Le RN peut perdre en 2027…

Le Rassemblement national est annoncé, de manière certaine, comme présent au second tour de la future élection présidentielle.

Il me semble cependant qu’on aurait tort de considérer que sa victoire est acquise, malgré la baisse actuelle, dans les sondages, des rivaux plausibles de Marine Le Pen ou de Jordan Bardella.

Il est sans doute difficile de se risquer à des pronostics alors qu’il reste environ dix-huit mois avant la joute finale, mais si les choses demeuraient en l’état – avec ce mélange de désordre politique et social, d’accroissement de l’insécurité et de terrorisme ponctuel d’un côté et, de l’autre, de désaffection de la chose publique et de lassitude démocratique -, on pourrait tenter d’identifier ce qui serait susceptible de décevoir à nouveau le RN, quel que soit son candidat.

A coup sûr, la présence de Jean-Luc Mélenchon au second tour – elle n’est pas inconcevable, compte tenu de son exploitation effrénée, clientéliste et démagogique des cités dites sensibles, ainsi que d’une certaine jeunesse peu regardante sur les moyens de la convaincre – constituerait pour le RN la garantie absolue de triompher. Des enquêtes d’opinion l’ont confirmé, avec un écart net en faveur de MLP, et l’intuition générale selon laquelle tout vaudrait mieux – abstention ou adhésion – qu’un JLM traitant la France comme il gère LFI, ses opposants, ses adversaires, les médias, les problèmes régaliens, l’urbanité républicaine et sa vision internationale

L’argument qui consisterait à « essayer », pour une fois, le RN serait d’autant moins discuté que l’autre branche de l’alternative concernerait JLM.

J’espère qu’aussi forte que soit son emprise sur ses fidèles et les députés de son groupe, quelqu’un, le moment venu, osera rappeler les chiffres et la certitude de sa défaite face au RN. Il sera sans doute difficile de faire admettre ce constat par celui qui en niera forcément la validité. Jusqu’à subir un ultime désaveu en 2027.

Par ailleurs, pour ceux qui pourraient juger mon analyse immature à cause de son excessive personnalisation, je souhaiterais évoquer l’étrange nouvelle configuration du RN, au moins dans sa version parlementaire : un alliage fait d’une banalisation poursuivie et d’une imprévisibilité, voire d’une incohérence, assumées.

Avec le risque de décevoir aussi bien les soutiens friands de provocations que les citoyens soucieux de rectitude programmatique. Quoi qu’on pense du RN – la cravate et la tenue ne sont pas tout ! -, l’inquiétude peut surgir des volte-face et des embardées, ainsi que des coups tactiques susceptibles de faire douter de la profondeur et de la constance d’idées en effet fluctuantes, sauf en matière régalienne.

Enfin il y a MLP elle-même. Peut-être son principal obstacle ? Non qu’elle n’ait pas accompli d’énormes progrès médiatiques – alors que souvent elle n’est pas ménagée, puisque la plupart des médias français ne se rappellent leur devoir de questionner à fond et rudement que lorsqu’il s’agit du RN.

Je ne sais pas si, un jour, elle saura être à la hauteur du débat du second tour, ou si elle demeurera seulement excellente et convaincante entre les élections présidentielles. Parviendra-t-elle, au cours des ultimes échanges, à retrouver la même force d’argumentation, la même ironie, la même maîtrise que celles dont elle fait preuve dans le remarquable entretien qu’elle a donné à Causeur – questionnée, il est vrai, sans complaisance mais sans hargne ?

Certes ce n’est pas la même chose, techniquement, que la joute suprême qui décide de tout, ou que le dialogue médiatique de fond… Dans ce dernier, on relève tout de même cette brillante formule : « La France, c’est le pire du libéralisme et le pire du socialisme », ainsi que le fait que MLP se montre définitivement hostile à l’union des droites à la française.

Je n’oublie pas Jordan Bardella. Même si les enquêtes d’opinion le placent parfois devant MLP, il me semblerait plus facile à déstabiliser dans un débat capital, car il me donne toujours l’impression de suivre une ligne bien ordonnée – un canevas rigide, fond et forme -, et de pouvoir être troublé par la moindre imprévisibilité ou le moindre changement de direction. Dans les questions de cours, pour peu qu’on les présente autrement, il ne le suivra plus!

J’apprécie, comme citoyen libre – avec ses choix qui relèvent du for intérieur et sa curiosité qui l’autorise à papillonner de parti en parti -, d’avoir le droit de projeter sur une réalité complexe un regard d’un analyste au petit pied. Je ne me pousse pas du col mais c’est mon col.

Le RN n’a pas encore gagné en 2027…

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