Les brouillons de l’Holocauste

Médiatiquement on pouvait craindre le pire, le prêchi-prêcha habituel, le commentaire plein d’enflure comme si la tragédie et la mort de millions de Juifs ne se suffisaient pas à elles-mêmes, avec inévitablement une forme de lassitude face à l’indignation répétitive.

Pourtant, on aurait eu tort de ne pas regarder, sur France 2, présentée par Elodie de Sélys, la remarquable enquête « Jusqu’au dernier : la destruction des Juifs d’Europe ». Elle avait été annoncée avec cette bonne conscience promotionnelle qui souvent fait douter de la qualité du produit.

Pourquoi cette analyse de la genèse du génocide depuis ses racines sort-elle de l’ordinaire et aurait mérité, pour une fois, d’être vue et comprise par tous, d’être diffusée dans les classes ?

Parce que, d’abord, précisément elle a la modestie de demeurer une analyse. Mêlant archives passionnantes et réflexions, elle décrit clairement ce qu’on peut appeler « les brouillons de l’Holocauste », cette montée de plus en plus éprouvante, sadique, opératoire de la haine du Juif par les nazis.

Elle nous expose le pourquoi et le comment. Elle nous fait entrer dans la tête des bourreaux et dans la psychologie singulière et collective des victimes. Elle décrit, raconte, explique, montre et n’impose pas au téléspectateur une conclusion qui va de soi.

Les humiliations, les interdictions, le cloisonnement, la volonté, par tous moyens, de les contraindre à quitter l’Allemagne, les spoliations, l’acharnement à trouver en permanence un degré de plus dans l’exclusion, la Pologne avec ses ghettos, Varsovie avec le sien surpeuplé, des morts, des massacres déjà, mais des tâtonnements nazis, des improvisations, des recherches, des hésitations comme si l’horreur finale n’était pas encore inscrite dans la tête des décideurs, fatale parce qu’on connaît l’issue, éradication des communautés juives, pas à pas, avec méthode certes mais sans qu’on puisse deviner alors, sauf pour les plus lucides, que l’aboutissement serait dans les camps d’extermination.

On peut aujourd’hui se demander, face à ces « brouillons » de la « solution finale », pourquoi tous les juifs menacés, inquiets, harcelés, privés de tout, et d’abord de leur dignité d’hommes et de femmes, ne sont pas partis vers des pays plus cléments ?

Ceux-ci n’en voulaient pas, ou alors au compte-gouttes.

Surtout il était inconcevable, au sens propre, pour ces malheureux, de prévoir la singularité atroce de ce qui allait suivre. A chaque étape de la violence, il y avait une sorte de soulagement amer comme si elle allait être la dernière, comme si ce qu’on avait subi serait enfin la fin d’un calvaire au quotidien supporté parce que leur vie, pour la plupart, était encore préservée.

Deux moments clés.

La Nuit de Cristal au mois de novembre 1938 où un degré de plus est franchi, Hitler autorisant qu’on laisse les nazis de la base se livrer à tous les débordements. Et ce fut un déchaînement partout en Allemagne.

Goering, même lui, admettant qu’on ne peut tout de même pas laisser mourir les Juifs de faim et Heydrich, l’âme damnée d’Himmler, semblant ne pas rejeter cette éventualité.

Si cette enquête historique – tout est vrai, tout est vérifiable – est aussi décisive, c’est à cause de la technique qui est mise à son service. Une pluralité d’historiens allemands, américains, anglais, suisses, français et israéliens informant sans passion mais avec rectitude, rigueur, quadrillant, sans rien omettre, le sujet de la destruction des Juifs d’Europe, offrant avec leurs échanges croisés une vision, à la fois consensuelle mais diverse, des prémices de l’Holocauste.

Avec l’apport d’archives que pour ma part je n’avais encore jamais vues et qui font apparaître ce qui est rarement perçu : la joie mauvaise avec laquelle cette descente aux enfers des Juifs est conçue, élaborée, avec un mélange d’odieuse bureaucratie et d’immoralité humaine. Le sourire abject devant un désastre menant insensiblement mais sûrement vers l’Holocauste. Ils ne le savent pas encore probablement mais c’est comme s’ils pressentaient que le meilleur, pour le nazisme, est à venir.

Attendant avec impatience la suite, je m’interroge.

Tout ce qu’il y a d’exceptionnel dans cette enquête ne serait-il pas généralisable ? Sur les sujets d’actualité, pour les débats politiques, sur les thèmes brûlants d’aujourd’hui – et il y en a ! -, pourquoi ne mettrait-on pas en oeuvre cette infinité de regards et de pensées au lieu de nous imposer des conversations faussement libres avec des animateurs faussement impartiaux ?

Il y a d’autres guides que l’horreur.

Article précédent

Plus Syriza que moi, tu meurs !

Article suivant

La bêtise à la carte...

Voir les Commentaires (36)
  1. Dominique Merrien

    Bojour Philippe Bilger
    J’ai moi-même été sensible à ces reportages et, comme vous, j’attends la suite ce soir.
    Il est vrai que nous ne sommes point habitués à ce type d’analyse en profondeur dans des documentaires français.
    Je pense, pour avoir à plusieurs reprises visionné des reportages de la BBC ou anglo-saxons en général sur l’histoire, que cette pratique historique est plus courante dans ces pays que chez nous.
    Nos documentaires, si tant est qu’ils veulent refléter la vérité, notamment sur des sujets aussi sérieux, sont plus des images ou films d’archives commentés sans réelles analyses poussées.
    Et pour une fois cela fait du bien d’entendre l’avis d’historiens dignes de ce nom, qui plus est avec 70 années de recul et d’analyses historiques.
    Effectivement, tout comme vous, je pense que ce type de documentaire a un rôle très pédagogique et qu’il pourrait être visionné dans les écoles, mais à mon avis avec un public réceptif car les images sont parlantes et faciles à emmagasiner mais l’écoute, elle, est plus difficile… et pourtant !!

  2. Denis Monod-Broca

    Hors sujet mais pas tout à fait : commémoration aujourd’hui de la libération par l’armée rouge, il y a 70 ans, du camp nazi d’Auschwitz, sans Poutine président du pays qui le libéra mais avec Porochenko allié de groupes ouvertement néo-nazis. Ça n’a pas l’air de gêner M. Hollande. C’est pourtant une drôle de façon de commémorer, en trahissant la mémoire, Une drôle de façon de tirer les leçons de l’histoire, en se voilant la face…

  3. « La joie mauvaise », dites-vous, ou « Schadenfreude », c’est tellement plus allemand…
    Toutefois, le numéro de Hollande est inconvenant et vise encore une fois à entraver Merkel face au problème grec.
    On se demande d’où parle Hollande concernant Auschwitz ?
    Quel rôle la France y a-t-elle joué pour sa libération ?
    Ça me rappelle le mot d’humour du Maréchal Von Keitel lors de la signature de la reddition de l’Allemagne, il voit arriver les délégations soviétiques, américaines, anglaises, et soudain apparaît le Maréchal Juin et Keitel s’exclame « Ach, les Français aussi ? »…

  4. Je ne suis pas favorable au devoir de mémoire lorsqu’il est le fait de l’Etat car si l’Etat n’est pas neutre, nous sommes en présence d’une mémoire officielle. Par ailleurs, la transmission intergénérationnelle de cette mémoire est souvent traumatique et enferme l’individu dans une haine stérile ce qui conduit à la création de haines et conflits artificiels.
    Concernant plus précisément l’Holocauste, je le dis simplement : je trouve hypocrite de commémorer un crime contre l’humanité qui a eu lieu il y a 70 ans quand on se fiche des génocides qui se déroulent aujourd’hui sous nos yeux. Par exemple, le génocide au Congo (plus de 6 millions de morts).

  5. Franck Boizard

    Ce qui me fait le plus peur, c’est que les techniques de propagande qui ont conduit à ce drame sont toujours utilisées et ont été perfectionnées par ceux qui se baptisent aujourd’hui « antifascistes ».
    Goebbels a tout dit en une phrase : « Nous ne voulons pas convaincre les gens de nos idées, nous voulons réduire le vocabulaire de telle façon qu’ils ne puissent plus exprimer que nos idées ».
    Quand on voit dans nos médias la chasse au mot déviant (le trop fameux « dérapage ») et la réduction progressive, qui en découle, du vocabulaire utilisé sur la place publique, on ne peut être que terrifié.
    Conclusion : la Shoah est devenue la religion officielle, le sacré par excellence, mais on n’en a tiré qu’une très mauvaise leçon, à savoir que l’Occident est coupable collectivement et que cette culpabilité se transmet de génération en génération (d’où la ridicule, parce qu’anachronique, et néanmoins constante, référence aux zeurléplusombres, qui est tellement intériorisée qu’il n’est plus besoin de l’expliciter, l’allusion suffit).
    En revanche, toute la partie sur les méfaits de la propagande et des techniques de manipulations des foules, oubliée, anéantie. C’est normal, puisque ces techniques sont plus que jamais en vigueur. La dernière fois, le 11 janvier : avec du recul, c’est quand même extraordinaire de faire défiler 4 millions de personnes sous un slogan creux mais identitaire (« je suis… » est par essence identitaire).

  6. Je vous cite Monsieur Bilger : »Ils ne le savent pas encore probablement mais c’est comme s’ils pressentaient que le meilleur, pour le nazisme, est à venir. »
    Au vu de l’actualité médiatique, l’Holocauste du Christianisme ne serait-il pas dans une même démarche de force, pour le socialisme ?
    Allons-nous sauver notre civilisation ? Le temps presse.

  7. Bonjour Philippe Bilger,
    « Médiatiquement on pouvait craindre le pire, le prêchi-prêcha habituel, le commentaire plein d’enflure comme si la tragédie et la mort de millions de Juifs ne se suffisaient pas à elles-mêmes, avec inévitablement une forme de lassitude face à l’indignation répétitive. »
    Mais le pire est toujours là avec son prêchi-prêcha habituel et les commentaires pleins d’enflure, comme c’est d’ailleurs le cas à chaque cérémonie de ce genre.
    Aujourd’hui l’heure est au recueillement face à une barbarie qui dépasse toute imagination. Et ce d’autant plus qu’elle s’est déroulée à une époque où l’Homme a déjà atteint un haut niveau de connaissances et par un peuple qui s’est distingué par nombres d’éminents grands hommes que ce soit dans le domaine, scientifique, artistique et philosophique.
    Il est simplement regrettable que ce recueillement et les discours qui l’accompagnent pour dire au monde « plus jamais ça » ne soient une fois de plus que la manifestation d’une immense hypocrisie.
    Car « le plus jamais ça » personne ne l’a entendu. Les génocides ont continué à se perpétrer au cours de ces soixante-dix années un peu partout dans le monde que ce soit au Cambodge, au Rwanda, au Kosovo et ils continuent encore aujourd’hui au Nigeria, en RDC, sans oublier les Indiens d’Amazonie dont tout le monde se fiche.
    A quoi servent ces manifestations et ces beaux discours si les épurations continuent comme avant avec toujours cette volonté d’éliminer les populations qui n’entrent pas dans le « format » établi.
    Arrêtons de regarder les horreurs du passé et faisons en sorte d’arrêter les ignominies qui se déroulent actuellement sous nos yeux.

  8. …cette montée de plus en plus éprouvante, sadique, opératoire de la haine du Juif par les nazis.
    Mais était-ce vraiment du sadisme ?
    Le pire était que ces gens étaient persuadés de se comporter normalement.
    Pour les gens qui œuvrent au sein de régimes totalitaires, qui se sont déclarés comme « le camp du bien », les adversaires du régime en place ne sont pas des êtres humains.
    Nous avons rencontré cette démarche dans l’enfer concentrationnaire communiste, dans son cousin du socialisme national allemand, au Cambodge de Pol Pot, où un Khmer rouge pouvait abattre son propre frère sur ordre sans ciller…
    Eichmann était un personnage falot, qui faisait son travail sans états d’âme et sans passion « sadique ».
    Lire Hannah Arendt à ce sujet sur la banalité du mal.
    Et surtout rappelons-nous que toutes ces monstruosités n’ont été possibles que parce que la révolution dite française a montré l’exemple de crimes contre l’humanité commis par humanité selon l’expression de gens dont trop de nos rues, places et avenues portent encore les noms !
    Oui, nous devrions commencer par faire repentance, sinon pour les crimes commis par certains de nos aïeux, mais aussi et surtout pour l’apologie qui en est encore faite de nos jours chez nous, soit par des célébrations « officielles » soit à l’école et autres lieux.

  9. Excellent documentaire d’Elodie de Sélys dont la suite est ce soir. Même si sa discrétion et son retrait de toute vie publique depuis le décès d’Antoine son époux, sont éminemment respectables, l’absence de Madame Veil est la marque – pour moi – d’un tournant. Marceline Loridan-Ivens, sa très grande amie de captivité, celle qui restera sa grande amie à jamais, la remplace un peu, mais ce n’est plus la même chose. De tous les survivants, Madame Veil restera pour moi celle qui en a le mieux parlé.
    En ce terrible anniversaire je n’ai qu’une pensée, pour Madame Veil.

  10. « On peut aujourd’hui se demander pourquoi tous les juifs menacés ne sont pas partis vers des pays plus cléments ? »
    Pourquoi la femme battue n’échappe-t-elle pas à son mari, pourquoi le martyr n’échappe-t-il pas à son bourreau, pourquoi le simplet du village n’échappe-t-il pas aux garnements qui le houspillent, pourquoi le syndrome de Stockholm, pourquoi ces wagons inutilement plombés puisque nul ne pensait à s’en échapper, pourquoi, lorsqu’ils fuyaient, mettaient-ils ensuite fin à leurs jours, tel Zweig ?
    Oui, pourquoi ?
    Parce que le loup a fait croire à l’agneau que la douche allait le purifier et non l’asphyxier, et que l’agneau ne sait pas résister au loup, sauf chez Daudet où la chèvre est toutefois dévorée au petit matin…

  11. Xavier NEBOUT

    Aucun négationniste ou révisionniste ne conteste l’horreur, par contre, ce qui est insupportable, c’est qu’on en rajoute pour faire la course à l’indignation au point que celui qui n’en rajouterait pas serait un nazi.
    Où s’arrêtera le nombre des morts ? Ou s’arrêteront les falsifications de l’histoire telle que l’ignominie consistant à mettre sur le dos de Vichy le désir de voir les enfants partir avec leurs parents alors que c’était en toute bonne foi ?
    Jusqu’où irons-nous dans l’hypocrisie des pleurnicheries officielles ? Aurons-nous droit à une commémoration mensuelle, et bientôt quotidienne ?
    Tout cela va en sens inverse de la recherche de la perversion de la foule dans ce qu’elle a de plus abject, à rechercher le bouc émissaire.
    Le juif en Allemagne à la sortie de la grande guerre, comme à la Libération la fille qui avait eu le malheur d’aimer un soldat allemand, mais aussi comme il y a bien longtemps les protestants lors de la Saint Barthélémy.
    Ces massacres, qui le sait, correspondent aux sacrifices de jadis. Faute de sacrifiés, les pogroms.
    En Grèce, se sacrifier pour assouvir toutes les haines était un honneur, et de même, Jésus s’est sacrifié pour qu’il n’y ait plus de boucs émissaires.
    Alors les commémorations de la Shoah remplacent les messes.

  12. Michelle D-LEROY

    « Tout ce qu’il y a d’exceptionnel dans cette enquête ne serait-il pas généralisable ? Sur les sujets d’actualité, pour les débats politiques, sur les thèmes brûlants d’aujourd’hui … »
    Hélas je crains que si. C’est vrai que le sujet de la Shoah nous paraît répétitif, mais les jeunes générations doivent savoir, bien qu’il faille regarder les dangers du présent plutôt que de regarder ceux d’il y a 70 ans. Ils pourraient se reproduire faute de les appréhender.
    Un nouveau fanatisme est bien né, il est dangereux de le minimiser. S’il y a eu des brouillons de l’Holocauste, il y a sans doute aujourd’hui des brouillons d’autres horreurs en marche.
    Et qu’on ne me dise pas que le fanatisme existe faute de culture, j’ai trop lu sur le sujet et pour avoir visité deux camps de concentration où à chaque fois on me raconte que le chef de camp nazi qui faisait exterminer chaque jour sans états d’âme et même avec perversité, jouait du piano le soir ou écoutait de la musique dans son pavillon à l’entrée du camp… on entend pourtant souvent que la musique adoucit les moeurs. L’embrigadement reste inexplicable et incompréhensible a tout entendement. L’actualité brûlante nous le rappelle, alors, restons vigilants plutôt que dans l’excuse, sinon à quoi bon nous ressasser cette terrible partie de l’Histoire, si cette expérience n’a servi à rien ?

  13. On attend le même travail, la même qualité d’enquête sur le génocide vendéen par l’armée française mais là il y a aussi mémoricide.

  14. Laurent Dingli

    Je n’a pas pu voir le premier volet de ce documentaire en raison de l’heure tardive. Je verrai peut-être la suite et me procurerai certainement l’ensemble plus tard. Je vous donnerai alors mon humble avis sur la question. Le hasard du calendrier de mes recherches a fait que j’ai passé une partie de la journée à consulter les archives du Commissariat général aux questions juives (CGQJ), aux archives nationales. C’est toujours très émouvant de consulter ces documents, malgré la froideur administrative qui entoure cette spoliation à grande échelle.
    Vous savez que j’ai travaillé sur l’existence des juifs en Allemagne, je serai donc particulièrement curieux de découvrir cette nouvelle approche dont vous parlez.
    Le 26 avril prochain, nous commémorerons le 70ème anniversaire de la libération des camps. Je rappelle à cet égard que tous les déportés n’étaient pas juifs et que sur les 162.548 personnes déportées de France, il y eut 75.721 Juifs et Tziganes (3.000 survivants) et 86.827 Résistants et autres (7.000 survivants).
    Pour le reste, vous avez une étrange interrogation. Je ne sais pas s’il faut incriminer votre méconnaissance de cette période ou votre habituelle naïveté. Beaucoup de juifs ont quitté l’Allemagne et l’Autriche avant 1939, lorsqu’ils en avaient les moyens. D’autres ne le pouvaient pas ; d’autres encore – en grand nombre- se sont suicidés comme l’a rappelé sbriglia. Quant aux minorités d’Europe de l’Est, elles ne pouvaient s’imaginer le cataclysme qui allait fondre sur elles à partir de juin 1941.
    PS : pour les idiots utiles de ce blog ou d’ailleurs et autres tenants du « syndrome de Calimero ». En 2014, les actes antisémites ont augmenté, en France, de 101%.
    @ zefir
    Comme trop souvent, vous écrivez n’importe quoi. Il n’y a jamais eu de génocide au Congo au XXe siècle, mais des massacres de masse. Si vous faites allusion à la période antérieure à 1914, c’est une autre question, mais je ne pense pas que ce soit cela que vous aviez à l’esprit. On connaît l’argument usé jusqu’à la corde qui consiste à opposer les mémoires pour en minimiser une en particulier : le génocide des juifs d’Europe. C’est, à quelques nuances près, le relativisme qu’employait l’autre jour l’idiot utile auquel je faisais référence.

  15. Approbation de M. Monod-Broca pour sa remarque fondée historiquement sur le vieil acoquinage des Ukrainiens non russophones avec les nazis et les antisémites en général (la Wehrmacht utilisa des unités d’Ukrainiens en France notamment, et pas des « malgré-nous »).
    Intense approbation de M. Boizard pour sa remarque sur l’invasion durable par les techniques de captures des foules et cet excellent rapprochement avec la liturgie récente du 11 janvier sous un mot d’ordre en effet avilissant par volonté mimétique.
    Intérêt envers la remarque de dame zefir sur les fortunes inégales des génocides divers dans le marché de la concurrence victimaire. Rappelons que c’est le proto-communiste Gracchus Babeuf qui avait sur les actes criminels de la « convention » envers des populations civiles dans ladite Vendée militaire introduit un beau néologisme à double racine latine (ce que n’est pas génocide) : « populicide ». Mais Clemenceau un siècle plus tard avait argué « la révolution est un bloc ».
    Voici une observation qui n’a pas déjà été tapée dans cette page : sur la différence radicale des Allemands juifs et des Polonais juifs quant à notre critère actuellement si fiévreux, celui de l’accusation en « communautarisme apartheid » versus le satisfecit envers « l’intégration républicaine » (sans parler d’assimilation devenu un gros mot sauf pour Zemmour). Les historiens qualifiés ont souligné que la tâche d’extermination avait été facilitée parmi les Polonais juifs très démonstratifs et ostentatoires par rapport aux Allemands de tradition originelle juive bien mieux confondus parmi les profils lambda teutons. Ce point mérite une réflexion transposée pour ici et maintenant. Mais hélas même dans l’Allemagne a priori très raffinée de Heine et autres, la dévastation de la haine aura pu triompher autant que plus tard dans la Pologne fruste et pauvre. Autrement dit, même un programme très laïciste et intégrateur en France actuellement serait-il capable de faire obstacle si la passion d’en découdre par le sang est déjà inoculée largement parmi certains revendicateurs d’identités particulières ? Il suffit de contempler la frénésie collective dans les tribunes de matchs de foot, prétextes et diversions, pour trembler comme un esprit posé à Nuremberg…
    Relire Gaston Bouthoul.

  16. Xavier NEBOUT

    Aux amateurs d’histoire.
    Alors que les Russes avaient fui devant l’avance allemande, les populations des pays de l’Est commencèrent à massacrer les juifs pour se venger de leur collaboration avec les communistes.
    Combien de dizaines ou de centaines de milliers de morts qui ont évidemment été mis par la suite sur le dos des Allemands ?

  17. Commentaire de 19.54 : analyse basique !
    75% = exemple d’un cas de syndrome Calimero ordinaire élémentaire
    25% = mépris absolu pour un semblable, mépris de celui qui se prend pour le sachant
    …le sachant qui ne sait pas même recopier/comprendre peut-être une info du CRIF : en 2014 les actes antisémites avec violences physiques ont augmenté de 130%, sans doute que le sachant considère que les violences physiques sont sans intérêt.
    L’idiot utile n’est pas toujours celui que l’on croit… et si on l’était tout simplement tous tour à tour, selon les circonstances et les moments de la journée… 22.20 étant une heure tardive… wouah !!

  18. Denis Monod-Broca

    La Shoah, qu’a-t-elle de spécifique ?
    Même question pour la Passion. Il y en eut d’innombrables, au cours des âges, des torturés, des suppliciés, des crucifiés… Pourquoi l’un d’entre eux a-t-il eu cet effet sans pareil sur la conscience des hommes et la marche du monde ? Parce qu’il nous donne à voir le point de vue de la victime, le point de vue d’une victime innocente, haïe sans cause, exécutée sans raison.
    La Shoah, n’est-ce pas la même chose ? Il y en eut d’innombrables, des génocides, au cours de l’histoire des hommes. Mais celui-ci, qui est à l’origine du mot « génocide », nous invite à adopter le point de la victime, innocente, haïe sans cause, exterminée sans raison…

  19. Mary Preud'homme

    Il est des lieux qui laissent sans voix : Auschwitz, Douaumont, Yad Vashem, notamment le mémorial des enfants. Vraiment poignant !
    Venir se montrer en de tels lieux et se répandre en discours grandiloquents est donc une forme d’irrespect caractérisé. Doublé d’un affront jeté à la face des ultimes témoins de ces horreurs et aux innombrables descendants des victimes de l’holocauste.
    Alors que seuls le silence et la méditation s’imposeraient. Silence ponctué d’une musique de circonstance, violons et conques… Tandis que résonnent pour longtemps dans nos mémoires les cris et lamentations des milliers d’innocents livrés à la barbarie nazie et massacrés comme du bétail. Et que la tache honteuse de la collaboration a marqué pour toujours notre pays au fer rouge ! Ce que l’histoire, quelle que soit la façon dont on l’écrira, ne pourra jamais effacer, mais seulement atténuer en raison de la conduite héroïque et exemplaire d’une minorité de justes. Histoire qu’il convient donc d’assumer et de regarder en face pour n’avoir pas à la revivre.

  20. Les Neturei Karta considèrent que l’État juif de l’Antiquité fut détruit par la volonté divine et que seul le Messie pourra le rétablir. Toute tentative humaine de recréer un État juif avant la venue du Messie est donc une attaque contre la volonté divine ; selon eux le sionisme, en tant que révolte contre la volonté divine, ne pourra qu’entraîner des punitions divines de plus en plus fortes du peuple juif ; la Shoah étant l’une d’elles !
    Chauds les marrons chauds !

  21. @ Laurent Dingli | 27 janvier 2015 à 19:54
    « PS : pour les idiots utiles de ce blog ou d’ailleurs et autres tenants du « syndrome de Calimero ». En 2014, les actes antisémites ont augmenté, en France, de 101%. »
    L’idiot utile s’est parfaitement reconnu, ce qui prouve qu’il n’est pas si idiot que ça ce qui n’enlève rien, bien sûr, à son utilité.
    Laissez-moi vous dire en passant que votre fatuité vous dessert. Pour avoir la chance de connaître des gens intelligents, je peux vous affirmer qu’une des premières de leurs qualités est la simplicité, ce qui n’est manifestement pas votre cas.
    Ce décompte des agressions sur les Juifs en France a été établi par le CRIF qui, si je ne m’abuse, n’est pas un organisme habilité pour donner des chiffres fiables reposant sur des sondages objectifs.
    J’ajouterai qu’il n’y a pas que les Juifs qui se font agresser en France, mais des citoyens de toutes confessions et même ceux qui n’en ont pas. Mais ils sont superbement ignorés par les médias dans ce type de sondages destinés uniquement à sensibiliser l’opinion sur la seule communauté juive.
    Pour prendre connaissance des agressions des non-Juifs (les goys, comme ils disent), il suffit au lecteur de se rendre à la rubrique « Faits divers » plus connue sous le nom de « chiens écrasés ».
    Eh bien non en France, il n’y a pas les Juifs et les « autres ». Nous sommes tous citoyens français et à ce titre tous concernés par les agressions qui sont en constante augmentation, que ce soit les cambriolages, vols avec violences et autres qualificatifs destinés à les distinguer.
    Et en admettant que les chiffres donnés soient avérés concernant les agressions sur les citoyens juifs, on peut aussi se poser la question sur les raisons de cette augmentation, ceci permettrait peut-être de l’expliquer et non pas de se limiter à un simple constat.
    Je pense que le massacre de milliers de civils (femmes, enfants), sans aucun discernement, par des frappes israéliennes en été dernier sur Gaza (ville qui depuis n’est plus qu’un champ de ruines), ainsi que la réquisition arbitraire de terres appartenant aux Palestiniens pourraient être une explication parmi tant d’autres.
    Bien souvent ceux qui se lamentent en permanence sur leur sort oublient de s’interroger sur les raisons qui les ont amenés à être des « mal aimés ». On appelle ça le syndrome de Calimero.

  22. Nous sans doute comme des milliers d’autres, malgré l’heure tardive, nous avons regardé dans sa totalité ce documentaire. Un regret, que les historiens intervenants ne soient pas en VO, le son double version originale et traduction rend le tout souvent incompréhensible et insupportable pour les trilingues ou plus. Ce commentaire vaut pour toutes les réalisations traduites, et souvent tellement mal traduites.
    Enfin, un rare documentaire pédagogique qui montre et explique les images, les authentiques et démasque les fausses juste pour Hollywood… donc de la propagande… des explications croisées par des historiens comme le Français dont la maîtrise exceptionnelle de l’allemand renforce la qualité des explications qu’il a croisées (archives françaises et allemandes) dans toute leur finesse, dans le moindre détail, quant à Paxton toujours égal à lui-même.
    A la fin c’est la nausée et toujours les mêmes et lancinantes questions, mais pourquoi, comment, des êtres humains ont-ils pu être le bras armé d’une toute petite poignée de fous sanguinaires durant tant d’années ? La réponse est psychiatrique, c’est le besoin de pouvoir, de domination, puis le phénomène de foule et d’entraînement et ce que nous avons tous en nous, bien enfoui, l’instinct de survie. Ces jeunes gens d’à peine vingt ans qui tiraient sur ordre pour en tuer d’autres, savaient que s’ils ne s’exécutaient pas, eux le seraient.
    Qu’est-ce que le monde a appris depuis ? pas grand-chose ! depuis, les guerres se sont succédé, chacune avec sa bonne raison, sous le regard tour à tour complaisant, atterré, mais souvent inactif, toujours gesticulateur, de toutes les institutions qui ont été créées au nom du slogan bien connu « plus jamais ça »
    Hitler est responsable de 6 millions de morts, Staline de 50 millions, à chacun sa comptabilité et depuis rien n’a vraiment changé, les Pol Pot, Mao, Ceaucescu, Hussein, Bachar et tant d’autres plus proches de nous.
    Ce qui est particulier à la Shoah, ce qui la rend si atroce, si exemplaire dans son horreur, ce sont les méthodes d’organisation, son engineering, son industrialisation. Sans aucun doute et nous ne pouvons que l’espérer son aspect non reproductible… mais rien de plus atroce que tenter de comparer une guerre avec une autre, un mort sous les balles de son ennemi, avec un autre.
    Tous à intervalles réguliers nous sommes effrayés devant l’Holocauste, mais je ne suis pas certaine que le monde des êtres humains en ait retiré quoi que ce soit, sinon le monde serait devenu paisible !

  23. Garry Gaspary

    @ zefir
    Vous prenez le problème à l’envers, c’est pour cela que vous n’arrivez pas à saisir la singularité de la Shoah.
    La Shoah n’appartient pas aux Juifs, elle est totalement hors d’une histoire juive qui n’existe d’ailleurs pas en tant que telle, mais s’inscrit entièrement dans l’histoire européenne. Et l’Europe de l’époque de la Shoah, ce n’est ni l’Europe, ni le Congo d’aujourd’hui. L’Europe de l’époque de la Shoah, c’est objectivement le summum de la civilisation humaine.
    Et c’est pourtant cette même Europe qui va commettre l’acte le plus barbare jamais commis puisqu’il va mettre la richesse économique et intellectuelle de tout un pays, et même de gré ou de force, de tout un continent au service d’un génocide.
    Vous avez tort de vous soraliser ainsi, il n’y a rien de plus stupide que les analyses de Soral, il n’y a rien de plus stupide que de se focaliser sur les Juifs lorsqu’on parle de la Shoah alors qu’elle raconte l’Europe et sa civilisation.
    La Shoah, c’est la tentative d’élimination du particularisme en Europe.
    La Shoah, aujourd’hui, ce sont donc aux musulmans d’Europe de s’en emparer, de l’étudier, de la comprendre, parce qu’ils sont l’objet d’une tentative similaire.
    Mais pour cela, il faudrait déjà qu’ils apprennent à arrêter de lui cracher dessus bêtement sous prétexte qu’elle visait des Juifs…

  24. Ce qu’il faudrait extirper de l’homme c’est lui-même.
    Qui peut croire aux vertus de ces commémorations ?
    L’horreur est attachée à l’homme, la violence est son ombre, la haine son odeur… J’attends encore les effets positifs des leçons que l’histoire est censée donner et avec une grande désolation je constate qu’elle se répète à l’envi sans émouvoir quiconque. Les fausses postures sont pathétiques et révoltantes de fausseté.
    Si Jésus revenait comme dans la chanson, les siens, je sais bien ce qu’ils lui feraient… Soyons réalistes, cela nous fera prendre des décisions d’adultes. La raison ne se trouve pas dans le coeur et dans le coeur il n’y a que l’amour de soi… Il y a longtemps le siège des sentiments était le foie ! La cirrhose aujourd’hui…

  25. On attend le même travail, la même qualité d’enquête sur le génocide vendéen par l’armée française mais là il y a aussi mémoricide.
    Et alors que les auteurs socialistes-nationaux allemands du génocide des Juifs ont été jugés et condamnés – souvent à mort -, alors que l’apologie de leurs crimes est elle-même un délit, alors que même les Khmers rouges ont été jugés et condamnés et leur système désavoué, le décret à l’origine du génocide des Vendéens (1er octobre 1793), le premier génocide de l’histoire et la matrice de tant d’autres est toujours en vigueur !
    Pis encore, ces sinistres événements sont célébrés à grands renforts de festivités de temps à autres, le régime responsable de ces crimes contre l’humanité est toujours en place et aucune poursuite n’est exercée à l’encontre ceux qui en font l’apologie !
    Que dirions-nous si l’Allemagne actuelle était régie à partir de lois remontant à l’époque nazie ?
    Eh bien, c’est tout simplement ce qui se passe dans la France actuelle.

  26. Bonjour M. Bilger,
    A la fin de ce documentaire et voyant ce qu’il se passe actuellement en Europe et dans le monde, je me suis demandé si ce n’était pas notre futur que je venais de visionner…
    J. Béguin, 78 ans

  27. Franck Boizard

    Qu’a la Passion de spécifique ? C’est le fils de Dieu qui a été crucifié pour racheter nos péchés. C’est la croyance des chrétiens et c’est ce qui rend la Passion spécifique à leurs yeux.
    La Shoah ? C’est un génocide industriel pour des raisons non-utilitaires, purement idéologiques.C’est un génocide « pur ». Il y a eu d’autres génocides, mais on pouvait leur trouver des raisons utilitaires (élimination des opposants, contrôle de la population, etc.).
    Les juifs ont été tués pour l’unique fait d’être juifs.

  28. Eh bien oui bien sûr, ma bonne dame, tout cela est affreux, sauf que pour les enfants français nés après-guerre, l’Education nationale, puis plus tard les historiens, nous ont expliqué qu’Hitler était fou, syphilitique, végétarien (à l’époque c’était mal vu), aquarelliste raté et impuissant et qu’on lui avait même trouvé un arrière-grand-père juif !
    Bref, toute cette boucherie internationale reposait sur les épaules d’un seul homme. On a oublié de nous parler de l’immense responsabilité du peuple allemand, ces « chevaliers du myosotis qui se font vomir leur bière » (de Gaulle). Les nécessités de la reconstruction européenne ont conduit nos enseignants à focaliser sur Hitler pour oublier ce peuple allemand dont la culpabilité est patente.

  29. @ Garry Gaspary
    Oui le génocide des Juifs s’inscrit dans l’histoire européenne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le reste du monde n’a pas sacralisé ce génocide qui en est un parmi d’autres.
    Je ne me solarise pas du tout. Je suis d’origine turque et j’ai eu l’occasion d’échanger avec des descendants de rescapés arméniens. J’ai constaté que ceux qui vivent en diaspora notamment ont construit leur identité sur cette catastrophe humaine. Bien souvent leur identité arménienne se limite à cette mémoire traumatisée. Ils se disent paniqués à l’idée d’aller en Turquie ou même de se retrouver dans la même pièce qu’un Turc. Alors je me pose des questions sur ce devoir de mémoire qui pour moi se résume à la transmission de la haine. Je pense que ce n’est pas fondamentalement différent pour les Juifs. Il suffit de regarder le reportage Defamation de Yoav Shamir pour s’en convaincre http://www.dailymotion.com/video/xqsz41_defamation-un-film-documentaire-de-yoav-shamir-1de2_school
    Je suis persuadée de la nécessité d’arrêter les discours identitaires si l’on veut vivre en paix dans ce pays. Les Juifs avec la Shoah, les Africains avec le commerce triangulaire, les Arabes avec la colonisation et les Français de souche avec leur peur irrationnelle des musulmans.

  30. Le génocide juif en Europe est d’abord et avant tout le fruit de l’idéologie nazie, et donc le résultat des choix de Hitler et de ses têtes pensantes, comme des exécutants : un peuple lancé dans la guerre pour l’hégémonie mondiale, le Reich de mille ans comme il l’envisageait.
    La singularité de ce génocide est que, déniant tout caractère d’humanité aux Juifs, leur élimination physique a été planifiée de manière industrielle et que, pour alimenter le système, non seulement les Juifs allemands ont été éliminés, mais aussi ceux des pays tombés sous la férule allemande lors de l’offensive de 1941, puis encore ceux de tous les pays sous régime d’occupation, de la Grèce à la France. Avec l’objectif final d’éliminer tout Juif de la Terre…
    Après cela, alors que la Genèse nous dit que l’Homme a été créé à l’image de Dieu, on peut s’interroger sur la part divine de l’Homme… L’Homme reste un animal dont il convient de dompter les instincts les plus bas, les plus vils par une éducation ferme et sans concession, en fuyant tout relativisme et en regardant les faits en face : ce type d’action planifiée est propre à toutes les idéologies totalitaires et aux systèmes totalitaires qu’elles mettent en œuvre, fondés ou pas sur des religions, encore que le marxisme-léninisme, voire le national-socialisme qui avait pour objectif ensuite d’éradiquer toute forme de religion, en ait eu aussi les habits.
    En somme, l’inverse complet des Lumières.
    @ Savonarole | 27 janvier 2015 à 12:34
    De Lattre de Tassigny et non pas Juin.

  31. Ah oui, ce documentaire spécifique… Des images vues des milliers de fois et des commentaires apportant certains éclairages, comme l’indifférence des populations et dirigeants occidentaux.
    Pour avoir vécu cette période, à petite échelle, je confirme que les Français ne se sont pas du tout intéressés aux déportés autres que résistants et politiques. Et encore, fallait-il qu’il fussent adoubés par le PC. Telle épouse de militaire n’a resurgi, de nom, car décédée, que dans les années 2000, son mari et elle étaient catholiques, Action française, ET résistants. Mourez en silence, nazis déguisés, c’était à peu près le raisonnement de l’époque. Il n’est pas certain qu’il ait changé.
    Je ne comprends pas très bien Garry Gaspary, tout respect gardé, quand il pense que les musulmans sont menacés par une Shoah, car, pour l’instant, se posent deux questions dirimantes :
    – les égorgés, enlevés, violés, réduits en esclavage sont le fait des musulmans, du moins de leur branche extrême ou de leur bon roi qu’aime tant Mme Lagarde.
    – ils sont près ou plus d’un milliard de fidèles, l’organisation d’une éradication me paraît improbable, à tout le moins démesurée.
    Enfin, il faut bien reconnaître avec zefir, par opposition au précédent, que le fait de la Shoah sur les Juifs a absorbé toute autre notion de génocide, de cruauté. Il y a peut-être une raison à cela : la méthode, tout est affaire de méthode. Les génocides africains, etc. se font dans la crétinerie, l’absurdité de la religiosité assassine, le racisme instinctif, lié à la possession d’un point d’eau ou d’un village, alors que les nazis, intelligents, rationnels ont fait cela tranquillement, presque calmement, et servent ainsi d’exemple à tous les autres dont on ne se fiche pas, mais dont les motivations ne nous hérissent pas. Il est triste pour les Juifs d’être des exemples de cette nature, mais il faut reconnaître qu’ils savent utiliser ce levier, ce qui est somme toute assez naturel, d’autant que l’après-guerre ne leur pas été très favorable et qu’ils ont eu raison de mettre les dirigeants occidentaux devant leurs carences et leurs aveuglements égoïstes.
    Détail presque comique : la reconstitution par les Rouges de la libération du camp : des soldats bien propres, un sol balayé, des détenus plutôt en bonne santé et le geste imbécile de ces gens qui courent, courent, sur le chemin en levant les bras en signe de joie. Crétinisme des soviétiques, crétinisme des cocos français qui ont gobé, crétinisme des foules qui ont pris ça comme signe après tout, de la relative dureté du sort des déportés. Bande de c… Ca console de la bêtise des dirigeants, comme en parle le billet suivant, en pensant que c’est la chose la mieux partagée.
    Un seul point : on ne peut plus supporter le regard d’un enfant résigné, c’est bête, nul, mais c’est comme ça.

  32. Il y a eu beaucoup d’autres émissions émouvantes…
    Ainsi, parlant du camp du Struthof…
    Je suis allé, ayant déjà vu les images très relayées de la « libération » des camps, visiter le Struthof dans « l’année zéro », celle très proche de ma dixième année.
    Je croyais, qu’autant que pour moi, le témoignage avec les traces de ce camp être très très connu… car c’est ainsi à l’âge des dix ans.
    Je ne savais alors pas que vingt ans plus tard, je passerais de très nombreuses soirées à Barembach, le village le plus proche de ce camp sur la carte d’état-major.
    Dans ce village il y a une rue des Juifs qui s’oriente vers la montagne et le camp, mais les habitants expliquent sans insister que pas grand-monde ne passait par là pendant la guerre.
    J’ai pu alors penser, avec les effets commémoratifs d’aujourd’hui, à la constance avec laquelle les Juifs, qui se revendiquent de l’appartenance à un peuple, rappellent l’acte nazi.
    Penser aussi à l’importance de ces rappels, même si la violence pourrait paraître relever d’un environnement autorisé et strictement intellectuel avec eux.
    Est-il autant impossible de dresser la carte de l’obligeance de chacun à la suite des événements que reprocher aux Juifs qu’ils se soient en réalité obligés, cela sûrement en surmontant la douleur, à témoigner et persévérer au-delà des doutes et des appartenances ?
    De mon côté, mille fois d’accord avec notre hôte pour l’esprit du billet qui rend hommage à des journalistes qui ont tenté de rendre compte depuis les appartenances et au-delà des appartenances, même si ce ne serait que pour la circonstance.
    Effectivement, de nombreux documents sont parus qui n’étaient pas largement diffusés, et cela a peu à voir avec les appréciations religieuses.
    Depuis mes dix ans, je me suis toujours demandé pourquoi le procès du nazisme n’avait jamais été mené à ses racines, au-delà des convictions, du côté de ses apparitions.
    Si les tentatives philosophiques ont été nombreuses, elles n’ont jamais détourné du conflit des appartenances, n’ont pas suffisamment distingué en général l’interdiction de la violence dans l’exposé des conséquences de la violence.
    En tout cas c’est dramatiquement évanoui aujourd’hui l’examen de la violence au-delà des appartenances et des interdictions, et cela entraîne tous les abus de l’oubli.
    J’ai réappris par la présentation des journalistes que le portail d’entrée du Struthof avais été démonté et relooké pour les besoins de metteurs en scène des USA.
    J’ai mesuré l’étendue de la scénographie, à travers l’ensemble du site du Struthof comme il s’est garni en trois quarts de siècle, au fil du temps dans mes balades en quête d’air pur et même de champignons.
    Rétrospectivement, je me rends compte que je ne savais pas que tout le témoignage avec ce camp, l’un des rares et peut-être le seul étant intact en appréhension puisque vidé de ses occupants, ce camp pourtant détruit partiellement, il allait par delà l’appartenance à quelconque communauté.
    A quoi bon dénoncer l’appartenance à quelconque communauté ?
    C’est, montré par le Struthof, une honte qui n’est pas encore bue…
    @zefir
    Comprendrez-vous ? (Désolé, j’avais dit que je ne vous lâcherais pas, malgré l’injustice du fait relevée par JDR…)
    Pourquoi l’antisémitisme en remontrerait-il au racisme dans sa généralité ?
    Le camp du Struthof, qui n’était pas dédié à l’application de « la solution finale », ce camp ne démontre pas l’antisémitisme.
    Il rend compte, malgré l’antisémitisme, de l’étendue des prévalences qui peuvent être pensées.
    Cela fait très très longtemps qu’en France, l’observation et la critique des prévalences joue.
    Je suis sûr que pour cette critique il faut au moins rendre grâce aux Juifs, rompus à l’exercice de l’intégration, autant que confine dans cette critique toutes les prévalences.
    Dans la critique du racisme ordinaire l’antisémitisme peut-il faire foi extraordinaire ?
    C’est quand même, avec l’observation de l’intégration comme elle s’est organisée en France, que doit s’organiser pour le futur quelque chose impossible à balayer… comprenez-vous ?
    Dans mes dix ans, l’Education nationale de l’époque m’a traîné au cinéma, alors que c’était peut-être la deuxième ou la troisième fois que j’étais confronté au grand écran dans une salle obscure, une autre fois étant en famille pour Merlin l’enchanteur sinon Bambi, montrant sur l’écran le traitement infligé au peuple africain remis pour mémoire dans l’esclavage.
    J’ai pu y voir, tandis que ce documentaire n’était fait que d’illustrations, des corps nus inimaginables à mon âge, des traces de fouets sur ces corps nus, la précipitation depuis des falaises de rebelles… et aucune explication entendue pour voir distinctement.
    N’entendez-vous rien ?

  33. Originalité de la Shoah ?
    Les massacres de masse ont été monnaie courante au cours des âges (ex: « delenda est Carthago »… suivi d’effets).
    Mais il existait et existe toujours, une illusion d’aspect compassionnel mais en réalité très « colonial » d’une certaine manière, consistant à s’imaginer que finalement, ce type de massacres était l’apanage de cultures anciennes et surtout inférieures.
    La nomenclature habituelle discursive du « civilisé » du XXe et XXIe siècle est « le barbare » ou « le sauvage », mais « surtout pas moi, sommet de la civilisation, chez lequel ce genre de choses est inconcevable ».
    Or, outre que la Première Guerre mondiale, survenue entre deux puissances au sommet de la civilisation et de la sophistication, aurait dû lever cette illusion (si bien analysée par Freud), l’extermination de masse par un pays, l’Allemagne, sommet de ladite civilisation
    (scientifiquement, artistiquement etc.), utilisant des méthodes organisationnelles et technologiques industrielles, « parfaites créations » de ladite civilisation industrielle, met face à cette étrangeté inacceptable que « ce ne sont pas chez des sauvages et des barbares » que cela survient.
    D’où les rites conjuratoires, compréhensibles mais illusoires, du « plus jamais ça ! »

  34. Un élément du reportage que j’ignorais totalement : les massacres perpétrés lors des déplacements des camps, le long des parcours alors que la guerre était pratiquement terminée. Personne n’en parlait.

Laisser un Commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *