Alexandre Soljenitsyne (AS) est un immense écrivain, une conscience qui fait honneur à l’humanité, un homme qui a eu une influence décisive sur la libération des esprits en Union soviétique et partout où le communisme étouffait.
Quand il s’est retrouvé aux États-Unis et qu’il a constaté, avec sa rigueur et sa lucidité sans concession, de quoi était faite cette civilisation au nom de laquelle, d’une certaine manière, il s’était battu et avait souffert, il n’a pas mâché ses mots ni ses pensées. Et sa philosophie intelligemment et noblement conservatrice a été moquée par les progressistes du monde entier. Cette icône ne ressemblait plus au modèle qu’on aurait voulu le voir incarner. Au fond, il n’était pas tolérable qu’il demeurât le même, dans les geôles et comme homme libre.
Lorsqu’il est mort le 3 août 2008, son étoile avait largement pâli.
Pourtant il est plus que jamais lumière et vérité et il nous parle encore…
Comment ne pas le comprendre quand il déclare dans son fameux discours de Harvard en 1978 : « Le déclin du courage est peut-être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occident d’aujourd’hui. Le courage civique a déserté non seulement le monde occidental dans son ensemble mais même chacun des pays qui le composent »(Le Figaro, Thierry Clermont).
Cette dénonciation proférée par un esprit et un corps qui avaient montré de quoi ils étaient capables, avec cette résistance victorieuse à l’oppression, avait un prix infini et elle concernait aussi bien le manque de courage des citoyens que celui des pouvoirs, des gouvernants et des élites.
Non seulement elle n’a pas pris une ride mais il me semble qu’elle n’a jamais atteint un tel niveau de déplorable réalité.
En effet, pour n’appréhender que nos pays dits évolués, on est bien obligé d’admettre que le dénominateur commun à toutes les faillites des politiques nationales et internationales mises en oeuvre est le défaut de courage, le courage pouvant être défini comme l’acceptation audacieuse de tout ce que la prise en compte du réel devrait imposer. Très souvent, si la réalité n’est pas perçue dans sa gravité entière, cela tient au fait que cet aveuglement relatif donne bonne conscience à tous ceux qui justifient ainsi leur passivité.
Le paradoxe amer est que ce délitement des vertus humaines essentielles, dans la conduite des affaires publiques, à commencer par celle du courage, a eu pour contrepartie lamentable une dégradation totale de la civilité civique et politique avec la répudiation du dialogue vigoureux mais courtois et l’émergence d’une haine confondant la contradiction des idées avec la détestation des êtres.
Cette relégation du courage au quotidien, comme manière ordinaire de gouverner sans qu’il y ait matière à en tirer gloire, a pour conséquence de susciter des admirations exceptionnelles et souvent injustifiées pour des personnalités atypiques, moins courageuses que dominatrices, moins sûres d’elles qu’impulsives et fluctuantes.
Je ne doute pas que pour les hommes et les femmes de pouvoir, si le courage était placé dans le panthéon des dispositions de caractère, s’il se traduisait simplement, comme une évidence, sans la moindre ostentation, dans toutes les situations, sur les plans national, européen ou mondial, où il conviendrait de l’imposer, nous aurions moins de goût pour les caractériels attirant une adhésion facile par le simple fait de taper du poing sur la table et de respecter quelques promesses.
La leçon d’AS ne se rapporte pas qu’à la vie politique. Nous trouvons nous-mêmes mille opportunités de démontrer notre courage, notre aptitude à la liberté d’expression, notre capacité de résister au flot dominant (quelle que soit sa tonalité politique) ou de ne pas le faire.
Pour ma part, si j’ai toujours pensé que le courage était une vertu capitale en l’ayant, le moins mal possible, pratiquée, savoir que je me place ainsi sous l’égide de l’homme admirable qu’était à tous points de vue AS est un honneur de plus.
Ce devrait l’être pour tous car AS nous parle encore… Pour l’éternité !
« Le paradoxe amer est que ce délitement des vertus humaines essentielles, dans la conduite des affaires publiques, à commencer par celle du courage, a eu pour contrepartie lamentable une dégradation totale de la civilité civique et politique avec la répudiation du dialogue vigoureux mais courtois et l’émergence d’une haine confondant la contradiction des idées avec la détestation des êtres. » (PB)
Un moment, j’ai cru qu’on parlait de Macron…
« Le paradoxe amer est que ce délitement des vertus humaines essentielles, dans la conduite des affaires publiques, à commencer par celle du courage, a eu pour contrepartie lamentable une dégradation totale de la civilité civique et politique avec la répudiation du dialogue vigoureux mais courtois et l’émergence d’une haine confondant la contradiction des idées avec la détestation des êtres. » (PB)
Ah le courage, voilà une belle et noble attitude. La France a plein de gens courageux. Dommage qu’on les trouve surtout dans l’opposition, de droite comme de gauche d’ailleurs.
C’est toujours plus facile quand on n’est pas aux responsabilités de dire « Moi, si j’étais président de la République (ou Premier ministre), je… »
Dans le lot, on trouve même d’anciens ministres qui ne se sont jamais vraiment distingués par leur « courage » et qui viennent sur les plateaux télé prodiguer leurs conseils qu’ils n’ont jamais appliqués eux-mêmes quand ils étaient au gouvernement.
Et ne parlons même pas des animateurs et chroniqueurs de chaînes d’information (ou plutôt d’opinion), petits télégraphistes de la droite réactionnaire, qui ne cessent de nous dire ce qu’il faudrait faire et surtout ne pas faire avec le ton pontifiant des sachants inspirés.
Ben oui, le courage, c’est facile surtout quand on n’a rien à craindre !
Alexandre Soljenitsyne a dénoncé le terrorisme de la pensée aboutissant au génocide des Vendéens de 1793 à 1796, et c’est le même que celui de la loi Gayssot et autres cache-sexes de la pègre intellectuelle qui cautionne aujourd’hui le génocide des Palestiniens.
Soljenitsyne a été expulsé d’URSS comme Rony Brauman l’est aujourd’hui des médias.
Ce terrorisme, c’est celui qui interdit de parler du salut de l’âme parce qu’il remettrait la République et sa pègre en cause, et plus encore, dévoilerait la lâcheté de tous ceux qui ne le dénoncent pas pour ne pas avouer leur ignorance.
« Le courage de Soljenitsyne, c’était d’avoir osé perdre ses amis pour ne pas trahir sa pensée. »
Tandis que tant de nos élites tâchent de survivre en ajustant leurs idées au climat du moment, lui choisit, contre tous les vents, le cap de la droiture, quitte à être crucifié sur les deux fronts : par la censure soviétique et par l’indifférence occidentale. Il dérangeait en URSS, il gêna en Amérique, et cela seul suffit à faire de lui un homme libre.
Ce n’est pas le monde qu’il haïssait, c’est sa lâcheté — cette molle propension à s’accommoder du mensonge, pourvu qu’il soit confortable, à ne plus vouloir rien affronter que sa propre mauvaise conscience.
Ce que son discours de Harvard a révélé avec éclat, c’est que la liberté n’est rien sans le courage, que la démocratie sans vertu n’est qu’un simulacre, et que le confort peut devenir une camisole plus efficace que le Goulag.
L’homme moderne, repu mais sans nerf, n’ose plus contrarier le monde ; il exhibe sa tolérance pour mieux camoufler sa servitude volontaire. Il célèbre le dissident tant qu’il reste à l’étranger ou dans les livres, mais il le hait dès qu’il vient questionner ses lâchetés.
Soljenitsyne nous tend un miroir cruel, mais salvateur. Il n’est pas notre passé, il est notre rappel à l’ordre — non pas celui de l’État, mais celui de la conscience.
Et si son étoile a pâli, c’est peut-être que notre ciel s’est obscurci.
Il y a une vulgate assez répandue que vous reprenez à votre compte, cher hôte, qui me semble exagérément vague. Tenir compte du réel, pratiqué par à peu près tous les séides de Bolloré, le mononeuronal P. Praud en tête. Sous-entendu, ce que je dis est le réel, ce que dit l’autre en est une idéologique négation.
J’ai lu sous le clavier d’un de vos contributeurs une référence à l’ancien temps. Blousons noirs, apaches, voyous de toutes les espèces. Si l’expérience personnelle ne fait pas une généralité, cela fait plusieurs années que je n’ai pas vécu une bonne générale, alors que dans ma jeunesse, place de la Gare, dans les bistrots, si elles n’étaient pas quotidiennes il ne se passait pas une semaine sans qu’il n’y en ait deux trois.
Les temps ont changé. Les armes sont de sortie. Il y a des violences extrêmes qui existaient moins avant, normal, il était plus compliqué de se procurer une Kalachnikov, on était plus sur le flingue, 9 mm, 11.43. Les violents sont plus jeunes. Le respect des forces de l’ordre moins grand… Pour autant le maelstrom CNewsesque est-il le réel ?
Le réel, s’il faut parler comme ça, c’est que les politiques nous prennent pour des c*ns. Je radote, mais croyez-vous que toutes les lois qu’envisagent ces bonnes âmes soient destinées aux voyous ? que nenni ! Tout existe pour les réprimer. Il manque juste… des places de prison.
Les lois, caméras, reconnaissance faciale, on n’est pas chez Dorcel, sévérité accrue… ne sont pas faites pour les voyous. Par définition ils s’en tapent. Elles sont faites pour réprimer plus facilement le Gilet jaune.
Les politiques se moquent de la justice à un point tel que, quand ça les touche, elle devient subitement trop sévère, incompétente, orientée…
Quant au courage, pour 90 % d’entres eux, c’est une notion absente de leur psychologie. Particulièrement chez les macronistes.
La dépression du peuple français, décrite par Bayrou lors de sa conférence de presse, illustre bien les propos de Soljenitsyne concernant les accoutumances du matérialisme dégagé de toute exigence spirituelle, quand l’humain ne sait borner son désir de liberté par les devoirs qui permettraient de l’exercer.
L’étape anthropologique que l’auteur russe appelle de ses vœux n’a pas tant à voir avec le courage qu’avec la lucidité de savoir placer l’être humain à sa juste place dans la création, qui est seconde, comme celle de la loi juridique l’est au regard des lois scientifiques ou psychologiques, permettant de comprendre notre situation et de savoir en tirer les conclusions nécessaires à notre survie.
Il ne s’agit pas non plus d’aller plus haut mais plus loin dans le temps, et d’entendre ce qui était avant toute culture humaine, définition de la mission de cet instant qu’est la créature douée d’entendement que nous sommes appelés à incarner librement, pour accéder à la formulation d’une réalité qui nous dépasse mais qui pourtant, si nous savons en entendre la proposition, ne saura se prononcer que par nos lèvres enfin libérées des orgueils de nous croire premiers :
« Jean dit de manière programmatique, au premier chapitre de son évangile, que ces paroles en attente d’accomplissement sont maintenant réalisées en Jésus : « Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître » (Jean 1, 18 ; voir 13, 25). Au premier abord, nous pouvons donc dire que Jésus ne voulait pas faire directement advenir le nouveau monde accompli de la paix, comme Isaïe 2 et Michée 4 le prédisent, mais qu’il voulait montrer Dieu aux hommes et également aux païens, et qu’il a ainsi révélé la volonté de Dieu qui est la véritable rédemption des hommes. »
https://shs.cairn.info/revue-communio-2018-5-page-123?lang=fr#s2n4
Il ne s’agit pas et de loin que de l’Occident qui est ici en jeu, mais de la capacité des humains à comprendre leur vocation surnaturelle à savoir mentalement se placer dans le Temps :
« Je venais de comprendre pourquoi le duc de Guermantes, dont j’avais admiré, en le regardant assis sur une chaise, combien il avait peu vieilli bien qu’il eût tellement plus d’années que moi au-dessous de lui, dès qu’il s’était levé et avait voulu se tenir debout, avait vacillé sur des jambes flageolantes comme celles de ces vieux archevêques sur lesquels il n’y a de solide que leur croix métallique et vers lesquels s’empressent les jeunes séminaristes, et ne s’était avancé qu’en tremblant comme une feuille sur le sommet peu praticable de quatre-vingt-trois années, comme si les hommes étaient juchés sur de vivantes échasses grandissant sans cesse, parfois plus hautes que des clochers, finissant par leur rendre la marche difficile et périlleuse, et d’où tout d’un coup ils tombent. Je m’effrayais que les miennes fussent déjà si hautes sous mes pas, il ne me semblait pas que j’aurais encore la force de maintenir longtemps attaché à moi ce passé qui descendait déjà si loin, et que je portais si douloureusement en moi ! Si du moins il m’était laissé assez de temps pour accomplir mon œuvre, je ne manquerais pas de la marquer au sceau de ce Temps dont l’idée s’imposait à moi avec tant de force aujourd’hui, et j’y décrirais les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant dans le Temps une place autrement considérable que celle si restreinte qui leur est réservée dans l’espace, une place, au contraire, prolongée sans mesure, puisqu’ils touchent simultanément, comme des géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux, si distantes — entre lesquelles tant de jours sont venus se placer — dans le Temps. »
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Temps_retrouv%C3%A9/III
@ Achille | 23 juillet 2025 à 07:12
« …petits télégraphistes de la droite réactionnaire, qui ne cessent de nous dire ce qu’il faudrait faire et surtout ne pas faire avec le ton pontifiant des sachants inspirés.
Ben oui, le courage, c’est facile surtout quand on n’a rien à craindre ! »
Il y a un oubli et de taille :
« …petits télégraphistes de la droite réactionnaire, et…… de la gauche facho nazislamo gauchiste macronienne PS PCF EELV LFI HamaSS antisémite antijuive… qui ne cessent de nous dire ce qu’il faudrait faire et surtout ne pas faire avec le ton pontifiant des sachants inspirés. »
Ne me remerciez pas, vous avez juste oublié d’enlever les peaux de saucisson collées sur vos yeux, ça arrive à tout le monde.
Je retiens surtout le portrait de Staline faisant sa propre apologie au début du Premier cercle, et la vision de l’abricotier en fleur à la fin du Pavillon des cancéreux.
Et les Soviétiques se précipitant dans les librairies de Moscou et épuisant en 24 heures les cent mille exemplaires de la première édition d’Une journée d’Ivan Denissovitch…
Je ne voudrais pas déranger ces belles analyses concernant ce monsieur Solje… euh comment déjà ? ça y est, nitsine, ouf !
Je vais faire un parallèle avec le vote des femmes qui, comme chacun sait, votent pour « celui qui a la plus belle moustache ».
Idem pour ce monsieur Alexandre S., les femmes, et certains hommes aux mêmes QI, le trouvent moche et ça c’est impardonnable pour avoir un succès littéraire chez les lectrices et lecteurs de Voici, Gala, Paris Match, L’Équipe, Midi olympique, etc.
En même temps, je ne pense pas que Brad Pitt aurait pu écrire « L’Archipel du goulag » ; nos braves cuisinières l’auraient confondu avec un livre de recette de cuisine : goulag, goulasch, ça sent bon la cuisine hongroise.
Les géants, ça dérange !
« Le déclin du courage est peut-être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occident d’aujourd’hui » nous déclare Soljenitsyne. Un certain peuple, entraîné par des chefs sans colonne vertébrale, a même osé faire inscrire dans la Constitution un « principe de précaution ». Principe brandi par tous les hypocondriaques, les éco-anxieux, les négateurs des conduites audacieuses et des ambitions légitimes ; comment mieux abolir le courage comme vertu.
« Quand il s’est retrouvé aux États-Unis et qu’il a constaté, avec sa rigueur et sa lucidité sans concession, de quoi était faite cette civilisation au nom de laquelle, d’une certaine manière, il s’était battu et avait souffert, il n’a pas mâché ses mots ni ses pensées. Et sa philosophie intelligemment et noblement conservatrice a été moquée par les progressistes du monde entier. Cette icône ne ressemblait plus au modèle qu’on aurait voulu le voir incarner. Au fond, il n’était pas tolérable qu’il demeurât le même, dans les geôles et comme homme libre. » (PB)
Une petite observation, sa philosophie était plus spirituelle et anti-matérialiste que « conservatrice » car c’est le matérialisme qui est le poison rongeant une société, que ce soit le matérialisme communiste ou celui sur fond d’« american way of life » dans lequel vivaient ses auditeurs de Harvard, ce qui les a choqués d’apprendre.
Mais bien entendu, ce discours nous concerne aussi car sur bien des points le matérialisme gangrène aussi notre pays, dans son atmosphère comme dans ses lois.
https://www.padreblog.fr/wp-content/uploads/2021/05/discours-dharvard.pdf
Commentaire dépassé mais qui se rapproche curieusement de celui-ci :
Vous avez dit bizarre ?
Comme c’est bizarre. Déplorer la chute de l’autorité en France n’est pas vraiment sérieux : voyez la sauvagerie des fonctionnaires sanctionnant la moindre peccadille administrative et leur indifférence, les erreurs non reconnues sans de longues et coûteuses démarches, les agents de la biodiversité armés, prêts à flinguer le cultivateur à bout de nerfs.
La justice ? Oui, peut-être, débordée, infectée par une idéologie qui n’a rien de nouveau. Mais l’affubler encore d’un oripeau nouveau, la procédure rapide de l’urgence, mais sous quelles règles ? Quels impératifs ? Personne ne songe à nier la présence préoccupante des étrangers, notamment africains, dans les statistiques et leur origine géographique n’est pas le reflet de l’irrégularité du séjour, c’est seulement un chiffre représentatif d’une communauté de plus en plus soumise à des impératifs crimino-religieux où la parole d’Allah, incontestable, fournit un prétexte aux pires intentions.
De la même façon, l’incivisme violent déteint jusque dans les campagnes et empêche la coordination d’une juste répression. Combien d’enfants bousculés par des chevaliers héros des banlieues ou des quartiers, blessés, souvent tués ?
On peut alors parler de quantité de répression, sujet par sujet, mais nos autorités préfèrent parler de taxes, de ressources nouvelles, comme si le massacre de notre économie perceptible même au petit étudiant de deuxième année, depuis soixante ans, ne devait pas être évoqué, ou alors avec désinvolture.
Et c’est là qu’en toute beauté, en toute majesté, se lève le cynisme légal, l’individualisme de la personne au bon poste, en toute légalité.
On ne va pas refaire le procès des copains et des coquins ; le sujet est trop connu pour soulever le moindre intérêt.
Pourtant, une dame, ancienne ministre, enfin, ministraillon ou ministricule, faiblement diplômée, rejoint, aux termes, dit-on, d’une transaction entre de hautes instances, une instance célèbre en général réservée aux administrateurs d’État pour obtenir qu’un parti, de gauche, présidé par le mari de cette dame, soit gentil lors des grands votes prévus à la rentrée. Passe-moi la rhubarbe, je te passerai le séné ; sauf qu’on parle de l’État, de son instance la plus respectée, même si ses avis sont souvent superbement ignorés. La liste des nominés est hilarante : huit personnages, pas marrants du tout, dotés d’un curriculum de qualité et un neuvième, qui fait penser à une faute de frappe mais dont il semble qu’il ait été retoqué chez LCI en demandant un cachet trop élevé.
Faut-il que sa personnalité soit forte et charismatique : que fait-elle ?
Préside France terre d’asile organisation aussi politisée que subventionnée, à la charge intégrale des Français.
Siège au conseil régional.
A siégé dans diverses instances décentralisées, essaime un peu partout, se forge une expérience politique, mais, sauf mieux informé, ne laisse pas une trace impérissable.
Tout cela est admissible. Un échange un peu cynique en politique, c’est courant. Nommer quelqu’un qui ne fait courir aucun risque à l’institution, ça se pratique.
En revanche, ce qui gêne, c’est l’appétit de la dame qui entend ne renoncer ni à sa fonction de France etc. ni à son poste de conseiller régional.
Il n’y a là rien d’illégal, le président inoxydable l’a affirmé du haut de son prestige, l’a martelé sur la figure des contribuables un peu éberlués.
Dans un sens, on peut être satisfait, cette dame mérite le titre de « meilleure gastronome » de France, avec le président du Sénat peut-être, ou de « maîtresse des râteliers ».
À entendre le silence pincé des réactions, on peut déduire que la chose va de soi, ou que la menace d’État plane depuis le tonitruant président de ladite Cour et que le peuple est cocu, et content.
Il y aura un 10 septembre, sauf si la manne politique est dispensée avec générosité, souvenez-vous du malheureux Marcelin Albert et soyez assurés que la dame objet de ce billet, paiera un jour sa prétention, de façon légale.
Soyons assurés que les forces de l’ordre vont taper fort, pour défendre, entre autres, les somptueux revenus de nos politiques, légaux, transparents, mais auxquels il manque un trait de caractère : le sens de l’État.
Faut-il le renommer : le cens ou le sang de l’État ?
J’aime bien les commentateurs qui dissertent sur le courage sous pseudonyme.
« Le paradoxe amer est que ce délitement des vertus humaines essentielles, dans la conduite des affaires publiques, à commencer par celle du courage, a eu pour contrepartie lamentable une dégradation totale de la civilité civique et politique avec la répudiation du dialogue vigoureux mais courtois et l’émergence d’une haine confondant la contradiction des idées avec la détestation des êtres. » (PB)
Très bien vu. Le problème étant que ce manque de courage se répercute à la société tout entière et que le délitement se retrouve à tous les échelons, aussi bien dans les rouages de nos services publics que dans la vie courante. Cela devient très inquiétant.
La question est : comment redresser la barre ou inverser la vapeur ?
Il a fallu à Alexandre Soljenitsyne du courage pour écrire ce qu’il avait vu et subi en URSS, alors que beaucoup dans le monde occidental croyaient encore au communisme comme à une religion. Sa parole a permis de connaître la triste réalité.
Ici, dans notre démocratie, tout le monde comprend qu’il faudrait rétablir l’ordre et la valeur des choses, redonner envie de travailler, mais pour cela il faut un vrai courage.
Le courage ! un mot ringardisé par avance.
@ sylvain | 23 juillet 2025 à 11:15
Si cela peut vous rassurer je déteste bien plus LFI que le RN. En fait je n’aime pas ce dernier, sans plus. Je pense l’avoir largement expliqué sur ce blog.
Par ailleurs,
– Je suis Français (avec un nom français, ce qui devient de plus en plus rare de nos jours).
– Je suis blanc comme un cachet d’aspirine (avec peut-être un teint hâlé pendant l’été).
– Je suis catho 100 %. J’ai fait toute ma scolarité chez les Frères maristes, avec bénédicité avant chaque repas, messe tous les dimanches et fêtes religieuses. Dix ans de catéchisme. J’ai même été enfant de choeur et Coeur vaillant !
– J’ai passé tous les sacrements de l’Église : baptême, petite communion, confirmation, communion solennelle, mariage à l’église.
– Je vais de temps en temps à la messe, enfin essentiellement pour les baptêmes, communions solennelles, mariages des neveux et nièces et enterrements des parents et amis (avec l’âge c’est surtout ces derniers qui me conduisent à l’église).
Tout ça pour vous dire que si par malheur le RN venait à prendre le pouvoir un jour (en fait je n’y crois pas trop, mais supposons), je ne pense pas être dans les premières charrettes de l’épuration des gauchistes, migrants et racailles diverses par le nouveau pouvoir.
Peut-être aurais-je droit un avertissement sans frais, au pire quelques jours de TIG pas trop pénibles vu mon grand âge.
@ genau | 23 juillet 2025 à 19:05
Vous êtes malheureusement bien seul à le relever, pas beaucoup d’écho dans les médias, tout passe crème comme on dit maintenant.
Quand on l’écoute, cette dame, c’est affligeant et ça postule avec voracité, ça met ses gosses à l’école privée et ça se dit laïque, elle a été aussi conseillère générale du Rhône à l’époque de Hollande, maintenant conseillère régionale d’Auvergne-Rhône-Alpes… Ils sont à vomir et pourtant le pays est à la ramasse.
L’autre, son mari, a été parachuté dans un fief des Landes, celui d’Emmanuelli, il ne prenait aucun risque, les électeurs étaient tamponnés PS à la grande époque, ils sont de la noblesse d’Empire, la pire de toutes, leur accès aux partis passe toujours par les balcons, jamais par les strapontins.
Ils sont PS parce que la voie est moins encombrée, et des nobles d’empire se cooptent toujours, ils se reconnaissent aussi aux truffes qu’ils affectionnent avec les pâtes dans les restaurants italiens, ça fait peuple mais chic-discret pour les entrants des tables voisines.
Bon, bon… Vous m’avez réveillé ce n’est pas déplaisant, et ceux qui parlent de Soljenitsyne, j’espère qu’ils ont lu au minimum la Roue rouge, et pas comme les cuistres qui ne savent citer – sans l’avoir lu entièrement – que Le Voyage de Louis Ferdinand Destouches.
Sur ce je vous quitte, j’ai un petit problème à résoudre, une baisse de pression sur une alimentation d’eau ce qui produit des bruits de canalisation inhabituels. La vie quoi !
@ Marc Ghinsberg | 23 juillet 2025 à 20:20
« J’aime bien les commentateurs qui dissertent sur le courage sous pseudonyme. »
S’il s’en trouve un pour se vanter de son courage, sinon pourquoi ? Ici, il n’y a que notre hôte qui puisse en vérité s’en flatter :
« Pour ma part, si j’ai toujours pensé que le courage était une vertu capitale en l’ayant, le moins mal possible, pratiquée, savoir que je me place ainsi sous l’égide de l’homme admirable qu’était à tous points de vue AS est un honneur de plus. »
Et pourquoi n’est-il pas un usurpateur ? Parce qu’il s’affiche en vérité assez dans les médias pour prendre des risques, comment dire ? incontestables.
Mais aussi des risques qui servent à quelque chose… Un pseudonyme qui mettrait bas le masque ici s’exposerait sans que son audace ne soit justifiée par le retentissement de son acte.
J’en arrive à ce point : le masque est utile pour dire ce qu’on pense, qu’on soit courageux ou non, que la situation le requiert ou pas.
Il permet donc d’élargir le champ de la liberté possible par les gens, le débat, sans parler d’accoutumer ou d’entretenir chacun dans de telles dispositions. Mais si le masque n’existait pas, il faudrait l’inventer !
De plus, vous n’avez pas le droit de présumer que la prudence des raisonnables signe leur lâcheté : vous n’en savez rien. Je sens qu’on va dire que si j’ai réagi, c’est que cela me touche un nerf. Eh bien, en effet, pour les raisons dites plus haut.
Et vous pouvez me traiter de lâche autant qu’il vous plaira, je ne pense pas que j’interviendrais après une éventuelle interdiction des masques. J’ai toujours pensé que puisque la majorité des gens sont des lâches, et notamment des Français, mais je ne reviendrai par sur les raisons de ce diagnostic ici, il était des plus probables que je sois lâche. Et alors ? Je signale à toutes fins utiles, que quand les gens ne jettent pas leur personne dans le débat, on ne devrait parler que du vrai et du faux, du juste et de l’injuste de ce que dit notre hôte et du monde comme il va, ou plutôt, comme il ne va pas.
Mais ici comme ailleurs, il faut sortir avec un parapluie à crachats ! Le plus désarçonnant est quand on m’a traité de sans talent. Vraiment étrange, je ne savais pas qu’on écrivait ici des odes ou des romans… Je supposais qu’on débattait comme sur une agora.
Et pour bien des raisons que je n’ai plus envie de développer, je n’ai pas envie de dire pourquoi il est plus vexant d’être dit sans talent que lâche. Quoi qu’il en soit, si j’oublie bien des choses, je ne pardonne rien : ce qui est fait est fait, tout coup en appelle un qui n’est pas désavoué sous prétexte que l’autre n’a pas reçu ce qu’il a provoqué. Je suis peut-être lâche, mais pas au point de dire pardonner pour maquiller la vexation de n’avoir pu tirer vengeance, ou même une vengeance suffisante pour la restauration de ma dignité.
Puisqu’on parle de nos personnes, je veux bien qu’on dise qu’un pseudo qui attaque un patronyme est dans la position d’un guerrier armé face à un désarmé, il cerne et n’est pas cerné et que cela n’a rien de bien beau si on parle de duel et non de l’art de la guerre. Mais l’inverse est aussi vrai ! Rapport de force dans ce cas ? Un patronyme a pour lui le préjugé que les patronymes sont plus gentils, moins violents, ce que je n’ai pas constaté, et même, plus courageux que les autres. Or souvent, les patronymes ne disent rien qui puisse les faire agresser, si vous prétendez que tout va très bien madame la marquise, ni l’aristocrate, ni ses gens ne vont s’en prendre à vous, ne croyez-vous pas ? Chacun vit dans son monde.
https://www.youtube.com/watch?v=Wn28uEI4_4c
https://www.youtube.com/watch?v=odkZVO_J1TE
« Donnez un cheval à celui qui dit la vérité, il en aura besoin pour s’enfuir » dit un proverbe. Nous ne sommes plus en des temps où la distance nous dérobait aux agressions, la promptitude aux coups, et pas dans des lieux comme les États-Unis, où la loi permet aux citoyens de porter les armes, donc d’être autre chose que des créatures désarmées, des moutons face aux agresseurs. Notre seule épée est la parole, notre seul bouclier, le masque.
Et tant voudraient nous priver de masque, pour rendre bientôt le débat impossible, en disant que les pseudos sont méchants, lâches ou tout ce qu’on voudra… Cause toujours ! Loin des malheureux Ukrainiens ayant renoncé à la bombe, et des pas très heureux Canadiens ayant commis la même erreur, je garde, sauf raison future car qui peut dire fontaine je ne boirai pas de ton eau ? le masque.
Comme on garde sa position, sa liberté ou une ligne de défense !
C’est cela qu’il faut promouvoir et non des illusions sur la bonté de la nature humaine, ou celle de s’afficher comme plus courageux que les autres car sans masque plutôt que de défendre ses idées au lieu de saper la position de ceux qui n’ont pas les mêmes.
@ Marc Ghinsberg
« J’aime bien les commentateurs qui dissertent sur le courage sous pseudonyme. »
L’anonymat est la marque d’absence du sens de l’honneur. Pour les uns, c’est l’infamie ; pour d’autres, la couardise est une tradition.
Le fonctionnaire de la République obéit aux ordres aussi abjects soient-ils (jadis, l’évêque serait intervenu). Le militaire a bombardé Dresde et canonné Haïphong commettant ainsi de parfaits crimes de guerre « en la bouclant », comme l’enseignant concourt au quotidien à la falsification de l’histoire ordonnée par sa hiérarchie (on se marre en songeant à l’étymologie du terme).
Alors ici, on continue. La dissimulation, le regard fuyant, c’est la noblesse d’une vie…
Mais il y a mieux : j’ai cru comprendre que notre très prolixe donneur de leçons exercerait sous un faux nom. Là, c’est l’habitude de la délinquance.
P.-S. : on notera que dans la hiérarchie des fonctionnaires, c’est souvent le gendarme de base qui fait le plus preuve du sens de l’honneur.
Aujourd’hui comme jadis, c’est l’impureté des autres qui fait notre vertu, nous dit Peggy Sastre à propos de l’épisode Coldplay, avant de conclure :
« Voilà notre progrès : le retour du pilori, mais en story Instagram. »
Le vrai courage est de se reconnaître persécuteur.
Vu l’état des lieux, c’est bien d’un courage collectif dont la France aurait aujourd’hui besoin pour redresser la barre et faire réapparaître une lumière d’espoir au bout du tunnel qu’elle traverse.
Ce courage collectif, seul à même d’engendrer le sursaut indispensable au redressement, c’est celui qui devrait permettre à chacun de faire son examen de conscience et de se questionner sur sa propre responsabilté individuelle et sur ce que devrait être son propre comportement au service du redressement collectif.
Ce courage, c’est celui qui permet à chacun, lucidement, de prendre conscience de la réalité de la situation, d’être dans le désir de sortir le pays, et donc lui-même, de l’impasse dans laquelle il se trouve, d’accepter sa part d’effort pour contribuer à cet objectif, et cela sans prier pour que ce soit forcément l’autre qui en fasse preuve !
Le courage, c’est lorsque l’on est « face à face et nez à nez avec le danger » comme disait Aristote, qu’il faut en faire preuve.
Durant la bataille de sinistre mémoire d’Azincourt, les preux chevaliers français se sont précipités au combat sans prudence, ni précaution. Ils ont tous été défaits. Il n’y a nul honneur à être vaincu à la suite d’une témérité étourdie.
La mesure du courage peut être évaluée par comparaison avec les risques auxquels on est exposé, le plus grand étant celui de risquer sa peau.
Faire preuve de courage est un luxe suranné, parfaitement déraisonnable et inutile pour la clientèle pécunieuse et craintive de la macronie, trop occupée à jouir d’elle-même et de ses avantages matériels. Au contraire, celle-ci se distingue par ses traits marqués de conformisme et d’obséquiosité intéressée.
Débiter des idées parfaitement consensuelles et inoffensives sous sa vraie identité n’est pas une marque de courage. La pleutrerie n’a aucun mérite à marcher à découvert.
Dans une société où la moindre expression de contestation vaut aujourd’hui à celui qui la professe a minima l’ostracisme convenu et unanime de la gente bienséante et très prochainement l’exclusion, voire la prison, il serait fou d’avancer trop à découvert. Un résistant mort ne sert qu’à nourrir les vers. La lutte qui s’annonce commande d’avancer masqué. Ceux dangereux qui avancent à découvert sont et seront neutralisés. Ceux qui ne le sont pas sont inoffensifs et présentent peu de danger.
Peu de courage sourdra d’un peuple vieillissant. Peu de courage sourdra d’un peuple ayant pour ressort moral cardinal de tirer le maximun de profit de la vie et de jouir de lui-même. Rien ne vaudra à un tel peuple qu’il sacrifice un seul morceau de son bonheur.
Faudrait-il encore avoir du cœur et une âme pour faire preuve de courage. Qui aujourd’hui croit encore être pourvu de pareils désuets attributs ?
À l’exception notable de la désespérance, il n’est plus rien qui vaille dans la société contemporaine de mourir, plus rien qui vaille plus que soi. Lorsque l’accomplissement de sa propre vie est la fin ultime de tout, plus aucun sacrifice ne vaut. Le déclin du courage accompagne flagramment la modernité. L’évidence de cette vérité est tellement insoutenable qu’il n’est point d’autre recours que de se pourvoir d’œillères pour ne pas l’apercevoir. Le courage a à peu près déserté toute entière la société française et plus particulièrement les couches élevées des pouvoirs politiques, financiers, économiques et militaires.
On trouvera encore du courage chez les désespérés, chez les déracinés, chez les marginaux, chez ceux qui n’ont plus rien à perdre, surtout chez les immigrés. Les autres sont des couards ayant peur d’à peu près tout, craignant trop le déclassement social pour oser bouger ne serait-ce que le petit doigt de la couture du pantalon.
Plus aucun sacrifice ne vaut, nous dit Jean sans terre comme sans foi ni loi.
Mesure-t-il que ce ne sont pas ses contemporains, qu’il stipendie en leur incapacité d’accéder au sacrifice, mais le sacrifice qui est en cause ?
Son désespoir est aussi touchant que l’incapacité des humains à mesurer à quel bouleversement la révélation évangélique entraîne, la conversion chrétienne, qui ôte à la créature l’architecture menteuse qui la protégeait de sa propre violence, cette fausse idée de la divinité dont l’erreur dévoilée désormais ne la protège plus.
Il est très impressionnant d’observer actuellement la pierre rejetée par les bâtisseurs apparaître en toute majesté, éclairant avec acuité les répliques impériales de la domination européenne fourvoyée et défaite, dont l’humanité ne saura se prémunir que par la prise de conscience collective des opinions européennes à savoir en tirer le salvifique enseignement démocratique, quand chaque individu a la capacité historique et morale de ne plus penser en terme de domination mais de réconciliation, consentant à l’effort collectif indispensable à la survie des humains, d’enfin ne plus répondre à l’erreur par l’erreur, à la vengeance par la vengeance, à la guerre par la guerre.
Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas se défendre, la France dotée de l’arme suprême est l’unique nation au monde excellemment placée en cet exercice, mais de savoir exactement ce que l’on défend, une organisation sociale à même de se passer de la béquille sacrificielle totalement démonétisée, remplaçant le fantasme du Dieu méchant, image de la violence des humains, par le corps réel de l’amour du prochain, image de l’amour divin offert au sacrifice fallacieux pour enfin le remplacer par le don de soi sans aucune rétribution sacrée, définitivement débarrassé de ce mensonge diabolique et meurtrier.
C’est à notre main, la proposition est exactement formulée, ayons le courage en France et en Europe d’en accepter l’incarnation proposée, l’humanité alors sera sauvée.
« Ce devrait l’être pour tous car Alexandre Soljenitsyne nous parle encore… Pour l’éternité ! » (PB)
Il nous parle aussi avec son « discours sur la Révolution » du 25 septembre 1993 aux Lucs-sur-Boulogne, un village martyr de la guerre de Vendée, en traçant le parallèle avec la révolution russe.
https://www.lysardent.fr/2012/09/30/discours-sur-la-revolution-par-alexandre-soljenitsyne-1993/
Je relève ce passage de votre billet :
« Cette relégation du courage au quotidien, comme manière ordinaire de gouverner sans qu’il y ait matière à en tirer gloire, a pour conséquence de susciter des admirations exceptionnelles et souvent injustifiées pour des personnalités atypiques, moins courageuses que dominatrices, moins sûres d’elles qu’impulsives et fluctuantes. »
« Je ne doute pas que pour les hommes et les femmes de pouvoir, si le courage était placé dans le panthéon des dispositions de caractère, s’il se traduisait simplement, comme une évidence, sans la moindre ostentation, dans toutes les situations, sur les plans national, européen ou mondial, où il conviendrait de l’imposer, nous aurions moins de goût pour les caractériels attirant une adhésion facile par le simple fait de taper du poing sur la table et de respecter quelques promesses. »
Phrases admirables, parfaites. En effet, l’intérêt du courage, c’est de ne pas se voir. C’est de se pratiquer banalement, comme une évidence, dans toutes les décisions, et non dans les seules situations exceptionnelles : guerre, crises historiques…
Et certes, les personnalités politiques nécessaires pour pratiquer ce courage normal et discret sont à l’opposé du caractère habituellement recherché par les Français chez leurs dirigeants.
Le chef tant espéré, c’est un de Gaulle ou un Trump, pas un… justement, ceux-là, on ne retient pas leurs noms.
Et comme vous dites, on hérite en conséquence de caractériels, qui certes peuvent obtenir de bons résultats sur certains points, mais sur lesquels on ne peut pas compter de façon générale.
Donald Trump en est un bon exemple. Il a certes provoqué, pour l’instant du moins, un effondrement de l’immigration illégale, par exemple, mais j’ai amplement expliqué par le passé pourquoi son bilan, et ses perspectives, étaient globalement négatifs.
Hélas, il faut bien avouer une chose : les caractériels sont distrayants. Il est plus rigolo de se passionner pour un politicien qui se vante d’attraper les femmes par la ch… (et qui y parvient), que pour un chef de bureau dur à la tâche mais incapable de faire un tabac chez Hanouna.
D’autant que la politique est en général décevante. Ce qu’on obtient est la plupart du temps bien en-deçà de ce qu’on espère. Tant qu’à ne pas obtenir grand’chose, autant voter pour quelqu’un d’amusant, de pittoresque, un sacré pistolet qui va faire et dire ce que personne d’autre n’aurait osé.
L’inverse est beaucoup plus rare : le dirigeant qui fait semblant d’être un maboul, un fou furieux, pour populariser son courage tranquille et persévérant basé sur des idées justes ayant prouvé leur efficacité.
J’ai nommé Javier Milei, l’homme à la tronçonneuse, la catastrophe capillaire qui hurle sur « les gauchistes de meeerde ! » à la télévision (*), le zébulon monté sur ressorts qui joue les Mick Jagger pendant ses meetings et a, effectivement, dirigé un groupe de rock dans sa jeunesse. (Imagine-t-on de Gaulle dirigeant un groupe de rock ?)
Le même Javier Milei capable de couvrir un tableau blanc d’une dégoulinade d’équations économiques pour expliquer sa politique, ou – léger détail – de faire sortir l’Argentine, en seulement un an et demi, du statut de pays sinistré où elle se morfondait depuis plus d’un siècle pour obtenir des résultats spectaculaires : effondrement de l’inflation, passée de 200 % à 39 % (avec l’augmentation des prix de gros chutant carrément à zéro), effondrement du taux de pauvreté, passé de 55 % à 32 %, 7,6 % de croissance (deuxième taux le plus élevé du monde prévu pour cette année), pouvoir d’achat en hausse de 18 %, triplement de l’offre de logements et chute de 30 % des loyers dans la capitale…
Et comment tout cela a-t-il été obtenu ? Par le retour à l’excédent budgétaire, pour la première fois depuis 123 ans de déficit.
Et comment cet équilibre budgétaire a-t-il été retrouvé ? En diminuant sauvagement la dépense publique d’un tiers, en supprimant la moitié des ministères et 10 % des postes de fonctionnaires fédéraux, en privatisant 41 entreprises publiques, en supprimant ou en réduisant le poids d’un millier de lois, normes et règlements, en supprimant 90 % des impôts existants et de nombreux droits de douane, bref : en appliquant à la lettre les méthodes éprouvées de l’hyper-ultra-turbo-néo-paléo-libéralisme.
Il a eu le courage de faire exactement le contraire de ce que lui dictaient cent économistes du monde entier, dont le funeste gauchiste Thomas Piketty, qui lui prédisaient, dans une lettre ouverte publiée avant son élection, les pires catastrophes si jamais il appliquait son programme.
Dans l’article qui présentait cette mise en garde en novembre 2023, le journal britannique The Guardian, très marqué à gauche, n’a pas manqué de ranger Javier Milei sous l’étiquette infamante « d’extrême droite ». On se demande bien en quoi il le serait ; il faut croire que le terme de libéral écorcherait la bouche de ces messieurs.
Milei a eu le courage de proposer une politique allant à l’encontre des idées reçues de l’écrasante majorité des experts, politiciens, économistes, intellectuels et journalistes du monde entier, puis de l’appliquer sans coup férir une fois élu. Et ça marche.
Mais il faut mentionner une autre conséquence importante du courage ordinaire que vous réclamez, lequel exige non pas un homme providentiel au sommet de l’État, mais des personnalités plus sages, plus équilibrées.
Il suppose que cette charge repose sur tous. Ce sont non seulement tous les ministres, les députés, les hauts fonctionnaires, mais aussi les fonctionnaires anonymes et l’ensemble des citoyens qui doivent faire preuve de ce courage tranquille, sans gloriole, pratiqué comme une évidence dans l’obscurité des décisions quotidiennes, afin qu’un tel changement d’attitude soit efficace.
Le gros avantage de l’homme fort, du dirigeant grotesque auquel on permet tout, c’est qu’il dispense tous les autres des qualités que l’on réclame du Chef. C’est l’une des raisons de la profonde nocivité du gaullisme. De même que de Gaulle a permis à tous les Français de se dédouaner de 1940, puis de la collaboration, puis du communisme, son ombre permet encore aujourd’hui à ses zélateurs de s’abstenir du courage dont ils le créditent.
Eux peuvent se permettre de réclamer tant et plus le bon argent gratuit de l’État, de travailler de moins en moins au nom des « droits pour lesquels nos ancêtres se sont battus », de frauder la Sécurité sociale ou de faire assaut de servilité envers la Russie de Poutine (toutes choses qui auraient parfaitement hérissé de Gaulle), puisqu’ils communient au culte du Général.
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(*) Javier Milei, qui a enseigné l’économie pendant 20 ans à l’université et publié une dizaine de livres, explique également, ici, que « les gauchistes envieux constituent le club des petites b… ». Imaginez Raymond Barre prononçant cette phrase.
Cher Philippe,
J’ai dit à quel point je rejoignais votre éloge du courage. Je reviens sur votre texte pour expliquer, cette fois, pourquoi je pense que vous avez eu tort de le placer sous l’égide d’Alexandre Soljenitsyne.
Soljenitsyne n’est pas le héros parfait que « l’extrême droite » française aime à nous vanter ; c’est un personnage beaucoup plus ambigu qui mérite de sérieuses critiques.
De surcroît, les points de vue de Soljenitsyne les plus souvent évoqués par la machine intellectuelle et politique française nous parviennent grossièrement déformés par la propagande soviétique, puis poutiniste.
C’est ainsi que vous vous référez au « discours de Harvard », dont les médias comme les réseaux sociaux ne cessent de nous casser les oreilles. À en croire la rumeur publique, cette intervention orale d’à peine vingt pages serait plus importante que tous ses ouvrages réunis. Il est vrai qu’elle est plus rapide à lire que les 7 000 pages des dix volumes de La Roue rouge dans l’original russe…
Soljenitsyne, dites-vous, y fait l’éloge du courage. Certes. Mais avez-vous jamais entendu un intellectuel, ou un militant politique, faire l’éloge de la lâcheté ? Ce qui importe, c’est de savoir dans quel contexte ces paroles ont été prononcées.
Or, il faut être clair : si le « discours de Harvard » fait à ce point figure de référence, c’est en raison de son aspect anti-américain et anti-occidental.
Et s’il est si souvent cité, c’est que la propagande du Kremlin a tout fait pour qu’il le soit. On ignore, en général, que peu après l’événement, le KGB a convoqué le ban et l’arrière-ban de ses dirigeants pour leur projeter une vidéo de ce discours. Les tchékistes russes, qui avaient passé des années à persécuter Soljenitsyne en raison de ses attaques contre le communisme, n’arrivaient pas à croire leur chance : voilà que l’auteur de L’Archipel du Goulag se mettait à casser du sucre sur le dos de cet Occident qu’ils haïssaient tant !
Pour une fois, il fut décidé de… ne procéder à aucune riposte de propagande. Soljenitsyne faisait lui-même le travail du KGB. Il n’y avait qu’à regarder le spectacle… et à populariser le « discours de Harvard ».
Mais avez-vous entendu parler du « discours de Washington » et du « discours de New York », prononcés par le même Soljenitsyne en 1975 devant les syndicalistes de l’AFL-CIO ? Bien sûr que non ! Non seulement il y faisait un éloge appuyé des États-Unis, mais il les encourageait à développer leur leadership mondial en faveur de la liberté. Ce que nos rouges-bruns appelleraient « l’impérialisme américain », eux qui se gargarisent du « discours de Harvard »…
Voici ce que Soljenitsyne disait à Washington, le 30 juin 1975, et que vous ne lirez jamais dans Le Figaro – ni sous la plume des dirigeants du Rassemblement national :
« Le mouvement des travailleurs américains ne s’est jamais laissé aveugler. Il n’a jamais confondu l’esclavage avec la liberté. Et pour cela, je veux le remercier aujourd’hui, au nom de notre peuple [russe] opprimé. »
« Pendant que les intellectuels de gauche et les soi-disant sages de l’Occident oubliaient la signification du mot liberté, pendant qu’ils juraient qu’il n’y avait aucun camp de concentration en Union soviétique, la Fédération américaine du travail [AFL] publiait, en 1947, une carte de nos camps de concentration, et au nom de tous les prisonniers politiques de cette époque, je tiens à remercier le mouvement des travailleurs américains pour cela. »
« Mais voyez où nous en sommes aujourd’hui : à travers l’Occident, tout le monde se met à accuser les États-Unis. Maintenant, en Occident, les voix se multiplient pour dire : ‘C’est votre faute, à vous, les Américains’. En ce jour, je dois défendre fermement les États-Unis contre ces accusations. »
« De tous les pays occidentaux, je dois dire que les Etats-Unis sont les moins coupables de cet état de choses [le joug communiste], et que ce sont eux qui ont fait le plus pour le combattre. »
« Les États-Unis ont aidé l’Europe à remporter la Première et la Seconde Guerre mondiales. Ils ont, à deux reprises, aidé l’Europe à se relever des destructions de la guerre, pendant dix, vingt, trente ans. »
« Les États-Unis d’Amérique, depuis longtemps, ont prouvé qu’ils étaient la nation la plus magnanime, la plus généreuse du monde. Dès qu’une inondation survient quelque part sur la planète, un tremblement de terre, un incendie, une catastrophe naturelle, une épidémie, qui est le premier à porter secours ? Les États-Unis. Qui fournit le plus d’aide et le fait de la façon la moins égoïste qui soit ? Les États-Unis. »
« Et qu’entendons-nous, en réponse ? Des reproches, des malédictions, des ‘Yankee go home’. Des centres culturels américains sont incendiés, et les représentants du Tiers-monde sautent sur la table pour voter contre les États-Unis. »
« Que vous le vouliez ou non, le cours de l’histoire a fait de vous les maîtres du monde. Votre nation ne peut plus se permettre d’avoir une pensée provinciale. […] Vous avez le devoir de penser pour le monde entier, et lorsque la prochaine crise politique éclatera […], c’est sur les épaules des États-Unis d’Amérique que pèseront les décisions les plus critiques. »
Alexandre Soljenitsyne, Mesdames et Messieurs. Je vous encourage à
lire l’ensemble. Bien sûr, ces deux discours n’ont jamais été traduits en français, à ma connaissance…
Mais revenons au « discours de Harvard ». Il n’est pas ce que l’on croit.
Pour commencer, en quoi consistait ce fameux manque de courage que son auteur reprochait à l’Occident, en 1978, et plus particulièrement aux États-Unis ? Il leur reprochait de ne pas avoir suffisamment lutté contre le communisme, d’avoir été trop naïfs et trop complaisants envers l’URSS, de s’être fait avoir par la « détente ». Et de fait, ce reproche était justifié.
Mais il est à l’inverse de ce que soutiennent les défenseurs français du « discours de Harvard » ! Ceux-ci reprochent aux Américains d’être hostiles envers la Russie. Soljenitsyne leur reprochait de ne l’être pas assez !
Et qu’on ne me dise pas qu’il s’agissait de la défunte URSS. Le régime poutinien, que soutiennent les défenseurs du « discours de Harvard » (je ne pense pas à vous, naturellement), a réhabilité l’URSS et même le stalinisme. Les poutinistes français englobent dans une même condamnation l’hostilité américaine envers l’URSS et envers la Russie de Poutine.
Le « discours de Harvard » n’est pas seulement déformé par la propagande de Moscou. Il est aussi incohérent. Soljenitsyne y révèle sa mauvaise foi, son deux poids deux mesures.
Il y attaque l’Occident pour son attitude supposée coloniale, pour sa propension à vouloir imposer son modèle aux autres. Mais dans un même mouvement, il reproche aux États-Unis d’avoir mis fin à la guerre du Vietnam ! Autrement dit, il leur reproche de ne pas avoir été suffisamment « colonialistes » à l’encontre de ce pays !
Pourquoi ? Parce que dans son esprit, à cet instant, écraser le Vietnam communiste revenait à soutenir le peuple russe, lui-même victime du communisme.
On voit donc là que Soljenitsyne était poutiniste avant même l’avènement de Poutine. Il y a déjà, dans le « discours de Harvard », deux piliers de cette idéologie : la diffamation de l’Occident, et le suprématisme russe. La Russie possède une vertu spirituelle unique qui la rend supérieure à toute les autres nations. Tout ce qui est bon pour la Russie est bon pour le monde, et la Russie est exempte des règles qu’elle impose aux autres.
Rappelons qu’en 1978, Vladimir Poutine n’était qu’un obscur fonctionnaire du KGB, inconnu de tous, et n’avait même pas rejoint son poste de Dresde.
Ce poutinisme de Soljenitsyne se manifeste à nouveau en 1990, dans son court livre intitulé Comment réaménager notre Russie ?. Il y fait l’éloge d’Ivan Iline, le philosophe favori de Poutine, qui était un contemporain – et un admirateur ! – d’Hitler et de Mussolini.
Il y révèle sa nature impérialiste. S’il souhaite que l’URSS, qui vivait alors sa dernière année, se défasse d’un grand nombre des « républiques soviétiques », il y affirme que la Crimée, l’est de l’Ukraine, la Biélorussie et le nord du Kazakhstan reviennent de droit à la Russie.
Avant même la dissolution de l’Union soviétique, il soutient dans ce livre la thèse révisionniste qui devait être martelée bien plus tard par Vladimir Poutine : le peuple ukrainien n’existe pas, l’Ukraine est une construction artificielle, les deux peuples n’en forment qu’un et la langue ukrainienne n’existe pas.
« C’est une imposture de fabrication récente qui fait remonter presque jusqu’au IXe siècle l’existence d’un peuple ukrainien distinct, parlant une langue différente du russe. Nous sommes tous issus de la précieuse ville de Kiev ‘d’où la terre russe tire son origine’, comme le dit la Chronique de Nestor, et d’où nous est venue la lumière du christianisme. […] »
« Détacher aujourd’hui l’Ukraine, ce serait couper en deux des millions de familles et de personnes, tant la population est mélangée […]. Dans l’épaisseur de la population de base, il n’y a pas la plus petite ombre d’intolérance entre Ukrainiens et Russes. Frères ! Ce cruel partage ne doit pas avoir lieu ! »
Le 24 août 1991, onze mois seulement après la publication de ces lignes, le parlement ukrainien se prononçait pour l’indépendance du pays, avec 346 voix pour, une voix contre et trois abstentions.
Le 1er décembre 1991, cette décision était soumise à référendum, et les Ukrainiens votaient à 92 % pour leur indépendance.
L’aveuglement d’Alexandre Soljenitsyne laisse pantois.
Le 9 mai 1994, deux ans et demi seulement après la chute de l’URSS et juste avant de quitter les États-Unis pour la Russie, il donne une interview hallucinante au magazine américain Forbes.
Son poutinisme monte d’un cran. On trouve déjà, dans ses propos, une bonne partie des biais, de la confusion intellectuelle, des demi-vérités, des mensonges, de la paranoïa et des inversions accusatoires de l’idéologie actuelle du Kremlin.
Il répète avec force ses revendications territoriales sur l’Ukraine, la Biélorussie, le Kazakhstan.
Il présente la Russie comme une pauvre victime. Suite à la dissolution de l’URSS, elle a perdu une bonne partie de son territoire, et elle n’a pas réagi par la guerre (comme l’auraient fait sans nul doute les États-Unis dans une situation similaire). Cela prouve que la Russie n’est nullement agressive. (Sept mois plus tard, Moscou lançait la première guerre de Tchétchénie.) Soljenitsyne oublie simplement de préciser que toutes ces anciennes « républiques soviétiques » ont choisi l’indépendance parce qu’elles en avaient assez du joug russe.
Non seulement la Russie n’est ni agressive ni impérialiste, dit-il, mais ce sont les Ukrainiens qui menacent de faire la guerre aux Russes.
C’est, bien sûr, la faute des Américains. Soljenitsyne trouve le moyen de mettre sur le dos du département d’État le maintien (supposé) de Sébastopol sous l’autorité du Kremlin, après que Khrouchtchev a « fait cadeau » de la Crimée à l’Ukraine en 1954. (Donc Washington aurait oeuvré dans le sens des souhaits de Soljenitsyne ? Alors de quoi se plaint-il ?)
Il trouve le moyen de reprocher au président George H.W. Bush (le père) « sa déclaration dépourvue de tact au sujet du soutien à l’indépendance de l’Ukraine avant même le référendum ».
J’ignore à quoi il fait allusion, mais la seule déclaration dépourvue de tact que je connaisse à George W.H. Bush au sujet de l’indépendance de l’Ukraine, c’est le discours qu’il a fait devant le parlement de Kiev, le 1er août 1991, où il intimait l’ordre aux Ukrainiens de rester sous le joug de Moscou :
« Les Américains ne soutiendront pas ceux qui chercheraient l’indépendance dans le but de remplacer une tyrannie lointaine par un despotisme local. Ils n’aideront pas ceux qui promeuvent un nationalisme basé sur la haine ethnique. »
Ce discours scandaleux a été surnommé par les médias américains le « chicken Kiev speech », c’est à dire le discours du poltron de Kiev. Le poltron étant George Bush, qui s’aplatissait face au Kremlin de peur des vagues géopolitiques. Autrement dit, Bush allait, là encore, dans le sens de Soljenitsyne. Au lieu de lui dire merci, ce dernier lui crache à la figure.
Quand l’Amérique ne combat pas suffisamment l’URSS à son goût, Soljenitsyne la traite de lâche. Et quand elle soutient la Russie post-communiste en s’opposant à l’indépendance de l’Ukraine qu’il réprouve, Soljenitsyne trouve encore le moyen de lui reprocher de « chercher à affaiblir la Russie »…
Que l’Occident fasse une chose ou son contraire, il aura toujours tort.
Bien sûr, la Russie tsariste n’était pas du tout impérialiste, seulement un peu à ses frontières, la Russie est un modèle de tolérance ethnique et religieuse, etc.
Là encore, il faut lire dans son intégralité ce brouet répugnant sur le plan politique, intellectuel et moral qui préfigure de façon saisissante la propagande poutiniste.
À l’époque où cette interview a été réalisée, Poutine était encore inconnu de la plupart dans son pays. Il n’était que maire adjoint de Saint-Pétersbourg, et posait les bases de sa carrière de bandit international qui l’a mené là où l’on sait.
Mais, contrairement à ce que prétend la propagande russe, il était déjà, dans son for intérieur, l’impérialiste que nous connaissons aujourd’hui. Les archives diplomatiques allemandes viennent de révéler que d’après les notes du consul d’Allemagne à Saint-Pétersbourg, Poutine lui avait répété « avec force », le 14 janvier 1994, ce qu’il lui avait déjà dit auparavant :
« La Crimée, l’est de l’Ukraine et le nord du Kazakhstan, ces territoires-là, au grand minimum, n’ont jamais été des pays étrangers pour la Russie, ils ont toujours fait partie du territoire russe. »
Soit presque mot pour mot ce que disait Soljenitsyne au même moment – sans aucune influence réciproque, puisque le second ignorait tout du premier.
Une fois l’ex-dissident retourné en Russie, ces deux grands esprits, sans surprise, sont devenus amis. En 2007, un an avant de mourir, Soljenitsyne louait Poutine pour avoir permis « un renouveau lent et graduel de la Russie ». Cette même année, il recevait à son domicile le président venu lui remettre en mains propres le Prix d’État de la Fédération de Russie.
En 2016, deux ans après la première invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine inaugurait, à Moscou, une statue monumentale de saint Vladimir, le fondateur de la Rus de Kiev. Ce geste symbolisait la négation de l’identité ukrainienne par l’impérialisme russe. Or, qui était l’invitée d’honneur, la seule à prendre la parole après le président russe et le patriarche de l’Église orthodoxe russe Cyrille, tous deux membres éminents du KGB ? La veuve de Soljenitsyne.
Deux ans plus tard, Poutine inaugurait un monument à Soljenitsyne dans la capitale – toujours en présence de la veuve du soi-disant combattant de la liberté.
Ajoutons que le dénonciateur du Goulag a constamment frôlé l’antisémitisme – en fait, de nombreux historiens l’ont accusé, à l’aide d’arguments précis et détaillés, d’avoir falsifié l’histoire de la Russie dans un sens antisémite.
Bref, si Alexandre Soljenitsyne a préfiguré Vladimir Poutine jusqu’à devenir son allié politique à la fin de sa vie, c’est que l’un comme l’autre incarnent ce que la propagande poutiniste nous a toujours présenté comme un trésor indicible : « l’âme russe ».
Cette fameuse âme russe qui vient du fond des âges tsaristes, qui s’est prolongée par le communisme et qui connaît sa synthèse sous le poutinisme.
Et qui constitue une mentalité détestable et immorale, contrairement à ce que prétendent les zélateurs du pays. Nocive pour les Russes comme pour le monde entier. Faite de haine de l’étranger, d’un immense complexe d’infériorité (et de supériorité, bien entendu), de mépris de la vie humaine, d’amour de la tyrannie et d’amour de la servitude, de passion pour la violence et le mensonge, de superstition et d’obscurantisme.
La vie de Soljenitsyne, sa dérive de combattant de la liberté à défenseur de la tyrannie, le rapprochent du général de Gaulle. L’un comme l’autre sont des personnages d’exception, des figures historiques qui ont mené un combat éminent pour la liberté.
L’un comme l’autre sont devenus de faux prophètes, des figures mythiques et dévoyées qui, par leur réputation surfaite, bloquent l’imagination des hommes de bonne volonté qui cherchent des solutions nouvelles pour les problèmes d’aujourd’hui.
Ni l’un ni l’autre ne sauraient guider nos pas désormais. Bien au contraire.