La vérité est dehors…

Dans son dernier livre, passionnant et empreint de nostalgie, Franz-Olivier Giesbert dresse un magnifique portrait de Giacometti, saisissant de vérité et d’admiration. L’artiste y formule quelques injonctions – comme, par exemple, celle de ne ressembler à personne, de suivre son seul chemin – et livre des pensées, notamment celle-ci, qui me semble d’une justesse absolue : « L’idéologie vous enferme, la vérité est toujours dehors ».

Cette réflexion montre admirablement que, pour la liberté de l’esprit comme pour beaucoup d’autres aspects de la vie , ce qui compte avant tout, c’est la distinction entre le dedans et le dehors.
Et, en ce qui concerne la liberté de l’esprit, le danger consiste à se replier sur soi-même, tandis que le salut réside dans l’ouverture vers l’extérieur, dans la capacité à s’oublier soi-même.

L’idéologie est alors exactement ce qu’on préfère garder en soi pour n’avoir jamais à la discuter, puisqu’elle se réduit à un dialogue entre soi et soi, qui ne supporte l’immixtion d’aucun élément extérieur qui viendrait bousculer ce confort, cette tranquillité.

Alors que la vérité est dehors, dans l’ouverture de toutes les portes, dans les curiosités infinies, dans le désir de se colleter avec les contradictions stimulantes qui résultent des mille façons d’appréhender et d’interpréter un réel qu’il ne convient jamais de réduire à une part, mais que l’honnêteté commande d’embrasser tout entier.

Cette extériorité implique l’obligation de fuir son pré carré intime et univoque pour accepter de se livrer, de s’affronter à ce qui pourrait le bouleverser. Le devoir d’être capable de penser contre soi-même n’est que la traduction de cet impératif : aller dehors, mais à l’intérieur de soi.

La vérité qui est dehors, c’est aussi l’appel que reçoit tout esprit bien né et auquel il répond en se tournant vers autrui pour penser autrement, pour accueillir, écouter, s’enrichir. Car, contre tous les conformismes et les frilosités du dialogue avec soi ou de l’entre-soi, c’est à l’air libre, dans le pluralisme, que peut et que doit se forger une conviction. Où la vérité saura éclore.

Cette affirmation de Giacometti paraît si lucide qu’elle a la force, la couleur d’une évidence. Elle est presque difficile à commenter ou à illustrer, tant elle porte en elle une charge explosive : celle de la vérité qui est dehors, quand l’idéologie, au-dedans de vous, empêche votre libération.

La première, salubre, ne connaît que les grands espaces ; la seconde vous étouffe.

Sur ce plan, on ne peut que vouloir être un homme d’extérieur.

Un homme d’intérieur a des qualités, mais pour l’esprit, il est défaillant.

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Voir les Commentaires (21)
  1. On bavarde, toutes portes ouvertes : « Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà », oui, sans doute, cette seule phrase, qui dit tout le drame intérieur mais ne donne pas de satisfecit au monde extérieur.
    « Vous m’avez fait, Seigneur, puissant et solitaire, laissez-moi m’endormir… », suppliait ce grand voyageur, vainqueur des eaux extérieures et protégé du monde des fêtards par la clôture des nuées, dont la dissipation montrera l’inconstance de l’extérieur et le bris de la parole, pour une reformation dont l’ambiguïté repose sur son inspiration, symptôme de la confrontation de la pensée avec son intériorité et non sa publicité.

    Pour vaincre ses démons, encore faut-il apprendre à les connaître ; et après le monde, « comme cestuy-là qui conquit la toison, puis s’en est retourné plein d’usage et raison… », la maison est peuplée des Amériques oubliées et « il n’est de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé », comme il n’est de perversion morale dont la méditation — loin de la lecture d’un bulletin d’État — ne vienne à bout.
    « Bien sûr, gémir, pleurer, prier est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche, dans la voie où le sort a voulu t’appeler. » Mais rien n’appelle l’autre à combler tes erreurs, comme rien n’oblige à céder aux autres. Tout le monde obéissant concourt à suspecter la solitude, qui est « une réalité inévitable de la vie » et une « opportunité pour la contemplation et la créativité ».

    Encore faut-il que les bases de la recherche ne soient pas faussées. Ainsi, l’information d’État, partout et ailleurs, va d’une liberté châtrée par les serviteurs cyniques de la chose publique — et c’est la dictature — à l’obéissance stipendiée, comme dans le beau pays de France. Que « la liberté consiste à passer par où on doit passer, mais en sachant pourquoi on y passe » n’est même plus vrai, puisque le monde extérieur ne vous apprend plus à penser, mais à suivre une pensée idéologique qu’on se plaît à combattre, et dont on infecte les esprits dépendants ou payés.

    N’y a-t-il pas un piège à ouvrir sa fenêtre aux muezzins qui répètent ad nauseam la même antienne, riches de leurs maîtres et jaloux de l’échange jusqu’à en nier les signes qui ornent les croisées des chemins et soulèvent la colère de la population, laquelle trouve sa raison d’exister dans la confrontation intime avec le sacrifice ?
    Les fonds idéologiques sont surtout à l’extérieur et viennent brider notre propre pensée, celle qui, au fond de nous, permet de résister aux vapeurs méphitiques de l’asservissement public, zélote de toutes les voies de la corruption, jusqu’à la négation de la pensée dissidente.

    La liberté publique, c’est celle qui varie, qui souffre de la coercition : qui n’a pas été férocement anticommuniste dans les années 1950 ne sait pas ce qu’était la lutte pour faire survivre la pensée — contre les chrétiens même, ou du moins leurs ministres — humiliée par les génies existentialistes, les phénoménologies travesties, assassinée par l’extérieur à genoux devant le pire criminel politique, l’empereur du cynisme, qui souhaitait même la mort de ses thuriféraires.
    On emprisonne Sarkozy — ça se discute. On a craché sur le visage de Staline mort. C’était aussi le temps des silhouettes déstructurées, venues de l’extérieur.

  2. « La vérité qui est dehors, c’est aussi l’appel que reçoit tout esprit bien né et auquel il répond en se tournant vers autrui pour penser autrement, pour accueillir, écouter, s’enrichir. Car, contre tous les conformismes et les frilosités du dialogue avec soi ou de l’entre-soi, c’est à l’air libre, dans le pluralisme, que peut et que doit se forger une conviction. Où la vérité saura éclore. » (PB)

    Cher monsieur Bilger, il serait trop long de reprendre chaque phrase de votre texte, mais, pour faire court, vous semblez confondre la Vérité, parfaite et unique (*), qui existe non pas en dehors mais au-dessus de nous, qu’il s’agisse de soi ou d’autrui, et la connaissance imparfaite, parcellaire et approximative que nous pouvons éventuellement en acquérir.

    Quant au fait de prétendre que la vérité jaillirait de la confrontation des idées, éventuellement guidée, voire conditionnée, par des esprits « éclairés » plus ou moins bien intentionnés, il s’agit d’une vaste fumisterie.

    On répondra à cela que ce système est, par exemple, employé dans les jurys d’assises, mais ne confondons pas la proclamation d’une opinion collective, fût-elle archifausse, et la décision plus ou moins heureuse d’une assemblée — ce qui est d’ailleurs le principe retenu dans les démocraties, quel que soit le niveau de qualité et de confiance qu’on peut leur accorder, avec trop souvent des résultats désastreux.

    Au contraire, dans bien des cas, le solitaire — au moins au sens intellectuel —, qui vit autant que possible à l’écart du tintamarre médiatique et de ses narratifs toxiques, est doté d’un sain pouvoir de réflexion, non contaminé par les scories extérieures et les consignes d’un panurgisme totalitaire, le rendant capable non pas de prétendre qu’il posséderait la vérité, mais au moins, en procédant par élimination, de discerner ce qui n’en relève pas du tout ou ce qui n’est que le fruit d’une opération de manipulation d’opinion.

    « L’idéologie est alors exactement ce qu’on préfère garder en soi pour n’avoir jamais à la discuter, puisqu’elle se réduit à un dialogue entre soi et soi, qui ne supporte l’immixtion d’aucun élément extérieur qui viendrait bousculer ce confort, cette tranquillité. » (PB)

    Donc, puisqu’en France la justice est fortement imprégnée d’idéologie, la vérité judiciaire reflète-t-elle nécessairement la Vérité — surtout quand le temps qui s’écoule nous livre de multiples exemples qui démontrent le contraire, par exemple à propos de certains jugements prononcés à l’encontre de lanceurs d’alerte qui ont seulement eu le tort d’avoir eu raison trop tôt ?

    (*) Même si les tentatives humaines de l’approcher sont diverses.

  3. Alberto Giacometti, sculpteur et peintre aux talents multiples. Tellement torturé et perfectionniste dans ses œuvres, à la fois filiformes et couvertes de cicatrices, qui s’élançaient vers le ciel, la lumière, la liberté !
    On le devinait sans limites dans sa recherche et son ascension !

    À la Galerie et à la Fondation Maeght, où j’ai travaillé quelque temps durant ma prime jeunesse, juste après sa mort, il régnait en maître aux côtés d’autres artistes tels que Chagall, Miró, Calder, Kandinsky… Et jusque dans Derrière le Miroir, une revue d’art raffinée éditée par Maeght, dont j’ai gardé précieusement quelques numéros. Derrière le Miroir, un titre qui lui allait si bien !

  4. Xavier NEBOUT

    Et si nous commencions par la vérité des mots ?
    L’Esprit, c’est es-pri, ce qui prime sur tout — et notamment sur le temps et l’espace. C’est par l’Esprit que le radiesthésiste dessine à distance les réseaux telluriques d’un lieu, ou qu’un voyant révèle l’histoire de l’objet qu’on lui a confié. Et c’est pourquoi, tant la République que l’Église séculière interdisent qu’on comprenne quelque chose à la spiritualité. Dès lors, on entretient une confusion avec l’intention, qui, elle, vient du subconscient.

    Ceci dit, l’Esprit n’est ni dehors ni dedans, puisqu’en lui il n’y a ni espace ni distance ; mais on peut en entendre des échos venant du dehors…

  5. À mon avis, la xénophobie ne distingue pas davantage la bourgeoisie qu’elle n’est à l’origine de son expansion. En principe, les communautés sont assez fermées, qu’il s’agisse des villages à toutes les époques ou des peuples. On prend la xénophobie de haut, comme si elle était une inadaptation, mais non. Le Japon, puis la Chine, ont été très malheureusement obligés de s’ouvrir au commerce, comme si les pays n’étaient jamais que des caravansérails. Ils prennent à présent leur revanche, ce qui peut se faire de façon digne — le Japon — ou indigne : la Chine est une dictature dont le produit emblématique, l’originalité de l’offre, est une poupée à caractère pédophile.

    À l’inverse, les Indiens, qui avaient bien accueilli les Blancs — par Thanksgiving ! — ne représentent plus qu’un pour cent de la population et ne pourront jamais retrouver l’espace qui était le leur en Amérique. Ils avaient en face d’eux une technologie extrêmement supérieure, des virus, et la bonté d’accueillir les étrangers : trois handicaps aussi considérables ont de quoi vous envoyer dans le caniveau. Ils doivent nous servir d’avertissement, à nous, face à l’immigration musulmane, où l’on nous rend le mal pour le bien. Des intrus peuvent fort bien se montrer ingrats, et il faut réagir.

    Outre le sort de ces malheureux, rappelons-nous que La Fontaine met en garde contre tous les sournois profitant de l’accueil des autres :

    https://www.ruedesfables.net/la-lice-et-sa-compagne/

    D’aucuns prétendent les Indiens plus bêtes que nous. On peut en douter : quand ils ont connu les Blancs, ils ont tenté de résister à leurs menées. Et nous ? Nous ne réagissons pas face à des musulmans innovant en cela : premiers des immigrés à agir ainsi chez nous, certains nous rendent le mal pour le bien. Pas tous, certes — et alors ? Les minorités chrétiennes et totalitaires n’étaient jamais que des minorités lorsqu’elles se sont arrogé le pouvoir.

    Non, nous ne sommes pas plus intelligents que les Indiens ; c’est le contraire : ils ont fait ce qu’ils ont pu, bien que peu nombreux et broyés par la supériorité technologique et les virus ! Tandis que nous, nous nous accrochons à des mythes démentis, tels que : les majorités font l’Histoire, ou que l’on peut intégrer n’importe qui venu de n’importe quelle origine, comme si nous étions des alchimistes transformant le plomb en or. C’est bien évidemment faux : l’or a toujours été transformé en plomb. En vérité, on est passé de la religion romaine, de liberté, au monothéisme se caractérisant par la guerre religieuse et l’Inquisition, préfigurant la guerre idéologique et la police politique.

    Nous avons tellement l’habitude de croire que nous avons gagné quand nous avons perdu que nous sommes éhontément optimistes — malgré nos jérémiades — en France. Vaniteux ! Nous étions sous la botte nazie : nous ne l’avons pas ôtée d’un bon coup de pied ; les Alliés ont débarqué, et nous n’avons jamais chassé de chez nous que les Américains avec US go home.

    Et la religion n’a pas été empreinte de libéralisme, comme dans les pays anglo-saxons : le trône, l’autel et la Révolution ont tous tenté d’imposer un pouvoir aussi absolu que possible — et bien plus considérable qu’au-delà de nos finistères. Cela a tendance à donner aux Français des manières autoritaires, mais peu efficaces : l’Ancien Régime a fini dans les dettes, et la Révolution, dans le sang ; la liberté, entre les deux, intermittente et vue de haut, avec l’inénarrable : « la liberté, pour quoi faire ? ».

    Donnez de l’argent à quelqu’un, il ne vous dira pas cela ! Mais bien des Français font la fine bouche devant ce qu’ils font profession de défendre. Étonnez-vous qu’un peuple si perdu coure à sa perte en accueillant ceux qui conspirent à sa perte !

  6. Vérité… Idéologie… Liberté de l’esprit…
    La lutte entre elles, ouverte depuis des siècles — et sans vainqueur possible — n’est-elle pas aujourd’hui exacerbée par la réalité de notre monde, dans lequel le sens critique paraît parfois totalement absent, la doctrine à géométrie variable et l’infox plus puissante que l’info ?

    Comme notre hôte, on ne peut que regretter cet état de fait et appeler, non à un relativisme paresseux, encore moins à un compromis imposé, mais à une prise de conscience : le seul moyen dont dispose l’humanité pour vivre dans des sociétés apaisées est que chacun, quel que soit le sujet débattu, ne se confine pas dans sa tour d’ivoire, refusant d’humer l’air extérieur qui — malheur ! — pourrait lui paraître agréable.
    En refusant aussi toute incursion d’un semblable dans l’univers qu’il s’est construit, à partir de son vécu, de son expérience personnelle, mais aussi d’a priori et de dogmes.

    Malheureusement, tout indique qu’à court et moyen terme, rien ne changera, tant les diverses planètes à aligner sont différentes les unes des autres. Même si elles évoluent dans le temps, les idéologies d’hier perdureront et d’autres se créeront, le wokisme étant la dernière en date, après le mondialisme.
    Elles continueront longtemps encore à pénétrer les esprits, à annihiler toute réflexion dissidente, aidées désormais par des moyens d’information de plus en plus invasifs, mais aussi par l’échec gigantesque du pare-feu que devrait constituer une éducation dotant les jeunes générations d’un cerveau différent de celui des moutons de Panurge.

    Quant à la vérité, hormis dans les sociétés dans lesquelles l’homme est asservi, elle n’est, par nature, jamais unique. En réalité, personne ne détient la même vérité. Qu’il s’agisse de décrire un événement ou de débattre d’un point de vue, des nuances apparaissent toujours — si ce ne sont pas des contradictions.
    Y compris au sein d’un même courant de pensée, ces vérités multiples — chacune d’elles étant aussi respectable que les autres — divisent jusqu’à former des camps qui ne se parlent plus.
    L’inverse se produit également : il arrive que des « ennemis » d’hier, par exemple, votent le même texte…

    Il resterait à espérer que, devant les conséquences délétères des affrontements provoqués par ces face-à-face de plus en plus fréquents à tous les niveaux — des rodomontades des nouveaux « empereurs » aux querelles de voisinage, des actes antisémites aux guet-apens contre la police —, quelques-uns se lèvent et tentent de calmer le jeu en injectant un peu de bon sens, un peu de pragmatisme, un peu de tolérance dans un monde qui, pour l’instant, se satisfait davantage de la division que de l’entente.

    Hélas, en France, aucune personnalité ne semble pouvoir tenir ce rôle — le pire étant que celui qui, en 2017, se disait apte, et même né, pour cette mission, s’est révélé être le principal fauteur de troubles…
    D’ici peu, si rien ne bouge, nous tomberons dans un gouffre encore plus dangereux que celui dont nous sommes déjà si proches en matière d’économie.

  7. Michel Deluré

    « L’idéologie vous enferme, la vérité est toujours dehors. »

    L’idéologie est en fait une dictature qui nous enferme dans un système d’idées, dans un ensemble de doctrines, là où la recherche de la vérité exige tout au contraire ouverture d’esprit, écoute de l’autre, conditions indispensables pour nourrir notre réflexion et accéder au savoir.

    L’idéologie aveugle, au point de conduire parfois au déni de réalité qui n’ôte pour autant rien à la vérité des faits. Le spectacle offert en ce moment par nos députés en constitue malheureusement une triste illustration.

    Spinoza avait raison lorsqu’il affirmait : « Une chose ne cesse pas d’être vraie, du fait qu’elle n’est pas acceptée par beaucoup. »

  8. Cher Philippe Bilger,

    Vous parlez d’or, et tout esprit honnête se doit de reconnaître que vous montrez admirablement l’exemple ; c’est même l’une de vos caractéristiques majeures, et c’est pourquoi je vous lis depuis que je vous ai découvert il y a quelques années.

    Il vous arrive néanmoins quelquefois sur le terrain politique – mais vous ne le reconnaîtrez pas – d’enfourcher farouchement quelques chevaux de bataille électoraux, en faisant au passage une entorse légère et passagère à cette règle de pensée.

    Je pense aussi à cette autre incarnation de cette « pensée libre », (du nom de cette nouvelle collection Fayard qui vient de publier le même jour les excellents ouvrages de GWG, du Z et de Naulleau) en la personne d’Alain Finkielkraut, que je lis et écoute depuis quarante-cinq ans.

    « La vérité qui est dehors, c’est aussi l’appel que reçoit tout esprit bien né et auquel il répond en se tournant vers autrui pour penser autrement, pour accueillir, écouter, s’enrichir. » (PB)

    On peut regretter que ce tour d’esprit soit si peu présent sur le plateau de l’Heure des pros, peu enclin à accueillir sans condescendance des pensées différentes, et encore moins chez son animateur, quasi obsédé à se conforter dans ses a priori.

    Cette incapacité à penser hors de soi-même est aussi et surtout la marque de fabrique de la gauche française, fossilisée par sa Supériorité Morale Satisfaite (cf. Kundera), et qui fait mécaniquement passer le réel sous les fourches caudines de son idéologie rousseauiste, droits-de-l’hommiste, wokiste, immigrationniste et victimaire.

    On ne pourra pas non plus oublier le lien évident entre cette incapacité de plus en généralisée à penser hors de soi-même et la déculturation qui appauvrit notre esprit comme peau de chagrin depuis cinquante ans déjà. Responsable, d’abord notre école, autrefois source de culture et d’ouverture, qui abrutit aujourd’hui les jeunes esprits dans la morale progressiste et contestataire. Les réseaux sociaux, qui sont comme la langue d’Esope la meilleure et la pire des choses, contribuent également à embrigader leurs utilisateurs dans leur mode de pensée et leurs croyances.

    Last but not least, la plupart des médias nationaux et régionaux, qui transforment allègrement l’information et le commentaire en catéchisme progressiste, ne contribuent pas non plus à secouer le citoyen et à l’inciter à penser hors du deux-pièces-cuisine de son mental.

  9. Xavier NEBOUT

    Les âmes des morts n’habitent plus les cimetières. Souvent, elles se manifestent dans des songes, sous la forme d’une effigie, pour rassurer leurs descendants, mais on n’ose pas en parler.

    Il est d’usage de déposer des fleurs sur les tombes ou d’y entretenir une flamme, pour les aider à ne pas y retourner.
    En Inde, on brûle les corps, ailleurs, on les donne à manger aux vautours.

    La spiritualité étant devenue de fait, interdite, tant par la pègre de la République que par les cancres de l’Église séculière, le silence règne sur ce sujet.

    Osons dire que nous pensons souvent à nos morts dans le secret de nos coeurs.

  10. Un billet sur la vérité avec une illustration qui est une photo de FOG à la façon du Studio Harcourt des belles années d’autrefois !
    FOG ne ressemble plus à cette photo d’un passé révolu, hélas pour lui comme pour nous.

    Mais c’est une belle illustration de la vanité de ce que l’on croit être la vérité.
    Tout le monde connaît l’aphorisme géographique : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ».
    La photo nous en donne une version temporelle : « Vérité en un certain temps, erreur bien après ! »

    Une fois de plus, j’ai côtoyé une vérité que je n’ai pas comprise. Je me suis cru perdu, j’ai cru toucher le fond du désespoir et, une fois le renoncement accepté, j’ai connu la paix.
    Il semble à ces heures-là que l’on se découvre soi-même et que l’on devienne son propre ami.

    C’est beau n’est-ce pas ?
    Ce n’est pas de moi, évidemment, c’est de Saint-Exupéry.
    Comme je me doute que chacun irait de sa petite citation, ça a déjà commencé, j’ai voulu participer au bal.

  11. « L’idéologie vous enferme, la vérité est toujours dehors ». (FOG)

    Encore un écrivain narcissique qui nous joue les philosophes de comptoir et serait bien inspiré d’appliquer ses préceptes à lui-même.

    SA vérité il la puise dans ses certitudes clairement partisanes et l’assène devant les micros complaisants, avec la fatuité qui le caractérise, mais certainement pas s’aventurant au-delà du périphérique de ses convictions.
    Ses diatribes incessantes contre Emmanuel Macron dénoncent une violente aigreur due au fait que « le Prince » ne s’intéresse pas à lui. Situation inadmissible pour quelqu’un qui a une haute opinion de lui-même.
    En fait il s’autorise à dénigrer quiconque ne manifeste pas de l’admiration à son égard. C’est le côté grotesque des mégalos.

    J’ai lu plusieurs ouvrages de FOG, il a une bonne plume, mais c’est un personnage fantasque très imbu de lui-même et à ce titre parfaitement détestable.

    1. revnonausujai

      « mais c’est un personnage fantasque très imbu de lui-même et à ce titre parfaitement détestable. »

      En moins de vingt mots, la critique la plus percutante de Macron qui soit ; bravo !

      1. Tous les présidents de la République de la Ve République ont la réputation d’être arrogants, depuis le Général jusqu’à Emmanuel Macron. Aucun ne fait exception.

        C’est un peu la fonction qui veut ça : prendre des décisions graves qui engagent le pays, sachant que la moindre petite erreur ne lui sera pas pardonnée, rencontrer les chefs d’État et de gouvernement du monde entier, représenter la France lors des divers événements nationaux et internationaux, affronter une opposition qui a une attitude systématiquement négative à votre égard – sans, évidemment, être en mesure d’apporter des solutions pertinentes à vos propositions.

        Le Président est à la merci de tous les exaltés des médias : humoristes sans inspiration, journalistes qui n’ont trouvé que la provocation pour que le public s’intéresse à eux, personnalités politiques en fin de parcours et qui n’ont plus que les plateaux télé pour se rappeler à notre bon (ou mauvais) souvenir.
        Et puis aujourd’hui, il y a les réseaux sociaux avec leurs fake news, la propagande d’officines séditieuses dont le but avéré est de semer la zizanie dans le pays.
        Non FOG n’est pas tout seul, il fait partie d’une meute d’enragés dont la liste serait trop longue à énumérer.

        1. Olivier Seutet

          « C’est un homme de grippe, de fantaisie, d’impétuosité successive, qui n’a aucune suite dans l’esprit, que pour les trames, les brigues, les pièges, les mines qu’il creuse et qu’il fait jouer sous ses pieds. »
          Trouvé dans un réseau social du début du XVIIIe. L’auteur (un enragé de l’époque) en a écrit deux pleines pages savoureuses sur ce genre de personnalité creuse et banale.

    2. Apparemment, vous vous êtes trompé de cible.
      FOG est capable de telles envolées, mais celle-là est de Giacometti…

      « L’idéologie vous enferme, la vérité est toujours dehors », écrit-il.
      Avez-vous remarqué le « vous » ? Il sait que lui n’est pas atteint, ne peut pas être atteint par ce mal qu’est l’idéologie, nécessairement porteuse de sectarisme…

      C’est pourtant bien lui qui a dit :
      « Dans un incendie, entre un Rembrandt et un chat, je sauverais le chat. »
      Bon, disons qu’il était un ami des animaux…

      P.-S. : Je partage en tous points votre point de vue sur FOG. Mais, en ce qui me concerne, je n’ai pas eu à le lire pour forger mon opinion.

      1. Je pense qu’un non-professionnel du feu n’a guère le loisir de choisir ce qu’il sauve dans un incendie. Il prend ce qu’il peut saisir dans la hâte.
        Sinon, il faut chérir quelqu’un à un point extrême pour aller le chercher loin dans le feu — plein de courage, et aussi de cette insensibilité nécessaire à tout ce qui se trouve sur le chemin, afin d’atteindre l’être aimé.

    3. D’accord avec ce que vous dites, FOG ne regarde que son nombril, et voudrait que tous contemplent sa personne. Il ne cesse de toujours ramener à lui ses interlocuteurs. La plume ne fait pas tout, le talent est sûrement ailleurs.

  12. Marc Ghinsberg

    À propos d’idéologie, j’aime beaucoup cette formule de Barthes dans *Mythologies* : « Ces biens bourgeois que sont par exemple la messe du dimanche, la xénophobie, le bifteck-frites et le comique de cocuage, bref ce qu’on appelle une idéologie. »

    Dans son livre, Franz-Olivier Giesbert cite Condorcet : « La vérité appartient à ceux qui la cherchent et non à ceux qui prétendent la détenir. »
    Une maxime qui mériterait d’être méditée par tous les toutologues qui pullulent sur les plateaux des talk-shows.

    1. Robert Marchenoir

      « À propos d’idéologie, j’aime beaucoup cette formule de Barthes dans Mythologies : « Ces biens bourgeois que sont par exemple la messe du dimanche, la xénophobie, le bifteck-frites et le comique de cocuage, bref ce qu’on appelle une idéologie. » »

      Voilà un auteur qui a fort mal vieilli. Mythologies est typiquement le livre à succès éphémère que la postérité oubliera. Roland Barthes, c’est le Michel Onfray des années 60.

      Tout est faux et ridicule dans la phrase que vous citez. Ni la messe du dimanche, ni la xénophobie, ni le bifteck-frites, ni le comique de cocuage ne sont des biens.

      Rien de tout cela n’est « bourgeois ». La messe du dimanche réunit aussi bien les « ouvriers » que les « aristocrates » et les « bourgeois » (c’est bien ce qui dérange les communistes d’atmosphère tels que Roland Barthes). La xénophobie est présente dans toutes les classes sociales (même si les soi-disant « dictateurs du prolétariat » de 1957 se prétendaient amoureux du monde entier). Je n’ai jamais entendu dire que les « ouvriers » crachaient sur le steack-frites, bien au contraire : soixante ans plus tard, le chef du Parti communiste le brandit en étendard. Passons sur le comique de cocuage, qui concernait d’assez loin l’auteur en raison de ses moeurs.

      Et bien entendu rien de tout cela ne constitue une idéologie, même si des fats prétentieux genre Roland Barthes font profession de saboter le sens des mots.

      1. Marc Ghinsberg

        Cher Marchenoir, quel plaisir de vous voir brandir l’étendard du bifteck-frites comme un prolétaire en colère. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi vous n’avez rien compris au propos de Barthes.

        1. « Ce ne sont pas des biens »
        Vous avez raison : une messe, une xénophobie ou un comique de cocuage ne se vendent pas chez Carrefour. Mais Barthes ne parle pas de « marchandises », il parle de « biens symboliques ». Un « bien bourgeois », c’est ce que les dominants vivent comme une évidence allant de soi, pas comme un objet à acheter.
        La messe du dimanche ? Un « rituel de légitimation sociale » qui transforme l’ordre divin en ordre social. Le bifteck-frites ? Un totem de la francité virile, pas un simple aliment. Vous confondez le signifié (le steak) avec le mythe (la France qui mange sa force).

        2. « Rien de tout ça n’est bourgeois »
        Vous nous faites de la sociologie de comptoir : « Les ouvriers aussi vont à la messe ! »
        Oui, et c’est précisément le génie du mythe bourgeois : il s’étend à toutes les classes.
        – La messe ? Pas un privilège de classe, mais un dispositif idéologique qui fait passer l’inégalité pour providence divine.
        – Le bifteck-frites ? Pas réservé aux bourgeois, mais mythifié comme essence nationale.
        – La xénophobie ? Pas une « maladie populaire », mais un outil de distinction recyclé par tous les dominants (y compris les « dictateurs du prolétariat », comme vous dites. Barthes aurait applaudi votre perspicacité.

        3. « Rien de tout ça n’est une idéologie »
        L’idéologie, ce n’est pas un manuel du PCF. L’idéologie, c’est faire croire que ce qui est inventé par les hommes est naturel et éternel.

        4. « Barthes a mal vieilli « 
        Dites plutôt : vous l’avez mal lu.
        Pendant que vous brandissez votre steak comme un drapeau, Barthes dissèque la pub pour le lait, les détergents, les voitures, et devinez quoi ? Tout ça est plus vrai que jamais.
        Instagram, le bio de supermarché, le « made in France » de Le Pen, le « self-care » des influenceuses : même mécanisme. Même naturalisation. Même mythologie.

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