce n’est pas au garde des Sceaux d’intervenir sans cesse pour défendre des troupes qui devraient être capables de le faire elles-mêmes, non par corporatisme, mais parce qu’il n’est écrit nulle part que l’institution judiciaire a à se distinguer par son silence, sa tolérance et sa patience. J’entends bien – et j’ai des exemples – que plus on monte, plus on a peur et qu’exiger des grands chefs de la magistrature du courage revient à la quadrature du cercle. Mais tout de même, lisent-ils, entendent-ils, écoutent-ils ?
On peut en douter quand on relève leur immobilisme à l’égard de ce qui, souvent, aurait dû susciter des réactions vives, voire de la colère de leur part… Alors, ils prêchent modération et mesure, qui ne sont que le masque d’une frilosité assumée.
Ils auraient eu matière, depuis le jugement du 25 septembre et à l’égard de tant d’autres controverses judiciaires avant, pour intervenir haut et fort. Mais leur faiblesse nourrit l’hostilité compulsive et les égarements de ceux qui ne voient aucune raison de ne pas s’essuyer les pieds et l’esprit sur les juges.
Et ce syndicalisme, tellement caricatural, politisé, partial et vindicatif dans certaines de ses réactions, n’est-il pas capable, pour une fois, de se mobiliser pour une bonne cause et de justifier une existence discutée régulièrement par une majorité de citoyens ? Que faut-il de plus pour que les syndicats judiciaires mettent une intelligente pugnacité et formulent des répliques cinglantes à l’encontre de ces inquisitions ? Les voix solitaires ne suffisent pas.
Je n’ai pas envie qu’on fasse mal à la magistrature, corps essentiel à la paix d’une société, à sa régulation, à la démocratie. Mais si son vice est le masochisme, qu’elle continue de se faire fouetter avec le sourire !
« …tous ces pourfendeurs compulsifs, anonymes ou non, de cette décision et de l’institution se rendent-ils compte qu’ils l’inspirent, l’irriguent, la généralisent ? » (PB)
Y classeriez-vous votre ami Jean-Yves Le Borgne, qui considère, nonobstant la relaxe de son client Éric Woerth, que ce jugement est « tragique » (sic), pour les raisons de droit déjà exposées (cf. son interview sur Europe 1) ? Lui, au moins, vous en conviendrez, me semble avoir quelques compétences juridiques dont sont dépourvus ceux que vous citez…
Quant au prétendu « masochisme » de vos anciens collègues, la lâcheté me semble être la véritable raison de leur souplesse d’échine : nous en aurons la démonstration dans les décisions à venir de la cour d’appel et de la Cour de cassation, n’en doutons pas…
Cher Philippe Bilger,
Je vous ai lu avec intérêt.
Un certain nombre de choses me dérangent dans votre approche.
Que les décisions de justice déclenchent les passions, quoi de plus normal, puisqu’on nous dit que la justice est rendue au nom du peuple français.
Qu’un individu reconnu coupable soit condamné et incarcéré ne me pose aucune difficulté.
Mais les condamnations, pour être comprises et acceptées, doivent être fondées sur des preuves et non sur des concepts fumeux.
Dans l’affaire Sarkozy, ce qui déclenche l’incompréhension, voire la colère, c’est à la fois une procédure basée sur un faux, une absence de preuves, une magistrate opposante affichée et assumée du prévenu, et une sanction disproportionnée eu égard aux faits reprochés.
Ça fait beaucoup pour une même affaire !
Il y aurait sans doute à revoir la hiérarchie de l’ensemble des sanctions et des peines.
Vous parlez de masochisme, je vous rejoins : la justice se plaçant elle-même dans une situation d’une extrême fragilité.
D’un point de vue plus général, ce qui déplaît également, c’est l’indépendance sans responsabilité de la magistrature.
Serait-il déraisonnable d’envisager la mise en place d’un organe de surveillance de type IGPN, et pourquoi pas présidé par un policier ou un gendarme ? Le CSM étant perçu au mieux comme une farce inutile et, plus souvent, comme le protecteur d’un corporatisme.
Pour preuve, la condamnation scandaleusement clémente de la présidente du Syndicat de la magistrature de l’époque dans l’affaire du « mur des cons », ou encore le traitement bienveillant réservé au juge Burgaud qui aurait été promu si l’affaire n’avait pas été révélée.
Tous ces faits ne font que renforcer la défiance du citoyen à l’égard d’une institution, certes utile, mais dont le fonctionnement et les motivations sont abscons.
Rien de tel que l’analyse des procédures judiciaires complexes concernant des accusations de corruption, de détournement de fonds publics et de blanchiment impliquant plusieurs individus, notamment des personnalités politiques françaises comme Claude Guéant, Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, ainsi que des hommes d’affaires internationaux, pour se faire une idée juste. Les documents examinent des allégations de financement illégal de la campagne présidentielle française de 2007 par le régime libyen de Mouammar Kadhafi, explorant les contreparties diplomatiques, économiques et juridiques potentielles. Une partie significative du texte concerne l’analyse des flux financiers opaques et des montages sophistiqués, impliquant des comptes bancaires suisses et des entités comme la famille Bugshan et Wahib Nacer, utilisés pour dissimuler l’origine des fonds. Le tribunal évalue la fiabilité des témoignages, l’authenticité des documents, et la culpabilité des prévenus, en se concentrant sur les rôles précis joués par chacun dans ces activités illicites. https://deliberahoc.com/t/laffaire-sarkozy-decryptee-a-partir-du-jugement-integral/1124