Ce n’est pas le séparatisme qui, sur le plan social, menace en enfermant chaque communauté dans sa sphère, avec les risques d’indifférence ou d’hostilité. Le séparatisme auquel renvoie mon titre est bien plus grave : il s’agit d’une volonté de séparatisme humain.
Certaines femmes ont décidé, très sérieusement, de pratiquer « la grève du sexe et la sobriété sentimentale » (Le Monde).
De l’autre côté, chez les hommes, un mouvement s’est constitué en s’appuyant sur un masculinisme autarcique et agressif. Avec pour point commun, dans l’une et l’autre démarche, la revendication d’une indépendance absolue et d’une libération, selon eux, de tout ce qu’une vie commune pouvait engendrer de négatif et d’asservissant.
Loin de moi l’idée de contester les difficultés d’une relation amoureuse : la dépendance, trop souvent féminine, dans le domaine de l’existence domestique ; les multiples entraves à la liberté des femmes, soumises la plupart du temps aux charges d’un double métier – professionnel et familial ; le sentiment de dépossession éprouvé par des hommes mal à l’aise face à un nouveau féminisme plus militant, du moins dans son expression ; les blessures infligées à une masculinité qui n’est plus toute-puissante et doit s’habituer, jour après jour, à partager le pouvoir…

Je ne vois pas, dans ce constat qui pourrait être élargi, de raison qui nous contraindrait à sortir, par des solutions radicales, des embarras, des bonheurs, des tensions et des surprises qu’offre la quotidienneté amoureuse. Il me semble, au contraire, que celle-ci se grandit quand elle devient le lieu et l’instrument d’une réflexion, d’une prise de conscience, d’une élaboration commune d’un modus vivendi acceptable pour la femme qui désire se libérer – mais en demeurant au sein du couple et de la famille – et pour l’homme qui aspire à ce qu’on lui laisse au moins l’illusion de son importance.
Quels outils plus remarquables, plus efficaces pour faciliter cette évolution, qui n’a pas besoin d’être une révolution, que précisément les moyens que ce nouveau séparatisme vise à éradiquer : le sentiment et le sexe ?
Les élans du cœur et du corps représentent le miracle d’une pédagogie réciproque, douce, subtile et persuasive. Rien ne me paraît plus dangereux – et dans la ligne trouble d’une société abandonnant la grâce, la tendresse, l’exaltation des mots, le désir d’aimer et d’être aimé, pour un extrémisme sec et sans joie – que ce séparatisme qui croit guérir par la dissociation quand il faudrait unir par la fusion, ou du moins par ce qui s’en rapproche le plus.
Pour ma part, je m’en tiendrai, si j’ose dire, à une politique où mes progrès seront inspirés par mon épouse et mes défaillances imputables à moi seul.
Une politique qui s’opposera à ce séparatisme austère et belliqueux.