Ce n’est pas de Franck Ribéry qu’on doit se moquer !

Marianne a raison en défendant Franck Ribéry dont on se moque à cause de son expression et de son articulation défaillantes. Il est souvent présenté comme « illettré et benêt ». S’il a eu des comportements répréhensibles, il me semble que, sur le plan du langage, on ne peut lui faire grief de son imperfection. Surtout sur le mode du mépris dont il a été accablé parfois.

D’abord, le mépris est le pire sentiment qui soit. Il représente le contraire de l’argumentation et révèle plus la faiblesse de celui qui insulte que la médiocrité de la personne visée.

Ensuite, il n’est pas juste d’imputer à quelqu’un des défauts quand il n’a pas eu la chance d’apprendre ni d’être formé, lorsqu’on ne lui a pas enseigné les règles et la correction dont la violation lui est reprochée.

Enfin, parce que ce serait perdre son temps que de s’en prendre à Franck Ribéry alors que l’expression française, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, est largement dégradée par le commun des citoyens et, plus gravement, par les élites de notre pays, politiques, culturelles et médiatiques, dont l’excellence, pourtant, devrait être un impératif.

Franck_Ribéry_20120611

Il convient de sortir de cette facilité qui, parce que certains ne peuvent s’adonner qu’à la lie du langage, nous rassure sur la qualité propre de notre verbe et nous persuade que des imperfections multiples mais minimes ne créent pas de véritable préjudice et au pire ne concernent que nous.

Depuis toujours, l’oralité a été une de mes obsessions, d’autant plus que dans mon parcours et mon histoire, elle a été la manière la plus efficace, quasiment unique, de communiquer avec autrui. J’ai envié tous ceux qui maîtrisent parfaitement les arts sociaux, de sorte que pour eux la parole n’a jamais eu la même importance que pour moi, qui en plus ai eu des fonctions judiciaires où le verbe était roi.

Je ne suis jamais parvenu à comprendre comment on pouvait accepter en France ce gouffre entre la classe intellectuelle dont généralement le langage est un régal, si j’en juge par À Voix Nue (France Culture), et la parole majoritaire de ceux qui ne s’expriment qu’en leur nom ou, par profession, pour les autres, si l’on songe aux journalistes et animateurs médiatiques.

Se soucier de la qualité du verbe ne saurait apparaître comme le radotage d’une société incapable de traiter les sujets essentiels. Elle traduit au contraire la conscience du lien nécessaire entre la profondeur de la pensée et l’exigence de la langue. La langue nourrit la pensée, laquelle s’appauvrit inévitablement si les mots lui manquent..

Un dernier paradoxe : le nombre de débats, de concours, de joutes, de colloques, tournant autour de l’éloquence et de la parole, est infini mais, au quotidien, cette multitude paraît n’avoir aucune prise sur l’ordinaire de l’expression publique et de la communication médiatique.

On pourra ne pas approuver ce billet mais une chose est certaine : ce n’est pas de Franck Ribéry dont on doit se moquer.

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Voir les Commentaires (19)
  1. « D’abord, le mépris est le pire sentiment qui soit. Il représente le contraire de l’argumentation et révèle plus la faiblesse de celui qui insulte que la médiocrité de la personne visée. » (PB)
    Bien d’accord avec vous sur ce point. D’ailleurs vous devriez en toucher deux mots à votre ami de plateau Pascal Praud qui tous les jours nous étale son mépris à l’égard du Président, du Premier ministre et de certains membres du gouvernement (y compris d’ailleurs envers ses chroniqueurs), avec pour tout argument des brèves de comptoir pas toujours très fines.
    Animateur de repas de mariages ou bonimenteur de kermesse rurale, voilà la place de ce personnage qui se croit spirituel alors qu’il n’a que le mépris à la bouche.
    On n’ose imaginer ce type aux « responsabilités », lui qui prétend avoir des solutions à tous les problèmes sociétaux, économiques, sécuritaires, culturel, géopolitique.
    Au bout de quinze jours on verrait à travers.

  2. Concernant l’orthographe et la grammaire, il me semble qu’Alain a déjà dit tout ce qu’il fallait dire, il y a un siècle. Il est vrai que cet homme des cavernes antédiluvien ne connaissait pas les dernières avancées de la civilisation occidentale, au point d’utiliser un banal outil scripteur en lieu et place de ChatGPT…
    « Si les pédagogues ne sont pas détournés vers d’autres proies, il arrivera que les instituteurs sauront beaucoup de choses, et que les écoliers ne sauront plus rien du tout. Il n’y a qu’une manière d’imprimer l’orthographe et la grammaire dans une tête d’enfant ; c’est de répéter et de faire répéter, c’est de corriger et de faire corriger. L’enfant rendra compte de ses fautes au tableau noir, sous le regard de tous, et repassera ses conjugaisons la craie en main. S’il faut lui faire entendre l’accord des participes, ce n’est pas un exemple qu’il écrira, attentif en même temps à l’orthographe, c’est dix exemples ; et tous les écriront sur l’ardoise, et les recopieront en écriture appliquée sur leur cahier. Ces exercices dévorent le temps ; il se peut qu’on emploie une heure à redresser une seule phrase. Les maîtres de piano ne s’étonnent point qu’un enfant apprenne si peu de choses en une heure. Mais les pédagogues méprisent cette sotte méthode qui est celle de tous les ateliers ».

  3. « D’abord, le mépris est le pire sentiment qui soit. » (PB)
    Soit, mais alors, pourquoi dans les milieux journalistiques et politiques semble-t-il naturel de mépriser les électeurs supposés voter si mal, du côté d’une prétendue extrême droite, en allant également jusqu’à reporter cet ostracisme à l’intérieur même de l’Assemblée nationale, à rebours d’un principe d’égalité clamé sur les toits ?

  4. Xavier NEBOUT

    Il y a cent mille ans, nos ancêtres des Eyzies étaient aussi intelligents et parlaient aussi bien que nous depuis cent autres mille ans.
    Quel était leur vocabulaire ?
    On peut le trouver en se rapprochant des mots issus de la nature humaine, avec pour commencer, le A, puis le B, baba, papa.
    Depuis quelque trois cents ans, nous assistons à une destruction de la vérité des mots-clés de l’humanité, et les étymologies faussées de nos dictionnaires le révèlent. Âme ne vient par exemple pas directement du latin « anima », au sens de ce qui anime, mais de « à moi », et cela nous le retrouvons en Inde.
    Qui sont ces destructeurs ? Ils forment le coeur de notre pègre intellectuelle, ce sont les, les… Vous avez trouvé !

  5. « ce n’est pas de Franck Ribéry dont on doit se moquer. » (PB)
    Ah c’est ben vrai ça !
    Il me semble toutefois que l’argumentaire développé ne met pas suffisamment FR en valeur comme il le mérite.
    J’ai une explication beaucoup plus simple.
    Trois éléments différencient l’humain du règne animal :
    Un cerveau proportionnellement plus développé, même chez la femme, si, si, Xavier.
    La station debout du bipède,
    La main avec le pouce opposable aux autres doigts.
    Il est assez rare qu’un homme utilise complètement ces trois éléments.
    Chez nos hommes politiques par exemple, la station debout est rare à l’Assemblée, la main ne sert qu’à quémander nos suffrages, quant au cerveau il ne sert qu’à inventer de nouvelles taxes. Peu de choses au regard de ce qu’il est possible de faire.
    Les artistes, écrivains et autres, utilisent peu leur possibilité de bipède. Proust a écrit couché.
    Et c’est là qu’on voit toute l’originalité et j’ose dire la supériorité du sportif comme FR, dont la station debout dans toutes les allures, de la marche au sprint, conditionne sa vie.
    En cela FR se distingue de tous les intellectuels qui le critiquent en restant assis, et restant assis, ils vont moins loin que lui.
    Quant à l’oralité, sans action le plus souvent, dont se vantent les intellectuels, on peut leur faire remarquer deux choses :
    La première est que la communication n’est pas le propre de l’homme, elle est répandue dans le règne animal.
    La seconde est que s’il est écrit dans le Livre « Au commencement était le Verbe », on peut rétorquer qu’avant le Verbe il y a l’Intention.
    Et c’est là qu’est la supériorité de FR, sa communication est non verbale parce qu’elle anticipe l’action, et qu’elle oblige ses partenaires ou adversaires à le suivre dans son anticipation.
    Ceux qui le critiquent sont ceux qui ne peuvent anticiper une pensée non formulée puisqu’elle n’est que mouvement dans l’action.
    Voilà, il me semble que la défense de FR est bien plus claire à présent. 😉
    P.-S. : puisqu’il est question de mépris, comment ne pas faire référence au film de Jean-Luc Godard, intitulé « Le Mépris », dans lequel Brigitte Bardot dénudée demande, en totale innocence, à son partenaire Michel Piccoli : « Et mes fesses, tu les aimes mes fesses ? ».
    Il me semble me souvenir que la réponse fut non verbale, et personne n’a critiqué Michel Piccoli. 😉

  6. Michel Deluré

    @ Exilé 27/08/25 10:51
    Soyons honnêtes, les milieux journalistiques et politiques sont loin d’être les seuls à avoir le privilège de l’usage du mépris. S’ils manient avec délectation ce travers, le poussant souvent à l’outrance pour notre plus grand malheur, je dirais cependant que celui-ci est finalement plutôt répandu dans notre société et qu’il lui arrive même de sévir sur ce blog.
    Mais qui sait, comme le prétendait Frédéric Dard, le mépris est peut-être avec l’amour ce sentiment qui permet à certains de supporter leurs semblables !
    Je préfère pour ma part me ranger du côté de Montesquieu pour qui « la plupart des mépris ne valent que des mépris ».

  7. Il serait bon que M. Nebout nous instruise sur l’étymologIe du mot « âme » qu’il propose. Ou est-ce un canular ?
    Merci, toute science est bonne à prendre.

  8. Robert Marchenoir

    @ Xavier NEBOUT | 27 août 2025 à 12:05
    « Qui sont ces destructeurs ? Ils forment le coeur de notre pègre intellectuelle, ce sont les, les… »
    Laineux. Les mammouths laineux.

  9. On voit que c’est la fin de l’été. Les sujets se raréfient. Place au Franky Horror Picture Show. Je vous approuve quant à l’idée qu’il est de mauvais ton de mépriser l’absence d’instruction, qui n’est pas synonyme de manque d’intelligence, loin s’en faut.
    Il y en a qui se targuent d’être très instruits et qui sont malgré cela très c*ns. Vous noterez que je ne nomme personne, mais bon, suivez mon regard.
    Et le Franky, tout c*n qu’il est, parle couramment allemand.

  10. @ Xavier NEBOUT
    Un grand merci, et je m’incline devant la précision de la réponse, mais n’ayant aucune culture orientale autre que Tagore poétique et japonaise que la pratique des arts martiaux, au niveau occidental de l’art de la castagne, je ne suis pas illuminé par les langues évocatrices. Mais merci pour votre cadeau, je vais y travailler.

  11. Lors d’un entretien d’embauche (quelle horrible expression), celui qui maîtrise l’oral aura évidemment le dessus sur celui qui y est moins à l’aise.
    C’est pourquoi l’exercice d’un grand oral devrait être enseigné dans toutes les écoles, à partir d’un certain niveau.
    Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, comme cela a déjà été dit.

  12. Ribéry et d’autres sportifs doivent être admirés pour leur performance physique, le sport développe le corps, éventuellement leur perfection stratégique, par exemple dans les sports de balle où la force pure ne suffit pas.
    Il y a même des créateurs en sport, comme McEnroe, dont la stratégie, et l’invention d’un service très particulier, l’ont sacré comme une étoile majeure du tennis.
    https://www.youtube.com/watch?v=RQL7QEG3TgE
    C’est le désir d’aller aussi loin que possible dans le chemin de toutes les perfections, physique, intellectuelle et morale, qui doit nous animer, et non de trouver le défaut de l’armure chez les gens, pour mieux se rehausser à leurs dépens.
    Une telle attitude est plus juste pour eux, plus exigeante pour nous… Mais exigeante si on veut : jamais les charentaises n’ont expulsé les pieds de personne, jamais les tennis n’ont capturé leur propriétaire pour l’obliger à se bouger !

  13. Xavier NEBOUT

    @ genau
    L’intérêt du sanskrit, c’est qu’il est au plus près du proto indoeuropéen d’où sont issues toutes les langues indoeuropéennes, et parmi ces dernières, c’est le français qui en est souvent le plus proche quand il n’a pas été trop pollué par le latin et autres barbares.
    De plus, la vierge à l’enfant est une tradition gauloise c’est à dire galiléenne… et la sainte tri-unité est la trimurti indienne…
    Alors les francs-macs et leur temple de Salomon…

  14. « D’abord, le mépris est le pire sentiment qui soit ». (PB)
    Alors, veuillez l’expliquer à M. Macron, des dizaines de millions de Français vous en remercieront.

  15. Patrice Charoulet

    En diététique on n’en sait jamais trop. Quand on sait tout ce qu’on doit savoir, reste à l’appliquer à TOUS ses repas sans exception. Conséquences : on a un IMC de 20, on a une tension artérielle parfaite, on n’a jamais mal à la tête, on ne souffre pas d’insomnies, on a une armoire à pharmacie vide et, quand le médecin chaque année vous prescrit une analyse de sang, tous, je dis bien tous les
    chiffres sont bons.
    Si l’on ne fume jamais et qu’on ne boit que de l’eau, la situation n’en est que meilleure.

  16. Marc Ghinsberg

    @ Patrice Charoulet
    Cher Patrice, un jour mon médecin m’expliquait qu’il ne fallait pas fumer, qu’il ne fallait pas boire d’alcool, qu’il fallait manger modérément et ne pas mener une vie de patachon.
    Je lui ai répondu que j’allais suivre ses conseils, que je ne savais pas si j’allais vivre plus vieux mais qu’en tout cas la vie me paraîtrait plus longue.
    Elle n’a apprécié que modérément ma remarque.

  17. @ Xavier NEBOUT
    Et ce fut l’illumination : ma mémoire a fonctionné et rouvert un coffre oublié dans une synapse. Georges Dumézil. La trifonctionnalité, Mythe et épopée, plus Loki sur les divinités scandinaves. Les triades majeures et mineures à Rome. J’étais bloqué sur le mot qui m’a interpellé et m’empêchait d’explorer au-delà. Tout va bien.

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