Entre Sarkozy et Sansal, il n’y a pas photo !

J’entends déjà les objections.

Nicolas Sarkozy a été président de la République de 2007 à 2012 et Boualem Sansal est -seulement !- un intellectuel et écrivain franco-algérien d’expression française.

Tous les deux ont été condamnés. Le second, totalement innocent, par une justice aux ordres. Le premier, se disant innocent, par une justice libre et indépendante. Son affaire sera rejugée en appel en mars et avril 2026.

NS a été détenu durant trois semaines dans des conditions privilégiées, avec une protection renforcée. L’exécution provisoire, qui avait permis sa détention au motif d’une atteinte gravissime à l’ordre public selon le tribunal correctionnel, ne me semblait pas nécessaire ; toutefois, sa mise en liberté est intervenue rapidement. Sans dérision, mais pour relativiser certaines hyperboles, il ne s’est agi ni d’un Alfred Dreyfus ni d’un Nelson Mandela !

BS a été emprisonné pendant un certain temps dans une prison qu’il a lui-même qualifiée de « moyenâgeuse ». Le régime extrêmement dur auquel il a été soumis, alors que son état de santé était très préoccupant, ne s’est assoupli que lors des ultimes tractations menées par l’Allemagne en vue de sa libération. Il a subi près d’un an d’incarcération.

NS écrivait sept heures par jour dans sa cellule, et je crois savoir qu’il recevait quotidiennement la visite de son épouse. BS, quant à lui, ne pouvait ni lire (sauf des ouvrages consacrés à l’islam), ni écrire, ne rencontrait aucun avocat, voyait quelquefois son épouse mais n’avait aucun autre contact ni le droit de parler à personne.

L’ancien président, libéré à juste titre, est allé déjeuner en famille, applaudi par les convives dans une brasserie parisienne. BS, lui, a attendu, soigné en Allemagne. De retour en France, il a été reçu avec son épouse Naziha par le président de la République, qui a salué « son courage, sa force morale et sa dignité ». Emmanuel Macron avait, durant une heure, dialogué avec NS avant son emprisonnement et le garde des Sceaux lui avait apporté son soutien d’une certaine manière. Un pouvoir sans foi ni loi ici, un pouvoir complaisant là…

NS a très vite annoncé qu’il publierait un livre, Le Journal d’un prisonnier, le 10 décembre, aux éditions Fayard. Sauf à verser dans l’indécence, il me paraît évident que l’ancien président reversera à des causes – l’administration pénitentiaire, par exemple – les droits et revenus qu’il percevra.

La parole de BS, elle, demeure « surveillée dans un contexte de climat diplomatique sous tension ». avec l’Algérie. Maintenu au « secret » par la France, même s’il sortira de son silence dans la soirée du 23 novembre, quand NS s’affiche et s’annonce…

BS, pour l’instant, a dû se contenter de quelques propos échangés avec Kamel Daoud (Le Point). On en apprend pourtant beaucoup sur lui et sur son magnifique caractère. Qui pourrait ne pas l’admirer ?

Parlant de son année de prison, il ne s’apitoie pas, mais affirme qu’il va plutôt bien : « Je suis costaud, tu sais. Je ne vais pas être détruit par une petite année de prison ».

À la fin de son emprisonnement, lorsqu’un « visiteur du soir » lui suggère de mettre « de l’eau dans son vin », il ne cède pas et réagit : « Vaut mieux me garder encore vingt ans, dans ce cas. Si je n’ai pas le droit de parler, alors qu’est-ce que je fais sur Terre ? »

En effet, comme l’indique la couverture du Point, « l’incroyable courage de Boualem Sansal », tandis que, de l’autre côté, on assiste à une dramatisation qui frôle, à force, le ridicule.

Quelques conclusions.

Deux libérations, quoique de tonalités très différentes, qu’il convient de saluer. On en espère le plus vite possible une autre.

Ce n’est pas la diplomatie douce française qui s’est révélée efficace, mais bien la méthode allemande, que nous avons eu raison de solliciter.

Le rapport de force avec l’Algérie, malgré les efforts de Bruno Retailleau, n’a jamais été mis en œuvre, et il est scandaleux, de la part du président, « de prétendre régler ses comptes » avec le restaurateur indiscutable d’une fierté française , un ami de BS que celui-ci verra bientôt…

Enfin, il me paraît difficile, voire hasardeux, de célébrer simultanément les vertus exceptionnelles d’un innocent hors du commun et la situation, pour le moins équivoque, de NS.

Mais de grâce, qu’on m’évite les sottises habituelles sur ma prétendue haine de Nicolas Sarkozy. Je l’ai porté aux nues en 2007. Mais il a bien changé ensuite…

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Robert Ménard : un refus seulement partiel de la haine ?

Voir les Commentaires (11)
  1. Au vu de la qualité du livre de Sarkozy, on saura si le séjour aura été assez long ou s’il aurait mérité un supplément pour procéder à quelques corrections.

    Il paraîtrait que Bruno Le Maire écrit bien. Son ressenti sur la prison serait intéressant.

    Je viens de lire le commentaire de Monsieur Charoulet. Il y a chez lui quelque chose de réjouissant et de rassurant, dans ce monde où la recherche du « toujours plus » est devenue une priorité.

    Toutefois, je crois percevoir dans certains de ses propos une forme d’intolérance, et presque un discours cryptogauchiste, qui tranche avec l’électeur de droite pour lequel il a si souvent voulu se faire passer..

    Cher Patrice Charoulet, n’oubliez pas votre écharpe lors de vos prochaines sorties.

  2. Gérard Araud, le traître qui d’ambassadeur a été directement se vendre aux Israéliens, vous savez, Pegasus… À passer devant la cour martiale, avec Fillon le soviet.
    La France, Kadyrov et consorts, ne sont pour rien dans le rapatriement de Boualem Sansal. Mais notre pouvoir aime bien s’attribuer des mérites qu’il ne mérite pas.

  3. Boualem Sansal devrait être interrogé ce soir par Laurent Delahousse (France 2).
    Je suis curieux de ses paroles, lui qui, après avoir été privé de liberté par la dictature algérienne, a été soigneusement mis au secret par Macron et sa clique.
    Surtout ne pas compromettre un éventuel rabibochage avec Tebboune et les vieillards cacochymes d’Alger par des mots imprudents exprimant une vérité interdite ?
    J’ai honte !

  4. « Le régime extrêmement dur auquel il a été soumis, alors que son état de santé était très préoccupant, ne s’est assoupli que lors des ultimes tractations menées par l’Allemagne en vue de sa libération. Il a subi près d’un an d’incarcération. »

    Bravo à la diplomatie française !
    Mais à quoi tous ces gens qui occupent le devant de la scène nuit et jour servent-ils ?

  5. On ne saurait en effet comparer les conditions de détention et de libération de Boualem Sansal et de Nicolas Sarkozy.

    Chez Monsieur Sarkozy, il y a un aspect vénal que montre cette parution expresse de son journal écrit en prison.

    Ce livre sera en effet très loin du poème d’Alfred de Vigny La Prison ou encore de celui de Verlaine D’une prison.

    En revanche, il est fort instructif de lire l’article de Laurent Valdiguié publié dans Marianne le 19 novembre dernier.
    Le titre de cet article exprime à lui seul une réalité qui, pour moi, apparaît profondément désagréable et gênante : « “Quatre millions et demi par an ? Putain… quand même !” : enquête sur la fortune Sarkozy ».

    On peut y lire notamment :
    « “Je ferai deux mandats et après je ferai du fric”, promettait Nicolas Sarkozy depuis son bureau de l’Élysée. Les Français ne lui ont pas permis de tenir sa première promesse. En revanche, il a tenu la seconde. Depuis sa défaite de 2012, l’ancien président a gagné, pour les seules années où ses revenus sont connus — de 2012 à 2019 ainsi que 2023 —, 25 millions d’euros. De 2012 à aujourd’hui, il s’est aussi constitué un patrimoine immobilier d’une dizaine de millions. Mais jusque-là, le montant de ses revenus était resté un quasi-secret d’État. Vie privée oblige. “Mes avocats vous transmettront les données”, a-t-il toujours répondu aux juges, à la barre de ses cinq procès, refusant avec constance de détailler en public le montant de ses rentrées d’argent. »
    Aucune jalousie de ma part, bien entendu, et il me semble inutile d’aller plus loin sur ce sujet.

    En revanche, je ne doute pas que Monsieur Sansal, qui a été privé de tout moyen d’écriture comme de lecture pendant un an (à comparer avec les trois semaines en cellule de Monsieur Sarkozy, avec la possibilité de lire, d’écrire et de bénéficier du parloir), saura rédiger un roman ou un essai qui relèveront sans aucun doute d’un tout autre niveau d’écriture et de pensée.

  6. Même si leurs situations ne sont pas comparables, on ne peut que saluer la libération de Boualem Sansal, ainsi que celle de Nicolas Sarkozy.

    Il me paraît un peu simplificateur de dire que c’est l’Allemagne seule qui a obtenu la libération de BS. Les négociations ont été menées, en toute discrétion comme il se doit, en coordination avec le Quai d’Orsay et le service diplomatique du président Tebboune, et je ne suis pas persuadé qu’en utilisant la manière forte préconisée par Bruno Retailleau, l’écrivain serait aujourd’hui libéré.

    À noter au passage que l’écrivain franco-algérien n’a passé que deux jours dans un hôpital allemand avant de rejoindre la France, ce qui laisse à penser qu’il n’était pas dans un état de faiblesse extrême, contrairement à ce que nous disaient les médias.
    Qu’il lui ait été demandé de faire preuve de discrétion peut se comprendre dans la mesure où il reste un autre otage français, à savoir le journaliste Christophe Gleizes, dans les geôles algériennes ; les négociations se poursuivent donc pour obtenir sa libération.

    Bref, le pouvoir en place a choisi de calmer le jeu dans les relations entre l’Algérie et la France. Ce n’est pas une mauvaise idée si l’on considère qu’aujourd’hui nombre de Français sont d’origine algérienne depuis trois ou quatre générations et constituent une communauté importante dans notre pays.

    Le problème de la délinquance et du narcotrafic en France, tout comme celui de l’islamisme radical, ne provient pas principalement de l’Algérie, contrairement à ce que veut nous faire croire l’extrême droite, nostalgique de l’Algérie française.

    Nous n’avons strictement rien à gagner dans un conflit ouvert avec l’Algérie.

  7. Patrice Charoulet

    On se moque souvent de l’un des plus grands penseurs de tous les temps pour cette raison : chaque jour, il faisait la même promenade, au point que certains réglaient leur montre sur son passage.
    Loin de moi, je suis bien content pour lui : sa promenade lui convenait et il ne voyait pas pourquoi il aurait dû changer d’itinéraire. Au fond, cette constance révélait une grande aptitude au bonheur.

    Non seulement je ne suis pas l’un des plus grands penseurs de tous les temps, mais je ne suis même pas un tout petit philosophe. Et ma façon de vivre ne s’inspire pas de l’exemple kantien. Je repense à lui, en cet instant, en réfléchissant à la vie que je mène.

    Voici : chaque soir, je me couche vers dix heures. Je m’endors en cinq minutes. Je dors huit heures sans insomnie et sans somnifère. Chaque matin, je vais prendre un café au plus important café dieppois, le café des Tribunaux, avec mon meilleur ami, avocat de son métier. Je reviens chez moi après une heure de conversation. Toute la journée, je lis ce que j’ai envie de lire et j’écris ce que j’ai envie d’écrire. Il m’arrive d’écouter France Culture, que j’éteins quand cela ne m’intéresse pas.

    Friand de diététique, j’ai réfléchi à mes trois repas par jour. Chaque lundi, je mange pareil. Chaque mardi, je mange pareil. Chaque mercredi, je mange pareil. Chaque jeudi, je mange pareil. Chaque vendredi, je mange pareil. Chaque samedi, je mange pareil. Chaque dimanche, je mange pareil. J’aime tout ce que je mange et rien de ce que je mange n’est mauvais pour ma santé. Il va sans dire que je ne bois pas d’alcool, et ce n’est pas pour des raisons religieuses, mais parce que je n’aime le goût d’aucun alcool. Et, n’aimant pas fumer, je ne fume pas. On devinera que je n’aurais pas l’idée saugrenue d’aller manger dans un restaurant.

    Ma vie et ma ville me convenant, je n’ai aucune envie d’aller en vacances, ni en France, ni à l’étranger. Je ne vais même pas en voiture à dix kilomètres de chez moi. Qu’irais-je faire à dix kilomètres que je ne pourrais pas faire dans ma ville ?

    Chaque après-midi, quand il ne pleut pas, je fais une promenade, une demi-heure durant, jusqu’au bout de la jetée — j’habite à Dieppe.

    Et je ferai demain ce que j’ai fait aujourd’hui.

    Mon armoire à pharmacie est vide. Et je ne me drogue pas.

    Me croira-t-on si j’avance que je ne suis pas malheureux ?

  8. Marc Ghinsberg

    Philippe Bilger persiste à invoquer Bruno Retailleau à tout propos, comme s’il pouvait encore sauver une candidature présidentielle qu’il a lui-même irrémédiablement compromise en quittant le gouvernement sur un coup de tête capricieux.

    La libération de Boualem Sansal vient pourtant infliger un démenti cinglant à la politique de confrontation tous azimuts qu’il préconisait à l’égard de l’Algérie.

    C’est dans ce contexte que Philippe Bilger prétend que :
    « Ce n’est pas la diplomatie douce française qui s’est révélée efficace, mais bien la méthode allemande, que nous avons eu raison de solliciter. »

    On cherche encore ce qui peut bien justifier pareille affirmation.

    Je préfère, pour ma part, écouter Gérard Araud (ancien ambassadeur de France aux États-Unis puis à l’ONU, et l’un des diplomates français les plus expérimentés de sa génération) qui déclarait sur France Inter le 19 novembre 2025 : « Dire que c’est l’Allemagne qui a obtenu la libération de Boualem Sansal, c’est comme dire que c’est le pompier qui arrive le dernier qui a éteint l’incendie. Le feu était déjà maîtrisé. »

  9. Nicolas Sarkozy n’a pas changé. Ce qu’il est s’est imposé à vous.
    Quant à croire un seul instant qu’il écrit lui-même une ligne de ce qu’il publie…

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