Il faut des contradicteurs : c’est dans l’intérêt médiatique…

La liberté d’expression de chacun est une source de pensées et de propos qu’on peut approuver, partiellement ou totalement, ou contester. Il ne me viendrait pas à l’idée de discuter ce droit fondamental.

Au contraire, c’est parce que j’use de cette liberté dans sa plénitude, notamment sur les plateaux médiatiques, que je reconnais évidemment à quiconque la même faculté. On ne peut se plaindre, dès lors que la courtoisie de la forme est respectée, de voir l’autre s’engager sur des chemins que vous pratiquez vous-même.

Ce n’est jamais la liberté qui pose un problème mais son abus ou parfois, quand elle prend un tour infiniment discutable, le fait qu’on ne lui oppose aucune contradiction. Rien de pire, à la télévision, que ces plateaux homogènes qui se félicitent d’être totalement accordés.

Comment ne pas songer à cette dérive quand, dans l’émission C Politique, animée par Thomas Snégaroff (TS) sur France 5, on a eu droit à une soirée peu ou prou consacrée à fustiger l’Amérique de Donald Trump et Donald Trump lui-même ?

Le comble de la partialité médiatique, déguisée en fausse objectivité historique et sociologique, a été atteint lorsqu’il s’est agi de l’immense hommage collectif rendu à Charlie Kirk en présence du président des États-Unis. Après une présentation ironique du public présent par TS se demandant si c’était « du beau monde », Judith Perrignon est intervenue pour livrer une analyse selon laquelle le rassemblement pour honorer la mémoire du débatteur conservateur assassiné lui avait fait penser aux réunions américaines nazies des années 30.

Cette comparaison est d’une totale absurdité, tant l’objet et les modalités de ce qui a rassemblé il y a peu l’Amérique conservatrice étaient à l’évidence aux antipodes de cette configuration du nazisme américain, sauf à vouloir, à toute force, complaire à une tonalité intellectuelle, politique et médiatique visant à assimiler Donald Trump à un nazi et l’Amérique l’ayant élu à un électorat sans morale et odieux.

Je suis sans doute naïf sur ce sujet mais je n’aurais jamais attendu de cette journaliste infiniment brillante, dans les portraits fins et remarquables qu’elle a publiés dans Le Monde, une telle approche aberrante et trompeuse.

D’autant plus que je sais par Geoffroy Lejeune, dont je n’ai jamais eu à suspecter la sincérité, que les cinq heures de cet hommage n’ont parlé que d’amour, au point que la veuve de la victime est allée jusqu’à déclarer qu’elle pardonnait à son assassin, la seule contradiction émanant évidemment de Donald Trump affirmant que lui  » détestait ses adversaires et qu’il ne voulait pas le meilleur pour eux », tel que c’est rapporté dans un bel article de Laure Mandeville (Le Figaro).

D’un côté l’amour, et de l’autre, de la part de tous ceux qui crachaient et dégradaient ce rassemblement, la haine. Quoi de commun avec un quelconque nazisme ?

La liberté d’expression de Judith Perrignon et de tous ceux qui participaient à cette émission, d’un même registre réprobateur, était naturellement entière, et comment ne pas s’en féliciter ? Le scandale ne résidait pas dans les analyses et les propos – la liberté charrie le pire et le meilleur – mais dans l’absence absolue de contradiction dans l’ensemble des séquences. On aurait pu attendre, espérer, une ou des voix dissonantes, discordantes, pour venir apporter un autre point de vue, un regard différent, des amendements souhaitables. Non, rien, le déroulement d’une implacable et constante partialité homogène. Comme si l’on cherchait à nous faire croire que cette mutilation du réel pouvait être la réalité tout entière et que nous en serions dupes.

Et c’était sur France 5, chaîne de l’audiovisuel public payé par tous pour aboutir à une vision destinée à quelques-uns !

Je me suis toujours passionné pour la liberté d’expression et, en démocratie, pour la contradiction et les débats antagonistes qu’elle implique, qu’elle doit inclure nécessairement. Je me sens d’autant plus concerné que, sans me pousser du col, sur CNews je suis amené à me camper parfois en contradicteur, je l’espère utile, par exemple récemment, sur la reconnaissance de l’État palestinien. Au sortir de ces émissions, je reçois des tombereaux d’injures sur X, mais ils m’apparaissent comme la rançon de la liberté d’expression dont j’use et qui ne m’est jamais mégotée sur les plateaux de CNews et, sur un autre plan, à Sud Radio.

On me permettra de conclure ainsi : oui, il est d’intérêt médiatique, pour ne pas dire public, qu’il y ait des contradicteurs dans l’audiovisuel public…

Article précédent

La loi comme repoussoir...

Voir les Commentaires (1)
  1. La question de la liberté d’expression cristallise un débat fondamental de nos sociétés démocratiques. Face à ceux qui, à l’instar des libertariens américains, des partisans de Trump ou d’Elon Musk, prônent une liberté d’expression absolue, une évidence s’impose : cette conception relève de l’utopie. Aucune société, y compris les États-Unis, pourtant champions du Premier amendement, ne fonctionne sans limites légales à l’expression.

    Dès lors, le véritable enjeu réside ailleurs : jusqu’où peut-on moduler l’application de ce principe selon nos affinités politiques ? Cette question me semble piégée. Soit nous acceptons la liberté d’expression dans son cadre légal pour tous, y compris pour ceux dont nous désapprouvons les idées, soit nous assumons ouvertement notre sélectivité. Je ne discerne guère de juste milieu entre ces deux positions.

    Votre admiration pour la cérémonie funéraire dédiée au polémiste Charlie Kirk m’amène à rappeler certains éléments factuels. Sa mort violente, le 10 septembre 2025 à l’Utah Valley University, clôt tragiquement le parcours d’un homme qui avait fait de la glorification de la violence son fonds de commerce. Celui qui déclarait en 2023 qu’il fallait « accepter, hélas, quelques morts par armes à feu chaque année » pour préserver le Second amendement, a péri par les armes, victime de cette culture de l’affrontement qu’il avait si ardemment nourrie.

    Certes, toute cérémonie funéraire mérite le respect, et la douleur de sa veuve est parfaitement légitime – d’autant qu’elle hérite d’un empire médiatique substantiel qu’elle perpétue désormais. Mais transformer cette figure controversée en martyr relève d’une réécriture hagiographique qui appelle naturellement la critique.

    Les réactions vives suscitées par cet hommage me paraissent proportionnées au caractère discutable du personnage célébré. L’histoire a connu des figures publiques autrement plus respectables que Charlie Kirk. Que des « fanatiques » – car c’est bien de cela qu’il s’agit – érigent leur idole en saint martyr ne peut que provoquer des contestations légitimes.
    Vous jugez ces critiques déplacées ? C’est votre droit. Mais l’admiration sans bornes pour un tel « martyr » – bientôt sanctifié, sans doute – mérite bien quelques réserves à la hauteur du ridicule de la situation. Ces critiques me semblent, au contraire, remarquablement mesurées au regard des enjeux.

Laisser un Commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *