Entretien avec Pascal Garbarini

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  1. Connaissant bien Me Garbarini, je me permets de le trouver moins bon à la radio qu’en situation professionnelle, mais ceci ne concerne que l’élocution où il est victime d’un défaut courant : buter sur les « que » et les « je » qui sont les moments d’articulation du discours, mais c’est presque un plaisir d’en faire la remarque, tant elle est mineure par rapport au contenu de l’interrogation par notre hôte.

    Certes, pour un professionnel, il n’y a pas de surprise, mais, tout de même, au niveau d’exercice de cet avocat, la confrontation avec la vérité est un tourment difficilement évacué en raison même du moment où elle s’exprime. La sévérité de l’instruction, qui confronte une recherche dont l’esquive permet tous les coups. C’est une épine pour le défenseur qui sait très bien qu’en face de lui, il a un juge de la construction criminelle où le défaut de fabrication sera exploité à l’audience : l’attitude du défenseur est donc, tout à la fois, d’utiliser les malfaçons de l’enquête ou l’interrogatoire par le juge d’instruction, mais sans jamais les relever en tant qu’erreur, réservant ce tonnerre à l’audience.

    C’est un jeu subtil où le silence est capital. Les avocats sont souvent compromis par un client agité ou simple et la préparation avec de la phase procédurale avec la personne en cause devient alors une véritable leçon de choses. Me G. a bien occulté cette phase, d’où peut-être ses hésitations conjoncturelles.
    Hélas, son opinion sur l’organisation primordiale de l’exercice de la profession démontre un effondrement de l’enseignement magistral, qu’une I.A. n’est pas susceptible de remplacer, mais on peut craindre un laisser-aller, notamment dans la nécessaire probité intellectuelle et sociale devant des sollicitations souvent pressantes.

    En bref, une excellente leçon de sciences humaines dans laquelle P.B. a, de façon parfois surprenante, placé des questions à un moment inattendu, rompant le rythme de l’échange et testant les réflexes intellectuels de son interlocuteur. Très bien. Un bon moment.

  2. Maître Garbarini, d’évidence, ni dans son expression ni dans sa gestuelle, n’est un « baveux »… Mais c’est un « taiseux » qui prend son temps pour, d’abord, en silence, étudier la question, puis y répondre avec ce qu’il faut de lenteur pour peser ses mots. Rien n’est laissé au hasard… Le vocabulaire est choisi avec élégance, la phrase ciselée pour être forte, et le propos sans la moindre négligence qui le rendrait quelconque.

    Il est probable qu’en sortant du studio, en son for intérieur, Maître Garbarini se soit dit qu’il avait été « bon ». Questionné par un magistrat de la même trempe que lui, il avait en effet plaidé sa cause avec la conviction que permet la sincérité. Même si celle-ci, quelquefois, dans son cas, est à double facette…

    Être corse, il est vrai, ne rend pas la chose aisée quand la question de la nationalité est posée. Fier d’être corse, fier d’être français, assure-t-il… tout en rappelant — le regret est perceptible — que son île et ses habitants ont été rattachés de force à la France. Pourrait-on dire que le cœur et la raison lui commandent d’être « totalement français », mais que sa culture corse lui ordonne d’être aussi « authentiquement corse » ?

    En tout cas, les nationalistes ont eu en cet avocat un rempart efficace tant, dans les prétoires, il a su défendre ceux qui, pourtant, ont employé la violence, parfois le crime, que, « citoyen », il est loin d’approuver.

    Sur ce point aussi, son discours fait apparaître une sincérité complexe, mais recevable néanmoins, parce qu’elle est basée sur un principe respectable : pour accepter un dossier, Maître Garbarini doit d’abord être convaincu que son potentiel client lui dit la vérité. Cette attitude, parmi les robes noires d’aujourd’hui, est suffisamment rare pour lui accorder la distinction de « grand avocat », honneur qu’il refuse sans fausse humilité.

    Bien sûr, il n’est pas parvenu à me faire changer d’opinion sur Yvan Colonna, qui a commis l’irréparable pour la Corse : tuer son préfet. Mais, sans contester outre mesure la vérité judiciaire, qui fait définitivement du berger un assassin, comme lors du procès, il a su nuancer son image, non en argumentant sur les faits et les proclamations d’innocence du berger, mais en affirmant sa conviction qu’au-delà de l’horreur de son crime, tout accusé possède une part d’humanité… Et ce n’est pas notre hôte qui le contredira, lui qui, sa carrière durant, dans son bureau ou de l’autre côté du prétoire, a eu cette même exigence de recherche de celle-ci pour mesurer au trébuchet la sentence qu’il allait prendre ou réclamer.

    L’un des passages les plus forts de l’entretien réside d’ailleurs dans l’hommage que Maître Garbarini rend aux magistrats, qui ont à « décider », dit-il, quand les avocats, eux, n’ont qu’à choisir de plaider ou pas. Encore une fois, le voici à contrecourant de nombre de ses confrères d’aujourd’hui, et même d’un trop célèbre « ténor » qui a construit sa réputation sur son mépris affiché des juges. Un détail à propos de ce personnage : selon moi, pas plus que Philippe n’avait à lui donner du « formidable », la confraternité ne l’obligeait à le trouver « extraordinaire »… Oublions cela, il s’est bien rattrapé en hachant menu le « ministre », aujourd’hui déchu et oublié.

    L’entretien est dense. J’arrêterai là de le commenter. Mais je ne peux passer sous silence sa valeur pédagogique. En termes simples, par des injonctions précises, Maître Garbarini offre un cours pratique bienvenu à tous ceux qui envisagent de « passer le barreau ». Pour beaucoup, ces règles à respecter, qu’elles soient comportementales ou déontologiques, ne relèvent que du bon sens. Pourtant, aujourd’hui, elles sont souvent ignorées, sinon bafouées, par des avocaillons, à peine sortis d’une formation professionnelle pourtant exigeante. Peut-être faudrait-il, comme Maître Garbarini le suggère en creux, revenir à la pratique du stage — de trois à sept ans — et du maître de stage…

    Une proposition qui pourrait s’appliquer également à d’autres métiers, eux aussi nécessaires à la bonne marche de notre société… le journalisme notamment, dont les dérives se multiplient, au risque de faire ressembler certains « encartés » aux internautes qui s’épanchent sans retenue aucune sur les réseaux sociaux.

  3. Patrice Charoulet

    Merci, cher Philippe Bilger, de nous avoir offert cet entretien.
    J’ai écouté cet avocat avec intérêt.
    Il est très clair, très franc et sait instruire le néophyte.
    Son attachement à la Corse, à la boxe et à la chasse m’ont moins plu.

  4. Entretien très intéressant qui nous plonge dans le monde complexe et parfois sulfureux des avocats pénalistes. Impressionnant !

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